SIDA: Épidémiologie Politique, économie de la santé Dr Christophe RIOUX Service de maladies infectieuses Hôpital BICHAT Historique • • VIH: virus de l’immunodéficience humaine Dérive de virus simiens = VIS – Transmission à l’homme lors de la chasse, du dépeçage des animaux, de l’alimentation, de l’utilisation en animal de compagnie – Transmission à l’homme probablement à plusieurs reprises au cours des siècles: • mais virus mal adapté à l’homme • conditions épidémiologiques nécessaires de diffusion non présentes. • Concernant la pandémie VIH actuelle: – l’analyse de la vitesse de l’apparition des mutations du virus humain ferait remonter la transmission à l’homme aux années 1930. • Origines de l’épidémie actuelle: – procédures médicales comme les injections, les transfusions sanguines, urbanisation, paupérisation, prostitution, déplacements de populations, tourisme, libéralisation sexuelle • • Fin des années 70: cas de maladies inhabituelles dans la population homosexuelle aux USA (pneumocystose, sarcome de kaposi…). Apparition de cas similaires aux début des années 80 en France. Découverte du virus en 1983 (Montagnier en France, Gallo aux USA). – Premiers tests commercialisés en 1985. Survenue des infections opportunistes en fonction du taux de CD4 CD4/mm³ 500 400 Infections bactériennes Herpès Tuberculose Candidose œsophagienne Pneumocystose Cryptosporidiose 200 100 50 Toxoplasmose Cryptococcose Cytomégalovirus Mycobactérie atypique Aspergillose Temps 2 Girard PM et al. In Doin SIDA 1996 Facteurs favorisants la diffusion de l’infection VIH • Non connaissance des risques – – – Au début de la pandémie: sexe, sang contaminé Dans les populations hétérosexuelles (« cancer gay »), sentiment de ne pas prendre de risque Toxicomanes = au-delà de la protection – Population homosexuelles, partenaires multiples – Jeunes, illettrés, sociétés avec poids moral important (pas d’éducation sexuelle, sexe=péché=caché) Pas de politique de prévention du VIH, des MST Pas de surveillance des infections, des décès liés au VIH • Effet pervers des traitements, volonté de s’affranchir des protections • Manque d’information sur la maladie, sur la protection • • – – Pauvreté – – – – Pas d’accès aux moyens de protection, pas de traitement des MST Prostitution Pas de traitement pour diminuer les charges virales (et donc la contamination), pas de traitement pour les femmes enceintes Systèmes de santé non performants: transfusion non sécurisée, matériel réutilisé – Déplacement de population (donc du virus), viols Situation de conflit Modes de transmission • Sexuelle – FDR principal à l’échelon mondial – Transmission par l’intermédiaire des muqueuses buccale, génitale ou rectale lors de la mise en contact avec des sécrétions sexuelles ou du sang – Rapports anogénitaux: les plus à risque • Anal passif: risque de contamination de 0,5 à 3 % • Anal actif: 0,01 à 0,18% – Rapport buccogénitaux: risque difficile à quantifier • • • • 0,04% dans une étude concernant une population homosexuelle Cas de contamination avec et sans éjaculation 6 à 8% des contaminations chez les homosexuels Risque le plus fort: fellation réceptive avec éjaculation dans la bouche – Rapport vaginal: risque de 0,1% (0,15% pour la femme, 0,09% pour l’homme) • Facteurs influençant: Infectiosité du partenaire infecté, primoinfection, CD4 bas, infections ou lésions génitales, règles, saignement (premier rapport, rapport violent) • Voie sanguine – Usagers de drogue par voie veineuse • Utilisation de la même seringue, du même récipient de pompage, voire du reste du matériel de préparation (cuillère, eau de rinçage ou de dilution, filtre ou coton) • Facteurs aggravants: partage immédiat, multiinjection quotidienne du partenaire de partage, nombre de partenaire de partage, ordre dans le partage, exclusion sociale, relation proche avec partenaire (moins de protection) – Hémophiles et transfusés • Utilisation de facteurs de coagulation contaminés (début des années 80) • Disparition du risque grâce au traitement de ces produits depuis fin 1985 • Risque transfusionnel: surtout avant 85 (date du dépistage obligatoire des anticorps anti VIH) • Risque persistant car inactivation virale impossible, donneur possiblement en phase de séroconversion (moyenne d’apparition des anticorps=22j) • Sélection des donneurs et décision du dépistage génomique: risque résiduel de 1 don non dépisté sur 2,5 millions • Voie sanguine – Professionnels de santé victimes d’AES • • • • Transmission documentée que si présence de sang de façon visible Exposition percutanée: risque de 0,32% Exposition muqueuse: risque de 0,03% Facteurs aggravants; blessure profonde, geste IV ou IA, stade avancé de la maladie du sujet source • Prévention: port de gant ++++, matériel de sécurité • Traitement préventif • Voie verticale – – – – – In utero, dans les semaines précédent l’accouchement: 33% Au moment de l’accouchement : 66% Allaitement: risque de contamination de 5 à 7% Taux de transmission en l’absence de thérapeutique: 20% FDR: Charge virale élevée, CD4 bas, maladie avancée, rupture prolongée des membranes – Prévention: • effet protecteur de la césarienne (non démontré si multithérapie efficace) • multithérapie chez la mère (charge virale indétectable en fin de grossesse) • traitement chez l’enfant (mono à multithérapie) Groupes à risque • Groupes de personnes où la prévalence du VIH est importante – – – – Population homosexuelle/bisexuelle Population toxicomane Multipartenaire, prostitution Population provenant de pays à forte prévalence • Important de définir les groupes à risque prédominant pour une politique de prévention accentuée: – diminution de protection chez les homosexuels, augmentation de la contamination hétérosexuelle, augmentation de la part des population immigrées. Caractéristiques épidémiologiques du SIDA au niveau mondial Résumé mondial de l’épidémie de VIH • Nouveaux cas d’infection Total 2004 3,9 M 2006 4,3 M (3,6-6,6) 12 000 par jour • Décès dus au SIDA Total 2004 2,7 M 2006 2,9 M (2,5-3,5) • Nombre de personnes vivant avec le VIH Total Adultes Enfant<15ans 2004 36,4 2006 39,5 M (34,1-47,1) 37,2 M (32,1-44,5) 2,3 M (1,7-3,5) Caractéristiques régionales Pays Année Sujets VIH+ Nouvelles infections Prévalence Décès dus au SIDA Afrique sub saharienne 2004 23,6 M 2,6 M 6,0% 1,9 M 2006 24,7 M 63% 2,8 M 65% 5,9% 2,1 M Asie du Sud et du Sud-Est 2004 7,2 M 770 000 0,6% 510 000 2006 7,8 M 860 000 0,6% 590 000 2004 1,5 M 130 000 0,5% 53 000 2006 1,7 M 140 000 0,5% 65 000 Europe orientale et Asie centrale 2004 1,4 M 160 000 0,7% 48 000 2006 1,7 M +21% 270 000 +69% 0,9% 84 000 +79% Europe occidentale et centrale 2004 700 000 22 000 0,3% 12 000 2006 740 000 22 000 0,3% 12 000 2004 1,2 M 43 000 0,7% 18 000 2006 1,4 M 43 000 0,8% 18 000 Amérique latine Amérique du nord 72% Caractéristiques populationnelles • Poursuite de la pandémie: • Population jeune: • Afrique sub-saharienne: • Augmentation importante des VIH+ – Augmentation du nombre de personnes vivant avec le VIH entre 2004 et 2006 dans toutes les régions du monde. – Augmentation de la proportion des femmes infectées dans la plupart des régions du monde: 17.6 M vivant avec le VIH en 2006 (45%) – 40% des nouvelles infections dans la tranche 15-24 ans de la population mondiale. – 63% des sujets VIH+ dont la moitié en Afrique australe – 72% de tous les décès dus au SIDA – 14 femmes pour 10 hommes – en Asie de l’Est (+8%) – en Europe orientale et Asie centrale (+21%) • +70% de patients nouvellement infectés en 2006 par rapport à 2004 • Comportements à risque – Europe orientale et Asie centrale: CDI 67% – Amérique latine: HSH 26%, CDI 19%, Prostitution 17% – Asie du Sud et du sud est: Prostitution 49% Afrique sub-saharienne • Région du monde la plus touchée: 70% des cas totaux pour 10% de la population mondiale • 58% des porteurs sont des femmes • Principal mode de contamination – Contamination hétérosexuelle – 10% par transfusion de sang ou usage de matériel mal stérilisé • Taux global: 6%, mais grande disparité – Zimbabwe: 20% de la population touchées (13-28%) – Namibie : 19,6% • Région du Nord Est : 43% des femmes enceintes touchées Caractéristiques principales de la situation épidémiologiaue en France depuis le début de l’épidémie et son évolution récente. Nombre de cas de sida par année de diagnostic France, données au 31 décembre 2003, redressées pour les délais de notification Associations antirétrovirales 6 000 Nelles associations antirétrovirales avec inhibiteur de protéase Nombre de nouveaux cas 5 000 4 000 AZT en monothérapie 3 000 2 000 Accessibilité du dépistage Découverte du VIH 1 000 sous-déclaration en 2003? 0 1978 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 * * * données redressées Année de diagnostic du sida Cas de sida par année de diagnostic pour les principaux modes de contamination France, données au 31 décembre 2003 redressées pour les délais de notification 2 500 Homosexuels Nb de nouveaux cas 2 000 1 500 UDI Hétérosexuels 1 000 500 Indéterminés 0 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Année de diagnostic du sida Cas de sida domiciliés en France par année de diagnostic, par nationalité et par sexe France, données au 31 décembre 2003 redressées pour les délais de notification Nb de nouveaux cas 4 000 Hommes France 900 Afrique Sub-saharienne Afrique du Nord 800 3 500 3 000 Autre et inconnue 2 500 Nb de nouveaux cas 1 000 Femmes France Afrique Sub-saharienne Afrique du Nord 700 Autre et inconnue 600 500 2 000 400 1 500 300 1 000 200 500 0 1992 100 1994 1996 1998 2000 Année de diagnostic du sida 2002 0 1992 1994 1996 1998 2000 Année de diagnostic du sida Les deux graphiques ne sont pas à la même échelle 2002 Décès de personnes atteintes de sida pour les principaux modes de contamination France, données au 31 décembre 2003, redressées pour les délais de notification 2 000 Homosexuels 1 750 Nb de décès 1 500 1 250 UDI 1 000 750 Hétérosexuels 500 Indéterminés 250 0 199219931994199519961997199819992000200120022003 Année de décès 10 ans de surveillance depuis l’utilisation des traitements hautement actifs • 1996 – 2005: le nombre de personnes vivant avec le VIH est passé de 106 000 à 130 000 • Depuis 2003: taux de nouvelles découvertes de séropositivité stable, entre 6 000 et 7 000. – La moitié des patients ayant une indication de traitement n’est vue qu’à un stade avancé (Sida ou lymphocytes CD4 < 200/mm3). – Le pourcentage de patients pris en charge tardivement (Sida ou lymphocytes CD4 < 200/mm3) était stable entre 1997 et 2004 (34 p. 100). Un risque plus élevé de mortalité persiste chez ces patients pendant 4 ans. • Baisse spectaculaire des cas de SIDA et des décès suite à l’introduction des associations d’antirétroviraux – Près de 65 p. 100 des personnes traitées sont en succès virologique (charge virale < 500 copies/ml). – Chez les patients en succès thérapeutique avec des lymphocytes CD4 supérieurs à 500/mm3, la survie ne diffère pas de celle de la population générale. – À l’inverse, 4 p. 100 d’entre elles sont en situation d’échec thérapeutique sévère (lymphocytes CD4 < 200/mm3 et charge virale >30 000 copies/ml). • 4 évolutions majeures: – Augmentation des pratiques sexuelles à risques chez les homosexuels: nombre accru d’infections à VIH – progression des IST: cas de plus en plus fréquent de syphilis – Diminution des infections chez les usagers de drogues – Augmentation du nombre de personnes d’Afrique subsaharienne infectées par le VIH • La morbidité et la mortalité se diversifient: – vieillissement de la population atteinte – fréquence élevée de facteurs de risque de pathologies cardiovasculaires et de cancers – effet propre de l’infection par le VIH et de ses traitements. • Féminisation lente de l’infection à VIH – 21% des cas de SIDA en 1996, 33% en 2005 – Depuis 2003: 40% des découvertes VIH chez des femmes Surveillance du VIH et du SIDA en France: moyens utilisés • Déclaration obligatoire – Surveillance du SIDA depuis le début des années 90 – Surveillance des infections VIH depuis 2003 • Centre national de référence du VIH INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE – Surveillance virologique – Type de VIH (1 ou 2), sous-type (pour le VIH1) • Cohortes de patients – Cohortes hospitalières: caractéristiques et suivi longitudinal des patients – Cohorte APROCO/Copilote: suivi de patients depuis leur première prescription d’antiprotéase • Enquête Mortalité 2005 – Répartition des causes de décès chez les patients VIH en 2005 Politique de santé Enjeu économique en France • Nombre de patients porteurs du virus en augmentation progressive • Coût de la prise en charge des patients important – Coût hospitalier (2004 = 461 ME) – Coût des traitements (2004 = 473 ME) • Coût de l’aide à la procréation (2004 = 1,2 ME) • Coût de la prévention (2004 = 23,3 ME): – Campagnes de prévention (télévision, affiches, brochures…) – Distribution de préservatifs (10 millions entre 2002 et 2004) • Dépistage et CDAG (2004 = 24 ME) Enjeu économique en Pays à forte prévalence (Afrique ++) • • • • Population touchée = population jeune Baisse des forces vives Difficultés à travailler, à cultiver Aggravation de la misère, de la malnutrition, augmentation de la contamination • Transmission verticale importante • Affecte le renouvellement de la population • Orphelins du SIDA Organismes nationaux impliqués • Direction générale de la santé (DGS) • INVS = institut national de veille sanitaire • INPES = institut national de prévention et d’éducation pour la santé • Éducation nationale • CNAM : caisse nationale d’assurance maladie – Action de décideur des politiques de santé publique – – Surveillance épidémiologique Veille = alerte – – – – Communication, prévention SIDA info service (+CNAM) Brochures cassettes, CD, campagnes télévisées Distribution de préservatifs – Cours d’éducation sexuelle – CDAG = centres de dépistages anonymes et gratuit • Organisés par département et financés par les CNAM • Afssaps: Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé • ANRS : agence nationale pour la recherche sur le SIDA et les hépatites virales • Recommandations nationales de prise en charge des patients infectés par le VIH • COREVIH – Compétence sur tous les produits de santé destinés à l’homme – Coordination de la recherche sur le SIDA – – Actualisées tous les 2 ans Financées par la direction générale de la santé (DGS) et l’ANRS COREVIH • Comités de coordination de la lutte contre l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine • Organisation territoriale – Région = territoire de référence – IDF (5), PACA (2) : découpage plus fin • Réunion de tous les acteurs de la lutte contre le SIDA • 3 missions principales – Coordination: favoriser la circulation de l’information, mettre en cohérence les actions des différents acteurs – Recueil et analyse de données • Analyse de la situation locale, réponses les plus adaptées – Amélioration de la qualité des pratiques et harmonisation Antirétroviraux 1987-2004 Combivir Hivid Epivir Emtriva Rescriptor Ziagen FUZEON Viramune Retrovir Videx Zerit Sustiva Trizivir 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2004 Viracept NRTI NNRTI PI Fusion Inhibitors Invirase Kaletra Fortovase Reyataz Viread Telzir Norvir Crixivan Agenerase