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Discours de Monsieur Gérard Collomb
Sénateur-Maire de Lyon
A l’occasion de la commémoration
de la rafle de la rue Sainte-Catherine
12, rue Sainte-Catherine – Lyon 1
er
Dimanche 8 février 2015
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Monsieur le Représentant du Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du
Rhône,
Cher Robert Badinter,
Madame la Présidente du Conseil Représentatif des Institutions Juives de
Rhône-Alpes,
Monsieur le Représentant du Président du Conseil régional Rhône-Alpes,
Mesdames et Messieurs les membres du Corps consulaire de Lyon,
Monsieur le représentant du Gouverneur Militaire de Lyon,
Monsieur l’Adjoint délégué au Patrimoine, à la Mémoire et aux Anciens
Combattants,
Madame la Maire du 1
er
arrondissement,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Délégué régional de l’association des Fils et Filles des Déportés
Juifs de France,
Monsieur le Président de l’amicale des portés d’Auschwitz-Birkenau et
des camps de Haute Silésie du Rhône,
Mesdames et Messieurs les représentants des Associations d’Anciens
Combattants, Résistants, Déportés et Victimes de guerre,
Mesdames et Messieurs,
« Pour la première fois depuis des scles, on imposait de nouveau par la force
aux Juifs une communauté dont ils avaient perdu la conscience, la communauté
de l’expulsion. Mais pourquoi ce sort les poursuivait-il toujours ? Quel était le
sens de cette absurde persécution ? On les chassait de tous les pays et on ne leur
donnait point de pays. On leur disait : « N’habitez plus avec nous », mais on ne
leur disait pas où ils devaient habiter.
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Et dans leur fuite, ils se dévisageaient avec des yeux brûlants : Pourquoi moi ?
Pourquoi toi ? Pourquoi moi avec toi, que je ne connais pas, dont je ne
comprends pas la langue ? Pourquoi nous tous ?
Et aucun ne trouvait de réponse. »
Ecrits en 1941, ces mots de Stefan Zweig peignaient avec une lucidité frappante
la violence du déferlement antisémite qui en quelques années, avait scellé le sort
des Juifs d’Europe.
Après avoir conquis le pouvoir en Allemagne et abattu la démocratie, après
avoir entraîné le continent européen dans la guerre, Adolf Hitler avait fait de son
idéologie antisémite un instrument de mobilisation de masse.
Peu à peu et l’un après l’autre, la plupart des pays de l’Est dont les Juifs
enrichissaient la culture depuis des siècles leur avaient retiré toute protection,
sacrifiant tous leurs droits, et faisant d’eux de véritables parias condamnés à une
fuite éperdue pour la survie.
Une fuite éperdue qui pour des milliers d’entre eux devait sachever en
France entre 1942 et 1944 ; une fuite éperdue qui pour certains, s’arrêta
brutalement ici, rue Sainte-Catherine, le 9 février 1943.
Parmi les hommes, les femmes, les adolescents dont le destin a basculé ce jour-
là, 28 étaient Français, 56, étrangers.
Parmi eux des Polonais, des Autrichiens, des Allemands, des Tchèques, des
Hongrois, des Roumains, des Russes, un Letton ; parmi eux aussi des apatrides,
ceux qui depuis plusieurs années déjà avaient été contraints à un exil sans retour.
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Tous étaient Juifs et c’est parce qu’ils étaient Juifs que Klaus Barbie, Chef de la
Gestapo de Lyon, avait choisi de les arrêter, puis de les déporter, pour les
exterminer.
Ici, au 12 rue Sainte-Catherine se tenait le siège de la 5
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direction de l’Union
Générale des Israélites de France. Chargée de l’assistance aux Juifs étrangers,
mission officielle que l’occupant feignait de tolérer, elle abritait aussi
clandestinement la Fédération des Sociétés Juives de France et le Comité
d’Assistance aux Réfugiés.
Pour faire face à la haine et à l’abjection qui sans cesse et partout les
menaçaient, les Juifs de France avaient organisé la solidarité :
Apporter le minimum vital à tous ceux que les lois raciales avaient privé de
travail et de dignité ;
Fournir de faux papiers pour fuir la persécution ;
Permettre le passage à la frontière suisse, pour tenter de sauver quelques vies.
Mais pour tous ceux qui, le 9 février 1943, étaient venus trouver ici un ultime
réconfort, le piège sétait refermé. Piège tentaculaire que le nazisme était
parvenu à tendre sur tout le continent, faisant des Juifs des proies dont on avait
décidé de traquer jusqu’au dernier des enfants, faisant de chaque grande ville
occupée un réservoir de victimes qui seraient déportées et qui,
irrémédiablement, seraient éliminées, assassinées dès leur sortie du train dans les
chambres à gaz ou qui mourraient d’épuisement dans les camps de travail.
Car peu à peu, l’effroyable machine génocidaire s’était mise en place et avec
elle, une véritable géographie de l’horreur. Belzec, Chelmno, Majdanek,
Sobibor, Treblinka. Et Auschwitz-Birkenau, qui allait devenir le symbole de
l’enfer de la Shoah :
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Une plate-forme permettant d’acheminer les Juifs de n’importe quel point du
continent ; une véritable usine de mort portant un cran plus loin la rationalisation
du crime ; Une véritable usine de mort dont l’armée soviétique découvrit
l’horreur il y a 70 ans et qui porte, aujourd’hui encore, une interrogation sur
l’idée même d’humanité.
C’est là que furent assassinées 1 100 000 personnes, hommes, femmes, enfants
confondus, Juifs pour la plus grande majorité. C’est qu’après Drancy, la
plupart des 86 personnes raflées rue Sainte-Catherine furent déportées. Trois
seulement survécurent.
C’est au travail considérable de Serge et Beate Klarsfeld que nous devons de
connaître l’identité, le parcours et le destin tragique de chacune de ces victimes.
C’est eux qui ont recherché, retrouvé et permis de mettre en accusation Klaus
Barbie pour ses crimes.
Cher Robert Badinter,
Tu étais alors Garde des Sceaux.
Je sais combien lengagement de l’association des Fils et Filles des Déportés
Juifs de France fut pour toi essentiel ; Il le fut pour l’ancien avocat ; Il le fut
pour le Ministre de la justice, auteur de la loi historique sur l’abolition de la
peine de mort dans notre pays ; Il le fut aussi pour l’homme puisque Serge
Klarsfeld t’avait informé que ton père, Simon Badinter, faisait partie des 86
personnes raflées ici sur ordre de Barbie.
Quand au printemps 1987, Barbie fut jugé pour crime contre l’humanité au
Palais de justice de Lyon, à quelques pas d’ici, la rafle de la rue Saint-Catherine
et celle des enfants d’Izieu le 6 avril 1944 furent, avec le dernier convoi parti de
notre ville le 11 août 1944, les principaux chefs d’accusation portés à l’encontre
du boucher de Lyon.
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