les manifestations buccales du pemphigus vulgaire

LES MANIFESTATIONS BUCCALES DU PEMPHIGUS
VULGAIRE
S. CHBICHEB : Professeur Assistant de Pathologie Thérapeutique
K. EL HARTI : Spécialiste en Pathologie Thérapeutique
B. TALEB : Professeur Agrégé de Pathologie Thérapeutique
E.H. BAYI : Résident en Pathologie Thérapeutique
W. EL WADY : Professeur et chef de service de Pathologie Thérapeutique
Faculté de Médecine Dentaire de Rabat
Université Mohammed V - Souissi
Résumé
Le pemphigus est une dermatose bulleuse auto-immune intra-épithéliale, secondaire à la production
d’autoanticorps pathogènes dirigés contre les systèmes de jonction interkératinocytaire et responsable d’une
acantholyse. Il se caractérise par une phase initiale souvent purement muqueuse, faite d’érosions traînantes
essentiellement buccales. L’atteinte cutanée, lorsqu’elle survient, apparaît secondairement et se traduit par des
bulles flaccides siégeant en peau saine, rapidement remplacées par des érosions postbulleuses avec collerette
épidermique. Le signe de Nikolsky est positif en peau péribulleuse.
Le diagnostic repose sur l’examen histologique (bulle intra-épithéliale contenant des cellules acantholytiques) et
la présence d’anticorps en immunofluorescence directe (dépôts intercellulaires dans l’épithélium donnant un
aspect en résille).
Le traitement est basé sur la corticothérapie par voie générale à doses faibles, associée à des
immunosuppresseurs, en cas d’atteinte uniquement buccale. Une atteinte cutanée associée, nécessite le recours à
une corticothérapie générale à fortes doses.
A travers une observation clinique, confrontée à une revue de littérature, les auteurs rappellent les données
cliniques, diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques de ce type de pathologie.
Mots-clés :
Maladie auto-immune, érosion, pemphigus vulgaire, lésions bulleuses
Introduction
Le pemphigus vulgaire ou pemphigus chronique malin, est une affection bulleuse,
monomorphe, s'accompagnant d'une fragilité particulière de la peau (21).
C’est une maladie bulleuse auto-immune intraépidermique grave qui résulte de l’action
d’autoanticorps dirigés contre des protéines spécifiques, associées aux desmosomes de
l’épitlium squameux. Elle entraîne une acantholyse (perte de cohésion entre les
kératinocytes) et la formation de bulles multiples, disséminées à tout le revêtement cutanéo-
muqueux (2, 17).
Les lésions de la muqueuse buccale précèdent le plus souvent les lésions cutanées.
Un score d’évaluation basé sur des critères d’extension des lésions et d’identité du traitement
cessaire au contrôle de la maladie délimite très schématiquement 3 groupes (4) :
les formes sévères dont l’exemple type est un pemphigus vulgaire étendu, évolutif,
souffrant de lésions buccales anciennes gênant l’alimentation ;
les formes non sévères de forme bénigne : c’est un pemphigus vulgaire purement cutané
peu évolutif ;
les formes modérées : ce sont des formes intermédiaires de la maladie, représentant un
pemphigus vulgaire peu étendu, et modérément évolutif sans retentissement systémique.
Observation clinique
Un homme âgé de 41 ans a consulté au service d’odontologie chirurgicale du CCTD de Rabat
pour des lésions érosives au niveau des muqueuses jugale, linguale et labiale, évoluant depuis
un mois.
L’interrogatoire du patient révèle une gêne douloureuse au moment de l’alimentation. Aucune
prise dicamenteuse durant les derniers mois n’a été rapportée. Les lésions buccales sont
apparues progressivement, sous forme de bulles isolées qui ont rapidement éclaté, laissant
place à des érosions confluentes, donnant l’aspect de plages érythémateuses.
L’examen exobuccal montre des lésions croûteuses au niveau du vermillon des lèvres (fig. 1).
L’examen endobuccal met en évidence une atteinte buccale néralisée. L’atteinte des
commissures rend l’ouverture buccale difficile et douloureuse (fig. 2). Des lésions érosives
sévères ont été obseres au niveau de la muqueuse jugale (fig. 3). Les faces dorsale et
ventrale de la langue présentaient une alternance de plages blanchâtres et de zones
érythémateuses érosives irrégulières à fond rouge vif et à base souple (fig. 4a), (fig 4b). Des
lésions gingivales ont également été notées sous forme de macules rougeâtres (fig. 5).
L’examen endobuccal a par ailleurs vélé la présence de dépôts de plaque et de tartre au
niveau des dents restantes.
Vu l’âge du patient, l’étendue des lésions siégeant au niveau de la cavité buccale et l’absence
de prise médicamenteuse, le diagnostic clinique évoqué est celui de pemphigus à point de
départ buccal.
Un frottis a été réalisé au niveau de la muqueuse jugale qui a montré une acantholyse, en
mettant en évidence des cellules acantholytiques malpighiennes dissociées qui constituent le
plancher de la bulle. Il a précisé les caractères dystrophiques de ces cellules dites cellules de
Tzank. Ces cellules acantholytiques très altérées et dissociées par la perte de leurs filaments
d'union. Une biopsie effectuée au niveau de la muqueuse jugale a montré également une
acantholyse avec présence d’un décollement bulleux intra-épithélial (fig. 6). Les examens
cytologique et histologique, complétés par une immunofluorescence directe, ont conclu à un
pemphigus vulgaire.
Le patient, adressé à un dermatologue, a néficd’un traitement à base de corticoïdes par
voie rale, à raison de 2 mg/kg/j. Le patient est revu un mois après pour l’éradication des
foyers infectieux buccodentaires. Des extractions dentaires ont été réalies sous
antibiotrapie, en raison du risque infectieux que représente l’immunosuppression induite
par la corticothérapie.
Discussion
Le pemphigus vulgaire est une dermatose bulleuse auto-immune. Il représente la forme la plus
fréquente (85 % des cas de pemphigus) (20). Considéré comme une maladie de l’adulte,
puisque débutant entre 40 et 60 ans (1), il a néanmoins été constaté chez l’adolescent et le
nouveau-né. Sa prédominance féminine est encore discutée (20).
Sur le plan pathogénique, cette dermatose bulleuse constitue un modèle physiopathologique
de maladie auto-immune. Elle est coue actuellement non seulement comme une destruction
des systèmes de jonction par les autoanticorps, mais aussi comme une maladies liée à des
altérations de la fonction d’adhésion des protéines, secondaires à la fixation des autoanticorps
sur leur cible antigénique, qui est à l’origine de la formation des bulles : ceci définit le groupe
des pemphigus auto-immuns (2, 20).
Cliniquement, cette maladie débute dans les 2/3 des cas par des lésions buccales précédant de
2 à 3 mois les lésions cutanées. Dans certains cas, les sions buccales du pemphigus restent
isolées (6), ce qui correspond à notre cas. A l'inverse, seuls 15 % des pemphigus vulgaires
n'ont jamais de lésions buccales (20).,
Ces lésions peuvent se distribuer à toute la cavité buccale, mais prédominent habituellement
aux zones de frottement : face interne des joues, palais (70 à 78 %) et gencive attachée (20 à
25 % des cas) (1, 21).
Sur la face interne des joues, les lésions sont sous forme d'érosions ou ulcérations
irrégulières, larges et extensives, parfois quadrilatères, décollant la muqueuse et mettant à
nu une surface rouge vif ou recouverte de lambeaux blanchâtres qui donnent à la
muqueuse un aspect mâchonné assez caractéristique du pemphigus (20), qui a été retrouvé
chez notre patient.
La muqueuse palatine est souvent parsemée de petites érosions isolées ou coalescentes
avec des petits points rouges qui correspondent aux orifices des glandes salivaires (13,).
La muqueuse gingivale peut être le siège d'une gingivite érosive chronique ou
desquamative érythémateuse non spécifique commune à d'autres affections (20).
Sur les lèvres, les lésions conservent souvent l'aspect classique des érosions post-
bulleuses, rondes ou ovalaires avec collerettes ou débris épidermiques. Ces lésions
peuvent être recouvertes, comme dans notre observation, de croûtes hémorragiques de
couleur brune noirâtre, qui ne doivent pas être confondues avec celles d'un érythème
exsudatif multiforme (6, 13).
Des ulcérations irrégulières confluentes, persistantes et bordées d'une frange épithéliale
décollée, peuvent siéger sur le voile et la langue (cette dernière localisation a été notée
chez notre patient). Ces décollements épithéliaux s'étendent parsemés d'îlots d'un enduit
blanc grisâtre, représentés par des débris épithéliaux, véritable boue cellulaire. Ces
érosions, ne sont jamais recouvertes de dépôt fibrineux (21).
Parfois les lésions buccales sont à peine visibles, on les met en évidence en étirant la
muqueuse. Ces lésions sont très douloureuses, saignent au contact et gênent l'alimentation, de
ce fait, l'hygiène devient difficile et la gencive marginale apparaît enflammée (16).
D'autres lésions muqueuses extrabuccales sont observées dans 13 % des cas, au niveau du
pharynx, larynx, œsophage, muqueuse nasale, muqueuse nitale et au niveau conjonctivo-
cornéen (18).
Les lésions cutanées surviennent secondairement plusieurs semaines, ou plusieurs mois après
les érosions muqueuses.
Les bulles cutanées sont des bulles au contour clair reposant sur une peau normale ou
érythémateuse. Elles font place rapidement à des érosions superficielles qui s’étendent par la
périphérie et peuvent devenir croûteuses. Le signe de Nikolsky, à savoir le décollement de la
peau par le doigt qui lui applique une pression tangentielle, est très évocateur du pemphigus
sans être spécifique. Le prurit, classiquement absent est parfois notable (1).
L'état général est plus ou moins précocement atteint :
- le début de l'éruption est rarement accompag d'une élévation thermique notable, et les
premières poussées sont plus souvent apyrétiques dans le pemphigus ;
- les troubles digestifs sont fréquents à une phase avancée de la maladie : anorexie,
vomissements, diarrhée incoercible ;
- habituellement, un état de cachexie, précoce ou tardif, s'installe sans altération viscérale
(20).
Le diagnostic des bulles ou des vésicules dans la cavité buccale est souvent plus difficile que
sur la peau, car elles sont éphémères et se rompent sous l’effet de traumatismes multiples,
laissant place à des érosions et ulcérations de différents aspects. Il est alors établi à partir des
résultats des examens histologiques et en immunofluorescence (1).
Examen cytologique : cytodiagnostic de Tzank
L'utilisation des frottis buccaux préconisée par Tzank en 1948 permet un diagnostic rapide du
pemphigus.
Pour les lésions endobuccales, en particulier, cet examen constitue le meilleur moyen de
reconnaître un pemphigus, car la biopsie (qui doit toujours être faite conjointement à celui-ci)
est souvent difficile à réaliser et à faire accepter par le malade.
Les frottis sont réalisés par raclage ou grattage du fond d'une bulle récemment apparue, dont
le toit est minutieusement détaché. Après étalement et coloration au May - Grünwald -
Giemsa (M.G.G.), le cytodiagnostic extériorise le phénomène d'acantholyse, en mettant en
évidence les cellules acantholytiques malpighiennes dissociées qui constituent le plancher de
la bulle. Mais il précise, beaucoup mieux que ne le fait l'examen histologique les caractères
dystrophiques de ces cellules "monstrueuses" dites cellules de Tzank (2, 18).
Examen histologique :
Les caractères histologiques du pemphigus vulgaire constituent l'élément essentiel du
diagnostic tout en affirmant l'individualité nosologique de l'affection.
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