un sentiment d

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Logique diagnostique en
psychiatrie
Pr Christine Passerieux
UVSQ – Centre Hospitalier de Versailles
Définitions Psychiatrie/santé mentale
Psychiatrie : spécialité médicale consacrée à l’étude et au
traitement des TROUBLES MENTAUX. La psychiatrie ne concerne
pas seulement les psychiatres (mais aussi les médecins généralistes).
 Santé mentale : va de l’absence de troubles mentaux à un « état
de bien-être complet, physique, psychologique et social» (OMS).
Dépasse les psychiatres (la psychiatrie) et les médecins pour interpeller
la société entière.
Les problèmes de classification
diagnostique en psychiatrie
Un diagnostic suppose l’existence de troubles mentaux différents.
Sur quoi fonder les différences ?
Classification « robuste » : connaissance de la cause (les
mécanismes de production des symptômes). Exemple : la
tuberculose (symptômes divers selon le stade et la forme)
Pas de modèles « causaux » en psychiatrie  les classifications
sont moins stables que dans d’autres spécialités médicales
Si on ne connaît pas la cause
On parle de troubles et pas de maladie
symptômes premiers critères de classification
La description clinique a une forte
valeur d’orientation diagnostique
 La « science » des signes ou symptômes = la
sémiologie. Très développée en psychiatrie. Grande
importance de l’entretien
 Exemple, le délire :
 Thèmes
 Mécanismes
 Organisation / systématisation / enrichissement à
mesure
 Degré de conviction et comportement délirant
 Envahissement du champ de conscience
 Retentissement émotionnel
Des symptômes aux syndromes
Très peu de symptômes spécifiques
Regroupement des symptômes entre eux : les
syndromes
S1 + S2 + S3… = syndrome I
Exemple : le syndrome dépressif =
- humeur dépressive (tristesse, perte du plaisir,
difficulté à ressentir des
émotions)
- ralentissement psychomoteur
(fatigue, ruminations, monoidéisme,
aspect figé, …)
- contenus de pensée négatifs
(vision négative de soi, du monde, de
l’avenir…)
- signes somatiques
(insomnie, appétit, constipation,
…)
Des symptômes aux syndromes
Très peu de symptômes spécifiques
 Hiérarchisation : certains symptômes ont plus de poids ou
leur présence prévaut sur les autres
ex :
- humeur triste, non spécifique ++
- tachypsychie (ou impression subjective d’accélération des
pensées)
- barrage (pathognomonique)
 Mode de début et évolution des symptômes
 Place des symptômes dans l’histoire psychiatrique vie
entière parce que les troubles psychiatriques sont le plus souvent
chroniques ou récidivants.
D’autres critères de classification
 Critère évolutif :
 Modèle de la paralysie générale (syphilis)
 L’évolution de la schizophrénie vers une « démence
précoce » (Kraepelin)
 L’évolution périodique de la « psychose maniacodépressive »
 Critère étiologique :
 les névroses ont une origine psychologique (Freud)
 Les dépressions « endogènes » et « psychogènes »
 Aujourd’hui : modèle plurifactoriel pour l’ensemble des
troubles (y compris les troubles de la personnalités)
avec une part variable des facteurs génétiques et des
facteurs environnementaux (passés et actuels)
Pathologies somatiques
Facteurs psychologiques :
Développement psychoaffectif
Stratégies de « coping »
Troubles bipolaires :
Troubles de
1% type I
l’humeur :
4 à 6 % spectre
10 à 20 %
Pathologies psychiatriques
prévalence vie
comorbides :
entière
Troubles anxieux
Comportements addictifs
Logique diagnostique
 Du syndrome au diagnostic :
 Plusieurs syndromes peuvent s’associer dans un même
trouble :
 Ex : Trouble schizophrénique =
syndrome délirant + syndrome de désorganisation +
syndrome déficitaire
 Un syndrome peut s’observer dans différents troubles :
 Ex syndrome délirant : possible dans la dépression, l’état
maniaque, la schizophrénie, la bouffée délirante aigue, le
délire paranoïaque, certaines prises de toxiques…
Logique diagnostique
 Le Trouble = entité diagnostique qui prend en compte à la
fois le tableau clinique actuel et l’histoire psychiatrique vie
entière

Exemple : trouble bipolaire = au moins un épisode
maniaque et un ou plusieurs épisodes dépressifs
 Lorsque cette histoire n’existe pas (1ères manifestations
psychiatrique) on parle d’épisode
 Plusieurs troubles peuvent s’associer : on parle de
comorbidité
Exemple : trouble obsessionnel compulsif et trouble bipolaire,
trouble anxieux généralisé et trouble dépressif récurrent …
Deux classifications des troubles mentaux
incontournables : le DSM IV (Diagnostic and Statistical
Manual, USA) et la CIM 10 (Classification Internationale
des Maladies, Europe)
DSM Outil publié pour la première fois en 1980 par l'Association
américaine de psychiatrie, d’abord pour la recherche, pour fiabiliser
les diagnostics en psychiatrie en éliminant l'interprétation = critères
diagnostics établis statistiquement (vision athéorique).
Diffusion en clinique.
Autres versions ultérieures,
Actuellement : DSMIV et DSMV à venir en 2013
La CIM est l’outil européen de classification et elle est relativement
superposable au DSM
DSM IV (suite)
5 axes qui étudient respectivement :
Axe I : les troubles cliniques
II : les troubles de la personnalité et le retard mental
III : affections médicales
IV : troubles environnementaux
V : évaluation globale du fonctionnement
Types de critères diagnostics (nb minimum = diagnostic) :
- caractéristiques descriptives des symptômes
- fréquence/durée/ âge auquel il est apparu
- des critères d'exclusion
DSM-IV : catégories diagnostic axe I
- Troubles de l’humeur ou thymiques (du grec tumos : siège des émotions
traduisant la disposition affective de base) : dépressif, bipolaire,
dysthymique
- Troubles anxieux : panique, phobies, obsessionnel compulsif, stress
post-traumatique
- Troubles liés à une substance : alcool, drogues, ….
- Schizophrénie et autres troubles psychotiques
- Troubles enfance ou l'adolescence : trouble de l’apprentissage,
attentionnel, autisme…..
- Délirium, démence, trouble amnésique, troubles cognitifs
- Troubles somatoformes
Les troubles mentaux ont une prévalence élevée :
troubles mentaux fréquents / troubles mentaux sévères
Prévalence européenne vie entière (HU Wittchen 2005, 27 études)
1. Troubles de l’humeur
Dépression 3.1 – 10.1 (8.3%)
Trouble bipolaire 0.2 – 1.1 %
2. Troubles anxieux
Trouble panique 0.7- 3.1 (2.3%)
Trouble anxieux généralisé 0.2- 4.3 (1.5%)
Phobie sociale 0.6 – 7.9 (2%)
Troubles mentaux
fréquents
3. Troubles liés à une substance
Alcool 0.1- 0.6 %
Autres substances 0.1 – 2.2 %
4. Troubles délirants chroniques
Schizophrénie 1 %
Autres troubles psychotiques : 0.2 – 2.6 %
Troubles mentaux
sévères
Santé publique
Poids majeur : les troubles mentaux (thymiques notamment) sont dans
les affections médicales parmi les plus gros pourvoyeurs de handicap
(Murray Lopez 1996; Olesen J 2003)
Étude internationale de la Charge globale de la maladie, la dépression
majeure unipolaire
= 4ème cause mondiale de handicap, avant les cardiopathies
ischémiques. Handicap (« ajusté sur la vie ») : somme des années
perdues en raison d’une mortalité prématurée ou en raison d’un trouble
du fonctionnement. En 2020, serait la 2ème cause mondiale de
handicap.
= 2ème cause dans les pays développés (après les cardiop.
ischémiques, avant les maladies cérébrovasculaires).
Recueil des données : l’entretien
 Principal mode de recueil des données en psychiatrie
 Pas d’examens complémentaires (sauf suspicion de pathologie
organique associée ou pour la surveillance des traitements)
 Technique difficile, position dynamique et variable selon les objectif
de l’entretien
 Objectifs et modalités de l’entretien : variables selon les types de
situation rencontrées
 Possibilité de recueil d’informations utiles +++ par l’observation des
comportements et/ou les échanges informels à l’occasion des soins
de la vie courante
Quelques points clés sur
« l’entretien »
 Asymétrie de la relation : ce qui est entendu n’est pas
toujours ce qu’on a dit !
 Suivre une dynamique qui laisse le patient commencer à
parler de ce qu’il souhaite
 Être attentif, reformuler ce qu’a dit le patient :
 S’assurer qu’on a bien compris
 Lui permettre de développer ou de compléter
 Réduire l’écart entre ce qu’il a dit et ce qu’il veut dire
 Créer un climat de confiance et d’acceptation
 Ne pas être intrusif…mais pouvoir tout aborder !
L’engagement
Développement progressif d’un
sentiment de sécurité et de
respect, grâce auquel les patients
se sentent de plus en plus libres de
confier leurs problèmes au
clinicien, en même temps qu’ils
prennent confiance dans son
aptitude à les comprendre.
Transmission d’un sentiment
d’empathie
Aptitude du clinicien à :
« percevoir avec précision le système interne de référence
d’autrui, avec les composantes émotionnelles et les
significations qui s’y rapportent, comme s’il était cette autre
personne, mais sans jamais perdre de vue ce comme si. »
Carl Rogers
reconnaître clairement la perspective émotionnelle d’autrui
sans, dans le même temps, abandonner la sienne.
Transmission d’un
sentiment d’empathie
 Empathie et identification se chevauchent mais se distinguent
par le fait que le clinicien qui s’identifie au patient en reconnaît
l’état émotionnel, mais va jusqu’à le ressentir.
 ATTENTION !  L’identification donne souvent lieu à
l’épuisement, au rejet, à l’implication personnelle excessive …..
Des sentiments d’identification intenses (se sentir touché
comme si on vivait soi-même la situation) doivent être
rediscutés dans des réunions d’équipe (Intervision…)
Transmission d’un
sentiment d’empathie
 La transmission par le clinicien se fait le plus souvent par
une reformulation de l’émotion exprimée.
« vous devez être un peu inquiète »…« cela ne doit pas
être facile… »
 Dans tous les cas  effet de réduire la distance avec le
clinicien.
 ATTENTION : Cette proximité est exactement ce que
certaines personnes refusent  veiller à s’ajuster aux
réactions du patient
Etablissement d’un sentiment de
sécurité dans la relation
Concept de regard positif inconditionnel : le clinicien
« communique à son client une sollicitude profonde et
véritable … une sollicitude sans l’ombre d’une évaluation de
ses pensées, sentiments ou manière d’agir ». (Carl Rogers)
 Mettre de coté ses propres jugements moraux
 Connaître les questions qui nous posent problème
(par exemple celles qu’on a tendance à éviter)
 Connaître ses sentiments que peut susciter le patient
et la situation afin de ne pas dévier de son but : ne
pas lui donner l’impression de le juger.
Authenticité du clinicien
Suggérer qu’on se sent bien, qu’on
trouve plaisir à l’entretien
 Naturel
 Chaleureux
 Conserver le sens de son rôle
 Et la distance qui convient
Compétence du clinicien
 Rassurer le patient : « Cette personne est-elle en
mesure de m’aider ?»
 Dans un premier entretien, comment manifester sa
compétence ?
Pas dans ce qu’on dit
Dans ce qu’on demande
 Intérêt des questions « factuelles » : qui portent sur la
situation réelle et concrète de la femme (pertinence,
intérêt qu’on lui porte)
 Mais pas à la façon d’un inventaire !
De l’art d’élaborer une base de
données
Les patients peuvent donner des infos inexactes : par
réticence, pudeur, erreur de mémoire, parce qu’ils ne
les jugent pas importantes …
Mais le clinicien lui-même en est la première cause
Se baser sur des faits concrets ou les
détails de l’histoire plutôt que
l’appréciation subjective de la
personne.
De l’art d’élaborer une base de
données
Ex 1 :
Clinicien : Êtes vous contente de l’aide que vous
apporte votre mari en ce moment où vous êtes plus
fatigable ?
Patiente : Oh, plutôt oui…
De l’art d’élaborer une base de
données
Ex 2 :
Clinicien : Que fait votre mari pour vous aider en ce
moment où vous êtes plus fatigable ?
Patiente : Eh bien, il est un peu moins exigeant… Par
exemple il ne me fait pas une scène quand sa chemise
préférée n’est pas repassée…
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