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Chapitre 6 –
Les premiers signes de crise
(fin des années 1960)
• Émergence des premiers signes d’une
crise :
– sociale (évènements de mai-juin 1968)
– et économique :
• la reprise de la croissance qui succède aux
évènements de 1968
• ne masque que partiellement la fragilité de
l’économie française :
– qui demeure plus sujette aux pressions inflationnistes
que les autres pays industrialisés
– et dont la compétitivité demeure fragile.
Section 1 – Causes et conséquences de mai
1968
1.1- Les causes de mai 1968
• Les événements de mai 1968 sont une réaction
sociale à la modernisation accélérée d’une
société en mutation.
• Trois causes principales peuvent être identifiées:
– le retournement démographique
– l’accélération de l’urbanisation
– et la prépondérance de la classe moyenne salariée.
1.1.1- Le retournement démographique
• Population proche des 50 millions
• Évolution de la population active :
– hausse très nette à partir de 1962 (rapatriés d’Algérie)
– et rajeunissement, avec l’arrivée sur le marché du travail des
1ères classes d’âges issues du « baby boom ».
• Le nombre de naissances atteint un pic en 1964.
• Explosion de la population scolarisée :
– Scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans
– Création des lycées techniques (1959)
– Création des IUT (Instituts universitaires de technologie),
délivrant des diplômes à Bac+2.
• Nombre multiplié par 3 :
– des élèves de l’enseignement public
– des étudiants dans les universités.
• La demande n’est pas satisfaite, malgré l’accroissement
des infrastructures et des recrutements d’enseignants.
1.1.2- L’accélération de l’urbanisation
• Forte augmentation de la population urbaine :
de 53,2 % en 1946
à 70,1 % en 1968.
• Dans le même temps, la population agricole est
divisée par 2. Elle ne représente plus que 15 %
de la population active en 1968.
• Mise en œuvre de politiques actives
d’urbanisation et de logement :
– Création de villes nouvelles (5 en région parisienne)
– Construction de « grands ensembles », associant des
logements et des équipements collectifs neufs.
1.1.3- La prépondérance de la classe
moyenne salariée
• Conséquence de la tertiarisation :
– ↑ du nombre des employés (+ 44 % de 1954 à 1968)
– ↑ du nombre de cadres et de professions libérales
(+ 80 %).
• Entrée des femmes dans le vie active
• Développement d’une société de consommation
de masse et d’abondance, en partie favorisé par
l’inflation :
– l’indexation des salaires et des prix soutient la
demande et les anticipations
– le faible niveau des taux d’intérêt réels favorise les
crédits à la consommation.
1.2- Les conséquences de mai 1968
• Grèves étudiantes :
– qui ont pour origine le refus signifié aux
étudiants de rendre visite aux étudiantes à la
cité universitaire de Nanterre
– qui vont se traduire par des heurts répétés
entre étudiants et forces de l’ordre dans le
quartier latin à Paris
– qui gagnent les actifs et s’amplifient :
• Jusqu’à 7 millions de grévistes (1/3 de la
population active occupée)
• Chute brutale, mais brève, de la production.
• Les accords de Grenelle :
– négociés les 25 et 26 mai 1968 et signés le 27 mai,
au ministère du Travail situé rue de Grenelle
– entre le gouvernement, les syndicats et le patronat.
• Ces accords sont encore souvent pris en
référence comme une expérience réussie de
concertation multipartite, comme en atteste le
récent « Grenelle de l’environnement ».
• Rejetés par la base, les accords de Grenelle ne
résolvent pas immédiatement la crise sociale et
la grève continue.
• Le protocole de Grenelle sera néanmoins
mis en œuvre progressivement :
– Forte hausse des salaires nominaux :
16 % en moyenne
mais 35 % pour le SMIG
– Baisse du temps de travail (44 h par semaine)
– Loi du 27 déc. 1968, qui accorde le droit aux
syndicats de s’organiser librement dans
toutes les entreprises :
• Section syndicale dans les entreprises de + de 50
salariés
• Délégués syndicaux.
Section 2 – Une politique de relance interrompue
par la défense du franc
2.1- Une politique de relance…
• Mise en œuvre par le nouveau gouvernement
(juillet 1968) dirigé par Maurice Couve de
Murville :
– Politique fiscale sélective :
• ↓ fiscalité pesant sur les salaires
• Déduction d’impôts et de TVA pour les entreprises qui
investissent
– Politique monétaire expansionniste
• qui vise 2 objectifs contradictoires : ↑ les liquidités et ↓
l’inflation
• et conduit à l’instauration du mécanisme de l’encadrement du
crédit en novembre 1968.
• Inflation à 1,3 % en 1968, mais > aux principaux
partenaires commerciaux de la France
• Ce différentiel d’inflation défavorable :
– entraîne la poursuite de la dépréciation du franc
– qui se traduit, et est renforcée, par une fuite
importante de capitaux qui s’intensifie lorsqu’en
septembre le gouvernement lève le contrôle des
changes tout en annonçant la majoration des droits
de succession
– et entraîne une forte diminution des réserves de la
Banque de France.
L’encadrement du crédit (1)
• Dispositif visant à maîtriser la masse monétaire en
limitant réglementairement la progression du montant
des encours de crédits bancaires :
– Les autorités monétaires déterminent le taux de croissance
souhaité de la masse monétaire
– et déterminent des normes de progression (mensuelles ou
trimestrielles) des encours de crédit que peut accorder chaque
banque.
– En cas de non-respect des normes, obligation pour les banques
de constituer des réserves supplémentaires non rémunérées
– Mais possibilité de report sur la période suivante les capacités
non utilisées et de se les échanger entre banques.
• Avantages :
– Action efficace sur les quantités, sans fortes variations des taux
d’intérêt
– A condition que le crédit soit le principal mode de financement
de l’éco, i.e. économie d’endettement (cas de la France jusqu’au
milieu des années 80).
L’encadrement du crédit (2)
• Inconvénients :
– entrave le développement bancaire, et donc le dynamisme de
l’économie
– nuit à la concurrence bancaire.
• C’est pourquoi, afin d’atténuer sa rigidité, l’encadrement
du crédit s’accompagne d’une politique sélective de
crédit :
– qui vise à orienter les crédits vers des domaines d’activité que
l’État juge prioritaires
– par une action sur les taux d’intérêt ou sur les quantités :
• Principe de la bonification :
– Bonifications d’intérêt : prise en charge par l’État d’un partie du coût du
crédit
– Garantie d’un taux fixé
• Sélectivité qui s’appuie sur des réseaux bancaires spécialisés
(Crédit agricole, Crédit foncier).
2.1- … suivie d’un politique de rigueur et de
défense du franc
• Dans ce contexte :
– de fuite des capitaux
– de spéculation internationale contre le franc
– et donc de dépréciation du franc
la dernière politique éco. du général de Gaulle a pour
objectif la défense de franc.
• Une action franco-allemande coordonnée (réévaluation
du mark et dévaluation du franc) est un temps
envisagée.
• Le franc n’est finalement pas dévalué. De Gaulle peut
ainsi tenir la promesse faite en 1958 : pas de
changement de la parité du franc tant qu’il serait là.
• Mais ce n’est qu’un répit :
– le franc est dévalué de 12,5 % en août 1969 (sous la
présidence de Pompidou),
– et le mark réévalué de 9,3 % en octobre.
• Résultats :
– À court terme, du fait de la forte hausse des salaires
et de la réduction du temps de travail, l’inflation repart
(7,1 % en 1969).
– La hausse du pouvoir d’achat stimule la reprise et
creuse le déficit commercial (car excès de la
demande face à un offre réduite par les grèves).
– La dévaluation de 1969 relance les exportations et
contribue ainsi à stimuler la reprise.
• Au printemps 1969, le général de Gaulle, encore
affaibli par la crise de 1968, soumet au
référendum un vaste projet de réforme du Sénat
et la régionalisation.
• Lors de référendum d’avril 1969, le non
l’emporte (53 %) ; de Gaulle se retire à la fin
avril 1969.
• Le projet visait notamment à accorder la
personnalité juridique aux régions, mais retirait
au Sénat (notamment censé les représenter)
une très large part de ses prérogatives.
Section 3 – L’abandon rapide du projet de
« Nouvelle société » (1970-1972)
• Projet de « Nouvelle société » :
– porté par Jacques Chaban-Delmas, chef du 1er
gouvernement de la présidence de Georges
Pompidou
– inspiré par Simon Nora et Jacques Delors
– Retour à certaines des idées lancées par Pierre
Mendès France dans les années 60.
• Constat de départ : la France est encore un
pays sous-industrialisé, à l’économie fragile et
aux structures archaïques.
• Ce projet a pour objectifs la rénovation de
l’économie, via :
– l’amélioration de la compétitivité
– la transformation du rôle de l’État
– le rajeunissement des structures sociales
– un développement régulier des revenus.
• Grande réforme administrative et
pédagogique de l’Université.
• Mise en œuvre d’une politique sociale
contractuelle, basée sur une concertation
régulière entre patronat et syndicats :
– Le secteur public doit donner le modèle
– Signature de contrats de programme garantissant
une autonomie de gestion aux GEN (grandes
entreprises publiques)
– Signature de contrats de progrès entre la direction
des entreprises publiques et les syndicats:
• visant notamment à réduire la durée du travail
• précurseurs de la mensualisation des salaires, qui sera
généralisée en 1978.
– Loi du 2 janvier 1970, qui transforme le SMIG en
SMIC (salaire minimum interprofessionnel de
croissance) :
• Revalorisation automatique quand l’indice général des prix à
la consommation ↑ de 2 % par rapport à la précédente
revalorisation
• Révision tous les 1er juillet, au regard des comptes
économiques de la nation (i.e. des statistiques publiées par
l’INSEE).
– Accord interprofessionnel du 10 février 1969, qui
organise le régime des licenciements collectifs pour
motif économique.
– Accord interprofessionnel du 9 juillet 1970, en faveur
de la formation professionnelle.
Section 4 – La relance du processus de
construction européenne
• Au cours de la période 1960-1968, la France est
opposée, dans une optique très gaulliste, à un
approfondissement de la construction européenne et à
l’élargissement de la CEE : elle cherche à maintenir un
TEC à vocation défensive.
• Néanmoins, l’accord du Kennedy round (1964-1967) :
– implique une ↓ de 35 % des droits de douane
– et conduit à une ↓ du TEC entre 1968 et 1972.
• Maurice Schuman, ministre des Affaires européennes :
– soutient les nouvelles adhésions : le Danemark, l’Irlande et le
Royaume-Uni entrent en 1973 dans la CEE (après le veto
opposé par le France en 1963 et 1967, pour le RU)
– et développe les politiques des transports et de l’énergie.
Section 5 – Une politique industrielle
ambitieuse
• Cette politique industrielle ambitieuse vise deux
objectifs:
– la recherche d’une indépendance nationale en matière
technologique et militaire.
– la concentration et la coopération européenne dans les
industries de pointe.
• Elle se concrétise pour le lancement de différents
projets:
– Airbus et Concorde, en collaboration respective avec
l’Allemagne et le Royaume-Uni
– Le « plan calcul » en 1967, visant à la constitution d’une grande
entreprise française dans le domaine de l’informatique (CII).
– Le développement de la filière française de production nucléaire.
Section 6 – Les prémices de la crise
• Les pressions inflationnistes se font sentir au niveau
mondial :
– mais sont encore plus fortes en France que dans les autres pays
industrialisés
– d’où dégradation de la compétitivité française
– avant même que ne survienne le 1er choc pétrolier.
• Le gouvernement de Pierre Messmer lance, en
décembre 1972, un plan de lutte contre l’inflation. Malgré
l’abrogation de l’encadrement du crédit en 1970 (car
développements des techniques de contournement).
• L’effort de modernisation s’essouffle à la veille de la
crise.
• Loi Royer limitant les conditions d’ouverture des grandes
surfaces.
• Manifestations de plus en plus nombreuses (construction
navale à Fos-sur-mer, Usines Lip).
Conclusion (2ème partie)
• A partir de la seconde moitié des années 1950,
la France connaît une période d’expansion que
la théorie de la régulation (M. Aglietta, R. Boyer)
qualifie :
– de régime d’accumulation fordiste
– associé à un mode de régulation administrée (dans
lequel l’État joue un rôle essentiel).
dont les principales caractéristiques sont les
suivantes :
– Rapport salarial privilégiant l’indexation du salaire
nominal sur les prix (rendu possible par les gains de
productivité)
– Développement de la consommation de masse
– Modèle social de mutualisation des risques
(protection sociale)
– Économie d’endettement :
• Endettement des entreprises auprès des banques
(car faiblesse de l’autofinancement et marchés
financiers peu développés)
• Endettement (refinancement) des banques auprès
de la banque centrale le système fonctionne donc
sous réserve de l’apport en liquidités de la banque
centrale : taux d’intérêt administrés et
encadrement du crédit.
– Financement par création monétaire de
l’endettement de l’Etat :
• source d’inflation
• mais déficit budgétaire relativement contenu.
– Politiques conjoncturelles de « stop and go »
• Ce mode de régulation est entré en crise
dès la fin des années 1960, du fait
notamment :
– de la baisse des gains de productivité
– et de l’ouverture internationale
et n’a pas ensuite donné naissance à un
mode de régulation aussi clairement
identifiable.
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