Une réserve
forestière
est-elle une
protection
absolue pour
la biodiversité ?
l’actualIté de la recherche au muséum
© Charlène Letenneur - MNHN
décembre 2012
ARTICLE ORIGINAL
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William F. Laurance, […] P.-M. Forget, […] F. Feer, […] et
al. Averting biodiversity collapse in tropical forest protected
areas. Nature, 489, 13 september 2012, p. 290-294.
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Pierre-Michel Forget et François Feer sont membres de l’UMR 7179 -
Mécanismes Adaptatifs : des Organismes
aux Communautés – au département Ecologie et Gestion
de la Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle.
C’est la question que s’est posée une équipe scientifique
internationale. Pour cela les auteurs ont analysé l’évolution
sur 30 ans de 60 zones protégées dans les principales
régions forestières tropicales du monde entier, africaines,
américaines et asiatiques. Cette étude est une première d’une
telle ampleur. Les auteurs ont interrogé des chercheurs et
les responsables de terrain spécialistes de ces réserves, tous
très expérimentés. Le questionnaire portait sur l’abondance
de 31 animaux et plantes clés ainsi que sur 21 facteurs
environnementaux dans les réserves et leurs abords.
la réponse est alar-
mante : près de la moItIé
des réserves souffrent
d’une érosIon de la bIo-
dIversIté.
Les petites réserves sont les plus vulnérables car les régions
situées en bordure, qui servent normalement de “zone
tampon”, se décalent progressivement vers l’intérieur des
parcelles protégées, jusqu’à en affecter la quasi-totalité.
Le déboisement, les feux, la chasse, les mines illégales et
l’exploitation des produits forestiers sont parmi les pires
fléaux.
Les dégradations environnementales af-
fectent la biodiversité en augmentant
l’isolement des réserves, la réduction de
leur surface et les effets de bordure, ce
qui entraine une grave déstabilisation
de l’équilibre forestier : la diversité des
plantes est tronquée en faveur des espèces
à graines de petites tailles ou dispersées
par le vent ; les lianes se développent
et envahissent les lieux.
Les espèces animales les plus fragilisées sont les grands
vertébrés, les primates, les chauves-souris, les amphibiens,
les lézards, serpents, grands reptiles et les poissons d’eau
douce. Pour les végétaux, ce sont les arbres à croissance
lente et les épiphytes qui souffrent le plus. On déplore
aussi le déclin rapide des oiseaux insectivores, frugivores,
migrateurs ou qui s’abritent dans les arbres creux…
Ces forêts sont pourtant officiellement protégées ! Elles ont
besoin d’être mieux contrôlées car ce sont les dernières
zones de très grande diversité biologique.
Il n’y a pas de planète de rechange !