42 Stratification du risque de la maladie coronarienne Micha T. Maeder 1 et Michael J. Zellweger 2 les conséquences pathophysiologiques de la 1 Cardiologue FMH, Baker IDI Heart and coronaropathie (ischémie), alors que l’angio- Diabetes Institute/Heart Center, Alfred graphie coronarienne classique et sa variante Hospital, PO Box 6492, St Kilda Road non invasive par tomographie computérisée vi- 2 Central, Melbourne 8008 Victoria, Australia, sualise le corollaire morphologique (sténose [email protected]. coronarienne). De prime abord, les résultats de Cardiologue FMH, Chef de Clinique et ces deux approches peuvent paraître diver- Directeur de la Division de Cardiologie gents, notamment chez des patients asympto- nucléaire, Kardiologische Klinik, Universi- matiques; ainsi, la normalité d’un test non tätspital Basel, Petersgraben 4, 4031 Basel, invasif à la recherche d’ischémie ne garantit [email protected]. pas l’indemnité des coronaires, mais rend probable l’absence d’une sténose hémodyna- Résumé miquement significative et, par voie de consé- La maladie coronarienne fait partie des causes quence, est de bon pronostic. de décès majeures. La détection précoce de la maladie et son traitement est dès lors primordiale. Chez les individus asymptomatiques, une estimation du risque global faite à partir des facteurs de risque cardio-vasculaire classiques est la base d’une stratification du risque déterminant les mesures prophylactiques primaires. Exception faite de quelques situations bien définies, des investigations complémentaires poussées ne sont pas préconisées pour le collectif d’individus asymptomatiques faute de méthodes simples, précises, économiques et sans risques. Si un tel examen est effectué, le choix se portera sur le procédé adapté à la situation individuelle de manière optimale. Il convient de se souvenir qu’une ergométrie ou une imagerie sous stress met en évidence Introduction La maladie coronarienne est en tête de liste des causes de décès dans le monde entier. L’importance majeure de la prévention, du dépistage et d’un traitement adéquat est incontestable; en revanche, la mise en application pratique de telles mesures est difficile faute de méthodes simples, précises, économiques et sans risque, adaptées à un screening à large échelle. Cette revue se focalise sur l’estimation de la probabilité d’une coronaropathie chez des individus* asymptomatiques, sur les tests complémentaires disponibles et l’interprétation de leurs résultats. ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 43 La mise en évidence de calcifications coronariennes (corrolaire anatomique) est preuve d’une coronaropathie à un stade indétectable par ergométrie (documentation de conséquences pathophysiologiques). Conformément à l’illustration 1, plusieurs tests sont disponibles, basés sur des principes différents, dont la valeur se positionne toutefois de manière prépondérante (Annotation à insérer:* par simplification, ce manuscrit utilise exclusivement la forme masculine recouvrant les deux sexes) Principe de la stratification du risque chez des individus asymptomatiques La symptomatologie d’angine de poitrine ne représente que la pointe de l’iceberg de la «cascade ischémique» (illustration 1). Illustration 1: Principe de la «cascade ischémique» Des altérations morphologiques précoces silencieuses précèdent l’ischémie symptomatique associée à des lésions plus avancées. Les méthodes d’investigation citées mettent en évidence des stades variés de la maladie coronarienne; de ce fait et de prime abord, les résultats peuvent paraître divergents. CAC-Score: «Coronary artery calcium-Score», Coronarographie: Angiographie coronarienne, CT: «Computerized tomography» coronarienne, Dysfonction VG: Dysfonction ventriculaire gauche, Écho: Échocardiographie, IRM: Imagerie par résonance magnétique cardiaque, SPM: Scintigraphie de perfusion du myocarde. PATHOPHYSIOLOGIE Anamnèse Ergométrie Angor Écho, IRM, SPM SPM, IRM, Écho Coronarographie, CT Sous-dénivellation ST Dysfonction VG Perfusion Sténose coronarienne CT (CAC-Score) Calcification coronarienne MORPHOLOGIE ISCHÉMIE Ø ISCHÉMIE ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 44 dans le domaine du diagnostic et/ou de la stratification du risque de patients symptomatiques, dont la probabilité d’une coronaropathie sous-jacente est moyenne à élevée. Le but de la stratification du risque chez l’individu asymptomatique est l’appréciation de la probabilité de survenue d’une manifestation coronaropathique dans le long terme permettant de déterminer la mise en application de mesures prophylactiques primaires adéquates. La stratification de risque s’appuie principalement sur l’évaluation des facteurs de risque cardio-vasculaire classiques, en bonne partie modifiables (nicotine, hypertension, cholestérol, diabète …). Le risque global individuel calculé sur la base de ces données déterminera la nature de la prophylaxie primaire (mesures non médicamenteuses ou pharmacothérapie). Les scores de Framingham, PROCAM ou AGLA (AGLA-Kalkulator sur www.agla.ch) évaluent le risque eu égard à la survenue d’une manifestation coronarienne à 10 ans. Ces différents scores s’appuient sur un même principe tout en intégrant certaines particularités géographiques ou ethniques. Un taux inférieur à 10% représente un risque faible à 10 ans, un taux à 10-20% un risque moyen et un taux supérieur à 20% un risque élevé. A l’heure actuelle, toute investigation allant au-delà d’une détermination simple du profil de risque est non préconisée pour une population asymptomatique, la prévalence d’une coronaropathie étant dans ce collectif clairement inférieure à celle d’un collectif de patients symptomatiques (illustration 2); de plus, les méthodes d’examen disponibles sont compliquées, onéreses et insuffisamment précises pour un screening. Une attitude plus agressive face à des individus asymptomatiques avec risque cardio-vasculaire intermédiaire est en discussion avec recours éventuel à des tests tel le «coronary artery calcium (CAC) score»; suivant le résultat, une catégorisation «haut risque» serait possible ouvrant la voie à l’instauration d’un traitement agressif d’hypertension ou de dyslipidémie dans le but d’une réduction précoce du risque coronarien. En revanche, des investigations complémentaires sont inutiles en cas d’une appréciation «haut risque» d’un individu asymptomatique; en effet et selon ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 45 Illustration 2 Prévalence de la coronaropathie en fonction du sexe, de l’âge et des symptômes. 1: Angor typique 2: angor atypique 3: Douleurs thoraciques non-cardiogènes 4: Absence de symptômes. Illustration modifiée d’après : Diamond, G.A. and Forrester, J.S., Analysis of probability as an ƃ 60 80 1 40 2 20 Prévalence de la coronaropathie 100% aid in the clinical diagnosis of coronary-artery disease, N Engl J Med, 1979, 300, p. 1350-8 3 0 4 30 40 50 60 70 80 90 Ƃ 1 60 80 2 40 3 20 4 0 Prévalence de la coronaropathie 100% Agé Agé 30 40 50 60 70 80 90 ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 46 le théorème de Beyes, cette appréciation ne changera pas quelque soit le résultat des examens complémentaires (positif ou négatif ). Dans ce groupe de patients, l’indication d’un traitement prophylactique primaire selon les directives en vigueur est de toute façon donnée et cela indépendamment de toute investigation complémentaire. Chez un patient à haut risque même un examen négatif ne rassure pas, tant en raison de la nature de la maladie coronarienne que des tests utilisés: d’une part, les plaques non sténosantes échappent à toute détection fiable par les méthodes d’examens disponibles, tout en étant source d’évènements coronariens aigus sur rupture; d’autre part, la sensitivité des tests disponibles ne permet pas un diagnostic infaillible d’une maladie coronarienne même significative. Le cas des diabétiques est particulier en ce sens que l’absence de symptômes n’exclut pas la présence d’une ischémie d’effort significative; compte tenu de ceci, une stratégie plus libérale est proposée pour ce collectif bien défini, afin d’identifier ceux susceptibles de bénéficier d’une investigation invasive. Retenons qu’en cas d’absence de symptômes il n’y a que rarement indication d’ un test non-invasif; en pratique pourtant, de tels examens sont souvent effectués, engendrant en cas de fausse positivité de nouvelles investigations inutiles et onéreuses. Nous vous proposons ci-après une revue succincte des différentes investigations cardiologiques non-invasives et leur interprétation dans le contexte clinique. ECG à l’effort La consommation d’oxygène augmente à l’effort physique en parallèle à l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle. La présence d’une sténose coronarienne limite l’accroissement du flux sanguin, provoquant une ischémie, qui peut se manifester par de l’angor et/ou des modifications ECG; toutefois, jusqu’à 60% des épisodes ischémiques sont silencieux. En présence d’un ECG normal (sous-dénivellation ST <0.1mV par rapport au segment PQ) et d’une tolérance à l’effort suffisante, c’est l’ECG à l’effort qui reste l’examen de premier choix. Une augmentation de la fréquence cardiaque à au moins 85% de la fréquence ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 47 prédite est nécessaire pour valider un test (la fréquence cardiaque prédite est en fonction de l’âge: 220 – âge en années). Une sous-dénivellation horizontale ou descendante du segment ST d’au moins 0.1 mV est considérée «positive», soit indicative d’une ischémie myocardique induite par l’effort. Un segment ST abaissé ascendant est peu spécifique et n’est considéré positif qu’en cas d’une ascension lente et d’une sousdénivellation d’au moins 0.15mV. De plus, les éléments suivants sont à prendre en considération également: 1. En l’absence d’un effort suffisant (augmentation de la fréquence cardiaque), le test n’est pas négatif mais ininterprétable. 2. Une ischémie se développe lentement et persiste pour un certain temps (sur le plan formel, trois contractions du cœur sont exigées avec une ligne ST stable; des modifications «fugaces» sont suspectes d’être d’une origine «faussement positive»). 3. Plus la sous-dénivellation ST est précoce et profonde, plus l’ischémie est importante. 4.Les dérivations touchées par des sous- dénivellations ST ne permettent pas la localisation de l’ischémie; l’abaissement du segment ST est le plus prononcé dans les dérivations précordiales V5-V6 et cela indépendamment de la localisation de l’ischémie. 5. En cas de sous-dénivellation ST préexistante de > 0.1mV, l’interprétation d’un test d’effort sera incertaine. En cas de bloc de branche gauche, de préexcitation, d’un pace-maker ou de la digitale, les modifications du segment ST sous effort sont ininterprétables et une ergométrie à but diagnostic est dès lors à proscrire à la faveur d’un procédé par imagerie. Une méta-analyse chiffre la sensitivité de l’ergométrie à 68% et la spécificité à 77%; le test est moins sensitif et probablement moins spécifique chez les femmes comparativement aux hommes. En dehors des modifications du segment ST, l’ergométrie fournit d’autres informations pronostiques utiles: Inadaptation à l’effort, incompétence chronotrope, récupération lente d’une fréquence cardiaque normale («heart rate recovery») et adaptation tensionnelle faible, éléments qui sont tous associés à un pronostic défavorable. ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 48 Une ergométrie visant à apprécier une probabilité de maladie coronarienne n’est pas préconisée pour les individus asym- ptomatiques non sélectionnés. L’approche pour le collectif des diabétiques est régie par des indications spéciales déterminées en fonction de facteurs de risque supplémentaires et /ou de co-morbidités. Une part significative de ces patients, étant incapables de fournir une charge physique suffisante, doivent être investigués par imagerie médicale combinée à une charge pharm- cologique (cf scintigraphie de perfusion myocardique). L’ergométrie est une moda- lité d’investigation adéquate pour le groupe d’individus asymptomatiques présentant de multiples facteurs de risque cardio-vasculaire ou au moins une probabilité intermédiaire de coronaropathie ainsi que pour des hommes > 45 ans ou des femmes > 55 ans, qui: a) débutent à nouveau un entraînement physique, b) exercent une profession ayant une incidence significative sur la sécurité d’autres personnes (p.ex. pilotes) ou c) présentent des co-morbidités associées à la coronaropathie (p.ex. artériopathie obstructive périphérique). Scintigraphie de perfusion du myocarde (SPM) La SPM documente le trouble de la perfusion dont le résultat sera l’ischémie. La perfusion myocardique peut être mesurée au repos et à l’effort après injection d’un marqueur radioactif (p. ex. Technetium ou Thallium) grâce à sa distribution myocardique proportionnelle au flux sanguin coronarien. Un défaut de perfusion à l’effort mais non pas au repos est indicatif d’une ischémie. Un défaut de perfusion présent tant au repos qu’à l’effort par contre, représente une cicatrice. Contrairement à l’ergométrie, la SPM permet la détermination tant de la localisation que de l’étendue de l’ischémie/cicatrice. Dans la même séance (sous réserve d’un rythme sinusal) il sera possible de mesurer les volumes ventriculaires gauches et la fraction d’éjection. La sensitivité de la SPM est supérieure (85-90%) à celle de l’ergométrie. Si toujours possible, la charge sera physique en raison des informations supplémentaires sur l’adaptation à l’effort et les données cliniques et électriques (angor, intervalle ST). En cas d’inadaptation à l’effort du patient, une charge ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 49 pharmacologique sera appliquée moyennant vasodilatation par Adénosine ou Dipyridamole (induction d’un «coronary steel») ou alors moyennant une augmentation de la fréquence cardiaque et du besoin en oxygène myocardique par Dobutamine. Les aspects positifs de la SPM sont nombreux et comportent notamment: Informations diagnostiques et pronostiques fiables indépendamment de l’état du patient et de ses antécédents (p. ex. aussi en présence de cicatrices étendues, fibrillation auriculaire ou bloc de branche); applicabilité de toutes les modalités de stress disponibles lors d’une SPM; étant un procédé bien standardisé et largement indépendant de l’examinateur, la SPM se prête bien à une utilisation à large échelle en tant que méthode de screening efficace et économique à visée appréciative de la maladie coronarienne. Les aspects négatifs englobent son accès limité (infrastructure de médecine nucléaire), ses frais et l’exposition à la radiation. Il n’y pas d’indication claire eu égard aux patients asymptomatiques. La SPM est une option d’investigation raisonnable pour les patients (notamment les diabétiques) connaissant des indica- tions spéciales telles que mentionnées dans le chapitre précédent dévolu à l’ECG d’effort. Le pronostic des patients sans cicatrice ni ischémie à la SPM est excellent avec un taux d’évènements myocardiques ou de décès < 1% et cela même en présence d’une coronaropathie. Echocardiographie de stress L’échocardiographie de stress met en évidence le trouble de la contractilité induit par l’ischémie. Le stress peut être physique ou pharmacologique (Dobutamine, éventuellement avec Atropine en plus). Le stress provoque initialement une augmentation de la contractilité de toutes les parois du myocarde. Sous charge croissante, les régions ischémiques présentent une contractilité diminuée (hypokinésie), absente (akinésie) ou paradoxale (dyskinésie). Tout comme la SPM, l’échocardiographie de stress permet également une localisation de l’ischémie ainsi que d’autres constatations morphologiques (p. ex. hypertrophie ventriculaire gauche). A l’instar de l’ergométrie, l’échocardiographie de stress ne nécessite que peu d’infrastructures et n’expose pas à des rayons. ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 50 L’interprétation est difficile en cas de fenêtre sonographique sous-optimale (Obésité, COPD). L’interprétation est fortement tributaire du savoir de l’examinateur et sera difficile en cas de bloc de branche gauche, pacing et de troubles de la motilité pariétale préexistants. La sensitivité de l’échocardiographie de stress est légèrement inférieure à celle de la SPM, sa spécificité en revanche est meilleure. Les deux modalités sont équivalentes pour beaucoup de patients et le choix sera dicté par la disponibilité et l’expertise du centre d’investigations. En présence de patients asymptomatiques avec un risque coronarien faible à intermédiaire, les «guidelines» considère le recours à l’échocardiographie de stress disproportionné; les résultats sont peu clairs en l’absence de symptômes même en cas d’un risque coronarien élevé. CT coronarienne La tomographie computérisée permet une mesure du calcium coronaire (CACscore) d’une part, et d’autre part une visualisation directe des coronaires (angiographie coronarienne non-invasive). Le CAC-score est le témoin quantitatif de la pathologie vasculaire, il a une dimension pronostique et est dans une large mesure un reflet de l’âge biologique de l’individu. Un CAC-score à 0 rend l’existence d’une sténose coronarienne significative très invraisemblable et se trouve associé à un bon pronostic pour un horizon de 2-5 ans. La proposition a été faite qu’un CAC-score très bas ou très élevé chez un individu asymptomatique avec un taux intermédiaire dans la stratification du risque coronarien puisse donner naissance à un reclassement dans le groupe à bas ou à haut risque respectivement. L’imagerie coronarienne exacte par CTangiographie reste inférieure à l’examen par angiographie invasive et cela malgré de gros progrès techniques. Ainsi, plus la calcification des vaisseaux est élevée, plus l’évaluation de la lumière coronarienne sera difficile. De plus, l’exposition aux rayons X pour les deux formes d’investigations est défavorable à l’approche par CT-angiographie lors d’utilisation d’un équipement conventionnel. Un autre aspect négatif sont les nombreux résultats douteux possibles, nécessitant un enchaînement avec d’autres investigations complémentaires coûteuses et associées à ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 51 une exposition à rayons X et produit de contraste (telles IRM cardiaque ou angiographie invasive); ces situations sont: Résultat faussement positif (exclusion d’une coronaropathie au moyen d’une angiographie invasive), résultat réellement positif (angiographie invasive avant intervention) ou résultat faussement négatif (levé du doute persistante moyennant des examens plus poussés). Ainsi, la CT-angiographie coronarienne n’est réellement indiquée qu’en cas d’une très faible probabilité d’un résultat normal, évitant l’enchaînement d’une coronarographie conventionnelle, telle la situation par exemple d’un individu asymptomatique avec examen fonctionnel préalable (ergométrie etc.) douteux. IRM cardiaque L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque fournit des images du cœur d’excellente qualité et cela presque indépendamment de la constitution de l’individu; c’est pour cette raison que l’IRM cardiaque s’est profilée comme étalon d’or de la quantification des volumes et de la fonction ventriculaire gauche. De plus, ce procédé permet une visualisation non seulement fonctionnelle de tissu fibrotique (en général cicatriciel) mais également morphologique en utilisant des séquences retardées de 10-20 minutes par rapport à l’application du produit de contraste («delayed enhancement imaging»). Ainsi, l’IRM cardiaque est en mesure d’identifier un infarctus myocardique ancien, même petit et muet. La manière d’intégration de ces données dans des algorithmes d’investigation est pour l’instant incertaine. La visualisation directe des coronaires reste une difficulté pour l’IRM cardiaque, excepté la mise en évidence d’un point de départ anormal du vaisseau. D’une part et en analogie à l’échocardiographie de stress, la stress-IRM sous Dobutamine permet une évaluation de la motilité des parois myocardiques; d’autre part et sous charge phamacologique par Adénosine, une visualisation directe de la perfusion est obtenue grâce au principe du «first pass». Après application par voie veineuse, le produit de contraste contenant du Gadolinium peut être suivi lors de son passage du coeur droit vers le cœur gauche et ensuite durant sa phase myocardique. ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 52 L’image myocardique est normalement homogène, alors qu’en cas d’ischémie, la visualisation par le produit de contraste de la région concernée sera retardée. Dans une petite étude préliminaire, la sensitivité et la spécificité de l’IRM cardiaque sous perfusion semblent comparables à celles de la SPM; toutefois, la fiabilité de l’exécution pratique de cet examen n’est pas encore optimale. Angiographie coronarienne L’angiographie coronarienne reste l’étalon d’or dans le diagnostic de la coronaropathie grâce à une imagerie à haute résolution de la lumière des coronaires et cela jusqu’en périphérie. A l’heure actuelle, elle est en règle générale pratiquée en ambulatoire. C’est un procédé invasif grevé d’un risque de complications faible, qui ne seront que rarement sévères (hémorragie, AVC); il requière l’utilisation de produits de contraste en application intra-artérielle potentiellement néphrotoxique et expose aux rayons X. Cet examen confirme de manière définitive la présence d’une coronaropathie, mais ne peut se prononcer avec certitude sur la pertinence fonctionnelle d’une éventuelle sténose (ischémie). En cas de doute, l’angiographie sera complétée par un examen fonctionnel renseignant sur l’éventualité d’une ischémie induite. La coronarographie est en principe indiquée en cas d’une probabilité élevée de sténoses significatives nécessitant révascularisation pour des raisons de pronostic (sténose du tronc commun ou maladie tritronculaire sévère). Cette situation est réalisée lorsque des examens non-invasifs révèlent un risque élevé d’ischémie sévère ou de mort cardiaque subite (tableau 1). Cette approche s’applique aussi à des patients asymptomatiques et cela même en l’absence d’études pertinentes. Comme déjà précisé, la recherche de telles situations à haut risque se limitera dans le groupe des individus asymptomatiques à ceux présentant une haute prévalence de coronaropathie. Une indication incertaine quoique acceptée concerne le groupe limité de personnes dont l’activité professionnelle est déterminante pour la sécurité d’autrui (pilotes, conducteurs de locomotives) présentant des tests non-invasifs anormaux, mais non suggestifs d’un haut risque. ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne 53 Tableau 1 Constatations de haut risque • Fonction ventriculaire gauche fortement limitée au repos («left ventricular ejection fraction» = LVEF <35%) Constatations de haut risque (Mortalité > 3% par an) résultant de tests non-invasifs • Sous-dénivellation significative du segment ST et angor pour une faible charge avec inadaptation à l’effort ergométrique • Fonction ventriculaire gauche sévèrement limitée à l’effort (LVEF < 35%) • Défaut de perfusion étendu sous stress (notamment de la paroi antérieure) • Défauts de perfusion sous stress modérément étendus mais multiples • Défaut de perfusion étendu fixe avec «transient ischemic dilatation» (TID) ou captation du marqueur augmentée dans les poumons (arguments tous deux en faveur d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère à l’effort) • Défaut de perfusion sous stress avec TID ou captation du marqueur augmentée dans les poumons • Troubles de la motilité pariétale lors d’une échocardiographie de stress (> 2 segments) sous faible dose de Dobutamine (< 10 mg/kg/min) ou associé à une fréquence cardiaque basse (< 120 pulsations/min) • Arguments en faveur d’ischémie étendue lors d’une échocardiographie de stress En d’autres termes, une coronarographie n’est pas indiquée obligatoirement pour tout patient présentant une anomalie dans un test non-invasif. Les décisions thérapeutiques (Aspirine, Statine) ne dépendent pas de l’angiographie et l’angiographie suivie d’une éventuelle intervention ne modifiera pas le pronostic. Conflits d’intérêt Aucun Contribution financière M. T. Maeder: Fond National Suisse (Grant PBZHB-121007) Littérature De la littérature couvrant tous les aspects de cet article est disponible sur demande auprès des auteurs ASA SVV Infoméd 2008/2 Des risques de la maladie coronarienne