avril 2013 - Urgence Afrique

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RAPPORT DE MISSION SANTE A TOGBOTA
- du 1er au 26 Avril 2013 Thérèse REVEL – Hélène GOEBEL
INTRODUCTION
Dans le cadre de notre stage S4 de deuxième année à l’IFSI de Pontoise, nous
avons souhaité effectuer une mission de 4 semaines à l’étranger, notamment un
pays d’Afrique, ici le Bénin.
Pour nous accompagner, notre choix s’est porté sur l’Association URGENCE
AFRIQUE (24 rue des Epinettes – 75017 PARIS) qui répondait le mieux à nos
attentes quant à ses valeurs, son organisation, son encadrement français et local et
l’utilité de ses diverses missions. Implantée au Bénin depuis 2006, elle a étendu ses
actions à d’autres pays, avec objectif principal le développement économique local
dans le respect de l’environnement. Ses missions sont orientées vers la santé mais
aussi l’environnement et l’éducation.
PRESENTATION DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL A TOGBOTA
Le village
Nous sommes accueillies à Togbota, à 60 km au nord de Cotonou, dans la vallée de
l’Ouémé. Ce village, dont l’accès se fait uniquement par pirogue, ne possède ni eau
courante ni électricité. Il compte une population de 4 500 habitants répartis sur deux
secteurs : Togbota Agué (où nous logeons et où se trouve également le dispensaire)
et Togbota Oudjra, à une demi-heure de marche (sans autre moyen de locomotion).
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Chaque année, les pluies torrentielles automnales provoquent des crues de la rivière
So qui paralysent littéralement le village et entraînent des dégâts matériels, mais
engendrent aussi des maladies en raison de l’eau stagnante.
Le dispensaire
Ouvert en 1997 puis repris par Urgence Afrique en 2006, et situé à Togbota-Agué, il
est également accessible par pirogue à partir de la case des bénévoles où nous
logeons. Nous y travaillons le matin, de 8h à 12h, et l’après-midi de 15h à 17h. Les
villageois s’y rendent essentiellement le matin.
Il est constitué de 3 pièces :
-
une entrée, qui fait office de salle d’attente avec un banc et un lit où peut se
reposer tout patient qui vient de recevoir un soin. Celui-ci peut y être prodigué,
même en la présence d’autres patients attendant leur tour. Cette pièce est
séparée du bureau par un paravent, empêchant toute confidentialité.
-
la pharmacie où sont entreposés les médicaments (certains périmés) rangés par
classes médicamenteuses ainsi que le matériel, tous en quantité insuffisante
notamment pour les compresses, sérum physiologique, tubulures… Malgré un
nettoyage régulier, les matériels et médicaments sont en contact permanent avec
la poussière, car le dispensaire ne dispose pas de boites fermées pour les
stocker.
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-
la salle de soins avec une table d’examens, une paillasse pour la préparation des
perfusions, des meubles, pourtant utiles mais qui ne sont pas suffisamment
investis. Leur tenue à jour permettrait d’avoir le matériel nécessaire sous la main
sans avoir à aller chercher, à tout moment, ce dont on a besoin dans la
pharmacie.
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L’équipe
Elle se compose :
-
une semaine sur deux d’Innocent, Infirmier Diplômé d’Etat en poste depuis
environ un an et demi, et Charles, Aide-Soignant au sein du dispensaire depuis
1999.
-
Denise, Aide-Soignante fraichement diplômée, qui tient un rôle clé au sein du
dispensaire, en tant qu’aide mais également comme personne référente auprès
de la population les week-ends lorsque Innocent ou Charles est absent.
La population accueillie
Il s’agit principalement de femmes enceintes, d’enfants en bas âge, plus rarement
d’hommes.
Les motifs de consultation
Les raisons de consulter sont essentiellement :
-
Consultations pré-natales,
-
Paludisme
-
Malnutrition / dénutrition
-
Troubles intestinaux (dysenterie)
-
Plaies diverses (suite aux travaux des champs pour les hommes)
-
Problèmes pulmonaires (affections respiratoires aigues chez les enfants, toux)
-
Ulcère de Buruli
NOTRE MISSION ET NOS OBJECTIFS
Notre temps de travail se partageait en plusieurs temps :
-
Au dispensaire
Nous participions aux consultations et aux soins, sous le contrôle d’Innocent ou
Charles, tels que des pansements simples, la préparation d’injections intra-veineuses
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et intra-musculaires, la prise de constantes (température, tension, pesée), l’accueil et
la prise en charge du patient à l’arrivée, la surveillance de perfusions mises en place
par l’IDE… Il est à noter que le rôle de ce dernier est également de poser un
diagnostic et de faire les prescriptions correspondantes.
-
En « stratégie avancée »
En allant au-devant de la population, dans les villages, nous avions pour objectif de
faire :
 de la prévention, notamment en apportant des informations sur les deux
principales maladies endémiques : l’ulcère de Buruli et la bilharziose.
Le hasard a voulu nous mettre en présence, lors de notre voyager aller en avion,
d’un médecin, Dr Didier AGOSSADOU, travaillant pour le Ministère de la Santé
béninois, et spécialisé dans l’ulcère de Buruli. Ainsi, nous avons pu échanger sur ce
problème et, à son invitation, l’avons par la suite rencontré à son bureau de Cotonou.
Au cours de cet entretien, il nous a remis de multiples supports d’information
(affiches, plaquettes…)
qui nous ont grandement servies au cours de nos
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déplacements pour informer, éduquer et transmettre ces données à des enfants de
CE2, CM1 et CM2, au sein des deux écoles de Togbota, à Oudjra puis à Agué.
Lors de nos visites dans les écoles, nous avons pu faire passer l’information auprès
des enfants : d’abord formulées en français par nous-mêmes, nos paroles étaient
ensuite traduites par Innocent dans la langue locale, le « fon ».
A la fin de notre intervention, afin de nous assurer que le message était bien passé
et compris, nous avons procédé à une évaluation en posant des questions aux
enfants. Le retour fut globalement positif. Les instituteurs ont également participé aux
échanges.
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Dans le cadre de l’information sur la bilharziose, l’information été transmise
directement par Innocent lui-même, par manque de temps restant. Un traitement (le
Praziquantel) a été remis à chacun (enfants, instituteurs et directeurs d’école). Ce
traitement (40 mg/kg : 1 comprimant faisant 600 mg, il nous a fallu procéder à la
pesée de tous pour adapter le bon dosage), est administré une fois par an à titre
préventif.
 de l’éducation à la santé, portant sur l’hygiène en général, et l’hygiène des
mains en particulier.
 de la « bobologie » en prodiguant aux enfants des soins élémentaires de
petites plaies, souvent aux membres inférieurs. Il est à noter que ces plaies ne
font jamais l’objet de consultations au dispensaire, car ne sont pas jugées
graves ni importantes par les parents, alors qu’elles peuvent très vite
dégénérer en raison de l’insalubrité de l’eau dans laquelle se baignent en
permanence les enfants.
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NOS RESSOURCES
-
Nos connaissances, acquises à l’école sur l’apprentissage d’un pansement
simple, nous ont été ici très utiles dans le cadre de nos objectifs puisqu’à la fin de
cette réunion d’information, tous les enfants présentant des plaies, de tailles
diverses, se sont présentés à nous pour être soignés.
-
Matériel et traitement : malgré nos dons et ceux des bénévoles précédents, ainsi
que la dotation accordée mensuellement au dispensaire, les moyens s’avèrent
très limités et se trouvent vite épuisés, ne permettant pas toujours de donner les
soins nécessaires à la population accueillie alors que les personnes les plus
aisées bénéficient d’une ordonnance pour aller à la pharmacie de proximité.
Beaucoup d’enfants sont reçus mais il n’existe aucun traitement (paracétamol ou
autre), ni matériel (cathéter, aiguille…) pédiatrique, ce qui demande à l’IDE,
responsable du dispensaire, d’adapter les traitements pour adultes aux enfants
(exemple du Doliprane : une gélule sera divisée en deux et dissoute dans un peu
d’eau pour être ensuite administrée à la cuillère).
Malgré tout, les soins s’avèrent de qualité car durant tout notre stage, nous
n’avons pas revu de patient victime de surdosage ou d’effet indésirable lié au
traitement.
-
L’équipe du dispensaire qui, malgré la barrière de la langue, nous a permis
d’entrer en communication avec la population locale. Nous avons dû faire aussi
appel, grâce à nos apprentissages acquis au cours de notre formation, au
langage non verbal tel que : toucher, regards, gestuelle…
LES AXES D’AMELIORATION A APPORTER
En général :
Afin d’améliorer les conditions de travail et d’accueil :
 Un dispensaire plus grand et espacé des habitations qui sont aujourd’hui trop
proches: un projet serait en cours, du côté de la case des enfants.
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 L’eau potable/courante pour tous : les installations sont en place mais non encore
fonctionnelles.
 L’électricité : qui permettrait de ventiler le dispensaire où il fait souvent trop
chaud, augmentant le malaise des patients, mais aussi pour tenir au frais des
médicaments ou autres…
NB : Ces deux derniers points sont dépendants des autorités locales, l’Association
n’ayant pas d’influence quant à leur mise en place.
 Une meilleure accessibilité géographique : en effet, il existe à Togbota-Oudjra un
dispensaire d’Etat, actuellement fermé. Or, la population malade de cette partie
du village doit effectuer en moyenne 1/2h à 3/4h de marche (et deux temps de
pirogue) pour parvenir au dispensaire de Togbota-Agué, ce qu’elle fait très
rarement. Aussi, aucune ressource médicale n’est présente dans ce secteur où
les villageois présentent pourtant toutes sortes de pathologie.
 La mise en place d’un cahier de transmission entre les différents bénévoles qui
se succèdent (quelques soient leurs missions), ceci afin d’assurer la continuité de
ce qui a été mis en place dans la prise en charge des soins et des actions, et
d’éviter les répétitions et le « redémarrage à zéro » de toute action précédente,
ignorée par les nouvelles recrues.
Ce cahier, évoqué auprès des responsables du dispensaire, pourrait se présenter
globalement comme suit :
 Date
 Nom du/des bénévole(s)
 Rôle/mission (santé, éducation, environnement)
 Action(s) entreprise(s)
 Evaluation en fin de mission (notamment ici pour la mission santé) :
-
inventaire du matériel en place (médicaments, dispositifs médicaux…),
pointant les manques, en vue d’une transmission aux dirigeants de
l’Association afin que les bénévoles suivants puissent parer à cette pénurie
lors de leur venue.
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-
Soins et actes médicaux prodigués, leur efficacité (ou pas).
-
les axes d’amélioration en général…
Tout ceci afin d’assurer la pérennité de nos actions engagées en vue d’une
amélioration constante, pour les patients mais aussi pour personnel soignant sur
place.
En particulier
Une meilleure organisation interne du dispensaire :
 Des salles bien distinctes pour préserver la confidentialité
 Pharmacie : un rangement des différents traitements dans des boîtes
hermétiques bien identifiées, protégeant ainsi de la poussière
 Du matériel en plus grande quantité : en demandant à chaque bénévole en
partance pour Togbota d’apporter une liste élémentaire de produits manquants
cruellement, et pourtant essentiels aux soins de base, comme, entre autres :
-
Compresses +++++
-
Antiseptiques
-
Gants
-
Sérum physiologique (nous n’en avions plus en milieu de séjour)
-
Médicaments et matériels pédiatriques
-
…….
Beaucoup de matériels, restés à la Villa de l’Association à Cotonou, se trouvent
aujourd’hui périmés ou abimés, donc inutilisables. D’autres sont inutiles car non
adaptés
aux
besoins
locaux,
comme
des
couches
pour
adultes,
des
bronchodilatateurs sans le matériel qui nécessite l’utilisation de nébulisateurs (donc
d’électricité), des sondes urinaires… Aussi, la nécessité de mettre en place un
contrôle régulier (ex : à chaque arrivée de nouveau bénévole, ou tous les mois)
permettrait une meilleure gestion, moins de pertes et des apports plus adaptés au
contexte de chaque site.
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LES FREINS RENCONTRES AU COURS DE NOTRE MISSION
-
En amont, un manque d’information concernant les conditions de travail,
l’organisation des soins, les rôles de chacun au dispensaire, les pathologies
rencontrées sur le terrain.
-
La courte durée du stage qui ne nous a pas permis « d’aller jusqu’au bout » et
d’évaluer pleinement nos actions.
-
La barrière de la langue qui ne nous permet pas de parler directement aux
villageois lorsque nous ne sommes pas accompagnées.
LES FACTEURS FAVORISANTS
-
L’accueil chaleureux d’une population très ouverte et souriante.
-
Un encadrement de qualité de la part du personnel du dispensaire.
-
L’interprète au dispensaire (IDE et AS), mais pas toujours présent en
stratégie avancée.
CONCLUSION
La plupart de nos objectifs ont été atteints, d’un point de vue individuel, même si
deux semaines de plus auraient été utiles pour les finaliser.
Nous sommes très heureuses d’avoir pu vivre cette expérience unique, au cœur
d’une population et d’une équipe accueillante et encadrante. Nous avons pu
constater la différence du rôle de l’Infirmier et l’Aide-Soignant entre la France et le
Bénin. En effet, ici l’Infirmier assure plutôt un rôle de médecin, voire de chirurgien, et
l’Aide-Soignant peu pratiquer des actes infirmiers. Leur formation est ainsi faite…
Toutefois, nous avons pu mesurer l’écart entre notre projet théorique, en amont
de
notre mission, où celle-ci était bien ciblée et planifiée, et la réalité du terrain où nous
avons du faire preuve d’insistance auprès de Rodrigue, le Chef de Programme, et
Innocent, pour que puissent être mises en œuvre les stratégies avancées. En effet,
notre planning initial s’est vu modifié en fonction de l’équipe de la semaine.
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Malgré tout, nous avons pu être actrices de notre mission au-delà de l’organisation
initiale du dispensaire. En accord avec Innocent et Charles, nous sommes allées audevant de la population pour prodiguer des soins aux enfants présentant des petites
plaies, ou conseiller à certains adultes, aux pathologies diverses, de se rendre au
dispensaire pour une consultation plus approfondie.
Toutefois, pour les étudiants infirmiers partant en mission santé, une formation
spécifique, par l’Association, expliquant les pathologies rencontrées, le rôle propre
de chaque soignant (IDE et AS) au Bénin - très différent du modèle français -, la
prise en charge des patients… permettrait à chacun de mieux appréhender sa
mission, de mieux préparer ses objectifs et d’être moins surpris par certaines
pratiques locales.
REMERCIEMENTS
Nous tenons tout particulièrement à remercier toute l’équipe présente sur place et
sans qui notre séjour n’aurait pas été si agréable :
-
Rodrigue, le chef de programme, qui nous a bien encadrées durant ces 4
semaines
-
Innocent, Charles et Denise, pour leur accueil, leur patience, leur sourire, et
aussi la transmission de leur savoir. Nous tenons à les féliciter pour tout ce qu’ils
font avec le peu de moyens qu’ils ont….
-
Mélanie, pour sa bonne cuisine et sa gentillesse
-
Jacques, pour ses accompagnements quadri-quotidiens en pirogue
-
Constance, pour sa bonne humeur et ses chants continus au sein de la case des
enfants
-
Léonel, de la ferme solidaire, pour sa présence et sa sagesse tout au long de
notre mission,
-
Et nos compagnes de mission (éducation et santé), Zoé, Elise et Eléonora qui
ont apporté beaucoup de fraîcheur et de bonne humeur à notre séjour !
-
L’Association Urgence Afrique pour son encadrement.
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