Karl-Heinze Krause
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ques indissolublement liés à la vie elle-même. Dans une perspective évolutionniste,
il pourrait sembler logique que se soient développés des mécanismes de réparation
visant à protéger surtout les sujets jeunes, en âge de procréer (disposable soma
theory). Démontré dans certaines espèces animales, ce phénomène n’est certaine-
ment pas universel, car d’autres espèces sont peu marquées par le vieillissement.
L’hypothèse d’un processus de vieillissement sélectionné par l’évolution pour
« faire place aux jeunes » est difficilement recevable. À l’échelon de la cellule, les
programmes génétiques de vieillissement pourraient en revanche avoir joué un rôle
essentiel au cours de l’évolution en prévenant le développement des cancers par une
limitation du nombre de divisions cellulaires possibles.
L’étude complète de l’ensemble de ces processus multiples et complexes dépasse-
rait largement les limites du présent document (tableau I). C’est pourquoi, après
l’énoncé de quelques données générales, nous illustrerons quelques aspects biologi-
ques du vieillissement dans l’espèce humaine, en insistant sur certains aspects parti-
culiers ayant trait au métabolisme des radicaux libres de l’oxygène et de ses dérivés.
FACETTES DIVERSES DU VIEILLISSEMENT
Avec l’avancée en âge, on voit se mettre en œuvre, à des degrés divers selon les cel-
lules ou organes, des processus très variés. La perte de la complexité des structures
de l’organisme peut être illustrée par l’image des villosités intestinales, qui devien-
nent avec l’âge moins profondes, moins différenciées, avec des entérocytes moins
hauts et un axe plus épais. Le vieillissement peut aussi être marqué par une accumu-
lation de « sous-produits » indésirables ; un exemple fameux est fourni par les pla-
ques séniles, qui signalent l’accumulation de substance amyloïde dans le cerveau :
bien que leur abondance soit caractéristique de la maladie d’Alzheimer, elles font
partie des signes du vieillissement normal. La disparition progressive des sécrétions
hormonales sexuelles caractéristique de la ménopause est une forme de perte liée à
l’âge des fonctions de cellules spécialisées. Avec l’âge, la densité minérale osseuse
diminue progressivement : l’ostéoporose sénile est caractérisée par une détériora-
tion et une raréfaction de la substance extracellulaire osseuse. Plusieurs maladies
dont la prévalence augmente avec l’âge sont liées à une perte de cellules
spécialisées : neurones de la substance grise dans la maladie d’Alzheimer, noyaux
Tableau I. Diversité des aspects biologiques du vieillissement.
– Perte de la complexité des structures cellulaires (par exemple, diminution de la surface villositaire
totale)
– Accumulations de déchets (par exemple, plaques séniles cérébrales de la maladie d’Alzheimer)
– Perte des fonctions d’un organisme ou d’une cellule (fonctions de reproduction, hormones)
– Perte de substance extracellulaire (par exemple dans l’ostéoporose)
– Perte du capital de cellules (par exemple, insuffisance cardiaque)