La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - no 4 - juillet-août 2013 | 143
Points forts
»Le traitement optimal des infections graves à BGN producteurs de carbapénémases n’est pas connu.
»
Au cours des infections graves à BGN producteurs de carbapénémases, il semble nécessaire de privilégier
une association d’antibiotiques, si possible synergiques et bactéricides.
»
Au cours des infections graves à BGN producteurs de carbapénémases, il semble important d’utiliser
le méropénem à forte dose, en perfusion lente, lorsque la concentration minimale inhibitrice (CMI) de ce
dernier est ≤ 4 mg/l (
cut-off
de sensibilité à 1mg/l), en association, en premier lieu, avec la colimycine.
»
Les différentes associations possibles dépendent de la bactérie impliquée (
P. aeruginosa
est naturellement
résistant à la tigécycline ;
A. baumannii
est naturellement résistant à la fosfomycine) et des différentes
molécules restant actives.
Mots-clés
Carbapénémases
Pneumopathie
acquise sous
ventilation mécanique
(PAVM)
Sepsis
Association
d’antibiotiques
Summary
Patients with severe infec-
tion due to carbapenemase-
producing gram negative
rods have to receive, as early
as possible, optimal antimi-
crobial therapy. These strains
may be still susceptible to
imipenem and meropenem in
vitro (i.e. with an imipenem and
meropenem minimal inhibi-
tory concentration ≤2 mg/l),
but usually exhibit multi-drug
resistance. Synergic bacteri-
cidal combination has to be
proposed, depending on the
type of pathogen, and on
the susceptibility testing. In
patients with carbapenemase-
producing
Enterobacteriaceae
,
high doses of meropenem may
be combined with colistin,
fosfomycin, or with tigecycline.
In patients with carbapene-
mase-producing
P.aeruginosa
,
high doses of meropenem may
be combined with colistin and
fosfomycin. In patients with
carbapenemase-producing
A.baumannii
, high doses of
meropenem may be combined
with colistin, or colistin may be
combined with tigecycline.
Keywords
Carbapenemases
Ventilator-associated
pneumonia
Sepsis
Antibiotic combination
d’infection postopératoire, il faudra s’assurer d’une
prise en charge chirurgicale optimale, afin de réduire
le plus possible l’inoculum bactérien, avant même
d’instaurer une antibiothérapie souvent de dernier
recours.
Molécules efficaces in vitro
et utilisables
Aminoglycosides
Les BGN producteurs de carbapénémases demeurent,
dans un petit nombre de cas, sensibles aux amino-
glycosides (notamment les BGN producteurs de
KPC et de VIM, les producteurs de NDM étant le
plus souvent résistants aux aminoglycosides), en
particulier l’amikacine ou la gentamicine. En cas de
sensibilité, les aminoglycosides doivent être utilisés
dans les infections à BGN producteurs de carbapé-
némases, surtout s’il s’agit d’une infection associée
à des hémocultures positives ou à une PAVM. Ils
doivent alors être prescrits en association avec une
autre molécule et suivre la mise au point française
récemment publiée, qui recommande :
➤d’évaluer le risque rénal ;
➤
d’utiliser une dose unique journalière de
30 minutes ;
➤
de prescrire pour une durée maximale de 5 jours ;
➤
d’utiliser une posologie élevée, surtout au début
du traitement, notamment en cas de choc septique ;
➤
de réaliser un dosage du pic pour adapter la poso-
logie, du fait du volume de distribution parfois consi-
dérablement élevé chez les patients de réanimation.
L’amikacine (15 à 30 mg/kg/j) ou la gentamicine
(3 à 8 mg/kg/j) sont équivalentes sur des entéro-
bactéries sensibles. Pour P. aeruginosa, la tobramy-
cine (3 à 8 mg/kg/j) est l’aminoglycoside le plus
bactéricide, mais les résistances de haut niveau en
limitent l’utilisation. L’amikacine, souvent associée
à une résistance de bas niveau, peut être utilisée
à forte posologie (30 mg/kg/j). L’amikacine et la
tobramycine restent les aminosides les plus actifs
sur A. baumannii (3).
Les aminosides doivent être utilisés en association.
Les aminoglycosides ont une activité synergique
avec les bêtalactamines et avec la fosfomycine.
En revanche, aucune synergie ne doit être attendue
avec la colistine. Enfin, une étude récente rapporte
une plus grande efficacité de l’isépamycine sur des
souches de P. aeruginosa et A. baumannii multirésis-
tants, en comparaison des autres aminoglycosides,
mais cet antibiotique n’est plus disponible sur le
marché français depuis 2008 (4).
Colimycine
La colimycine (polymyxine B ou colistine) est un
antibiotique ancien dont l’utilisation était devenue
rare du fait du développement des bêtalactamines
à large spectre, et notamment des carbapénèmes.
Alors que les doses usuelles étaient de 50 000 UI/kg/j
en 2 à 3 injections/j, le libellé d’AMM a été récem-
ment modifié, et ce sont des posologies de 75 000
à 150 000 UI/kg/j qui sont maintenant recomman-
dées, en 2 à 3 injections journalières, sans dépasser
12 millions d’UI/j. Dans une étude rétrospective
récente incluant des patients traités par colistine
pour une infection grave à BGN multirésistants, une
dose de colistine inférieure à 6 millions d’UI/j était
un facteur de risque d’échec (4, 5). Il est important
de noter que les doses de polymyxine E utilisée aux
États-Unis, et qui apparaissent donc dans les publi-
cations américaines, ne sont pas équivalentes aux
doses de polymyxine B, utilisée en Europe (exprimée
en colistine base : 1 mg/kg/j de colistine base de
polymyxine E correspond à seulement 0,5-0,6 mg/
kg/j de colistine base de polymyxine B).
L’utilisation de colistine doit se limiter aux infec-
tions documentées à BGN définis comme sensibles,
notamment chez les patients hospitalisés en réani-
mation, lorsque aucune autre solution satisfaisante
n’est possible. Les seules contre-indications sont
l’hypersensibilité connue à la colistine et la myas-
thénie. La colistine a un effet bactéricide rapide
en augmentant la perméabilité de la membrane
externe des bactéries quiescentes ou en phase de
croissance rapide. Son spectre concerne surtout les
BGN multirésistants, et notamment P. aeruginosa
et A. baumannii. La concentration critique de
l’EUCAST (2013.02.11, v.3.1) est de 2 mg/l pour les
entérobactéries et A. baumannii et de 4 mg/l pour
P. aeruginosa (2). Son principal effet indésirable