L`esprit des plantes

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L'esprit des plantes
« L’essence de toute existence est la Terre.
L’essence de la Terre est l’Eau.
L’essence de l’Eau est la plante.
L’essence des plantes est l’être humain ».
Chandogya Upanishad
Bernard Klein
Les plantes à la racine de l'humanité
C’est depuis la nuit des temps que les hommes ont
compris l’importance vitale des plantes et, qu’en
conséquence, leurs religions les ont élevées au rang de
symboles des forces mystérieuses de l’Univers.
Lorsque, aux temps anciens, c’était l’hémisphère droit
qui dominait le cerveau, tout ce qui apparaissait aux
yeux de l’homme primitif, cette nature dans laquelle il
baignait, avec sa terre, son ciel, sa mer, ses animaux et
ses plantes, faisait immédiatement et naturellement
l’objet d’analogies avec l’univers intérieur, c'est-à-dire
avec les fonctions psychiques.
Mais parmi tous ces dons extérieurs, dont la
conscience offrait la jouissance à l’homme dans ce
jardin des dieux, dans cet extérieur du Soi, les plantes
occupèrent, dès l’aube de l’humanité, une place
privilégiée.
On se souvient que, dans la Genèse biblique, Dieu ne
donne aucun animal à manger à l’homme mais
exclusivement des plantes, l’incitant par la même
occasion à un destin de végétarien… qui ne s’incarnera
d’ailleurs vraiment qu’aux Indes.
Bien avant, les shamans des religions archaïques, sans
doute en grande partie à force de consommer certains
végétaux aux pouvoirs psychotropes, élurent
globalement la plante comme intermédiaire entre les
hommes et la divinité. Par ailleurs, l’indéniable majesté
de certains arbres, la beauté virginale de certaines
fleurs, les incitèrent sûrement aussi à représenter les
dieux par des plantes. Enfin, le processus qui
transforme une minuscule graine en un arbre
gigantesque rendait évidemment visible à tous le
mystère même de la vie.
C’est pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres
encore, qu’au fil des âges du monde, les plantes ont
peuplé tous les récits, les légendes, les mythologies,
avant de planter leurs racines dans les écrits sacrés.
La magie est bonne pour les plantes
Les plantes, et en particulier les arbres, servaient donc
de relais entre les dieux et les hommes mais chacune,
ayant sa personnalité, symbolisait une force psychique
bien précise ou, dans une acception plus populaire,
abritait un dieu particulier.
Elle se voyait en conséquence attacher divers rites,
souvent en relation avec l’astrologie, imposant aux
hommes des comportements spécifiques lorsqu’ils
voulaient entrer en relation avec la moindre plante ou,
surtout bien sûr, la cueillir ou l’abattre.
Aujourd’hui encore, dans certaines régions reculées
d’Amazonie ou d’Afrique, les chasseurs-cueilleurs,
lorsqu’il y a nécessité de construire une maison ou une
pirogue, demandent pardon à la divinité de l’arbre
avant d’abattre celui-ci.
Loin de relever d’une préoccupation écologique
rationnelle, au sens où on l’entend en Occident, cette
conduite s’inscrit bien plutôt dans le souci de s’allier la
puissance de la divinité ou, en tout cas, d’éviter son
hostilité.
Pour l’homme primitif l’univers était magique et toute
relation gouvernée par l’analogie. En amont de toutes
les superstitions populaires du passé, les guides de
l’humanité avaient donc érigé une science de l’esprit,
extraordinairement intelligente et qui fait aujourd’hui
défaut dans la médecine conventionnelle, stérilisée et
mécaniste, et même dans nos médecines naturelles qui,
homéopathie mise à part, sont encore très loin d’avoir
su réinjecter de l’esprit dans leurs remèdes.
« O plante it-jerou qui pousse sur le flanc d’Osiris, tue
le venin de l’abominable Seth », psalmodiait le prêtre
égyptien avant d’administrer sa potion à son patient,
accordant ainsi les vertus de la plante à la divinité qui y
était rattachée… et portant par la même occasion l’effet
placebo au sommet de son pouvoir thérapeutique.
Des cellules végétales et des neurones
Le médecin lui-même, surtout en Grèce, s’adressait
directement à la plante, tout comme à un dieu, pour lui
demander de l’inspirer dans ses recherches. Beaucoup
d’entre eux pensaient à l’époque que les plantes étaient
sensibles et qu’elles « entendaient » ce que leur disaient
les hommes.
Cette intuition n’était sans doute pas si ridicule,
puisque, de nos jours, depuis les travaux de l’américain
Cleve Backster, la recherche scientifique de pointe a
multiplié les travaux démontrant, comme le dit Jacques
Brosse dans « La magie des plantes », qu’il « existe un
lien spécifique entre les cellules végétales et le système
nerveux humain, en tant que transmetteur
d’information ».
Cette relation apparemment privilégiée entre l’homme
et la plante apparaissait encore sur d’autres plans, et
notamment dans la forme. Au 16ème siècle, la fameuse
« théorie des signatures » mit en évidence la
ressemblance troublante existant entre certaines
plantes et certains organes ou parties du corps humain,
et, plus étonnant encore, entre les indications
thérapeutiques de ces plantes et les troubles de leurs
organes jumeaux. Un des exemples les plus probants
est le radis noir qui a exactement la même forme que la
vésicule biliaire… et qui sait si bien la soigner.
Une fois ces nombreuses ressemblances dûment
constatées,
toutes
sortes
de
dénominations
scientifiques et de tournures populaires sont venues
renforcer l’idée d’un cousinage entre l’homme et le
végétal. C’est ainsi, par exemple, que l’on appelle
« capillaires » les plantes qui ressemblent aux cheveux,
ou que l’on parle de « plante des pieds », de « tronc
commun », d’efforts « qui portent leurs fruits », ou
d’enfants qui doivent « en prendre de la graine », sans
oublier l’expression qui trahit probablement le plus
notre sentiment de partage d’une destinée génétique
similaire avec les plantes : « l’arbre généalogique », qui
remonte sans doute à Jessé, père de David, dont le
prophète Isaïe nous dit que « le rameau qui en sortira
deviendra florissant ».
De majestueux symboles
Sachant que toute vie naît de l’eau, que toute
conscience individuelle surgit de l’océan de Conscience
universel, les plantes originelles vénérées par les
anciens, celles qui présidaient métaphoriquement à la
naissance du monde, se devaient d’être aquatiques. On
le remarque très clairement dans l’architecture des
temples égyptiens qui figurent une sorte d’île au milieu
des flots mais qui, de plus, sont soutenus par des
colonnes censées représenter des plantes aquatiques,
roseaux, papyrus, nénuphars et tamaris.
De la même manière que, pour le prêtre égyptien,
l’origine du monde se situe dans le marais primordial,
pour l’Indien, « La perle de la création est dans le
lotus ». Ce lotus aux huit pétales indiquant les huit
directions surgit du nombril de Vishnou émergeant de
l’eau. Plus tard, le Bouddha sortira lui aussi du lotus
initial, image parfaite de l’imperméabilité au monde et
de la beauté émergeant du limon vaseux.
Une fois le monde parvenu en pleine manifestation,
c’est évidemment l’arbre qui incarnera le mieux la
majesté ici-bas, essentiellement parce que, vu de
hauteur d’homme, il apparaît comme un pont entre la
terre et le ciel, plongeant ses racines dans un sous-sol
réputé servir de résidence aux forces occultes les plus
ténébreuses, et élevant ses branches presque jusqu’aux
étoiles, presque jusqu’au soleil.
C’est forts de leur taille, de leur puissance et de leur
longévité, que les arbres devinrent tout naturellement
les symboles de l’univers. Dans toutes les régions du
monde, l’arbre cosmique, l’arbre de vie ou, dans le
Judéo-christianisme, l’arbre de la connaissance du bien
et du mal, font partie des images fondatrices des
Traditions spirituelles.
Bien sûr, ces arbres n’étaient pas les mêmes dans tous
les pays ; chaque ethnie choisissant soigneusement le
sien parmi les plus abondants ou, inversement, les plus
rares, les plus verts ou les plus chargés de fruits, ou
encore parmi ceux qui atteignaient les tailles ou les
âges les plus impressionnants…
Bien des arbres sont ainsi devenus légendaires, comme
l’olivier autour du bassin méditerranéen, le cèdre au
Liban, le banyan en Inde, sous lequel le Bouddha trouva
l’illumination, ou encore le figuier ou la vigne au
Moyen-Orient…
En Europe, depuis les Celtes jusqu’à Saint Louis, roi
pourtant bien chrétien, c’est le chêne qui demeura le
plus sacré. Chez les Gaulois, c’était lui qui empêchait le
ciel de tomber sur la tête des malheureux humains, et
qui offrait aux Druides son gui, une plante à la fois
magique et médicinale à laquelle on prêtait toutes les
vertus et avant tout celle de la régénération.
Les peuplades celtes et germaniques rendaient
traditionnellement la justice sous ce même chêne qui
était censé incarner la sagesse. Chez les Grecs primitifs,
cet arbre était la première mère, la matrice de
l’humanité. Par la suite, il fut consacré à Zeus et donc
au tonnerre et à la foudre, particularité que les
Germains leur empruntèrent puisque Thor en fit aussi
son arbre emblématique. Enfin, les Hébreux euxmêmes révéraient les chênes depuis que Yahvé apparut
à Abraham au pied de l’un d’eux.
Une fleur nommée Rosebud
Aussi petites et délicates que les arbres étaient
immenses et puissants, les fleurs jouent également un
rôle essentiel dans la symbolique. On a vu l’importance
du lotus pour les Indiens, cette magnifique fleur
aquatique présidant à la naissance des dieux et
évoquant la perfection.
De la même manière, en Occident, la rose est devenue,
notamment à partir du Moyen-Âge, le symbole de
l’amour divin ou, chez les Rose-Croix, du divin luimême. La rose rosicrucienne, comme celle des
Cathares, des troubadours ou des Soufis, offre à elle
seule deux puissants symboles : en bouton, elle
représente la graine de conscience, simple conscience
de soi promesse encore inconsciente du devenir divin
de l’être ; mais éclose elle développe toute la splendeur
de la Conscience du Soi qui répand son parfum bien
au-delà de la triste prison de l’ego.
Qui ne se souvient, dans « Citizen Kane », le premier
film d’Orson Welles, de « Rosebud », ce traîneau
nommé « bouton de rose » qui aurait pu conduire
l’enfant Kane vers la réalisation de lui-même s’il ne
s’était fourvoyé dans les chemins du monde,
condamnant, après sa mort, ce traîneau aux flammes
des regrets éternels.
Infiniment plus positif, le symbole des trois roses
résume, chez les Rose-Croix, le Chemin de la
transfiguration, avec une première rose blanche qui
désigne la purification préalable, une deuxième rose
rouge symbolisant la libération des passions de l’âme
sang, et une troisième rose jaune, ou plus exactement
de couleur or, la réalisation ultime.
Bien d’autres fleurs ont inévitablement servi de
symboles aux hommes, et ceux-ci ne se sont jamais
privés de les présenter en toutes premières offrandes à
leurs dieux, depuis les tout premiers temps jusqu’à nos
jours. Dès la plus haute antiquité égyptienne, par
exemple, les prêtres montaient des bouquets d’une
grande variété de fleurs hautement chargées de
symboles, pour les consacrer à Amon, ou des couronnes
florales destinées à Osiris, une coutume que reprirent
les Grecs et les Romains pour honorer Déméter.
Souvent liées à la mort, notamment dans nos régions,
les fleurs ont pourtant, sous d’autres cieux, pour
principal rôle d’exalter la vie. Et aussi bien aux Indes
que dans les îles du Pacifique, les colliers de fleurs
remercient indifféremment le prêtre de son office et
l’étranger de sa visite.
Les céréales
Les plantes alimentaires, elles aussi, ont fait l’objet
d’une symbolisation, et, parmi elles, sans doute plus
qu’aucune autres, les céréales.
Ces céréales, indissociablement attachées aux débuts
de l’agriculture, grâce à leur capacité à se conserver
durant tout l’hiver assurèrent la survie de l’espèce.
De plus, ce grain de blé ou d’orge qui, en se sacrifiant
humblement dans le mystère de la terre mère, donne
naissance à tout un épi, allait fortifier durablement les
esprits dans la certitude de la nécessité du sacrifice.
Bien sûr, ce sacrifice restait la plupart du temps
extérieur à soi, perpétré sur un bouc émissaire. Mais si
Osiris, dieu des moissons, était représenté ligoté dans
une gerbe de céréales avant d’être décapité par Seth et
de renaître, c’est qu’une idée comme celle du sacrifice
de soi, plus tard symbolisée par la crucifixion et la
résurrection n’était pas si nouvelle.
Dans toutes les ethnies, les céréales étaient considérés
comme des dons du ciel et donnaient lieu à des rituels
religieux. En Occident, le pain fait de la farine du blé
est devenu le corps du Christ ; en Amérique du sud le
maïs était honoré par de sanglantes immolations
humaines ; au Japon le riz était dédié à Amaterasu, la
Déesse Grande Femme Soleil, et se voyait offert, à ce
titre, lors des mariages… coutume qui semble d’ailleurs
avoir été importée chez nous.
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