abc revue générale Ann Biol Clin 2005 ; 63 (6) : 581-8 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Différentes approches de vaccination thérapeutique dans le traitement de l’infection par le VIH-1 M. Lazrek P.E. Lobert A. Goffard C. Schanen A. Dewilde L. Bocket D. Hober Service de virologie, UPRES EA 3610, CHRU de Lille <[email protected]> Résumé. L’infection par le VIH-1 est une pandémie majeure. L’introduction de multithérapies antirétrovirales a permis de réduire considérablement les taux de morbidité et de mortalité liés au virus. Ces traitements ne permettent néanmoins pas l’éradication du virus. Leur efficacité est notamment limitée par leur complexité, leur toxicité à long terme et l’apparition de mutations de résistance. La vaccination thérapeutique constitue une approche additionnelle pour le traitement de l’infection par le VIH-1. Elle vise à amplifier et renforcer les réponses immunitaires spécifiques anti-VIH. Différents immunogènes ont été testés dans divers schémas thérapeutiques. Cet article propose une revue des différentes stratégies adoptées pour la vaccination thérapeutique dans l’infection par le VIH-1. Mots clés : VIH, immunothérapie, vaccination Article reçu le 10 mai 2005, accepté le 11 août 2005 Abstract. HIV-1 infection is a major pandemic situation. With the advent of highly active antiretroviral therapy (HAART), morbidity and mortality associated with HIV-1 infection have been dramatically reduced. However, HAART does not enable eradication of the virus. The efficacy of these new regimens is limited by problems over long-term use such as toxicity and resistance. Therapeutic vaccination is an alternative approach to HIV-1 infection. The main aim is to boost and reinforce virus-specific host immune responses. Several immunogens and schedules of immunization have been tested. In this review, various strategies designed for therapeutic vaccines for HIV-1 infection are presented. Key words: HIV, immunotherapy, vaccination L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est une pandémie majeure. En 2004, l’Organisation mondiale de la santé a estimé que près de 40 millions de personnes étaient contaminées à travers le monde ; 5 millions étaient nouvellement infectées et 3 millions décédées suite à la maladie [1]. La multiplication continue du VIH dans les lymphocytes T CD4+ induit un déficit immunitaire progressif. La maladie aboutit inexorablement chez la majorité des patients au syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et au décès [2]. Un faible pourcentage de sujets infectés peut néanmoins maintenir un contrôle immunitaire efficace du virus pendant plus de 20 ans. Ces sujets sont qualifiés d’asymptomatiques à long terme [3]. Tirés à part : D. Hober Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 L’introduction en 1996 des multithérapies antirétrovirales actives (HAART) a été responsable d’un bouleversement du pronostic de l’infection. Ces traitements ont considérablement réduit la morbidité et la mortalité liées au VIH. Ils ne permettent néanmoins pas l’éradication du virus ni le rétablissement d’un fonctionnement complètement normal du système immunitaire [4]. Leur maintien à vie semble donc nécessaire pour contrôler la réplication virale. Toutefois, leur utilisation à long terme se heurte à de nombreux problèmes, liés notamment à leur toxicité, à l’apparition de mutations de résistance et aux problèmes d’observance. De plus, en raison de leur coût et de la complexité de leur surveillance, ces médicaments restent inaccessibles à la grande majorité des patients [5]. Ainsi, moins de 2 % des patients infectés par le VIH à travers le monde ont accès aux traitements anti-rétroviraux [3]. De nouvelles straté581 revue générale gies thérapeutiques sont donc nécessaires. Parmi celles-ci, l’immunothérapie spécifique ou vaccination thérapeutique constitue une approche innovante et additionnelle pour le traitement de l’infection par le VIH. réponses immunes cytotoxiques est la plus variable. De plus, il existe plusieurs sous-types du VIH-1 ainsi que des formes recombinantes [7, 8]. Pathogenèse de l’infection Structure et physiopathologie du VIH Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Structure du VIH (figure 1) L’enveloppe virale formée d’une double couche lipidique d’origine cellulaire, contient deux glycoprotéines associées : la gp120 extra-membranaire et la gp41 transmembranaire. La face interne de l’enveloppe est tapissée d’une couche protéique virale appelée matrice ou p17. La capside contient deux copies identiques d’ARN monocaténaire, ainsi que les enzymes virales : la transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase. Elle contient également deux protéines : la p24 protéine majeure de capside et la p7 protéine de nucléocapside [6]. Organisation génomique du VIH Le génome du VIH (figure 2) comporte trois gènes de structure gag, pol et env — codant respectivement les protéines internes, les trois enzymes virales et les glycoprotéines d’enveloppe — et 6 gènes régulateurs de la réplication virale : tat, rev, vif, nef, vpr et vpu [6]. Variabilité du VIH La variabilité du virus est très grande. Elle résulte des erreurs de copies effectuées par la transcriptase inverse lors de la réplication. Le virus existe chez les patients sous forme d’une multitude de variants (quasi-espèce). La variabilité n’est pas la même tout le long du génome. La région env qui code la gp120 et qui contient un épitope majeur de neutralisation ainsi que des déterminants de P17 matrice P24 capside P7 nucléocapside Capside ARN Intégrase RT / TI Transcriptase inverse Protéase Gp120 Gp41 Enveloppe 90 à 120 nm Figure 1. Structure du VIH. 582 L’infection par le VIH est une infection virale chronique avec une réplication continue au niveau du tissu lymphoïde. Le principal récepteur du VIH est la molécule CD4 présente sur les lymphocytes T CD4+ mais également à la surface d’autres cellules : monocytes sanguins, macrophages tissulaires et cellules dendritiques. La primo-infection s’accompagne d’une virémie massive et d’une diminution du nombre de lymphocytes T CD4+. La dissémination du virus dans les compartiments cellulaires cibles, lymphatiques et neurologiques en particulier, est très rapide. Dans plus de la moitié des cas, des manifestations cliniques accompagnent la primo-infection. Il peut s’agir de manifestations graves, notamment neurologiques : méningites et surtout encéphalites [9]. L’apparition d’une forte réponse des lymphocytes cytotoxiques T CD8+ permet de contrôler progressivement cette virémie [10]. La primo-infection est suivie d’une phase dite de latence clinique. Le virus persiste néanmoins à l’état infectieux dans les organes lymphoïdes (réservoirs) où il continue de se répliquer de manière chronique. Une détérioration qualitative du système immunitaire s’installe et évolue vers un déficit quantitatif sévère responsable des manifestations cliniques du sida [10]. Mécanismes immunologiques impliqués dans l’infection à VIH Déficit immunitaire induit par le VIH L’infection par le VIH est associée à des anomalies immunologiques qui apparaissent précocement dans l’histoire naturelle de l’infection [11]. Ainsi le déficit quantitatif des lymphocytes T CD4+, lié à l’effet direct du virus et à la destruction des cellules infectées par le système immunitaire, est précédé par l’existence d’anomalies fonctionnelles des lymphocytes T CD4+, T CD8+, des monocytes et des macrophages. L’infection par le VIH s’accompagne d’une dérégulation du réseau des cytokines et d’une modification de leur production. Cette dérégulation joue un rôle dans l’activation chronique du système immunitaire observée pendant toute l’évolution de l’infection et favorise l’apoptose (mort cellulaire programmée) et l’anergie des lymphocytes T [4, 11]. Restauration partielle du système immunitaire sous traitement antirétroviral L’administration d’une trithérapie antirétrovirale efficace est associée à une augmentation significative du taux des Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Vaccination thérapeutique et VIH-1 lymphocytes T CD4+ mémoires et CD4+ naïfs et à une restauration progressive et lente des fonctions lymphocytaires. La reconstitution immunitaire est marquée par une diminution des signes d’hyperactivation des lymphocytes T CD8+ et des lymphocytes T CD4+ ; la restauration de la réponse proliférative des lymphocytes aux antigènes de rappel et par une réduction de l’apoptose des lymphocytes T [4, 11]. Toutefois, sous traitement antirétroviral, la reconstitution immunitaire n’est jamais totale [11]. Le traitement permet une restauration des réponses immunes vis-à-vis des agents infectieux opportunistes mais les réponses immunes spécifiques anti-VIH sont rarement restaurées lorsque l’infection est traitée au stade chronique. Quand le traitement de l’infection par le VIH est instauré durant la phase aiguë, les lymphocytes T CD4+ auxiliaires spécifiques du VIH sont préservés de la destruction mais le développement des réponses CD8+ est limité [3]. Vaccin thérapeutique contre l’infection par le VIH Définition Le vaccin thérapeutique consiste à utiliser des préparations vaccinales pour induire ou amplifier les réponses immunitaires anti-VIH chez des patients infectés par le VIH. Il s’agit d’une immunothérapie spécifique. Il est conceptuellement différent du vaccin préventif qui a comme objectif d’empêcher l’infection [12]. Rationnel Le concept d’immunisation thérapeutique comme traitement du VIH a été proposé pour la première fois par Jonas Salk [13]. Ce dernier a suggéré que la longue période séparant la primo-infection VIH-1 et le développement du sida était due à une réponse immunitaire spécifique qui, si elle était renforcée réduirait la charge virale et ralentirait la progression de la maladie. En effet, un certain nombre d’observations cliniques et expérimentales suggèrent que le système immunitaire est capable de contrôler efficacement la réplication virale. Durant la primo-infection, la baisse de la charge virale est contemporaine de l’apparition d’une réponse immunitaire spécifique liée aux lymphocytes T CD4+ et CD8+ antiVIH. Ultérieurement, en l’absence de traitement antirétroviral, la réactivité anti-VIH des lymphocytes T CD4+ n’est plus détectée chez la majorité des patients. Elle persiste cependant chez les patients asymptomatiques à long terme où son rôle est évoqué dans le contrôle de la réplication virale. La persistance des lymphocytes T CD8+ antiVIH à réactivité polyépitopique est également associée à l’absence d’évolution du déficit immunitaire chez les patients non traités [3, 8]. L’intensité de la réponse T cytotoxique est plus forte chez les sujets asymptomatiques à long terme que chez les sujets qui progressent vers le déficit immunitaire. Des facteurs génétiques semblent également jouer un rôle dans ce phénomène de « non progression » [3, 14]. Chez les sujets non infectés malgré une exposition répétée sur plusieurs années au VIH-1, des lymphocytes T cytotoxiques anti-VIH circulants ou muqueux ont été mis en évidence [8, 11, 15]. Une délétion homozygote dans le gène codant un corécepteur du VIH-1 (CCR5) a été retrouvée chez des sujets exposés et non infectés d’origine caucasienne [16]. Les défenses antivirales innées pourraient également être impliquées dans la résistance à l’infection [17]. Au cours des essais d’interruptions thérapeutiques, l’apparition de réponses cellulaires spécifiques du VIH est observée lors de la remontée de la réplication virale [18]. Enfin, la déplétion des lymphocytes T CD8+ chez les macaques infectés par le virus de l’immunodéficience simienne aboutit à une réplication virale non contrôlée et une évolution rapide vers le déficit immunitaire [4]. Objectifs immunologiques La vaccination thérapeutique a pour but d’amplifier ou de renforcer les réponses immunitaires spécifiques anti-VIH chez des personnes déjà infectées afin de contrôler la réplication virale [18, 19]. Elle permettrait également d’apporter des capacités immunitaires additionnelles pour couvrir certains épitopes qui ont été négligés par l’hôte infecté, ou qui sont apparus après mutation du virus [20]. Vpr Pol Vif Nef Tat Vpu Gag LTR Rev Rev Tat Env LTR Figure 2. Organisation génomique du VIH. L’organisation du génome viral comporte des gènes de structure ainsi que différents gènes de régulations. Le gène gag code les protéines internes : protéine de matrice, protéine de la capside et protéine associée à l’ARN. Le gène pol code différentes enzymes virales : protéase, transcriptase inverse et intégrase. Le gène env code les glycoprotéines externes. Aux extrémités du génome viral, se trouvent des séquences répétitives inversées (LTR ou long terminal repeats) contenant l’ensemble des signaux nécessaires à la transcription et l’intégration du virus. Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 583 revue générale Objectifs cliniques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les objectifs cliniques de la vaccination thérapeutique sont multiples. Ils visent à retarder la progression de l’infection VIH ou l’initiation du traitement antirétroviral (notamment dans les pays à faibles ressources économiques) ; améliorer l’efficacité du traitement antirétroviral et permettre une interruption thérapeutique. Le but ultime est l’arrêt définitif du traitement antirétroviral. Ceci permettrait une réduction des coûts, de la toxicité et le repos des patients [18-20]. Obstacles au développement d’un vaccin anti-VIH De nombreux obstacles techniques et biologiques compliquent la mise au point du vaccin thérapeutique (tableau 1) [7, 8]. Les épitopes cibles des anticorps neutralisants des souches de virus sauvages sont des épitopes conformationnels qui sont très peu immunogènes et qui sont masqués [21]. De plus, la boucle V3 de la glycoprotéine de surface gp120, considérée comme contenant l’épitope majeure de neutralisation, est d’une variabilité extrême. Par ailleurs, il n’est pas exclu que la vaccination puisse induire des anticorps pouvant exacerber l’infectiosité. Il a été suggéré que des anticorps facilitants pouvaient favoriser la pénétration du virus dans une cellule cible ou même permettre son accès à des cellules dépourvues de récepteurs spécifiques du virus [8, 22]. En ce qui concerne les réponses cellulaires, les lymphocytes T ne reconnaissent l’antigène que sous la forme de peptides apprêtés, présentés en association avec la molécule du complexe d’histocompatibilité (CMH). Vu la grande diversité des haplotypes des antigènes du CMH au sein de la population humaine, le vaccin doit contenir un large répertoire d’épitopes T pour induire une réponse efficace chez tous les vaccinés [21]. Enfin, les quelques modèles animaux disponibles, très onéreux et éloignés du modèle humain ne permettent de réaliser des essais que sur un petit nombre d’animaux avant de passer à des essais humains. Le meilleur modèle est celui du macaque infecté par un virus hybride SHIV (simian-human imunodeficiency virus) qui présente une maladie proche du sida [7, 8]. Les antigènes vaccinaux Les protéines d’enveloppe synthétisées par la région env sont des inducteurs importants d’anticorps neutralisants anti-VIH. L’hypervariabilité de la boucle V3 de la gp120 explique le faible pouvoir neutralisant des anticorps. Les protéines Gag (p17, p24), relativement conservées, sont une cible préférentielle de la réponse CTL (cytotoxic T lymphocytes) mais l’échappement immunitaire est possible. Les protéines des gènes régulateurs (nef, tat, rev essentiellement) semblent être d’excellents immu584 Tableau 1. Obstacles au développement d’un vaccin anti-VIH. - Atteinte précoce du système immunitaire - Infection chronique latente échappant à la réponse immune - Variabilité extrême du virus - Médiocre immunogénicité des antigènes conservés - Résistance à la séroneutralisation des isolats primaires - Méconnaissance des marqueurs de protection - Insuffisance des modèles animaux nogènes. Elles sont de plus en plus utilisées [5, 8, 20]. La protéine Tat est essentielle pour le cycle viral du VIH-1. Elle est exprimée très tôt après l’entrée du virus dans la cellule. Une réponse humorale et cellulaire vis-à-vis de Tat serait liée à une lente progression de la maladie chez l’homme et le singe [7]. Le vaccin idéal Le vaccin idéal doit permettre de déclencher une réponse à la fois humorale et cellulaire (tableau 2) [8]. Les anticorps sont actifs contre les virus libres et pourraient inhiber les protéines toxiques secrétées durant la maladie (Nef, Tat) [20, 23]. Les réponses des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques (CTL) sont très souhaitées car elles peuvent réduire la production virale en éliminant les cellules infectées. Les lymphocytes T CD8+ exercent ce contrôle de la réplication du VIH via une activité cytotoxique et/ou la production de cytokines et chimiokines ayant un effet suppresseur de la réplication virale [11]. Les lymphocytes CD4+ T auxiliaires type 1 (Th1) sont essentiels pour une activité CTL (voir illustration dans [24]). Actuellement, en raison des difficultés à générer des anticorps capables de neutraliser les isolats primaires, l’accent a été mis sur les réponses cellulaires [8, 19, 20]. Il n’est pas exclu que des anticorps, pouvant exacerber l’infectiosité, puissent apparaître. Méthodes d’évaluation de l’immunogénicité des vaccins L’immunogénicité vaccinale est mesurée par une variété de paramètres immunologiques qui tentent d’évaluer les réponses anticorps neutralisantes et cytotoxiques. On peut citer le test de lyse des cellules infectées, la technique des tétramères HLA, le test ELISpot interféron gamma (quantification des lymphocytes T spécifiques d’un antigène par la mesure de la production de l’interféron gamma), l’étude de la prolifération des lymphocytes T CD4+ en présence d’un antigène, la détection des anticorps neutralisants... [3, 7, 18]. Ces différents tests ne donnent qu’une image partielle de la réponse immune. Des tests complémentaires devront être utilisés après validation et standardisation, notamment Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Vaccination thérapeutique et VIH-1 la mesure de l’IL-2, la mesure de la sécrétion de la perforine et de la Granzyme B [7]. cacité de la vaccination en termes de bénéfices cliniques [5, 7]. Les marqueurs d’efficacité clinique des vaccins Les pseudo-virions De nombreux vaccins sont actuellement testés. Leur efficacité clinique est évaluée sur la durée de l’interruption thérapeutique qu’ils permettent [2]. L’efficacité immunovirologique est évaluée par la charge virale et le dosage des lymphocytes T CD4+ [3]. Les pseudo-virions ou pseudo-particules virales (virale like particules ou VLP) contiennent tous les composants protéiques du virus sauf le génome. Des particules recombinantes Ty-VLP fabriquées à partir d’un transposon de levures et contenant une protéine de fusion gag p17/p24 a permis d’obtenir une réponse immune humorale et cellulaire anti-p24 spécifiques chez les primates non humains. Cependant, durant de multiples essais de phase II, ces vaccins n’ont pas montré de bénéfice en termes clinique ou de marqueurs biologiques [5]. Les candidats vaccins Virus entier inactivé (Remune®) Il s’agit d’un vaccin constitué de particules entières du VIH-1 délétées de leur gp120 de surface. Les essais de phase I ont montré que Remune® induisait une réaction d’hypersensibilité retardée anti-VIH et augmentait le titre des anticorps anti-p24 mais un essai randomisé de phase III fût interrompu car on n’a pas pu montrer de différences entre les groupes traités et non traités en terme de progression clinique (maladies opportunistes) et de décès. L’analyse des objectifs secondaires montre néanmoins un taux de lymphocytes T CD4+ et une réponse lymphoproliférative plus élevés dans le groupe des sujets vaccinés [5]. Peptides ou lipopeptides Ils reposent sur la synthèse chimique de peptides. Le but est de susciter une réponse immune au niveau d’une séquence virale polypeptidique d’intérêt immunologique majeur comme par exemple un épitope CTL dominant. On tend à utiliser un mélange de peptides contenant chacun de multiples épitopes (gag, boucle V3...). La liaison covalente de ces peptides à des lipides a permis d’augmenter leur immunogénicité et en particulier d’améliorer considérablement la réponse CTL [7, 20]. Vecteurs recombinants Protéines recombinantes Il s’agit principalement des glycoprotéines d’enveloppe recombinantes gp120, gp41 ou de leur précurseur gp160, cibles de la plupart des anticorps neutralisants. Les résultats obtenus dans un essai de phase I montrent que l’utilisation de ces protéines est bien tolérée et permet d’obtenir des réponses immunitaires humorales ou lymphocytaires. Néanmoins, l’évaluation de ces protéines dans des essais randomisés et contrôlés de phase II n’a pas montré d’effi- Ils sont construits à partir de bactéries ou de virus inoffensifs pour l’homme dans lesquels sont insérés des gènes du VIH (généralement pol, gag et env). Ces vecteurs entrent dans les cellules et expriment lors de leur réplication une ou plusieurs protéines virales. Ces protéines virales sont présentées sous leur forme native au système immunitaire. Un certain nombre de vecteurs viraux sont actuellement testés : Canarypox (Alvac), adénovirus type 5 (Ad5), adeno-associated virus (AAV), modified vaccinia ankara Tableau 2. Différentes approches pour le développement d’un vaccin anti-VIH. (D’après [8]). Vaccin à réponse CTL Vaccin à réponse anticorps Avantages Reconnaissance des cellules infectées Épitopes linéaires multiples Élimination de la production virale Effet possible sur le réservoir latent Inconvénients et obstacles Nécessité de lymphocytes mémoires de longue vie Incapacité de reconnaissance du virus en l’absence de la molécule CMH capable de se lier au peptide viral Régulation négative des molécules CMH par le virus Échappement immunitaire possible Neutralisation du virus Capacité d’empêcher une nouvelle infection Activation de la réponse inflammatoire (système du complèment, neutrophiles, monocytes) Incapacité à générer une réponse neutralisante large Hypervariabilité des épitopes de neutralisation Anticorps pouvant amplifier l’infectiosité Épitopes conformationnels Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 585 revue générale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. (MVA)... Ce sont des candidats intéressants car capables de porter de longues séquences d’ADN étranger. En mimant une infection virale, ils induisent une réponse à la fois humorale et cellulaire [12]. Ces vecteurs sont aussi capables d’induire des cytokines immunostimulantes [20]. Cette propriété n’est toutefois pas dénuée de risque. La pathogénicité du virus pourrait être augmentée [25]. Parmi les vecteurs bactériens, on peut citer le BCG [26] et Listeria monocytogenes recombinante [27]. Canarypox (ALVAC-HIV) Il utilise le virus de la vaccine du canari qui a un cycle abortif dans les cellules humaines. Il fait l’objet de nombreux essais chez l’homme. Il est capable d’infecter efficacement une large variété de cellules présentatrices d’antigènes. Le canarypox est utilisé dans un essai français en association avec des lipopeptides et de l’IL-2. Les résultats à 15 mois de cet essai ont montré que le vaccin a permis un arrêt prolongé des antirétroviraux dans le groupe des sujets vaccinés comparativement au groupe des sujets non vaccinés. Ainsi, après une durée de suivi de 420 jours, le temps médian cumulé sans traitement est de 180 jours chez les patients ayant reçu la préparation, et de 90 jours chez les patients ne l’ayant pas reçu [28]. Adénovirus recombinant atténué La préexistence d’une immunité par infection antérieure est le facteur limitant de cette approche par ailleurs très efficace [3]. Le pourcentage de sujets immunisés est estimé à 30 % dans les pays développés et à 70 % dans les pays en développement. Pour contourner ce problème, le développement de nouveaux candidats-vaccin vise l’utilisation de sous-types infectant rarement l’homme : adénovirus 11 et adénovirus 35 [7]. ADN plasmidiques Ils font partie des technologies les plus récentes. Cette approche consiste à injecter par voie intramusculaire ou intradermique des séquences de matériels génétiques qui expriment dans la cellule des protéines du VIH immunogènes. Différentes séquences peuvent être combinées dans le même vaccin. Ces ADN plasmidiques s’avèrent néanmoins peu immunogènes chez l’homme [7, 18]. Récemment un concept original a été décrit : il s’agit d’un vaccin ADN topique codant la majorité des protéines VIH à l’exception de l’intégrase. Après application sur la peau, l’ADN est capté par les cellules de Langerhans. Celles-ci migrent aux ganglions lymphatiques et maturent en cellules dendritiques (DC) qui expriment les protéines du VIH. Les cellules dendritiques sont des cellules présentatrices d’antigènes professionnelles. Ainsi, les protéines du VIH sont secondairement présentées aux cellules T naïves. Des essais chez le macaque ont montré des réponses T CD4+ auxiliaires et des réponses T CD8+ mémoires spécifiques [12]. 586 Cellules dendritiques « pulsées » par les antigènes De nombreuses études ont montré la capacité des DC pulsées ex vivo à présenter les antigènes peptidiques aux lymphocytes T naïfs. Il en résulte une induction de lymphocytes T cytotoxiques spécifiques des antigènes peptidiques [5]. Un essai clinique préliminaire basé sur la stimulation ex vivo des DC autologues par des particules VIH autologues inactivées a été récemment mené [29]. Dixhuit patients chroniquement infectés ont été immunisés. Les résultats très encourageants ont montré une baisse significative de la charge virale de plus de 90 % et prolongée pendant au moins 1 an chez près de la moitié des sujets. La suppression virale était positivement corrélée à l’expression d’interféron gamma par les lymphocytes T CD4+. Une augmentation significative du taux des lymphocytes T CD4+ était observée mais elle fut de très courte durée (84 jours). L’application de cette stratégie coûteuse pour le traitement de millions d’individus infectés ne paraît actuellement pas plausible [3]. Stratégies et protocoles La stratégie la plus souvent appliquée est de traiter dans un premier temps les patients avec les antirétroviraux pour restaurer les compétences immunitaires et, dans un second temps, de stimuler les réponses immunitaires avant l’interruption thérapeutique. Cette approche vise à ré-induire des réponses immunes cellulaires CD4+ et CD8+ anti-VIH chez des sujets contrôlés au plan virologique sous antirétroviraux, chez lesquels la diminution de l’exposition au VIH est associée à une diminution du nombre de CTL spécifiques anti-VIH et à l’absence de restauration de la réactivité des lymphocytes T CD4+ spécifiques [11]. La phase de la maladie la plus appropriée à ce type de traitement reste à déterminer. En raison de l’échappement viral au système immunitaire, il semble nécessaire de combiner plusieurs immunogènes afin d’élargir la réponse immune du sujet vacciné [3]. La stratégie Prime boost ou d’induction-rappel consiste à immuniser avec un antigène lors d’une première injection, puis à pratiquer une injection de rappel ou boost avec un antigène différent [30]. Des bases de données regroupant tous les vaccins antiVIH utilisés dans le cadre d’essais cliniques humains sont établies par un organisme international : international AIDS vaccine initiative (IAVI) (www.iavi.org) et par le centre de recherche sur les vaccins du NIH aux États-Unis US (national institute of health. vaccine research center) (www.vrc.nih.gov) Ann Biol Clin, vol. 63, n° 6, novembre-décembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Vaccination thérapeutique et VIH-1 Conclusion, perspectives 7. Exceler JL. AIDS vaccine development : perspectives, challenges & hopes. Indian J Med Res 2005 ; 121 : 568-81. Malgré des résultats encourageants, la preuve de l’efficacité clinique à long terme de la vaccination thérapeutique reste à démontrer [2]. La recherche d’un vaccin anti-VIH a commencé il y a une vingtaine d’années avec un grand espoir et beaucoup d’attentes. Après l’identification du VIH comme cause du syndrome de l’immunodéficience humaine, il a semblé qu’un vaccin allait suivre de peu. Cependant, malgré des efforts soutenus et concertés, le problème s’est révélé plus difficile que prévu [8]. L’évolution des attentes des chercheurs traduit ces difficultés. L’élaboration d’un vaccin thérapeutique qui, au départ, avait pour ambition d’éviter des thérapies antirétrovirales conventionnelles ne se conçoit plus que comme complément de l’arsenal thérapeutique actuel. Les recherches futures devront se focaliser sur la sélection d’épitopes plus immunogènes, améliorer leur accessibilité au système immunitaire, optimiser les protocoles cliniques, le schéma et la voie d’administration [5, 8]. L’amélioration des adjuvants, l’adjonction de cytokines et chemokines pourraient apporter une solution [3, 8]. Une stratégie anti-CCR5 (corécepteur majeur du VIH) semble intéressante. La préparation vaccinale contenant des peptides CCR5 a permis de réguler négativement ce co-récepteur [31]. De nouveaux vecteurs comme le virus de la rougeole recombinant sont régulièrement testés [32]. Les voies de l’immunité innée jusque-là sous-estimées pourraient être explorées [33]. L’intérêt de l’augmentation des réponses immunitaires non spécifiques reste à préciser. Néanmoins, certains marqueurs de protection pourraient résider dans l’immunité non adaptative [34]. Le développement de tests plus performants d’évaluation des marqueurs immunologiques et leur standardisation permettraient une évaluation plus précise des résultats des essais en cours [34]. 8. Nabel GJ. Challenges and opportunities for development of an AIDS vaccine. Nature 2001 ; 410 : 1002-7. Références 1. AIDS Epidemic Update. Joint United Nations Program on HIV/AIDS and the world health organisation. December 2004. 2. Autran B, Carcelain G, Combadiere B, Debre P. Therapeutic vaccines for chronic infections. Science 2004 ; 305 : 205-8. 3. Autran B, Costagliola D, Murphy R, Katlama C. Evaluating therapeutic vaccines in patients infected with HIV. Expert Rev Vaccines 2004 ; 3 : S169-S177. 4. Levy Y. L’immunothérapie de l’infection par le VIH. J Soc Biol 2002 ; 196 : 13-8. 5. Egan MA. Current prospects for the development of a therapeutic vaccine for the treatment of HIV type 1 infection. AIDS Res Hum Retroviruses 2004 ; 20 : 794-806. 6. Brun-Vezinet F, Waineberg M. 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