http://plantesmp3.blogspot.com/ L'esprit des plantes « L’essence de toute existence est la Terre. L’essence de la Terre est l’Eau. L’essence de l’Eau est la plante. L’essence des plantes est l’être humain ». Chandogya Upanishad Bernard Klein Les plantes à la racine de l'humanité C’est depuis la nuit des temps que les hommes ont compris l’importance vitale des plantes et, qu’en conséquence, leurs religions les ont élevées au rang de symboles des forces mystérieuses de l’Univers. Lorsque, aux temps anciens, c’était l’hémisphère droit qui dominait le cerveau, tout ce qui apparaissait aux yeux de l’homme primitif, cette nature dans laquelle il baignait, avec sa terre, son ciel, sa mer, ses animaux et ses plantes, faisait immédiatement et naturellement l’objet d’analogies avec l’univers intérieur, c'est-à-dire avec les fonctions psychiques. Mais parmi tous ces dons extérieurs, dont la conscience offrait la jouissance à l’homme dans ce jardin des dieux, dans cet extérieur du Soi, les plantes occupèrent, dès l’aube de l’humanité, une place privilégiée. On se souvient que, dans la Genèse biblique, Dieu ne donne aucun animal à manger à l’homme mais exclusivement des plantes, l’incitant par la même occasion à un destin de végétarien… qui ne s’incarnera d’ailleurs vraiment qu’aux Indes. Bien avant, les shamans des religions archaïques, sans doute en grande partie à force de consommer certains végétaux aux pouvoirs psychotropes, élurent globalement la plante comme intermédiaire entre les hommes et la divinité. Par ailleurs, l’indéniable majesté de certains arbres, la beauté virginale de certaines fleurs, les incitèrent sûrement aussi à représenter les dieux par des plantes. Enfin, le processus qui transforme une minuscule graine en un arbre gigantesque rendait évidemment visible à tous le mystère même de la vie. C’est pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, qu’au fil des âges du monde, les plantes ont peuplé tous les récits, les légendes, les mythologies, avant de planter leurs racines dans les écrits sacrés. La magie est bonne pour les plantes Les plantes, et en particulier les arbres, servaient donc de relais entre les dieux et les hommes mais chacune, ayant sa personnalité, symbolisait une force psychique bien précise ou, dans une acception plus populaire, abritait un dieu particulier. Elle se voyait en conséquence attacher divers rites, souvent en relation avec l’astrologie, imposant aux hommes des comportements spécifiques lorsqu’ils voulaient entrer en relation avec la moindre plante ou, surtout bien sûr, la cueillir ou l’abattre. Aujourd’hui encore, dans certaines régions reculées d’Amazonie ou d’Afrique, les chasseurs-cueilleurs, lorsqu’il y a nécessité de construire une maison ou une pirogue, demandent pardon à la divinité de l’arbre avant d’abattre celui-ci. Loin de relever d’une préoccupation écologique rationnelle, au sens où on l’entend en Occident, cette conduite s’inscrit bien plutôt dans le souci de s’allier la puissance de la divinité ou, en tout cas, d’éviter son hostilité. Pour l’homme primitif l’univers était magique et toute relation gouvernée par l’analogie. En amont de toutes les superstitions populaires du passé, les guides de l’humanité avaient donc érigé une science de l’esprit, extraordinairement intelligente et qui fait aujourd’hui défaut dans la médecine conventionnelle, stérilisée et mécaniste, et même dans nos médecines naturelles qui, homéopathie mise à part, sont encore très loin d’avoir su réinjecter de l’esprit dans leurs remèdes. « O plante it-jerou qui pousse sur le flanc d’Osiris, tue le venin de l’abominable Seth », psalmodiait le prêtre égyptien avant d’administrer sa potion à son patient, accordant ainsi les vertus de la plante à la divinité qui y était rattachée… et portant par la même occasion l’effet placebo au sommet de son pouvoir thérapeutique. Des cellules végétales et des neurones Le médecin lui-même, surtout en Grèce, s’adressait directement à la plante, tout comme à un dieu, pour lui demander de l’inspirer dans ses recherches. Beaucoup d’entre eux pensaient à l’époque que les plantes étaient sensibles et qu’elles « entendaient » ce que leur disaient les hommes. Cette intuition n’était sans doute pas si ridicule, puisque, de nos jours, depuis les travaux de l’américain Cleve Backster, la recherche scientifique de pointe a multiplié les travaux démontrant, comme le dit Jacques Brosse dans « La magie des plantes », qu’il « existe un lien spécifique entre les cellules végétales et le système nerveux humain, en tant que transmetteur d’information ». Cette relation apparemment privilégiée entre l’homme et la plante apparaissait encore sur d’autres plans, et notamment dans la forme. Au 16ème siècle, la fameuse « théorie des signatures » mit en évidence la ressemblance troublante existant entre certaines plantes et certains organes ou parties du corps humain, et, plus étonnant encore, entre les indications thérapeutiques de ces plantes et les troubles de leurs organes jumeaux. Un des exemples les plus probants est le radis noir qui a exactement la même forme que la vésicule biliaire… et qui sait si bien la soigner. Une fois ces nombreuses ressemblances dûment constatées, toutes sortes de dénominations scientifiques et de tournures populaires sont venues renforcer l’idée d’un cousinage entre l’homme et le végétal. C’est ainsi, par exemple, que l’on appelle « capillaires » les plantes qui ressemblent aux cheveux, ou que l’on parle de « plante des pieds », de « tronc commun », d’efforts « qui portent leurs fruits », ou d’enfants qui doivent « en prendre de la graine », sans oublier l’expression qui trahit probablement le plus notre sentiment de partage d’une destinée génétique similaire avec les plantes : « l’arbre généalogique », qui remonte sans doute à Jessé, père de David, dont le prophète Isaïe nous dit que « le rameau qui en sortira deviendra florissant ». De majestueux symboles Sachant que toute vie naît de l’eau, que toute conscience individuelle surgit de l’océan de Conscience universel, les plantes originelles vénérées par les anciens, celles qui présidaient métaphoriquement à la naissance du monde, se devaient d’être aquatiques. On le remarque très clairement dans l’architecture des temples égyptiens qui figurent une sorte d’île au milieu des flots mais qui, de plus, sont soutenus par des colonnes censées représenter des plantes aquatiques, roseaux, papyrus, nénuphars et tamaris. De la même manière que, pour le prêtre égyptien, l’origine du monde se situe dans le marais primordial, pour l’Indien, « La perle de la création est dans le lotus ». Ce lotus aux huit pétales indiquant les huit directions surgit du nombril de Vishnou émergeant de l’eau. Plus tard, le Bouddha sortira lui aussi du lotus initial, image parfaite de l’imperméabilité au monde et de la beauté émergeant du limon vaseux. Une fois le monde parvenu en pleine manifestation, c’est évidemment l’arbre qui incarnera le mieux la majesté ici-bas, essentiellement parce que, vu de hauteur d’homme, il apparaît comme un pont entre la terre et le ciel, plongeant ses racines dans un sous-sol réputé servir de résidence aux forces occultes les plus ténébreuses, et élevant ses branches presque jusqu’aux étoiles, presque jusqu’au soleil. C’est forts de leur taille, de leur puissance et de leur longévité, que les arbres devinrent tout naturellement les symboles de l’univers. Dans toutes les régions du monde, l’arbre cosmique, l’arbre de vie ou, dans le Judéo-christianisme, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, font partie des images fondatrices des Traditions spirituelles. Bien sûr, ces arbres n’étaient pas les mêmes dans tous les pays ; chaque ethnie choisissant soigneusement le sien parmi les plus abondants ou, inversement, les plus rares, les plus verts ou les plus chargés de fruits, ou encore parmi ceux qui atteignaient les tailles ou les âges les plus impressionnants… Bien des arbres sont ainsi devenus légendaires, comme l’olivier autour du bassin méditerranéen, le cèdre au Liban, le banyan en Inde, sous lequel le Bouddha trouva l’illumination, ou encore le figuier ou la vigne au Moyen-Orient… En Europe, depuis les Celtes jusqu’à Saint Louis, roi pourtant bien chrétien, c’est le chêne qui demeura le plus sacré. Chez les Gaulois, c’était lui qui empêchait le ciel de tomber sur la tête des malheureux humains, et qui offrait aux Druides son gui, une plante à la fois magique et médicinale à laquelle on prêtait toutes les vertus et avant tout celle de la régénération. Les peuplades celtes et germaniques rendaient traditionnellement la justice sous ce même chêne qui était censé incarner la sagesse. Chez les Grecs primitifs, cet arbre était la première mère, la matrice de l’humanité. Par la suite, il fut consacré à Zeus et donc au tonnerre et à la foudre, particularité que les Germains leur empruntèrent puisque Thor en fit aussi son arbre emblématique. Enfin, les Hébreux euxmêmes révéraient les chênes depuis que Yahvé apparut à Abraham au pied de l’un d’eux. Une fleur nommée Rosebud Aussi petites et délicates que les arbres étaient immenses et puissants, les fleurs jouent également un rôle essentiel dans la symbolique. On a vu l’importance du lotus pour les Indiens, cette magnifique fleur aquatique présidant à la naissance des dieux et évoquant la perfection. De la même manière, en Occident, la rose est devenue, notamment à partir du Moyen-Âge, le symbole de l’amour divin ou, chez les Rose-Croix, du divin luimême. La rose rosicrucienne, comme celle des Cathares, des troubadours ou des Soufis, offre à elle seule deux puissants symboles : en bouton, elle représente la graine de conscience, simple conscience de soi promesse encore inconsciente du devenir divin de l’être ; mais éclose elle développe toute la splendeur de la Conscience du Soi qui répand son parfum bien au-delà de la triste prison de l’ego. Qui ne se souvient, dans « Citizen Kane », le premier film d’Orson Welles, de « Rosebud », ce traîneau nommé « bouton de rose » qui aurait pu conduire l’enfant Kane vers la réalisation de lui-même s’il ne s’était fourvoyé dans les chemins du monde, condamnant, après sa mort, ce traîneau aux flammes des regrets éternels. Infiniment plus positif, le symbole des trois roses résume, chez les Rose-Croix, le Chemin de la transfiguration, avec une première rose blanche qui désigne la purification préalable, une deuxième rose rouge symbolisant la libération des passions de l’âme sang, et une troisième rose jaune, ou plus exactement de couleur or, la réalisation ultime. Bien d’autres fleurs ont inévitablement servi de symboles aux hommes, et ceux-ci ne se sont jamais privés de les présenter en toutes premières offrandes à leurs dieux, depuis les tout premiers temps jusqu’à nos jours. Dès la plus haute antiquité égyptienne, par exemple, les prêtres montaient des bouquets d’une grande variété de fleurs hautement chargées de symboles, pour les consacrer à Amon, ou des couronnes florales destinées à Osiris, une coutume que reprirent les Grecs et les Romains pour honorer Déméter. Souvent liées à la mort, notamment dans nos régions, les fleurs ont pourtant, sous d’autres cieux, pour principal rôle d’exalter la vie. Et aussi bien aux Indes que dans les îles du Pacifique, les colliers de fleurs remercient indifféremment le prêtre de son office et l’étranger de sa visite. Les céréales Les plantes alimentaires, elles aussi, ont fait l’objet d’une symbolisation, et, parmi elles, sans doute plus qu’aucune autres, les céréales. Ces céréales, indissociablement attachées aux débuts de l’agriculture, grâce à leur capacité à se conserver durant tout l’hiver assurèrent la survie de l’espèce. De plus, ce grain de blé ou d’orge qui, en se sacrifiant humblement dans le mystère de la terre mère, donne naissance à tout un épi, allait fortifier durablement les esprits dans la certitude de la nécessité du sacrifice. Bien sûr, ce sacrifice restait la plupart du temps extérieur à soi, perpétré sur un bouc émissaire. Mais si Osiris, dieu des moissons, était représenté ligoté dans une gerbe de céréales avant d’être décapité par Seth et de renaître, c’est qu’une idée comme celle du sacrifice de soi, plus tard symbolisée par la crucifixion et la résurrection n’était pas si nouvelle. Dans toutes les ethnies, les céréales étaient considérés comme des dons du ciel et donnaient lieu à des rituels religieux. En Occident, le pain fait de la farine du blé est devenu le corps du Christ ; en Amérique du sud le maïs était honoré par de sanglantes immolations humaines ; au Japon le riz était dédié à Amaterasu, la Déesse Grande Femme Soleil, et se voyait offert, à ce titre, lors des mariages… coutume qui semble d’ailleurs avoir été importée chez nous.