Les traumatismes crâniens et rachidiens Jean LEFEBVRE Service de Neurochirurgie CHU Pontchaillou Anatomie • Le rachis : – 7 vertèbres cervicales – 12 vertèbres thoraciques – 5 vertèbres lombaires – Sacrum – Coccyx Il forme une colonne mobile (à l’exception du sacrum) tendue par des muscles et soutenue par un appareil disco-ligamentaire. Vertèbre • Chaque vertèbre (en dehors de C1 et C2) comporte : – – – – – – un corps deux colonnes interapophysaires deux pédicules une lame 2 apophyses transverses une apophyse épineuse • Les vertèbres laissent place au foramen vertébral dans lequel chemine la moelle spinale. • Les apophyses sont les lieux d’insertion des muscles rachidiens. Vertèbre lombaire Particularités C1 et C2 • C1 (atlas) et C2 (axis) forment un complexe qui s’articule avec la base du crâne. Articulations vertébrales • Les vertèbres s’unissent par 3 articulations : – l’articulation inter-somatique : disque inter-vertébral – les 2 articulations interapophysaires • Entre les vertèbres sont tendues des ligaments qui participent à la stabilité rachidienne : – – – – – Ligament longitudinal antérieur Ligament longitudinal postérieur Ligament jaune Ligament inter-épineux Ligament supra-épineux • Avec le disque, les ligaments forment le segment mobile rachidien. Stabilité vertébrale • Chaque vertèbre se divise en 3 segments : – un segment antérieur : corps – un segment moyen : pédicules et colonnes inter-apophysaires – un segment postérieur : lames et processus épineux Stabilité vertébrale • Le poids du corps se répartit sur les segments antérieurs et moyens des vertèbres • Une fracture du segment antérieur ou du segment moyen sont à l’origine d’une instabilité vertébrale. • Une lésion du segment mobile rachidien aussi. Contenu du rachis • La moelle spinale traverse les foramen vertébraux • Les racines des nerfs spinaux passent bilatéralement dans les foramen inter-vertébraux • Tout traumatisme vertébral est susceptible de réduire le calibre du foramen vertébral ou des foramen intervertébraux = lésion de la moelle spinale et/ou des nerfs spinaux Innervation motrice et sensitive • Innervation motrice et sensitive du corps selon des niveaux superposés (métamères ou myélomères) • Au niveau lombaire, organisation des racines lombaires et sacrées en « queue de cheval » Traumatismes rachidiens • Traumatismes fréquents +++ • Prédominance masculine • Causes : – accidents de la voie publique +++ – accidents de sports – accidents du travail • Lésions possibles en cas de traumatismes minimes voire même sans traumatismes en cas d’os pathologique (infection, cancer, ostéoporose…) Mécanismes • 3 grands types de mécanismes lésionnels : – Compression ou hyper-flexion – Hyper-extension – Rotation ou distraction Prise en charge immédiate • IMMOBILISATION DANS L’AXE • Examen neurologique sommaire : mobilité des membres, sensibilité, vigilance du patient • Chercher d’autres traumatismes (polytraumatisme) : – Traumatisme crânien +++ – Traumatisme abdominal, thoracique, lésions des membres… • Gestes IDE d’urgence : – IMMOBILISATION DANS L’AXE : décubitus dorsal, minerve rigide – Pose d’une VVP – Bilan biologique « standard » : NFS, coagulation, ionogramme… – Monitorage scopé : pression artérielle, pouls, SaO2 Erreurs à ne pas commettre • Mobiliser un blessé rachidien avant avis médical • Enlever son casque à un motard gisant • Ne pas perfuser/scoper un traumatisé grave • Ne pas sécuriser une scène d’accident • Ne pas examiner un patient Lésions neurologiques • Moelle spinale : déficits neurologiques sous le niveau lésé, incomplet ou complet : paraplégie, tétraplégie, paraparésie, tétraparésie, troubles génito-sphinctériens, troubles du rythme cardiaque, troubles respiratoires • Racines nerveuses : déficits spécifiquement dans le(s) territoire(s) touché(s). Ex : paralysie spécifique des muscles fléchisseurs de la main • Racines de la queue de cheval (fractures/luxations lombaires) : troubles moteurs des membres inférieurs et troubles génito-sphinctériens +++ (constipation, anurésie, priapisme, perte du tonus anal) • Vaisseaux du cou (fractures/luxations cervicales) : traumatismes des artères carotides internes ou des artères vertébrales = AVC ischémiques possibles. Traitements spécifiques • Traitement « fonctionnel » : – Réservés aux cas les moins graves – Entorses bénignes, contusions simples – À visée antalgique : collier cervical mousse, ceinture lombaire souple • Traitement orthopédique ou « conservateur » : – – – – Fractures et/ou luxations peu ou pas déplacées En l’absence de lésions neurologiques Corset, minerve rigide Généralement 6 à 8 semaines • Traitements chirurgicaux : – Fractures graves : déplacement important du foyer de fracture, lésions neurologiques, lésions très instables – Entorses graves – Arthrodèse avec ou sans ostéosynthèse Traitements « fonctionnels » Traitements conservateurs (= orthopédiques) Traitements chirurgicaux Traitements chirurgicaux Anatomie : crâne • Enveloppe osseuse de l’encéphale et du tronc cérébral • Constitué de plusieurs os soudés entre eux (pas de mobilité) • Recouvert par du périoste et le cuir chevelu Anatomie : méninges • Protections « molles » du tissu nerveux. • • • Dure-mère (superficielle) Arachnoïde Pie-mère (profonde) • Entre les méninges circule le liquide cérébro-spinal • Rôles de protection (duremère) et de nutrition (piemère) du tissu nerveux Cerveau • • • Support de l’intégration neurologique centrale Constitué de 2 hémisphères de 4 lobes chacun, dévoués à des fonctions différentes (motrices, sensitives, végétatives Association de substance grise (cortex et noyaux gris centraux) et de substance blanches (faisceaux) Anatomie : tronc cérébral et cervelet • Cervelet : petit organe en connexion avec le cerveau et gérant la coordination des mouvements et l’équilibre • Tronc cérébral : organe au carrefour des connexions entre le cerveau, le cervelet et la moelle spinale • Lésions du tronc cérébral = lésions GRAVES Traumatismes crâniens • Traumatismes très fréquents +++ : quotidiens dans les services d’urgences • Prédominance masculine • Facteurs aggravants : prise de médicaments modifiant l’hémostase (aspirine, anticoagulants) ou maladie de l’hémostase (hémophilie, thrombopénie…) • Causes et populations : – Enfants : traumatismes domestiques, maltraitance – Jeunes adultes : AVP, accidents du travail – Sujets âgés : chutes de leur hauteur +++ Mécanismes • Traumatismes directs : coup direct en regard du traumatisme • Traumatismes indirects : liés au mouvement d’inertie du cerveau dans la boîte crânienne : effet « balle de flipper », lésions de deccélération Lésions • Plaie du cuir chevelu et lésions des parties molles • Fractures du crâne • Lésions des méninges • Lésions du tissu nerveux (cerveau, tronc cérébral, cervelet) • Plusieurs lésions peuvent être intriquées chez un même patient ! Plaies du cuir chevelu • URGENCES CHIRURGICALES • Tissu très vascularisé = hémorragies parfois massives avec risque de choc hémorragique si pas de prise en charge rapide • Rechercher la prise de médicaments modifiant l’hémostase +++ • Prise en charge IDE pour les grandes plaies: – Perfuser le malade – Bilan biologique : NFS et coagulation – Nettoyer et couper les cheveux autour de la plaie – Vérifier la vaccination anti-tétanique Fractures du crâne • Fréquentes mais pas forcément graves • Principaux risques : – Fractures pénétrantes : lésions méningées, plaies crânio-cérébrales – Fractures ouvertes : risque infectieux • Traitement chirurgical uniquement si fracture très déplacée menaçant le cerveau ou en cas de lésion cérébrale/méningée avérée • Types : – Fractures « simples » – Embarrures = enfoncement du crâne Fractures du crâne Embarrures Lésions méningées • Lésions des vaisseaux cheminant dans les méninges • Traumatismes directs (ex : plaie de l’artère méningée moyenne) ou indirects (ex : arrachement de veines cortico-dure-mériennes) • Responsables d’hématomes intracrâniens mais extra-cérébraux (= extraaxiaux) • Ex : hématome extradural, hématome sous-dural, hémorragie sousarachnoïdienne • Traitement chirurgical dans les cas sévères avec hypertension intracrânienne Hématome extra-dural Hématome sous-dural aigu Hémorragie sous-arachnoïdienne (ou « méningée ») Cas particulier : hématome sous-dural chronique • Hématome sous-dural « vieilli » • Traumatisme initial souvent vieux de plusieurs semaines • Installation progressive de céphalées et/ou de troubles neurologiques chez des patients souvent âgés • Traitement : évacuation chirurgicale dans la majorité des cas. Hématome sous-dural chronique Lésions cérébrales • Lésions touchant le tissu nerveux lui-même (cerveau, cervelet, tronc cérébral) • Hématomes ou contusions intracérébrales : – Hématomes au sein du parenchyme cérébral – Souvent multiples et dans plusieurs localisations adjacentes • Lésions axonales diffuses : lésions « invisibles » par arrachements diffus des axones neuronaux par effet de cisaillement, micro-hématomes intracérébraux. • Traitement chirurgical uniquement en cas d’hypertension intracrânienne • Dans tous les cas : arrêt des traitements modifiant l’hémostase (aspirine, anticoagulants…) Hypertension intra-crânienne • Le crâne est une boîte inextensible • Répartition des pressions grâce à 3 compartiments : – Le cerveau – Le sang contenu dans les vaisseaux sanguins – Le liquide cérébro-spinal • Toute augmentation de volume d’un des compartiments ou apparition d’un nouveau compartiment (ex : hématome intracrânien) augmente la pression intracrânienne. • Plus la pression intracrânienne augmente et plus le cerveau souffre jusqu’à la mort encéphalique en l’absence de traitement Hypertension intra-crânienne • La pression intracrânienne (PIC) modifie la pression de perfusion cérébrale (PPC) = pression nécessaire à une bonne perfusion du parenchyme cérébral. • Baisse de la PPC = souffrance cérébrale. Pour « vaincre » la pression intracrânienne, il faut augmenter la pression artérielle moyenne (PAM) • PPC = PAM – PIC Courbe pression-volume de la pression intracrânienne (PIC) Hypertension intra-crânienne • Symptômes : 1. Au début : céphalées, vomissements en jet, nausées 2. Stades plus avancés : troubles de la vigilance avec somnolence, confusion, majoration des céphalées, modification de taille des pupilles (anisocorie) 3. Evolution extrême : coma, troubles cardiaques et respiratoires jusqu’au décès par mort encéphalique par arrêt de la circulation artérielle cérébrale. Surveillance de la conscience d’un patient traumatisé crânien : échelle de Glasgow Hypertension intra-crânienne • Traitement : celui de la cause • Ex : évacuation d’un hématome intracrânien • Associé ou non au traitement chirurgical : traitement médical avec sédation du patient, osmothérapie (Mannitol) • Dans les cas extrêmes : craniectomie décompressive Traumatisme crânien grave • Définition : traumatisme crânien avec score de Glasgow < 8 • URGENCE • Prise en charge immédiate : – IMMOBILISER LE RACHIS : tout traumatisé crânien grave est un traumatisé médullaire jusqu’à preuve du contraire – PERFUSER le patient, BILAN BIOLOGIQUE « STANDARD » à l’arrivée à l’hôpital – MONITORAGE – EXAMEN SOMMAIRE : recherche d’autres traumatismes qui aggravent le pronostic (traumatisme rachidien, abdominal, thoracique…) – RECHERCHER UNE PLAIE DU SCALP Traumatisme crânien grave • En hospitalisation (Réanimation, Urgences, Soins Intensifs) : lutter contre les ACSOS = Agressions Cérébrales Systémiques d’Origine Secondaire • Hypoglycémie/hyperglycémie = surveillance régulière de la glycémie • Fièvre = surveillance régulière de la température • Hypoxie = surveillance de la saturation/gaz du sang • Hypotension artérielle = monitorage de la pression artérielle … et surtout : AUCUN PATIENT A PLAT : +30° Pronostic à long terme • Séquelles neurologiques • Séquelles neuropsychologiques • Coma et état pauci-relationnels • Décès