I. Olry-Louis
Les styles d'apprentissage : des concepts aux mesures
In: L'année psychologique. 1995 vol. 95, n°2. pp. 317-342.
Résumé
Résumé
Cet article vise à inventorier les principaux modèles relatifs aux styles d'apprentissage, ainsi que les instruments d'évaluation
auxquels ils ont donné lieu, en adoptant la perspective d'une synthèse critique. Un certain nombre de critères servent à
positionner les modèles les uns par rapport aux autres, notamment le nombre et la nature des dimensions retenues, le caractère
descriptif ou normatif du modèle, et la perspective plus ou moins interactionnelle adoptée. Une revue des instruments de mesure
prend en compte la méthode de recueil de données utilisée, et recense les principaux résultats disponibles en matière de
validation.
En conclusion, quelques questions sont abordées au sujet de la diversité des instruments de mesure et de leur recouvrement
avec d'autres outils. Finalement, sur le plan pratique, une réflexion sur l'utilisation de ce type d'outil est envisagée, et, d'un point
de vue conceptuel, une restructuration de la diversité des styles est proposée.
Mots-clés : styles d'apprentissage, styles cognitifs, styles de conduite, validation de questionnaires.
Abstract
Summary : Learning styles : From concepts to measurement.
This article surveys the main models relating to learning styles, as well as the evaluation instruments to which these models have
given rise, using the approach of a critical review. A number of criteria can be used to place models in relation to each other. In
particular, models can be compared on the number and type of dimensions used, the descriptive or normative nature of the
model, and the degree to which an interactional perspective is used. A study of measurement instruments considers the data
recording method used and summarises the main results available regarding validation.
In conclusion, a number of questions are raised concerning the diversity of measurement instruments and their overlap with other
tools. Finally, from a practical perspective the use of learning style instruments is discussed and from a conceptual perspective a
restructuration of the diversity of styles is proposed.
Key words : learning styles, cognitive styles, behaviour styles, validation of questionnaires.
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Olry-Louis I. Les styles d'apprentissage : des concepts aux mesures. In: L'année psychologique. 1995 vol. 95, n°2. pp. 317-342.
doi : 10.3406/psy.1995.28827
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1995_num_95_2_28827
L'Année
Psychologique,
1995,
95,
317-342
Service
de
recherches
de
VlNETOP
CNAM,
Paris1
LES STYLES
D'APPRENTISSAGE
:
DES
CONCEPTS
AUX
MESURES
Isabelle
0lry-L0UIS
SUMMARY
:
Learning
styles
:
From
concepts
to
measurement.
This
article
surveys
the
main
models
relating
to
learning
styles,
as
well
as
the
evaluation
instruments
to
which
these
models
have
given
rise,
using
the
approach
of
a
critical
review.
A
number
of
criteria
can
be
used
to
place
models
in
relation
to
each
other.
In
particular,
models
can
be
compared
on
the
number
and
type
of
dimensions
used,
the
descriptive
or
normative
nature
of
the
model,
and
the
degree
to
which
an
interactional
perspective
is
used.
A
study
of
measurement
instruments
considers
the
data
recording
method
used
and
summarises
the
main
results
available
regarding
validation.
In
conclusion,
a
number
of
questions
are
raised
concerning
the
diversity
of
measurement
instruments
and
their
overlap
with
other
tools.
Finally,
from
a
practical
perspective
the
use
of
learning
style
instruments
is
discussed
and
from
a
conceptual
perspective
a
restructuration
of
the
diversity
of
styles
is
proposed.
Key
words
:
learning
styles,
cognitive
styles,
behaviour
styles,
validation
of
questionnaires.
INTRODUCTION
La
notion
de
styles
d'apprentissage
est
apparue
assez
récemment
dans
le
champ
disciplinaire
psycho-pédagogique
et
dans
les
milieux de
la
format
ion.
Elle
présente
un
double
enjeu.
Socialement,
elle
relève
de
la
nécessité
toujours
renouvelée
d'apprendre
1.
41,
rue
Gay-Lussac,
75005
Paris.
318
Isabelle
Olry-Louis
dans
un
contexte
professionnel
perpétuellement
mouvant,
notamment
du
fait
de
son
évolution
technique.
Dans
une
perspective
d'explication
des
difficultés
d'apprentissage
rencontrées
par
les
élèves
ou
les
adultes
en
fo
rmation,
les
informations
utiles
au
diagnostic
seront
davantage
prélevées
dans la
manière
d'apprendre,
plutôt
que
dans
l'efficience
en
situation
d'ap
prentissage.
Comment
la
personne
s'y
prend-elle
pour
tenter
d'apprendre
?
Met-elle
en
œuvre
toujours
le
même
style
ou
en
change-t-elle
selon
les
caractéristiques
de
la
situation
?
Des
questions
de
ce
type
pourraient
ren
seigner
sur
l'origine
des
difficultés
rencontrées.
Dans
une
perspective
édu
cative,
il
s'agirait
plutôt
d'identifier
des
manières
d'apprendre
spécifiques
pour
les
prendre
en
compte
dans
la
façon
d'enseigner.
Ainsi
pourrait
être
mise
en
place
une
différenciation
pédagogique,
qui
proposerait
des
object
ifs
à
atteindre,
et
des
méthodes
plurielles
pour
y
parvenir.
Elle
permett
rait
à
chacun
de
trouver
ce
qui
convient
le
mieux
à
son
style
personnel,
et
en
même
temps,
donnerait
à
chacun
l'occasion
d'expérimenter
des
modes
de
fonctionnement
différents
de
celui
qu'il
tend
à
adopter
spontanément.
Sur
le
plan
théorique,
l'étude
des
différences
individuelles
en
matière
d'apprentissage
peut
contribuer
à
une
meilleure
connaissance
des
proces
sus
d'acquisition.
Une
rapide
recension
des
savoirs
psychologiques
sus
ceptibles
d'éclairer
le
concept
de
style
d'apprentissage
fait
apparaître
plusieurs courants
théoriques
complémentaires
dans
ce
domaine.
On
considère
en
effet
classiquement
qu'il
y
a
apprentissage
«
chaque
fois
qu'un
organisme,
placé
plusieurs
fois
dans
la
même
situation,
modifie
sa
conduite
de
façon
systématique
et
relativement
stable
»
(Reuchlin,
19906).
Sciences
cognitives,
didactique
et
psychologie
différentielle
ont
contribué
à
enrichir
cette
définition.
La
psychologie
cognitive
a
permis
d'opérer
une
mutation
importante
:
les
grandes
théories
de
l'apprentissage
sont
abandonnées,
au
bénéfice
de
modèles
locaux.
On
admet
en
conséquence
une
pluralité de
types
d'apprent
issage
non
hiérarchisés
(Georges
et
Richard,
1982).
D'un
point
de
vue
méthodologique,
on
fait
porter
l'analyse
non
plus
sur
la
seule
structure
for
melle
de
la
tâche,
mais
aussi
sur
les
représentations
ou
les
connaissances
qu'utilise
le
sujet
pour
la
réaliser,
celles-ci
lui
fournissant
des
hypothèses
et
des
règles
de
conduite.
L'accent
étant
mis
sur
la
façon
dont
l'individu
ana
lyse
et
structure
les
informations
dont
il
dispose
afin
d'élaborer
sa
réponse,
on
a
montré
que
pour
une
même
tâche,
des
sujets
différents
pouvaient
mettre
en
œuvre
des
stratégies
différentes
pour
réaliser
une
performance
identique.
On
a
par
exemple
distingué
les
stratégies
globales,
pour
le
squelles
les
hypothèses
de
résolution
portent
simultanément
sur
plusieurs
dimensions,
des
stratégies
analytiques
consistant
à
étudier
successivement
chaque
dimension.
Une
limite
à
l'intérêt
de
ce
courant
pour
notre
objet
d'étude
est
relative
au
niveau
de
généralité
visé
pour
décrire
les
processus
d'acquisition.
Lorsqu'on
analyse
en
effet
de manière
détaillée
les
procé
dures
utilisées
par
l'individu
en
situation
de
résolution
de
problème
-
il
s'agit
le
plus souvent
d'une
micro-situation
de
nature
expérimentale
pré-
Les
styles
d'apprentissage
319
sentant
une
faible
validité
écologique
,
les
conclusions
auxquelles
on
parvient
s'avèrent
peu
généralisables.
La
didactique,
qui
s'en
inspire
pour
une
part,
dispose
d'un
autre
cadre
d'investigation
des
procédures
d'apprentissage
:
celui
du
champ
discipli
naire.
Les
méthodes
y
apparaissent
davantage
liées
au
contenu
qu'on
ne
l'a
cru
en
psychologie,
et
une
réflexion
propre
à
chaque
discipline
s'y
déve
loppe,
puisque
la
didactique
se
définit
comme
relative
aux
processus
d'ac
quisition
et
de
transmission
des
savoirs
à
propos
d'une
discipline
donnée.
L'analyse
fine
à
laquelle
elle
donne lieu
porte
tantôt
sur
l'analyse
de
l'évo
lution
organisationnelle
du
travail,
ce
qui
donne
lieu
à
d'intéressantes
typologies
des
savoirs
(Malglaive,
1990),
tantôt
sur
l'analyse
de
la
situation
pédagogique
(Meirieu,
1991
;
Develay,
1992).
L'enseignant
est
alors
invité
à
analyser
a
priori
toutes
les
dimensions
des
tâches demandées,
afin
de
créer
des
dispositifs
d'aide
à
l'apprentissage
adaptés
à chaque
type
de
pro
blème
(Allieu
et
Leudet,
1992).
Il
importe
notamment
de
prendre
en
compte
les
éventuels
obstacles1
à
la
compréhension
susceptibles
de
conduire
à
une
impasse
intellectuelle
(Tutiaux-Guillon
et
al.,
1992).
Pour
permettre
à
l'élève
de
les
dépasser
en
remaniant
son
réseau
conceptuel,
les
auteurs
suggèrent
de
susciter
des
échanges
permettant
de
modifier
les
représentations
initiales,
et
plus
généralement,
de s'écarter
d'une
stricte
«
logique
d'enseignement
»
pour
aller
vers
«
une
logique
d'apprentissage
»
(Tozzi,
1992).
La
psychologie
différentielle
se
propose
quant
à
elle
d'étudier
la
divers
ité
individuelle
dans
l'apprentissage
;
elle
a
donné lieu
à
plusieurs
cou
rants.
Une
première
tendance,
factorialiste,
a
été
de
caractériser
les
sujets
par
leurs
aptitudes
pour
un
apprentissage
donné.
Fleishman
(cité
par
Levy-Leboyer,
1993)
a
par
exemple
montré
que
les
aptitudes nécessaires
pour
réussir
une
tâche
motrice
nouvelle
changeaient
au
fur
et
à
mesure
de
l'apprentissage.
Tandis
qu'au
début,
la
réussite
est
fortement
dépendante
d'aptitudes
générales,
elle
résulte
ultérieurement
d'aptitudes
de
plus
en
plus
spécifiques.
Un
deuxième
courant
s'est
attaché
à
montrer
que
le
mode
d'apprentissage
différait
selon
les
traits
de
personnalité.
Eysenck
(cité
par
Furnham,
1992)
a
ainsi signalé
que
les
introvertis
étaient plus
motivés
à
la
tâche
mais
dépensaient
plus
d'énergie
dans
l'utilisation
de
la
mémoire
de
travail,
les
extravertis
étant
plus
capables
d'utiliser
des
ressources
supplé
mentaires
pour
répondre
à
une
nouvelle
demande.
Il
en
résulte
une plus
grande
efficience
des
extravertis
en
situation
d'apprentissage
par
la découv
erte,
les
introvertis
se
montrant
plus
performants
en
situation
d'apprent
issage
réceptif.
Un
troisième
courant,
appelé
«
ATI
»
Interactions
Apti
tudes/Traitement
,
a
consisté
à
chercher
dans
quelle
mesure
telle
1
.
Derrière
la
notion
d'obstacle
épistémologique
qu'on
doit
à
Bachelard,
il
y
a
l'idée
que
les
connaissances
ne
peuvent
être
conquises
que
par
des
progrès
relativement
discontinus.
Ainsi,
«
l'acquisition
d'un
concept
n'est
pas
instantan
ée,
et
en
tant
que
processus,
a
une
histoire
au
même
titre
que
la
production
d'un
concept
dans
le
monde
du
savoir
savant
»
(Bednaz
et
Garnier,
1990,
p.
18).
320
Isabelle
Olry-Louis
aptitude,
entendue
dans
sa
composante
fonctionnelle
comme
l'interface
entre
un
milieu
externe
et
un
milieu
interne,
tend
à
bénéficier
d'un
trait
ement
pédagogique
particulier.
Reuchlin (1991,
p.
61-63),
qui
en
présente
quelques
recherches
illustratives,
résume
ainsi
les
principaux
résultats
du
courant
ATI
:
les
méthodes
d'enseignement
très
structurées
conviennent
le
mieux
aux
élèves
dont
le
niveau
scolaire
et
intellectuel
est
le
moins
bon,
et
ces
mêmes
méthodes
sont
les
moins
efficaces
pour
les
sujets
ayant
les
notes
les
plus
élevées
dans
un
facteur
général
d'aptitude.
En
effet,
ces
élèves
pro
gressent
davantage
dans
un
contexte
pédagogique
libéral1.
Bien
qu'à
notre
avis,
seuls
des
champs
pluridisciplinaires
puissent
pré
tendre
rendre
compte
des
apprentissages,
plusieurs
modèles
locaux
sont
apparus
notamment
dans
les
pays
anglo-saxons
,
qui
associent
un
sys
tème
de
classification
empirique
des
styles
d'apprentissage,
à
un
instrument
permettant de
les
mesurer.
Après
avoir
défini
la
notion
de
styles
d'apprentis
sage
à
partir
de
celle
de
style
cognitif,
nous
nous
proposons
de
présenter
dans
cet
article
quelques-uns
de
ces
modèles
ainsi
que
les
instruments
de
mesure,
auxquels
ils
ont
donné
lieu,
et
les
tentatives
de
validation
réalisées
depuis
quelques
années.
Cette
présentation,
volontairement
synthétique,
compte-
tenu
de
la
diversité
des
approches,
sera
suivie
d'une
discussion
sur
les
tr
avaux
actuellement
menés
dans
le
domaine
des
styles
d'apprentissage.
1
-
STYLE
COGNITIF,
STYLE
DE
CONDUITE
STYLE
D'APPRENTISSAGE
1.1.
Les styles
cognitifs
:
définition,
mode
d'investigation
apport
a
la
différenciation
des
apprentissages
Le
concept
de
style
cognitif
a
donné
naissance
à
une
approche
plus
qualitative
des
processus,
puisqu'il
renvoie
à
tout
phénomène
de
variabil
ité
interindividuelle
stable
dans la
forme
de
l'activité
cognitive.
A
la diffé
rence
des
aptitudes,
le
style
cognitif
ne
caractérise
pas
le
niveau
d'eff
icience
mais
rend
compte
de
la
cohérence
entre
fonctionnement
cognitif
et
personnalité,
dans
des
classes
de
situation données
(Huteau,
1987).
1
.
Reuchlin
(1991,
p.
67)
décrit
la
méthode
libérale
comme
laissant
aux
élèves
le
soin
d'organiser
eux-mêmes
le
matériel
et
les
notions
enseignées,
utili
sant
des
présentations
abstraites,
faisant
opérer
aux
élèves
des
inductions
et
des
déductions
à
partir
de
ce
qui
leur
a
été
dit,
par
opposition
à
la
méthode
très
structurée,
présentant
un
caractère
concret,
utilisant
beaucoup
d'exemples,
précisant
la
meilleure
méthode
à
employer
ou
le
résultat
le
plus
important
à
retenir,
employant
moins
le
langage que
les
figures,
étant
jalonnée
de
contrôles
fréquents,
dans
laquelle
l'élève
est
finalement
guidé
pas
à
pas.
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