Dans le contexte actuel de la faillite idéologique de la
Gauche et de l’écroulement de la social-démocratie en
Europe, la mort de Michel Rocard apporte les souvenirs
d’une époque aussi lointaine qu’actuelle, d’une lutte et
d’une vision qui à force d’être désavouée par le socialisme
triomphant des années quatre-vingt fut refoulée. Le retour
du refoulé dans la terrible crise que nous traversons hante
la Gauche. Cette vision fut la « deuxième Gauche », une
Gauche libérale, assez décomplexée pour assumer son
libéralisme avec parrhésie car libérée d’un socialisme
désuet et opprimant. Elle prônait l’entreprenariat, la
décentralisation, la raison du moindre État. Dans cette
lutte aussi bien de terrain que de théorie politiques,
Michel Rocard n’était pas seul. Avec lui marchaient des
intellectuelles de la carrure de Pierre Rosanvallon et de
Michel Foucault. Si le lien du premier à la deuxième
gauche est bien connu, celui entre Foucault et Rocard fut
secret, discret, souterrain, enraciné dans le terreau de
l’audace de la parole et du courage de la vérité. Peut-être
le plus grand hommage à Michel Rocard serait le récit de
cette passionnante affinité intellectuelle, morale et
politique.
Panagiotis Christias,
philosophe et sociologue, étudie les
phénomènes moraux, politiques et
socio-économiques. Ses travaux
portent sur la philosophie politique
classique, la théologie politique,
l’histoire de la philosophie et de la
sociologie, les Lumières et la contre-
révolution, le libéralisme et l’anti-
libéralisme. Il a publié récemment
Platon et Paul au bord de l’abime. Pour
une politique katéchontique aux
éditions Vrin. Il est actuellement
professeur d'histoire des idées au
département d'Études françaises et
européennes de l'Université de Chypre.
Il est également chercheur affilié au
laboratoire Dynamiques Européennes
de l’Université de Strasbourg et
professeur invité de sociologie à
l’Université de Lorraine.