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54 ScienceS HumaineS
C’est autour de l’empereur (tlato-
ani, « celui qui a la parole ») que
tout s’organise. Celui-ci concen-
tre en lui, à la fois la perfection due à ses
fonctions (guerrier, juge, prêtre et protec-
teur de son peuple) et la garantie de la
bonne marche de l’univers. Il est un exem-
ple et un gardien. Mais, s’il était l’incarna-
tion du soleil (et des différentes divinités
qui s’y associaient), le tlatoani devait égale-
ment représenter la partie obscure, froide
et lunaire du monde. D’où cette particula-
rité, le cihuacoatl (le « serpent-femme »), qui
consacre une forme de dualité au sommet
de l’État. Le cihuacoatl, sorte de vice-roi,
assurait l’intérim du pouvoir, exerçait les
fonctions de juge suprême, dirigeait la ges-
tion du tribut et organisait les opérations
militaires. Il assurait également la régence
en période d’interrègne.
Car le roi, chez les Aztèques, n’est pas un
souverain héréditaire, il est élu. Du moins
est-il désigné, au sein d’une famille prin-
cière, par un conseil permanent et après
l’accord (de plus en plus formel) des deux
autres rois de la Triple Alliance. Après lui et
le cihuacoatl viennent les quatre plus hauts
dignitaires : le tlacochcalcatl (« chef de la
maison des javelines »), chargé de l’arsenal,
le tlacateccatl (« celui qui commande les
guerriers »), autre chef militaire, l’ezuauacatl
(« celui qui répand le sang ») et le tlillancalqui
(« seigneur de la maison de la noirceur »), aux
fonctions moins clairement définies.
Une noblesse fondée sur
le mérite
La noblesse aztèque ne constitue pas un
état au sens où on pouvait l’entendre en
Europe à la même époque. Ce sont les
mérites qui fondent les honneurs et non
l’inverse. Ainsi tout « homme du commun »
(macehualli), s’il se conduisait avec bra-
voure sur le champ de bataille, faisant un
ou plusieurs prisonniers, était honoré par
son peuple et pouvait connaître une ascen-
sion sociale, voire devenir noble et entrer
dans des ordres militaires d’élite, avec le
droit de s’habiller différemment, de porter
Références
Une société pyramidale mais ouverte
Le panthéon aztèque est
varié (144 dieux selon
certains) et complexe. Il
résulte à la fois de
l’évolution millénaire de
divinités de Mésoamérique
et de l’intégration
progressive des dieux des
peuples vaincus.
Un couple primordial incréé
est à la source de tous les
êtres : Ometecuhtli (« le
seigneur de la dualité ») et
Omeciuatl (« la dame de la
dualité »). « Né » de ce couple
(mais immortel et pouvant
mourir et renaître à l’infini),
Tezcatlipoca (« Miroir
fumant noir »). Il est
omniprésent, invisible et
peut tout voir grâce au
miroir qu’il porte. Il est donc
redouté. Dieu ancien des
Mexicas, il symbolise
également le ciel nocturne
et apporte souvent le
trouble, le désordre et la
peur chez les hommes.
Quetzalcoatl (« serpent à
plume de quetzal ») est son
frère. Dieu bienfaisant, déjà
honoré à Tula, il a participé
à la séparation du ciel et de
la terre et à la création de
l’humanité. Inventeur du
calendrier et de l’écriture, il
représente l’ordre et la
mesure et apparaît comme
le modèle du prêtre. Mais il
possède de nombreuses
autres facettes qui font de
lui une divinité de premier
plan dans toute l’aire
mexicaine.
Tlaloc est le dieu de l’eau et
de la pluie. L’un des deux
sanctuaires du Templo
Mayor lui était consacré,
l’autre à Huitzilopochtli,
dieu tutélaire des Aztèques.
Se trouvaient ainsi réunis le
culte ancien des
sédentaires/agriculteurs et
celui, récent, des nomades/
guerriers.
Quant à Huitzilopochtli,
guide des Aztèques durant
leur longue errance, c’est le
dieu du Soleil à son zénith.
Dieu guerrier par
excellence, son culte
nécessite de grandes
quantités de sang humain.
Certains chroniqueurs
avancent le chiffre, sans
doute exagéré de 80 000
victimes pour
l’inauguration de son
temple en 1487. n t.j.
Des dieux nombreux et protéiformes
des bijoux et de participer à certaines dan-
ses rituelles. Les avis divergent sur l’évolu-
tion supposée de la noblesse aztèque.
Selon certains historiens, elle était sur le
point de se constituer en caste héréditaire.
Il est vrai qu’on avait commencé de distin-
guer à leur naissance les fils de ceux qui
s’étaient illustrés au combat en les appe-
lant pilli (« prince »). Jacques Soustelle parle
de véritable « réaction aristocratique » au
moment du règne du dernier empereur
Montezuma II (1502-1520). Michel Grau-
lich y voit un effet d’optique dû au modèle
révolutionnaire français. Selon lui, l’exem-
ple le plus proche serait « louis-quator-
zien ». Montezuma aurait souhaité conso-
lider l’empire grâce à une noblesse unifiée,
gagnée à la puissance de l’État, plutôt que
d’agrandir encore les territoires, plus loin-
tains, plus difficiles à contrôler.
Bibliothèque de l’Assemblée nationale
Tlaloc, dieu de l’eau et de la pluie.