la relation franco-britannique 509
par le changement de la politique allemande, la politique française obtint
son premier désenclavement en août 1891 par un engagement secret de la
Russie de collaboration politique : celui-ci devint une alliance par la ratifi-
cation, en janvier 1894, d’une convention militaire, prévoyant la mobilisa-
tion automatique des deux signataires en cas d’attaque d’un ou des Etats
de la Triple-Alliance. Accédant à la direction des Affaires étrangères, après
le germanophile Gabriel Hanotaux (4), Théophile Delcassé était bien décidé
à poursuivre l’encerclement de l’Allemagne(5). Cependant, il obtient tout
juste la neutralité de l’Italie contre l’Allemagne (10 juillet 1902), puis un
partage avec elle de zones d’influence en Tunisie et en Tripolitaine
(24décembre 1900 et 1er novembre 1902) (6).
Les tensions coloniales entre la France et le Royaume-Uni, pivot de la
politique bismarckienne, devenaient une inanité à mesure que le danger
allemand s’imposait, pour des motifs différents, aux deux pays. Seulement,
les véritables raisons de leur Entente, conclue le 8 avril 1904, comportaient
en elles les motifs de sa fragilité. A la centralité de l’Allemagne s’ajouta
bientôt la question de la Russie, alliée de la France. Son implication dans
la question des Détroits en faisait un danger pour le contrôle de la Médi-
terranée orientale par Londres (7) et son expansionnisme en Asie centrale,
un voisin dangereux pour l’Inde britannique. Il fallut tout le talent de la
diplomatique française, notamment de son ministre des Affaires étrangères,
Stephen Pichon, malgré les tentatives de déstabilisation allemande, pour
permettre au Royaume-Uni de s’entendre avec la Russie (8). Comme dans
le cas de l’Entente cordiale, le règlement des différends coloniaux (Perse et
Afghanistan), par la Convention de Saint-Pétersbourg du 31 août 1907,
devait être le garant de l’amitié anglo-russe. Le 6 avril 1917, les Etats-Unis
vinrent se joindre à ces trois alliés.
Dans la partition européenne qui se jouait dans ces années précédant
la Première Guerre mondiale, le Royaume-Uni se voyait entraîné dans
une alliance, qui ne disait pas son nom, contrairement à toute sa tradition
politique européenne. Toutefois, la Triple-Entente qui s’était constituée
dans la capitale des Tsars lui était utile pour la sécurité de son Empire (9).
Son entrée en guerre aux côtés de la France, à l’été 1914, ne se fit pas au
(4)Mark Hewitson, «Germany and France before the First World War: a Reassessment of Wilhelmina
Foreign Policy», English Historical Review, juin 2000, n° 115, pp. 570-606.
(5) Christopher Andrew, Théophile Delcassé and the Making of the Entente cordiale. A reappraisal of
French Foreign Policy 1898-1905, Macmillan, Londres, 1968.
(6) Le 23 mai 1915, l’Italie déclara la guerre à l’Allemagne et à l’Autriche, attirée par des gains territo-
riaux aux dépens de la seconde. Le 7 octobre 1904, la France conclut avec l’Espagne un accord sur le Maroc.
(7) «Currie, notes of a conversation with Prince Bismarck, 28 september 1885», Foreign Policies of Great
Powers, I, Routledge, Boulder, 2002, p. 48.
(8)Bénédicte Grailles, «Amis et ennemis avant 1914 : l’exemple de la Russie, de l’Angleterre et de
l’Allemagne», Revue du Nord, tome LXXX, n° 325, avr.-juin 1998, pp. 249-283.
(9)Pascal Venier, «The Diplomatic Context : Britain and International Relations around 1904», in
Brian W. Blouet (dir.), The Geographical Pivot of History : Halford Mackinder and the Defence of the West,
Franck Cass, Londres, 2004.