AFEF Journée pédagogique 19 mars 2016 Interrogations autour de l’objet oral ou comment mieux gérer les compétences langagières Corinne Weber Professeur des Universités Didactique du FLES Sorbonne nouvelle Paris 3 1. Une langue a une histoire 2. Grammaire de l’oralité et mise en discours - Pourquoi une grammaire de l’oralité ? - Caractériser l’activité langagière dans l’interaction 3. Perspectives didactiques • Des modèles fondés sur la langue écrite • Un chemin didactique mal balisé • Des croyances idéologiques : les représentations sociales du français se déclinent à travers l’histoire – système à variantes mais organisé On parle en unités courtes, juxtaposées ou inachevées Avec des zones de recouvrement entre prononciation, syntaxe, lexique, intonation… Extrait Français parlé authentique, de deux étudiantes • D1 : ouais ça fait : bien deux ans/ enfin avant j'étais juste euh:/ animatrice coca-cola /-/ c'est marrant moi j’ fais la conne/ et tout/ avec mon micro c'est cool (expiration) • A1 : mm • D2 : et puis y a une dame qui est tombée malade et puis euh :: j’ l'ai remplacée et puis j'y suis restée désolée la dame • A2 : mais ça t’ plaît quand même () intonation montante. Un ensemble d’éléments variés et en interrelation Prononciation Lexique Syntaxe Variation Postures mimogestuelle Articulation Accentuation Rythme Néologie ordinaire intonation Expressions propres à l’oral Valeur fonctionnelle du discours parlé Contextes Normes Regard, sourire, geste, mouvement de tête, etc. Eléments variés et en interrelation • des structures facilitantes (les relatives adjectivales) : y a des gens qui disent • les relatives + pronom ou préposition : c’est c’que j’disais • les anaphores pour aller plus vite ; ça t’dirait, c’est super ! • les relatives avec un verbe aux = support à l’énonciation ; il y a (y a), il y en a qui, c’est. / une chose que je sais • Le compactage des unités syntaxiques ; c’est quoi ce truc , le p(e)tit dèj Mise en discours ? (= dynamique) …une étoffe à trame épaisse, étendue et complexe, un tissage qui se resserre et se défait, de croisements, de chevauchements et /ou de combinaisons ensemble d’éléments entrelacés dans la co-construction du sens et au gré des cadres contextuels. une trame serrée (contexte surveillé, langue formelle) ou sinueuse ou relâchée (contexte privé, convivial) Grammaire de l’oralité Des transformations – (Faut qu’(ch)’te di(z)) • Configuration des syllabes changeantes – (elle se vexe / e’z’vexe) • Raccourcis de parole – (demain/ (ch)’uis pas à la fac) j+s = ch de nouvelles formes de reconnaissance, de nouvelles représentations en mémoire développement de la conscience langagière en L2 Perspectives didactiques et repères pour l’enseignant • 1/ le pôle interactionnel : savoir-faire et stratégies sociolinguistiques et pragmatiques (donner une opinion, organiser un débat…) • 2/ le pôle structurel : variables linguistiques susceptibles d’influencer l’action en cours Qu’est-ce qu’être un « bon parlant » ? -> sujet capable de varier son discours en tenant compte des règles et des contraintes linguistiques (lexicales, syntaxiques) et pragmatiques. 2 1 Corinne WEBER Université Paris 3 Sorbonne nouvelle Charpente de l’oralité ou la parole dans son usage Contexte socialement situé Vecteur contextuel c Vecteur actionnel Comprendre – interpréter le sens (écouter, repérer l’information, inférer) Perception : discrimination auditive, Accentuation (découpage du sens) Inflexions de la voix : variations mélodiques Mise en discours pragmalinguistique et communicative / genre de discours énonciation en fonction situation, progression et Oralité : voix - Production : Prononciation articulation des sons (consonnes voyelles) - Accentuation (découpage du sens) - Accents d’insistance - Rythme, débit Variations de prononciation : parole surveillée (tension) ou familière (relâchement) Construction et tendances syntaxiques : structure des unités, procédés anaphoriques, simplifications, troncations - marques d’organisation et de cohérence - corrélations intonation / syntaxe emphases, - injonctions Choix et adaptation du vocabulaire - Expressions idiomatiques - Allusions et implicites de la parole Culturel / savoir-être - transactions sociales : présence et rôle du co-locuteur - Règles de comportements langagiers - Rituels d’échange : politesse, éléments para-verbaux / degré de conventionalité Corrélations intonation / gestuelle (Para-verbal) postures : attitudes, émotions - Mimiques faciales : sourire, grimace, tension du visage, sourcils… - Gestes : mains (paume, doigts), épaules, buste, mouvements de la tête Normes Variation langagière aux différents plans de l’énonciation (syntaxe, lexique prononciation): modèle d’énonciation adaptée Extrait de : Weber C. (2013), Pour une didactique de l’oralité. Enseigner le français tel qu’il est parlé, Paris, Ed. Didier, p. 262. Quelles activités ? • favoriser le passage d’une catégorie grammaticale à une autre, • simplifier ou étayer des structures, • travailler la variabilité des procédures • Sensibiliser à la coexistence de plusieurs systèmes grammaticaux en concurrence aux différents plans du discours. LA VARIATION - Doit-on enseigner les façons variées de parler ? • Les variétés de parlers ne sont pas détachables du français standard, mais interdépendantes les unes des autres • faire varier les contraintes, saisir les régularités ou les particularités d’emplois – Ainsi la norme n’est pas un jugement mais bien une activité de compréhension et de repérage • • norme = forme - Situation orale norme (s) = contexte Situation de l’écrit Centration sur la variation/normes • S’adapter au contexte (sens) • Variation de la prononciation (tendue / relâchée) • Adéquation au style de locuteur • Savoir-être Ex Activités • Visualiser 2 à 5 minutes de séquences et dégager le sens global • Repérer les obstacles, difficultés et particularités du français oral : lexique/ syntaxe/ non verbal…(compétences sectorielles...) • Comparer le langage des adolescents (dialogue) à celui des adultes : prélever et interpréter... • Réécrire en français courant des expressions et mots dans un contexte surveillé (jeux de rôles). - Hé les tourtereaux ! Ca vous gênerait pas de marcher moins vite ? Y a votre boy qu’est fatigué, là, mais qu’est-ce que t’as mis là-dedans ? Une armure ou quoi ? - oh quelques livres… Rien de plus… - Putain, Philou, t’en as déjà des milliers, merde… Ceux-là, tu pouvais pas les laisser au château ? - Mais il est très en forme, notre ami… glissa-t-il à l’oreille de Camille, ça va vous ? - Qui ça, nous ? Euh… eh bien, vous… - Pardon ? Ensemble c’est tout, A. Galvada • Qu’observe-t-on au plan syntaxique ? – - Présence d’interjections (mots phatiques) en tête :hé et putain mais ; euh, eh bien, vous – - La particule ne de la négation tombe, – y a… qui vient introduire le groupe nominal votre boy, est une redondance typique du français parlé. – là et ou quoi (les phatiques) dépourvus de contenu sémantique n’ont pas d’autre fonction que de ponctuer les « phrases ». La dernière unité est sans verbe et pourtant autonome, elle vient compléter la question précédente, autrement dit c’est le contexte verbal qui la rend autonome. – - Pas de noyau verbal (ou phrase comme à l’écrit) ; qui ça, nous – - Alternance d’unités de sens familières avec un langage plus surveillé : moi, très bien, je suis contente que tu sois là ; oh quelques livres, rien de plus. • Au plan phonétique, on peut supposer le repérage des traits d’oralité comme : – – – – – - L’effacement de (schwa) dans gênerait et de marcher prononcé d’ marcher - Y a (il y a) prononcé en une syllabe à deux voyelle, - Votre boy prononcé [vot’boj], - Mais prononcé peut-être avec un allongement - Qu’est-ce t’as : la forme est tronquée, que est supprimé, et tu devient t’