opep.f.gonnand - CGEMP - Université Paris

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REPÈRES SUR LES VARIATIONS
DU PRIX DU PÉTROLE
FRÉDÉRIC GONAND – 8 MARS 2016
UNIVERSITÉ PARIS-DAUPHINE
KING ABDULLAH PETROLEUM STUDY AND RESEARCH CENTER
UIMM
ALI AL-NAIMI (MINISTRE SAOUDIEN DU PÉTROLE) EN 2015:
« NO ONE CAN SET THE PRICE OF OIL – IT’S UP TO ALLAH »
Prix du pétrole nominal et réel (en €/baril)
100
90
80
Dernier point : prix courant, septembre 2015 : 42€
novembre 1979 : 81€
70
€ constants (2007)
60
50
40
30
€ courants
20
10
Sources : FMI, Datastream, le prix du pétrole est déflaté par l'IPC France
0
janv.-70
janv.-74
janv.-78
janv.-82
janv.-86
janv.-90
janv.-94
janv.-98
janv.-02
janv.-06
janv.-10
janv.-14
2
TROIS COMPOSANTES POUR EXPLIQUER LES PRINCIPALES
VARIATIONS DU PRIX DU BARIL (1/2)
Littérature récente (Lutz Kilian). Principales variations du prix du baril reflètent… :
 … des chocs sur la disponibilité physique à court terme de pétrole (choc d’offre);
Les ruptures d’approvisionnement effectives n’ont cependant qu’un effet le plus souvent transitoire
et limité sur le cours du baril. Les effets sont souvent amortis car d’autres producteurs relèvent
rapidement leur production.
 … des chocs sur la demande de pétrole brut liés à l’économie mondiale (chocs
de demande mondiale);
Un choc non anticipé de demande globale a des effets importants, progressifs et persistants sur le
prix du baril. Ex. : emballement de la croissance du sud-est asiatique dans les années 2000.
 … des chocs liés à une demande de précaution pour le pétrole liée à des
craintes de rupture d’approvisionnement futurs (chocs de demande de
précaution).
Les effets sur le cours du baril de ce type de chocs sont importants, immédiats et surtout persistants
(avec sur-ajustement à court terme). Ex. : Iran 1979 ; rupture du cartel OPEP en 1985.
La littérature suggère que les grands changements de régime de cours du baril
ont surtout reflété depuis 30 ans l’effet des deux derniers facteurs.
3
TROIS COMPOSANTES POUR EXPLIQUER LES PRINCIPALES
VARIATIONS DU PRIX DU BARIL (2/2)
• La demande globale : 2004 est l’année d’une explosion des besoins
d’énergie en Chine.
Depuis 1993, la Chine était importatrice nette de pétrole. Mais la machine s’emballe
en 2004 : au lieu d’une hausse annuelle standard de 7%, les importations de pétrole
chinoises décollent de +16%. La production de charbon devient insuffisante pour
couvrir la demande interne d’électricité et la Chine commence à importer du fioul,
• Des facteurs d’offre ont ponctuellement pu jouer un rôle assez limité.
Exemple des décisions de l’OPEP parfois à contretemps de la conjoncture. Cf.
sommet de Jakarta en 1997. Année 2004 : sommet d’Alger + grève au Venezuela +
insurgés bloquant les exports au Nigéria + ouragan Katrina dans le golfe du
Mexique.
• Consensus de la littérature pour estimer que l’influence des
phénomènes financiers sur le prix du baril est faible, même en 2008.
4
PRODUCTION DE PÉTROLE BRUT EN ARABIE SAOUDITE ET
AUX ETATS-UNIS
5
LA STRUCTURE CONCURRENTIELLE DU MARCHÉ A ÉVOLUÉ
AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES
• Le marché du pétrole est mondial (son coût de transport est très bas: 1,7$ par bep
sur 1000km pour le pétrole vs 4,3$ pour le charbon et env. 10$ pour le gaz par pipeline). Les
prix régionaux évoluent souvent de façon similaire.
• La structure du marché pétrolier jusqu’aux années 2000 était caractérisée par:
•
•
•
un producteur-pivot - l’Arabie Saoudite ;
un oligopole non-coopératif (l’OPEP) ;
des producteurs non OPEP fonctionnant en mode concurrentiel.
• Depuis 5 à 10 ans, montée en puissance de la production russe et du pétrole non
conventionnel aux Etats-Unis -> l’Arabie Saoudite a aujourd’hui perdu une bonne
partie de son pouvoir de marché. Le marché du pétrole est plus concurrentiel.
Il est abusif de dire « l’Arabie Saoudite a fait baisser les prix pour laminer les producteurs
nord-américains » - même si elle se réjouit de la baisse des cours de ce point de vue.
• Face à la chute du prix du baril depuis mi-2014, l’Arabie Saoudite n’a pas ajusté sa
production à la baisse car elle veut préserver sa part de marché. Il s’agit d’une
constante de la politique pétrolière saoudienne.
6
UN CYCLE DU PRIX DU BARIL DE PÉTROLE DANS LES
ANNÉES 2010? (1/2)
Pourquoi la production de pétrole non conventionnel aux Etats-Unis n’a pas diminué
de mi-2014 à mi-2015 malgré une impressionnante chute du prix du baril? :
• Aux Etats-Unis, les puits déjà forés ont continué de produire car leur exploitation
était couverte sur les marchés dérivés contre le risque de variation du baril. En
revanche, le nombre de nouveaux puits forés depuis mi-2014 s’est effondré (cf.
plongeon du rig count).
Le cycle de production dans le secteur du tight oil est court (souvent moins de deux ans) :
son exploitation peut être couverte contre les variations du prix du baril par des contrats
futures pour lesquels la liquidité est satisfaisante à cet horizon.
• Importants gains de productivité dans la production pétrolière US depuis 2/3 ans.
Le prix des matériels a beaucoup diminué (plus d’effet de goulot). Le niveau de rentabilité
des puits de pétrole non conventionnel est en moyenne sans doute plus proche de 60$/b
aujourd’hui que de 80$/b au début de la décennie.
• Que les Etats-Unis puissent produire du pétrole à un coût de 60$/b n’implique pas
que ce niveau constitue un plafond absolu pour les années à venir.
Le prix du pétrole devrait rester lié en premier lieu aux grands chocs de demande et aux
éventuels achats de précaution en cas de crainte de rupture d’approvisionnement.
7
UN CYCLE DU PRIX DU BARIL DE PÉTROLE DANS LES
ANNÉES 2010? (2/2)
• La chute du prix du baril depuis un an touche durement
l’exploration/production (EP) des gisements de pétrole conventionnel,
activité caractérisée par un cycle de production très long (env. 30 ans), trop
long pour que le risque puisse être pris en charge par des marchés futures.
• L’actuel déficit d’investissements dans l’EP conventionnel pourrait se
traduire d’ici 2 à 3 ans par des tensions sur le marché où environ 5% des
capacités de production doivent chaque année être remplacées
(épuisement progressif des puits). Il est peu probable que cette baisse soit
compensée intégralement par surcroît de production de pétroles non
conventionnels.
• L’adage « la solution contre les prix bas est… les prix bas! » pourrait donc
trouver une nouvelle fois à s’appliquer (i.e., des prix bas dépriment l’offre,
stimulent la demande et favorisent à terme un rebond du cours du baril).
Mais attention, le rebond du prix du baril pourrait rester assez limité si la croissance
mondiale n’accélère pas significativement..
8
LE RETOURNEMENT MI-2015 DE LA PRODUCTION
AMÉRICAINE DE PÉTROLE NON CONVENTIONNEL
Actual or expected average daily production (in million barrels per day) from counties associated with the Permian, Eagle
Ford, Bakken, and Niobrara plays, monthly Jan 2007 to September 2015.
9
LE RALENTISSEMENT DE LA DEMANDE CHINOISE A CHANGÉ
L’ANALYSE DU MARCHÉ ET DU PRIX FUTUR
• Au début des années 2010, l’analyse dominante était plutôt la suivante :
« Dans les années 2000, l’essor de la production russe a contribué à couvrir l’envolée de la
demande asiatique. Mais le maintien de l’offre à son niveau actuel requiert déjà d’énormes
investissements, uniquement pour compenser l’épuisement de nombreux champs. »
« Donc à moyen terme, le marché mondial du pétrole devrait rester caractérisé par une
offre physiquement contrainte et une demande pas encore très contrainte par les prix ».
« Par conséquent, les prix devraient rester aux alentours de 100$/b ».
• Le ralentissement économique chinois – dont le rythme n’était pas anticipé
et qui pourrait être plus important qu’indiqué par les statistiques officielles
- a invalidé cette analyse.
Utiliser alors les analyses de L.Kilian sur la dominance des effets de demande globale sur le
marché du pétrole (cf. transparent 2).
10
LE RALENTISSEMENT RAPIDE DE LA CROISSANCE CHINOISE
SUR CETTE DÉCENNIE N’ÉTAIT PAS ANTICIPÉ
11
LA QUESTION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LES
MONARCHIES DU GOLFE
• Les monarchies du Golfe, massivement exportatrices, ne craignent pas la
raréfaction du pétrole pouvant être produit.
Arabie Saoudite : officiellement 240 milliards de barils de réserves, en réalité plus
de 300 milliards - soit un siècle de production au rythme actuel…
• Mais elles craignent deux choses pour le marché du pétrole…
… à court-moyen terme, que leur consommation nationale d’énergie demeure hors
de contrôle, absorbe une part croissante de la production nationale de brut, donc
pèse sur les exports de pétrole qui sont au cœur de leur modèle de développement
et du fonctionnement de leurs finances publiques.
… à long terme, qu’un jour la demande mondiale de pétrole ne fléchisse vraiment
en lien avec les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les pays
développés. Peur du jour où « plus personne n’achèterait du pétrole ». D’où une
certaine sympathie pour le repli du prix du pétrole… qui soutient la demande et
bride la transition énergétique.
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LES PAYS DU GOLFE ET LE MOYEN-ORIENT, SEULES ZONES
OÙ L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE BAISSE DEPUIS 15 ANS
1,04
1,03
Taux de croissance annuel moyen de
l’efficacité énergétique (%)
1,02
1,01
1,00
0,99
0,98
0,97
2000-2008
2008-2012
2000-2012
0,96
0,95
13
CONCLUSION
1. Le niveau actuel du cours du baril n’est pas très bas au regard des
niveaux réels observés depuis 40 ans.
2. Ce sont probablement les facteurs de demande (soit mondiaux, soit
sectoriels via le stockage de précaution) qui pèsent le plus lourd dans
les grands changements de régimes de prix du baril de pétrole.
3. Le pétrole demeurera une ressource énergétique abondante pendant
encore plusieurs décennies.
4. La production de pétroles non conventionnels en Amérique du Nord a
rendu le marché mondial du baril plus concurrentiel. Le pouvoir de
marché de l’Arabie Saoudite a diminué.
5. La chute actuelle des investissements dans l’exploration/production
peut constituer un facteur de rééquilibrage du marché à moyen terme.
6. L’évolution future de l’efficacité énergétique des économies – en
particulier chez les pays producteurs - est un paramètre structurant du
prix futur du pétrole.
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Sources des graphiques :
Datastream
BP
EIA Drilling Productivity Report
International Monetary Fund
King Abdullah Petroleum Study And Research Center
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