Intubation en séquence rapide: intérêts et limites Agnès Ricard-Hibon SAMU-SMUR 95, CHRD Pontoise Urgences de Beaumont/Oise • 44.000 parturientes • 66 inhalations massives • Mortalité due à une pneumopathie d’inhalation Mendelson CL. Am J Obstet Gynocol 1946;42:191-203. Incidence de l’inhalation per-intubation Bloc opératoire – Entre 0,007% à 0,06% – Mortalité 1/46340 et 0 Urgence intrahospitalière – 1,6 % à 0,9 % Urgence extrahospitalière – 3,5 % à 8,9 % Réanimation – 4 % à 6 % – Mortalité 20-30% Adnet Ann Emerg Med 1997. De Paso, Clinics in Chest Med; 1991 Potgieter, Chest; 1992 Schwartz Anesthesiology 1995. Garber, Crit Care Med; 1996 Morbidité – Anesthésie générale: • < 50% signature radiologique • <15% nécessite un support ventilatoire • 5% de mortalité ISR et IOT difficile ISR = durée de curarisation courte Quelques principes : Savoir le prévoir ! – – – – – – – Ça peut arriver même aux plus expérimentés Priorité à l’oxygénation Limiter la durée de la tentative Limiter le nombre de tentatives Appel d’un renfort précoce Procédure connue et séances de formation Maintien de la manœuvre de Sellick® Caractéristiques d’une sédation pour l’IOT d’un patient « estomac plein » Cinétique rapide – Délais d’action rapide – Durée d’action courte Réversibilité Peu de retentissement – Hémodynamique – Neurologique – Respiratoire Minimum d’effets indésirables Rationnel Conférences experts SFAR 2010 : « analgésie et sédation en milieu extra-hospitalier » Conférence consensus SFAR 1999: « utilisation des curares en anesthésie » Conférence consensus SRLF-SFAR 2000 et 2008: « sédation et analgésie en réanimation » Rôle de l’induction séquence rapide sur l’IT difficile L’ISR améliore l’incidence de l’ITD en préhospitalier : – Rose 94 : baisse du taux d’échec avec ISR de 27% à 4% – Ma 98 : baisse du taux d’échec avec ISR de 33% à 8,5% – Vilke 94 : ISR (90%)> IOT sans curare (84%) > INT (75%) – Syverud 98 : 96% des échec d ’INT --> Succès avec ISR – Cantineau 97 : incidence de l ’ITD identique entre les patients en ACR et les patients bénéficiant d ’une ISR – Ricard-Hibon 02: baisse du taux d’IT et de la durée de l’IT 2 études négatives …. Mais problèmes méthodologiques : – Rhee 94, Hedges 88 Induction séquence rapide et IT difficile Avant protocole Après protocole (n = 97) % d'intubations difficiles 35% (34) 22% (30) % de succès à la 1ère tentative 55% (52) 78% (107) % de succès ≤ 3 tentatives p (n = 138) < 0,02 < 0,01 89% (84) 97% (134) Ricard-Hibon, Eur J Anaesth 2002, 19: 361 Temps nécessaire à la réalisation de l'intubation Avant protocole Après protocole (n = 97) Temps total (min) 4,1 0,7 1,4 ± Temps intubations faciles (sec) 77,8 Temps intubations difficiles (min) 9,0 ± (n = 138) ± 11 1,2 ± 35,3 4,2 ± p 0,3 < 0,01 3 < 0,01 1,4 < 0,01 ± Ricard-Hibon, Eur J Anaesth 2002,19:361 Intubation en séquence Rapide Seule séquence de sédation pour l’intubation en urgence de patients à estomac plein plus sûr, plus rapide, plus facile Place de l’ISR ? Systématique de première intention – Pour toute IOT hors ACR – Et les comas ? En présence de facteurs prédictifs d ’ID En présence de contre-indications Sfar 1999 Corrélation GCS et ITD D’après Adnet et coll, Acad Emerg Med 1998 39% 40% p = 0.0077 33% 35% 30% 25% 20% 20% 16% 14% 14% 12% 13% 10% 0% 0% 0% 0% 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Score de Glasgow Rôle de la sédation sur l’IT difficile RSI 7% ETM+MDZ 18% Etomidate 47% Midazolam Propofol 29% 8% Thiopental 22% No sedation 0% 14% 10% 20% 30% 40% 50% Adnet F, Eur J Emerg Med, 1999 Déroulement d’une ISR Equipement prêt à l’emploi et vérifié – Matériel de ventilation, d’aspiration et monitorage CV et Resp – Capnographie branchée et calibrée – Techniques alternatives à l’IOT difficile accessibles Préoxygénation en FIO2 100% Administration d’un hypnotique : etomidate 0,3 à 0,5 mg/kg Administration d’un curare : succinylcholine 1mg/kg Compression du cartilage cricoïdien: Sellick® Intubation orotrachéale sous laryngoscopie directe Pré-oxygénation Étape fondamentale de l’ISR But: PN2(Poumon) = 0 mmHg Durée = 3-5 minutes Ballon autoremplisseur, masque hermétique en FIO2 100% Pas d’assistance manuelle (risque d’inhalation) Permet une Apnée théorique > 5 min. sans désaturation (poumons sains) après une pré-oxygénation correcte Berthoud M, Anaesthesia, 1983 Le Pelley E, Ann Fr Anesth rean, 1995 Mais …. ISR et désaturation Sujets poumons sains : – 11 à 50% de patients sans détresse désaturent (SpO2 < 90%) sans assistance ventilatoire – Il existe des patients à poumons sains à haut risque de désaturation précoce (obèse, parturiente) Patients en détresse ventilatoire ? Benumof Anesthesiology 1997 Heier, Anesthesiology, 2001 Hayes, Acta Anaesthesiol Scand 2001 Désaturation pendant l’apnée d’une ISR 42 patients pO2 initiale : 67 mmHg ± 20 Préoxygénation : + 37 mmHg pO2 post O2: 103 ± 63 mmHg Peu de modifications : 36% 19% des patients: +50 mmHg Benumof, Anesthesiology 1997 Mort, Crit Care Med 2005 Désaturation pendant l’apnée de la succinylcholine • 12 volontaires « sains » • 50 % SpO2<95 % • 33% SpO2<80 % Heier, Anesthesiology, 2001 La vraie vie ! 100 95 90 85 80 75 70 65 S13 S7 19 16 13 10 7 4 1 60 S1 Pré-oxygénation fausse assurance ? Probablement, le patient à estomac plein en situation d’urgence à une courbe de désaturation rapide Phénomène amplifié en situation d’urgence vraie Pré-oxygénation : fausse assurance Ne pas attendre la désaturation pour ventiler ACTIVEMENT au masque Ne pas attendre la désaturation pour interrompre la procédure d’intubation La remonté de la SpO2 lors d’une oxygénation correcte semble lente Limiter la durée de la laryngoscopie ! Problématique de la réanimation Incidence élevée de détresses respiratoires Désaturations per-intubation fréquentes Technique de VNI pour la préoxygénation ? Préoxygénation: VNI vs. classique ns * ** ns * SpO2 % 100 C vs VNI : *, p<0,05 **, p<0,01 SpO2 100 90 80 70 C VNI 90 60 Avant prЋoxy Fin prЋoxy Pendant l'IOT 80 IOT + 5' IOT + 30' 70 60 50 VNI VS SpO2 au cours de l’intubation Baillard et al. AJRCCM 2006 Sellick, Lancet, 1961 Manœuvre de Sellick Contre indications – Vomissements – Lésions du rachis cervical ? Efficacité non établie Diminue le risque de régurgitation Peut interférer avec l’exposition glottique Sellick, Lancet, 1961 Jackson, Anesthesiology, 1994 Tournadre, Anesthesiology, 1997 Hodgson, Anesthesiology, 2001 Hypnotique = Etomidate 0,3-0,5 mg/kg IV – – – – Stabilité cardiovasculaire Début d’action rapide Durée d’action courte Protection cérébrale Contre indications = pas d’indication – Asthme = Kétamine 2 mg/kg – Etat de mal convulsif = Thiopental 5 mg/kg – Enfant < 2 ans Controverse… Mower W, Ann Emerg Med 2008 Etomidate et insuffisance surrénalienne Inhibition réversible de la 11-ß-hydroxylase Diminution du cortisol plasmatique 5 heures chez les sujets sains > 24 heures en cas de sepsis Etomidate en bolus comme cause indépendante à une insuffisance surrénalienne chez des patients en réanimation (OR = 12,21) – Association avec la sévérité – Utilisation vasopresseurs Malerba et al. Intensive Care med 2005;31:388-392 Annane et al. Intensive Care Med 2005;31:325-326 Essai randomisé : 499 chocs septiques dont 96 ETOMIDATE • Insuff. Surrénalienne : 60% ETO vs 43% nonETO : p=0.004 • Mortalité augmentée chez ETO vs nonETO : p=0.03 Sprung , NEJM 2008 Kétamine (Kétalar®) Hypnotique d’action rapide (30-45 sec) Durée d’action courte : 10-15 min Effets analgésiques Activation du système sympathique Peu dépresseur respiratoire N’est plus contrindiqué chez le traumatisé crânien CI : psychiatrie, insuffisance coronarienne, thyrotoxicose, insuffisance cardiaque Dose d’induction : 1 à 3 mg/kg IV Dose entretien : 1 à 3 mg/kg/h En Ventilation spontanée : 0,1 à 0,2 mg/kg Ketased INDICATION D’INTUBATION EN SEQUENCE RAPIDE SMUR Equipement prêt à l’emploi et vérifié Monitorage Préoxygénation RANDOMISATION GROUPE « ETO » GROUPE « KET » Etomidate 0.3 mg/kg IV lente puis Célocurine 1mg/kg IV direct Kétamine 2 mg/kg IVlente puis Célocurine 1mg/kg IVdirect Manœuvre de Sellick Intubation endotrachéale Entretien de la sédation continue par Midazolam - Fentanyl ou Sufentanil Mesure de la difficulté de l’intubation par l’IDS PHASE OBSERVATIONNELLE HOSPITALIERE SOFAmax fin J2 Résultats Eligibles = 689 patients Non inclus = 32 patients Exclus = 6 patients Refus d’exploitation des données = 1 patient Analysables = 650 patients DCD préhospitalier = 27 patients Séjour en Réa ≤ fin J2 non DCD = 154 patients ITTM = 469 patients Etomidate group (N=234) Ketamine Group (N=235) Reasons for emergency intubation, no. (%) Comatose Shock Respiratory distress Other 162 (69) 31 (13) 37 (16) 4 (2) 162 (69) 26 (11) 41 (17) 6 (3) Final diagnosis, no. (%) Trauma Sepsis Other 57 (24) 41 (18) 136 (58) 47 (20) 35 (15) 153 (65) Patient’s pathology Intubation assessment IDS value, median (interquartile) Rate of intubation difficulty, no. (%) Delta systolic blood pressure (mm Hg), mean±SD Delta SpO2 (%),mean±SD Etomidate Group (N=234) Ketamine group (N=235) p 1 (0-3) 24 (10) 1 (0-3) 20 (9) 0.70 0.52 8 ± 36 10 ± 37 0.49 4 ± 10 4±8 0.85 Conditions d’intubation identiques Outcome measures All patients SOFAmax, mean±SD Mortality at 28 days, no. (%) Sepsis or Trauma SOFAmax, mean±SD Mortality at 28 days, no. (%) Sepsis SOFAmax, mean±SD Mortality at 28 days, no. (%) Etomidate (N=234) Ketamine (N=235) p 10.3±3.7 81 (35) 9.6±3.9 72 (31) 0.054 0.36 Etomidate (N=98) Ketamine (N=82) p 11.0±3.8 32 (33) 10.3±3.6 26 (32) 0.23 0.89 Etomidate (N=41) Ketamine (N=35) p 12.4±3.8 17 (42) 10.8±4.5 12 (34) 0.10 0.52 Adrenal insufficiency Cortisol (µg/dL), (interquartile) baseline 30 min. after ACTH test 60 min. after ACTH test Etomidate group (N=116) Ketamine group (N=116) p 16 (11-26) 18 (12-29) 19 (14-30) 25 (17-34) 33 (25-41) 38 (28-48) <0.0001 <0.0001 <0.0001 93 (81) 49 (42) <0.0001 107 (92) 68 (59) <0.0001 median Non responder to ACTH test, no. (%) Adrenal insufficiency, no. (%) Courbes de survie en fonction du groupe 1.00 0.75 0.50 0.25 0.00 0 5 10 15 20 tempssurvie STRATA: GROUPE=ETOM ID ATE GROUPE=KETAM IN E 25 30 En pratique Pas d’argument pour abandonner l’étomidate en MU En médecin d’urgence : – Sepsis : < 10% de l’activité en SMUR – Urgences : 15 % de l’activité ? Bénéfice de l’induction séquence rapide avec étomidate / autres substances – Risque hémodynamique – Pas d’arguments scientifiques pour d’autres substances Mais la kétamine peut être une alternative aussi efficace que l’étomidate – Etomidate vs. Propofol : Pas dans l’état de choc – Etomidate + hydrocortisone vs. Etomidate ??? Thiopental (Nesdonal®) Barbiturique de délai d’action (1min) et de durée courte (10 à 15 min) Flacon de 500 mg à diluer dans 20 cc (2,5%) Effets dépresseurs cardiovasculaires importants Anticonvulsivant Diminue la CMRO2, la PIC et la PPC CI formelles : hypovolémie, état de choc, insuffisance cardiaque Seule indication en urgence : EME Dose d’induction : 4 à 6 mg/Kg Dose d’entretien : 3 à 5 mg/kg/h Propofol (Diprivan®) Hypnotique d’action rapide et brève, dosedépendant, myorelaxant Dépression respiratoire Dépression cardiovasculaire, en particulier chez l’hypovolémique et le sujet âgé CI : TC, hypovolémie, I coronaire, chocs, HTA sévère, grossesse, enfant < 3 ans, épilepsie Agent non recommandé comme drogue d’induction en médecine d’urgence Entretien : 6 à 12 mg/kg/h Curare = Succinylcholine Action très rapide – Délai d’action court : 60 sec – Durée d’action courte : reprise ventilation si échec IOT Stabilité cardiovasculaire Effets Secondaires de la succinylcholine Cardiovasculaires : arythmies souvent réversibles Hyperkaliémie : facteurs prédisposants Allergie (1/16000) Hyperthermie, seulement si elle est associée à des agents halogénés Contre-Indications à l’ISR Hyperkaliémie documentée ou fortement suspectée (rhabdomyolyse) ATCD allergie à la succinylcholine Maladie neuromusculaire Hémiplégie, paraplégie, tétraplégie ATCD d ’hyperthermie maligne Brûlés, polytraumatismes à distance de l’accident Intoxication organophosphorés Réanimation = CI à la succinylcholine ? Risque d’hypoxémie majeur Risque d’hyperkaliémie non évalué Risque de troubles du rythme sur pathologie neuro-musculaire: --> Prudence pour la ré-intubation de patients hospitalisés depuis longtemps Place de l’ISR Systématique de première intention – Pour toute IOT hors ACR En présence de facteurs prédictifs d ’ID : – La place de cette séquence est mal définie en présence de facteurs d ’intubation difficile – ISR > Fibroscopie (Mandavia, 2000) En présence de contre-indications la la succinylcholine : – Rocuronium + sugammadex – Propofol seul (non évalué) – Etomidate + BZD (peu évalué) – Vigile avec AL ? Lee C et al, Anesthesiology 2009 Coût du Sugammadex Poids réel (kg) Antagonisation immédiate (16 mg/kg) Posologie (en mL) Coût (en euros) 50 60 70 75 80 85 90 100 110 120 8 9,6 11,2 12 12,8 13,6 14,4 16 17,6 19,2 333 370 444 444 518 518 555 629 703 740 Safety in Out-of-hospital EM n (%) [95% CI] Side effects Cardiovascular : • Cardiac arrest • Dysrhythmia • Hypotension • Collapse Respiratory : • Difficult intubation • Oesophagal intubation • Broncho/laryngospasm • Hypoxemia • Pulmonary aspiration Allergy Anesthesia and/or continuous sedation (n = 315) 69 (22%) [17.6- 26.4] 38 (12%) 5 (2%) 6 (2%) 34 (10%) 3 (1%) 30 (10%) 17 (5%) 7 (2%) 6 (2%) 3 (1%) 3 (1%) 0 (0%) Anesthesia for tracheal intubation (n = 163) 50 (31%) [24.1 – 37.9] 25 (15%) 4 (2%) 4 (2%) 24 (15%) 2 (1%) 23 (14%) 15 (9%) 6 (4%) 5 (3%) 1 (1%) 3 (2%) 0 (0%) Ricard-Hibon, Am J Emerg Med 2003, 21:461 Sédation du patient ventilé Morphinique Hypnotique Relais curares Morphinique et hypnotique Sufentanil et Fentanyl Midazolam et Propofol Kétamine proposée Niveau de sédation Désadapté Adapté Intubation Relevage Transport Hôpital Arrivée en milieu hospitalier Intensité de stimulation Concentration plasmatique Laryngoscopie Mise en condition “stimulation” Etomidate/celocurine Hypnovel/fentanyl Flux carotidien durant un effort de toux Dresser KB et al; Stroke 1976 Mattle HP et al; Neurology 1995 Papazian L et al; NEJM 2010 Dans le cadre de la prise en charge initiale et notamment préhospitalière d’un patient présentant un traumatisme crânien grave, les experts proposent que l’indication d’une curarisation associée à la sédation soit large (accord faible) Afin d’éviter le frisson lors de l’induction d’une hypothermie après anoxie cérébrale aigue, les experts recommandent d’effectuer une curarisation Chez le patient ventilé pour insuffisance respiratoire aiguë, il est possible d'adjoindre une curarisation lors de la phase initiale de la sédation-analgésie (accord faible) En cas de difficulté pour ventiler le patient en insuffisance respiratoire aiguë, une curarisation en continu est recommandée, sous réserve d’avoir éliminé une complication de la ventilation mécanique Pour la maison Attention à Sellick Prévention de l’hypotension Rocuronium (+ sugammadex) si CI à la Célocurine, pourquoi pas en standard après validation Initiation de la sédation par bolus de morphiniques Conclusion ISR : Technique de référence Prévention de l’hypotension Rocuronium (± sugammadex) si CI à la Célocurine Initiation de la sédation par bolus de morphiniques