Le télésuivi des plaies chroniques traitées au domicile - FC

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dossier
La télémédecine en actes
pratique soignante
Le télésuivi des plaies chroniques
traitées au domicile
Nicolas Schinkel
Infirmier libéral chargé
de mission e-health à l’URPS
des infirmiers
de Franche-Comté
3, rue du Pont,
25350 Mandeure, France
z L’agence régionale de santé de Franche-Comté, en collaboration avec le Centre de traitement
ambulatoire des plaies chroniques du centre hospitalier universitaire de Besançon et douze sites
volontaires, a développé un dispositif de télésuivi des plaies chroniques à domicile z Celui-ci est
mis en œuvre par des infirmiers libéraux depuis 2009.
© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS
Mots clés – domicile ; expertise ; plaies chroniques ; télémédecine ; télésuivi
The remote monitoring of chronic wounds treated in the home. The Franche-Comté Regional
Health Authority, in collaboration with the chronic wound outpatient centre of Besançon university
hospital and twelve volunteer sites, has developed a remote patient monitoring programme for
monitoring chronic wounds in the home. It has been used by private practice nurses since 2009.
© 2016 Published by Elsevier Masson SAS
Keywords – chronic wounds; expertise; home; remote patient monitoring, telemedicine
D
ès 2009, le Centre de traitement ambulatoire
des plaies chroniques (CTAPC) du centre hospitalier universitaire de Besançon (25) a travaillé
à un projet de télésuivi des plaies chroniques au
domicile. Ce projet a vu le jour grâce à des subventions européennes, à l’appui de l’agence régionale
de santé (ARS) de Franche-Comté et à une collaboration fructueuse entre médecins et infirmiers
libéraux.
Adresse e-mail :
[email protected]
(N. Schinkel).
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tologie dans la montée en charge technique de
ce projet et l’utilisation de la plateforme de télémédecine.
Les sites volontaires ont été équipés d’outils de
suivi à distance des plaies chroniques (tablette,
­chariot de télémédecine selon les sites). Ainsi, dès
la parution du décret relatif à la télémédecine en
2010 [1], les professionnels de santé étaient prêts
à mettre en œuvre la nouvelle pratique selon les
­modalités prescrites.
Une approche expérimentale
zz Depuis lors, le dispositif a continué de se
avec plusieurs sites volontaires
développer en fonction des textes et appels à
projets successifs. À ce jour, quatre cabinets
zz L’ARS de Franche-Comté a développé ce d’infirmiers libéraux participent au diagnostic
programme de suivi à distance des plaies chro- à distance de plaies chroniques avec le CHU de
niques et des compliBesançon. Des clichés des
cations liées au diabète,
plaies sont pris et envoyés
dont une première étape Des clichés des plaies sont pris
à la dermatologue grâce à
a consisté à déployer cette
une tablette numérique.
et envoyés à la dermatologue
nouvelle technologie :
Cette spécialiste fait
• en mobilisant douze
part, en différé, de son
sites répartis dans l’en- grâce à une tablette numérique diagnostic à l’infirmier.
semble de la région, perAinsi, une cinquantaine
mettant ainsi de couvrir une grande diversité de patients sont pris en charge par les quatre
d’acteurs demandeurs : infirmiers libéraux, cabinets infirmiers depuis 2013. Il a été décidé
hôpitaux locaux, centre hospitalier spécialisé, que seuls les cas complexes et chroniques bénéÉtablissement d’hébergement pour personnes ficieraient d’un acte de télémédecine, afin de ne
âgées dépendantes (Ehpad), médecins généra- pas engorger le CTAPC avec des plaies que les
listes, etc. ;
infirmiers libéraux devraient être capables de
• en accompagnant les équipes du service de gérer en collaboration avec les médecins traitants
dermatologie du CTAPC et du service de diabé- des patients concernés.
© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dx.doi.org/10.1016/j.soin.2016.09.011
SOiNS - no 810 - novembre 2016
dossier
La télémédecine en actes
Madame R.
zz Après s’être écorchée en jardinant, Madame R.
le fond de la plaie. Elle peut affirmer que cette
dernière est exsudative et cyanotique sur les bords.
Elle ne pense pas qu’il s’agisse d’ulcères veineux. Il y
a également un biofilm bactérien.
zz La dermatologue préconise une détersion
manuelle, un lavage au savon de Marseille et des
pansements absorbants. Elle demande à recevoir
de nouveaux clichés dans une dizaine de jours afin
d’observer l’amélioration ou non des plaies. Elle
envoie ces recommandations de façon sécurisée à
l’infirmier via le même logiciel de télésuivi.
zz Grâce à ces conseils, les plaies se sont
refermées en deux mois. Madame R. n’a pas eu
besoin d’effectuer 160 kilomètres aller-retour pour
un diagnostic, ni de laisser son mari malade sans
surveillance durant plusieurs heures.
présente des plaies de la face antéro-externe de la
jambe gauche depuis six semaines, sans évolution
positive. Sa plaie principale se creuse, elle est
fibrineuse et s’étend. La patiente a mal et estime sa
douleur, sur une échelle visuelle analogique (EVS),
à 6 sur 10. En accord avec elle et son médecin
traitant, l’infirmier décide de recourir à un acte de
télémédecine.
zz Il réalise divers clichés et une anamnèse,
et transmet le tout de façon sécurisée, à l’aide d’un
logiciel dédié, au médecin spécialiste du Centre
de traitement ambulatoire des plaies chroniques
(CTAPC).
zz La dermatologue lit l’histoire de la patiente
et, grâce aux clichés macroscopiques, peut analyser
Le télésuivi en pratique
zz L’organisation mise en œuvre s’appuie sur une
relation directe entre le professionnel de santé
demandeur, le médecin spécialiste, le médecin traitant et le patient. Les patients sont inclus, après leur
accord, sur l’initiative de l’infirmier libéral, lorsque
ce dernier constate que la plaie n’évolue pas favorablement après quatre à six semaines de traitement.
Le médecin traitant en est alors informé et reçoit le
compte rendu de la dermatologue.
zz Il arrive aussi parfois que ce soit le médecin
gnostic plus rapide. L’infirmier libéral se rend alors
au domicile du patient dans le cadre des soins habituels (changement des pansements, figure 1). Il
rédige une description de la plaie ainsi que de son
contexte d’apparition ou d’évolution, puis prend
une ou plusieurs photos avec la tablette avant de
refaire le pansement (figure 2). Ces clichés sont
pris, si possible, sur un champ de couleur verte ou
bleue. Le vert est en effet la couleur pour laquelle
la plupart des capteurs vidéo sont les plus sensibles,
la plus lumineuse, celle qui génère le moins de
bruit sur ces capteurs. C’est également la couleur
la plus éloignée de celle de la peau. Cela permet à
l’œil du spécialiste de se concentrer uniquement
sur la plaie du patient. Il faut prendre une première image des deux membres ensemble, puis
du membre atteint. Des clichés de la plaie en mode
macroscopique sont ensuite indispensables pour
que la dermatologue puisse établir un diagnostic.
SOiNS - no 810 - novembre 2016
© DR
traitant qui demande à l’infirmier de pratiquer
un acte de télémédecine afin d’obtenir un dia-
Figure 1. Tablette numérique utilisée par l’infirmier.
zz Toutes ces informations cliniques sont automatiquement ajoutées au dossier du patient
et transmises à la dermatologue sous forme
d’images. Celle-ci, 48 heures au plus (en pratique,
moins de 12 heures) après l’envoi des clichés,
analyse ces derniers et indique la conduite à tenir.
Son compte rendu, complété avec les prises de
vue et les informations cliniques relevées dans le
cadre du suivi à distance, est mis à la disposition
de l’infirmier demandeur et déposé dans le dossier médical partagé (DMP) du patient.
Ainsi, l’ensemble des professionnels, notamment
le médecin traitant, qui interviennent ou interviendront dans la prise en charge du patient, dispose de toutes les informations utiles.
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dossier
La télémédecine en actes
nombre de pansements. La possibilité de pres-
crire directement les dispositifs médicaux [2]
a grandement facilité et amélioré leur prise en
charge des plaies chroniques et complexes de
personnes, souvent très âgées, à leur domicile.
zz Le télésuivi permet aux patients de bénéfi-
© DR
cier, en cas de besoin et sans retard, d’un avis
spécialisé pour traiter ces plaies souvent handi-
Figure 2. Exemple de dossier patient transmis par l’infirmier sur la tablette.
Références
[1] Décret n° 2010-1229 du
19 octobre 2010 relatif à la
télémédecine. www.legifrance.
gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=
JORFTEXT000022932449&categ
orieLien=id
[2] Arrêté du 20 mars 2012 fixant
la liste des dispositifs médicaux
que les infirmiers sont autorisés
à prescrire. www.legifrance.gouv.
fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFT
EXT000025592708
capantes. Il apporte également aux infirmiers,
au-delà d’un conseil ponctuel, un lien permanent
très formateur avec la dermatologue. Ce lien permet une collaboration de qualité entre l’infirmier
qui assure la surveillance et les soins, le médecin
spécialiste qui donne un avis en fonction des données transmises et le médecin traitant qui suit
leurs échanges afin de mieux coordonner toutes
les interventions au domicile.
Outre une meilleure prise en charge, cette technologie permet enfin une réelle économie de transports
et d’hospitalisations inutiles, souvent éprouvants
pour des patients chroniques et fragiles. n
zz L’infirmier demandeur
reçoit un courriel lui indiquant que la spécialiste
a répondu à sa requête. Il
en prend connaissance et
modifie sa prise en charge
si nécessaire. Le médecin
traitant n’ayant pas forcément accès au DMP de
son patient, l’infirmier
l’informe du diagnostic
et de la conduite que lui
suggère la dermatologue.
Le télésuivi permet une
collaboration de qualité
entre l’infirmier, le médecin
spécialiste et le médecin
traitant
Un accès facilité à l’expertise
pour les soins de proximité
zz Les infirmiers libéraux réalisent un grand
Les points à retenir
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
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• Un dispositif de télésuivi des plaies
chroniques à domicile a été mis en place.
• C’est l’infirmier libéral ou le médecin traitant
qui décide d’inclure le patient dans le télésuivi
lorsqu’il constate une absence d’amélioration de la
plaie.
• Les photos et autres informations sont
envoyées directement au spécialiste qui donne un
avis dans les 48 heures.
• Ce dispositif améliore la prise en charge et la
qualité de vie de la personne âgée, aide l’infirmier
et se révèle pour lui très formateur.
SOiNS - no 810 - novembre 2016
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