Vélocimétrie par images de particules dans un bassin d`orage

TSM numéro 10 - 2007 - 102eannée 97
Vélocimétrie par images de particules
dans un bassin d’orage
M. DUFRESNE1, J. VAZQUEZ2, A. TERFOUS3, A. GHENAIM4, J.-B. POULET5
Mots-clés : bassin d’orage, champ de vitesse tridimensionnel, vélocimétrie par images de particules (PIV).
Key words: storm-water tank, three-dimensional velocity field, particle image velocimetry (PIV).
1. Introduction
La directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre
2000 impose la réduction des rejets polluants dans le
milieu naturel. Les rejets urbains par temps de pluie
(RUTP), qui représentent des débits d’eaux polluées
très importants, doivent être traités pour respecter cet
objectif réglementaire.
Un bassin d’orage exploite le caractère essentiellement
particulaire des RUTP [ASHLEY et al., 2004] en faisant
décanter les matières solides transportées dans le
réseau d’assainissement : les rejets polluants sont ainsi
limités et le milieu naturel protégé. Cependant, le
dimensionnement d’un tel bassin ou la réhabilitation
d’un bassin de stockage en bassin de dépollution
posent encore la difficulté de l’évaluation de l’effica-
cité de dépollution. Quelle quantité de particules sera
décantée à l’intérieur du bassin pour un débit d’entrée
donné ? Comment maximiser cette quantité ? Obte-
nir des réponses à ces questions est rendu malaisé par
le caractère tridimensionnel de l’écoulement dans un
bassin [STOVIN et SAUL, 1994].
L’utilisation de logiciels de « computational fluid
dynamics » (CFD) apparaît comme un moyen très
utile de tester différentes géométries de bassin avant
même sa construction et ainsi de choisir celle qui est
la plus adaptée à la dépollution [ADAMSSON et al.,
2005]. Le transport solide n’influençant pas l’écoule-
ment en assainissement en raison de sa faible concen-
tration [ASHLEY et al., 2004], la démarche est la sui-
vante : la première étape est de simuler le champ de
vitesse tridimensionnel à l’intérieur du bassin ; la
seconde est d’utiliser ce champ de vitesse pour
étudier le transport solide par une approche lagran-
gienne [STOVIN et SAUL, 1996]. La connaissance
précise du champ de vitesse tridimensionnel à l’inté-
rieur du bassin est ainsi le prérequis nécessaire à
l’étude du transport solide.
Afin de valider l’utilisation de la CFD pour obtenir le
champ de vitesse tridimensionnel dans un bassin et
ce, pour des conditions hydrauliques variées, une
technique de vélocimétrie a été mise en place : il s’agit
de la stereo-PIV (particle image velocimetry) [DAN-
TEC, 2004]. Cette technique permet d’obtenir le
champ de vitesse tridimensionnel dans des plans de
l’écoulement. Cet article présente la mise en place et
l’utilisation de la stereo-PIV dans le cas d’un pilote
expérimental de bassin d’orage.
2. Dispositif expérimental
2.1. Description du pilote
Le pilote expérimental est constitué d’un bassin rec-
tangulaire de 1,80 m de long, de 0,76 m de largeur. Il
est équipé d’un trop plein limitant la hauteur d’eau
dans le bassin à 0,40 m. L’alimentation se fait par une
pompe débitant entre 1 l/s et 7 l/s. Un débitmètre
placé en entrée permet la mesure du débit total. Deux
bacs de récupération, équipés chacun d’un capteur
de hauteur d’eau à ultrasons, permettent le calcul des
1 Institut national des sciences appliquées de Strasbourg,
24 boulevard de la Victoire 67084 Strasbourg, France.
Mél. : matthieu.dufresne@insa-strasbourg.fr
2 École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de
Strasbourg, 1 quai Koch BP 1039F 67070 Strasbourg, France.
Mél. : [email protected]trasbg.fr
3 Institut national des sciences appliquées de Strasbourg,
24 boulevard de la Victoire 67084 Strasbourg, France.
Mél. : abdelali.terfous@insa-strasbourg.fr
4 Institut national des sciences appliquées de Strasbourg,
24 boulevard de la Victoire 67084 Strasbourg, France.
Mél. : a.ghenaim@insa-strasbourg.fr
5 Institut national des sciences appliquées de Strasbourg,
24 boulevard de la Victoire 67084 Strasbourg, France.
Mél. : jean-bernard.poulet@insa-strasbourg.fr
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Article disponible sur le site http://tsm.astee.org ou http://dx.doi.org/10.1051/tsm/200710097
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débits déversés et conservés par une loi de seuil : la
répartition du débit entre les deux sorties est ainsi
connue. Un injecteur-mélangeur a également été
installé ; il permettra l’injection et l’homogénéisation
de la concentration en particules lorsque des mesures
de transport solide seront effectuées dans le bassin.
La figure 1 représente un schéma de la boucle hydrau-
lique.
La figure 2 présente une photographie du bassin
d’orage. Dans le cas présenté, un déversement a lieu
par le trop-plein du bassin.
est supposé identique à celui du fluide. Le déplace-
ment des particules est utilisé pour calculer la vitesse
de l’écoulement. Si l’eau utilisée contient déjà des mi-
croparticules (c’est généralement le cas de l’eau po-
table), il n’est pas nécessaire de l’ensemencer.
Plusieurs autres techniques de vélocimétrie existent,
dont la plus répandue en bassin est la vélocimétrie
Doppler [IMAM et al., 1983 ; McCORQUODALE et
al., 1988 ; LYN et al., 1990 ; STOVIN et SAUL, 1994].
Cette technique permet la mesure des trois compo-
santes de la vitesse à une fréquence élevée : les intensi-
tés turbulentes sont ainsi accessibles [LYN et al.,
1990]. La PIV permet elle aussi de mesurer des vitesses
instantanées, mais de façon discontinue. En effet, il
faut attendre une durée de l’ordre de la seconde entre
chaque mesure de vitesse instantanée. Cependant, le
grand avantage de la PIV est de permettre l’obtention
de la vitesse 3D dans un plan alors que la vélocimétrie
Doppler ne permet que l’obtention de la vitesse en un
seul point de l’écoulement [SONTEK, 2001]. De plus,
ce « point » correspond en fait à un petit volume (de
l’ordre du cm3) qu’il est parfois difficile de localiser
exactement. La PIV apparaît donc comme une tech-
nique de vélocimétrie adaptée à la cartographie du
champ de vitesse moyen dans un bassin.
Un dispositif PIV nécessite une source laser plane et
une caméra (deux pour la stéréo-PIV ou PIV 3D). La
source laser éclaire un plan de l’écoulement à deux
instants t et t+Δt. A chacun de ces instants, une image
est acquise (figure 3).
Figure 1. Schéma de la boucle hydraulique
Figure 2. Photographie du bassin d’orage
2.2. Le dispositif PIV
La vélocimétrie par images de particules (PIV) est
une technique optique non intrusive de mesure de la
vitesse. L’écoulement est ensemencé par des micro-
particules dont le comportement hydrodynamique
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Le déplacement des particules est déterminé par
inter-corrélation entre les niveaux de gris de ces deux
images. La vitesse locale bidimensionnelle de l’écou-
lement (figure 4) s’obtient alors par le rapport dépla-
cement sur durée :
où M est le grandissement de la prise de vue. Cette
grandeur est déterminée lors de la phase d’étalonnage
qui consiste, en prenant une image d’une mire depuis
chaque caméra, à calculer l’échelle de conversion
entre l’écoulement et son image.
La démarche présentée figure 4 est suivie pour cha-
cune des deux caméras. Le champ de vitesse tridi-
mensionnel est alors obtenu par combinaison entre
les résultats bidimensionnels de chacune des deux
caméras selon la figure 5.
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Figure 3. Exemple d’images acquises aux instants t et t+Δt
Figure 4. Exemple de champ de vecteurs vitesses obtenus après
inter-corrélation entre les deux instants (dans cet exemple, des
vecteurs jugés anormaux ont été corrigés en bleu)
Figure 5. La stéréovision de la PIV
Les axes des caméras et le plan de l’écoulement étu-
dié n’étant pas orthogonaux, des problèmes de net-
teté d’images peuvent être rencontrés. Afin d’assu-
rer la netteté sur l’ensemble des images, on décale
l’axe de chacune des caméras par rapport à celui de
sa lentille jusqu’à ce que les images soient nettes ;
il s’agit de la condition de Scheimpflug. C’est une
condition mathématique angulaire, mais il est plus
rapide de procéder empiriquement en modifiant
l’angle entre la caméra et sa lentille et en observant
le résultat à l’image.
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3. Résultats
La PIV a été utilisée pour retrouver qualitativement
le comportement hydrodynamique à l’intérieur du
bassin dans deux situations : un cas où un déverse-
ment par le trop-plein a lieu et un cas pour lequel
tout le débit est évacué par la conduite de sortie. Dans
les deux situations, le débit vaut 3 l/s.
Dans le premier cas, aucun déversement n’a lieu par le
trop-plein ; la hauteur d’eau est de l’ordre de 15 cm.
Un test à la fluorescéine a permis de constater que
l’écoulement est dominé par une boucle de recircula-
tion asymétrique (horaire ou anti-horaire selon l’expé-
rience) ; le sens de l’écoulement est présenté sur la
figure 6. Ce comportement est semblable à celui qui a
été observé par [STOVIN et SAUL, 1994] dans un
bassin de dimensions voisines. La zone d’observation
pour la PIV est un plan de 20*20 cm2, situé à 30 cm de
l’entrée du bassin ; il est présenté en bleu sur la figure 6.
La figure 7 présente le champ de vitesse tridimension-
nel dans le plan d’observation. Les résultats de la PIV
mettent en évidence deux courants de sens opposés sé-
parés par une zone où la vitesse orthogonale est prati-
quement nulle (en bleu clair). Ces résultats sont donc
conformes avec les tests à la fluorescéine ainsi que les
travaux présentés par [STOVIN et SAUL, 1994].
Dans le deuxième cas, le débit vaut également 3 l/s et
un déversement a lieu par le trop-plein (hauteur
d’eau supérieure à 40 cm). L’écoulement présente
alors une forme symétrique : deux boucles de recir-
culation sont constituées par un jet central et deux
jets de retour sur les côtés du bassin (tests à la fluo-
rescéine). Les résultats obtenus par PIV sont présen-
tés sur la figure 8 : le jet central est très clairement
identifiable par un pic de vitesse en bleu-violet. Ces
résultats sont cohérents avec ceux de [ADAMSSON
et al., 2005] obtenus dans un grand bassin.
4. Conclusions et perspectives
L’utilisation de la stéréo-PIV dans un pilote de bassin
d’orage a été présentée. Cette technique de vélocimé-
Figure 6. Observation d’une boucle de recirculation avec la PIV
Figure 7. Champ de vitesse obtenu sans déversement. Le bleu-vio-
let correspond à des vitesses négatives (dans la direction perpen-
diculaire au plan) ; le rouge jusqu’au vert à des vitesses positives
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trie 3D a permis d’observer deux configurations
d’écoulement pour un même débit de 3 l/s : une
boucle de recirculation asymétrique dans le cas où
aucun déversement n’a lieu et un jet central dans le
cas contraire. Ces résultats sont conformes aux tests
effectués avec de la fluorescéine.
Les résultats actuels permettent de dire que la PIV est
un moyen prometteur pour obtenir une cartographie
précise du champ de vitesse tridimensionnelle dans
un bassin. Cependant, ces résultats doivent être vé-
rifiés quantitativement. La comparaison des résultats
de la PIV avec un vélocimètre Doppler pourra per-
mettre de justifier ou pas l’emploi de cette technique
dans un bassin d’orage.
De plus, la PIV n’a pour l’instant été utilisée que sur
une zone restreinte de l’écoulement (mire de dimen-
sions 20*20 cm2). Afin de pouvoir cartographier le
champ de vitesse dans l’ensemble du bassin, nous
projetons d’utiliser une mire de mêmes dimensions
que la section du bassin (75*45 cm2). Le déplacement
du plan laser et des caméras longitudinalement dans
le bassin permettra de cartographier des plans trans-
versaux de l’écoulement ; la réunion des données des
différents plans permettra d’aboutir au champ de vi-
tesse tridimensionnel dans tout le bassin.
L’étape suivante de cette étude est d’utiliser la PIV
pour corroborer les résultats numériques obtenus par
CFD afin, par la suite, d’étudier le transport solide en
bassin d’orage.
Remerciements
Nous remercions le GEMCEA pour sa participation
financière à ce projet de recherche.
Nous remercions également Yoann André et Benja-
min Frugier qui ont effectué leur travail de fin
d’études (INSA de Strasbourg) sur la construction du
bassin expérimental ainsi que sur la mise en place du
dispositif de PIV.
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Figure 8. Champ de vitesse tridimensionnel obtenu dans le plan
d’observation lorsqu’un déversement a lieu par le trop-plein
Bibliographie
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IMAM E., McCORQUODALE J.A., BREWTA J.K., 1983.
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McCORQUODALE J.A., MOURSI A.M., EL-SEBAKHY I.S.,
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STOVIN V.R., SAUL A.J., 1994. « Sedimentation in storage
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STOVIN V.R., SAUL A.J., 1996. « Efficiency prediction for
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