
SOiNS - no810 - novembre 2016 53
La télémédecine en actes
dossier
le télésUivi en pratiqUe
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L’organisation mise en œuvre s’appuie sur une
relation directe
entre le professionnel de santé
demandeur, le médecin spécialiste, le médecin trai-
tant et le patient. Les patients sont inclus, après leur
accord, sur l’initiative de l’infirmier libéral, lorsque
ce dernier constate que la plaie n’évolue pas favora-
blement après quatre à six semaines de traitement.
Le médecin traitant en est alors informé et reçoit le
compte rendu de la dermatologue.
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Il arrive aussi parfois que ce soit le médecin
traitant qui demande à l’infirmier de pratiquer
un acte de télémédecine
afin d’obtenir un dia-
gnostic plus rapide. L’infirmier libéral se rend alors
au domicile du patient dans le cadre des soins habi-
tuels (changement des pansements, figure1). Il
rédige une description de la plaie ainsi que de son
contexte d’apparition ou d’évolution, puis prend
une ou plusieurs photos avec la tablette avant de
refaire le pansement (figure2). Ces clichés sont
pris, si possible, sur un champ de couleur verte ou
bleue. Le vert est en effet la couleur pour laquelle
la plupart des capteurs vidéo sont les plus sensibles,
la plus lumineuse, celle qui génère le moins de
bruit sur ces capteurs. C’est également la couleur
la plus éloignée de celle de la peau. Cela permet à
l’œil du spécialiste de se concentrer uniquement
sur la plaie du patient. Il faut prendre une pre-
mière image des deux membres ensemble, puis
du membre atteint. Des clichés de la plaie en mode
macroscopique sont ensuite indispensables pour
que la dermatologue puisse établir un diagnostic.
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Toutes ces informations cliniques sont auto-
matiquement ajoutées au dossier du patient
et transmises à la dermatologue sous forme
d’images. Celle-ci, 48heures au plus (en pratique,
moins de 12heures) après l’envoi des clichés,
analyse ces derniers et indique la conduite à tenir.
Son compte rendu, complété avec les prises de
vue et les informations cliniques relevées dans le
cadre du suivi à distance, est mis à la disposition
de l’infirmier demandeur et déposé dans le dos-
sier médical partagé (DMP) du patient.
Ainsi, l’ensemble des professionnels, notamment
le médecin traitant, qui interviennent ou inter-
viendront dans la prise en charge du patient, dis-
pose de toutes les informations utiles.
Madame R.
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Après s’être écorchée en jardinant, MadameR.
présente des plaies de la face antéro-externe de la
jambe gauche depuis six semaines, sans évolution
positive. Sa plaie principale se creuse, elle est
fibrineuse et s’étend. La patiente a mal et estime sa
douleur, sur une échelle visuelle analogique (EVS),
à 6 sur10. En accord avec elle et son médecin
traitant, l’infirmier décide de recourir à un acte de
télémédecine.
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Il réalise divers clichés et une anamnèse,
et transmet le tout de façon sécurisée, à l’aide d’un
logiciel dédié, au médecin spécialiste du Centre
de traitement ambulatoire des plaies chroniques
(CTAPC).
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La dermatologue lit l’histoire de la patiente
et, grâce aux clichés macroscopiques, peut analyser
le fond de la plaie. Elle peut affirmer que cette
dernière est exsudative et cyanotique sur les bords.
Elle ne pense pas qu’il s’agisse d’ulcères veineux. Il y
a également un biofilm bactérien.
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La dermatologue préconise une détersion
manuelle, un lavage au savon de Marseille et des
pansements absorbants. Elle demande à recevoir
de nouveaux clichés dans une dizaine de jours afin
d’observer l’amélioration ou non des plaies. Elle
envoie ces recommandations de façon sécurisée à
l’infirmier via le même logiciel de télésuivi.
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Grâce à ces conseils, les plaies se sont
refermées en deux mois. MadameR. n’a pas eu
besoin d’effectuer 160kilomètres aller-retour pour
un diagnostic, ni de laisser son mari malade sans
surveillance durant plusieurs heures.
Figure 1. Tablette numérique utilisée par l’infirmier.
©DR