Le rôle de la télévision dans la construction de la

publicité
Le rôle de la télévision dans
la construction de la
personne
Jesús Bermejo Berros
LiPsiMedia
Université de Valladolid
Comment se
construitsel’esprit
?
Comment
construit
la personne ?
Et alors ?
?
OUI
les chaînes de
télévision
OUI
Changer
OUI
gouvernement
doit intervenir
?
UNAF
GOUVERNEMENT
CHAÎNES TV
RECHERCHE
CIEM
LE GOUVERNEMENT
Le libéralisme
LA TÉLÉVISION =
informe
+
divertit
+
forme notre esprit
Quels sont les intérêts
des gouvernements?
Les attitudes des gouvernements
face à la réglementation
audiovisuelle
La publicité
L’enfance
autorégulation
S’est avérée tout à fait inefficace
EEUU
déréglementation
Moins de programmes
pour les enfants
Plus de programmes
pour les enfants
réglementation
Pourquoi les gouvernements
doivent-ils changer leurs
attitudes envers la télévision?
1.L’effet boomerang
2. L’ère du numérique
L’effet boomerang
Gouvernement
Société
Réglementer == censurer
Réglementer = créer des règles d’action
La télé
La pub
Et le reste?
Quel rôle joue la
télévision dans le temps
libre de l’enfant?
2. Consumo
De Televisión
La télévision dans le temps libre
de l’enfant
EVOLUCION DE LOS ÚLTIMOS AÑOS CONSUMO INFANTIL Y JUVENIL
Elaboración Corporación Multimedia A Partir De TNS Audiencia De Medios
160
158
155
155
153
151
151
150
Min / Día
150
146
146
144
145
143
143
143
142
143
140
140
135
AÑO 1999
AÑO 2000
AÑO 2001
AÑO 2002
4 A 12 AÑOS
AÑO 2003
AÑO 2004
13 A 24 AÑOS
AÑO 2005
AÑO 2006
École = 960 h
1
2
Dormir = 2900 h.
Regarder TV =
990 h
3
Activité préférée en rentrant de l’école
95
90
85
80
75
70
REGARDER
LA TV
JOUER
1 GOÛTER
DEVOIRS
Lire
10.9%
Écouter
de la
musique
30%
13.1%
Jouer avec les autres
18.8%
ALLUMER
LA TÉLÉ
Premier constat:
Les enfants consacrent
beaucoup de leur temps
libre à regarder la
télévision
Ce que les enfants regardent à la télé, et à
quel moment, se caractérise par trois
traits significatifs:
1.Consommation significative de programmes
pour adultes
75% du temps: émissions pour adultes
80
Émissions pour enfants
60
40
20
0
1
Série pour
adultes
Série pour
adultes
Émission pour enfants
261.000
Cinéma
Série pour
adultes
Football
Série pour
adultes
2. Les 50 émissions d’animation les plus
regardées par les enfants:
41 émissions:
Les Simpson
Animation
pour adultes
Futurama
Etc.
9 émissions
Animation pour enfants
3. De mauvaises habitudes de consommation
Prime time: 21h-24h: 750.000 enfants
Late night: 24h- 150.000 enfants
31,3%  une télé dans leur chambre
Visionnage par élimination et non pas
par choix
¿Apprend-il quelque
chose avec la télévision?
Connaissances
Attitudes
Croyances
Valeurs
La télévision peut-elle
l’aider à penser mieux?
Processus cognitifs-affectifs et sociaux
Attention
Labilité attentionnelle
Processus cognitifs-affectifs et sociaux
Attention
Compréhension
Pensée
Labilité attentionnelle
Générique vs analytique
Horizontale vs verticale
Pensée verticale
Niveau I
Niveau III
Niveau V
Niveau
II
Niveau IV
Niveau VI
Pensée horizontale
a
b
a
b
a
b
a
c
d
e
b
c
d
e
a
b
c
d
a
b
c
d
a
b
c
d
f
f
g
h
e
a
b
g
g
h
Dessins animés
+
Vickie le Viking
Marco
Heidi
Maya l’abeille
David le Gnome
Shin Chan
Pensée
verticale
Doraémon
Pokémon
South Park
Dragon Ball Z
Mazinger Z
Les Simpsons
-
Pensée
horizontale
- son temps libre est prisonnier de la télévision et
autres écrans
- il brûle les étapes
- la télé affecte négativemente attention,
compréhension, pensée et affectivité
- la télévision a une répercussion négative sur son
travail à l’école
Passivité  à quand l’effet
boomerang?
LES CHAîNES
DE
TÉLÉVISION
Se renouveler ou……
Changements du paysage
audiovisuel:
- Fragmentation
-Intégration des formats et supports
(tv+ordinateur); hypermédia
- Nouveaux formats
- Interactivité
- Prosumer
- Advertainment
Années 60
TV
?
TV
?
?
TV
Années 90
TV
TV
TV
TV
TV
TV
TV
Audience
Audience
Audience
Audience
Audience
Audience
Audience
Fragmentation
Stratégie push
canal
Émetteur
Récepteur
/Audience
canal
Émetteur
Récepteur /
Usagé
Pseudo interactivité
La pseudo interactivité par slots
Media
Usagé
Stratégie pull
Prosumer
Prosumer
Prosumer
Émetteur
Prosumer
Prosumer
Prosumer
Prosumer
Prosumer
Prosumer
=
Producteur +
Consommateur
a) Journalisme numérique
b) Publicité
c) Télévision par internet
Advertainment
=
Publicité
+
Divertissement
Ou
Fiction
LA RECHERCHE
À la recherche de l’efficacité sociale
LUDIQUE
Sport
variétés
Le virtuel
(Jeux vidéos;
Débat
Humour
3D)
Divertissement
Concours
interactivité
et jeux
Docu-soap
Reportage
Journal télévisé
Émission
Culturelle
Documentaire
Films
téléréalité
Talk-show
Reality-show
Docudrame
Docufiction
Séries
Dessin Animé
Magazine d’Info
RÉEL
FICTIF
Bermejo 2007
TÉLÉSPECTATEUR
L’AUDIOMÉTRIE
AUDIENCE
NOTRE
RECHERCHE
PUBLIC
Nº de sujets
Nº d’heures consommées
POURCENTAGE DE TEMPS CONSACRÉ À
CHAQUE MACROGENRE TÉLÉVISUEL
PAR LES JEUNES DE 19 A 23 ANS
15%
20%
RÉALITÉ
LUDIQUE
FICTION
65%
Genres du RÉEL
Genres LUDIQUES
Genres du FICTIF
- Sa conduite
- Son identité
- Ses attitudes, croyances et valeurs
- etc.
FICTION
Advertainment
VIE
conclusion
RÉSUMÉ :
POST-SCRIPTUM. NOTES AU DÉBAT
La télévision, en tant qu’outil technologique, comme je l’ai dit dans la conclusion de l’ouvrage « Mon enfant et la
télévision », n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Tout dépend de ce que l’on en fait.
Tous les intervenant de cette journée du 6 décembre, au Théâtre National de la Colline, ont été d’accord pour dire qu’il
est nécessaire d’améliorer la télévision et que, dans l’ensemble, cet outil n’est pas suffisamment bien utilisé, ce qui a
des influences nuisibles sur les esprits et la conduite des gens.
À partir de ce constat inquiétant, lors du débat, quelqu’un a posé la question sous-jacente à la plupart des interventions
qui ont eu lieu au cours de la journée : D’accord, la télévision actuelle produit des effets nuisibles, alors, QUE FAUT-IL
FAIRE ?
Ainsi, il a été dit au cours du débat de l’après-midi que, tant que l’on ne trouverait pas d’autres solutions, il fallait
continuer avec le type de mesures qui ont été prises jusque maintenant.
Bernard Stiegler, quant à lui, a fait la proposition de maintenir la publicité, pour les raisons qu’il a clairement exposées.
Pour ma part, comme j’ai tenté de l’argumenter au cours de mon intervention, c’est précisément le moment de changer
de stratégie, le moment de faire de nouvelles PROPOSITIONS. D’une façon, je l’avoue, beaucoup trop schématique,
hors du contexte, et abrupte, j’ai introduit, au cours du débat, l’une des propositions qui fait partie d’un paquet de
mesures à prendre si l’on tient compte des conclusions qui découlent de ce que j’ai exposé et qui implique une façon
différente d’aborder le problème de la télévision. Pour ce qui est de cette seule proposition à laquelle je me suis référé
au cours du débat, je conseille la création à l’intérieur des chaînes publiques d’une équipe interdisciplinaire (composée
de chercheurs, de scénaristes, réalisateurs, producteurs,..), dont l’objectif serait la production et la réalisation de
programmes concrets pour une tranche d’âge concrète selon les principes de production que l’on a déjà mis en place
dans le passé (par exemple, aux Etats-Unis pour Sesame Street). Ce type de mesure a conduit à produire des
émissions de qualité dont on a testé les effets bénéfiques pour le développement de l’enfant, ce à quoi s’intéressent
justement le CIEM, Ars Industrialis et autres collectifs qui s’interrogent sur le rôle des médias dans le devenir de nos
sociétés. Il ne s’agit donc pas de créer une équipe pour « changer la télévision ».Ce n’est pas son objectif, mais une
mesure, parmi d’autres, à prendre pour l’améliorer. C’est à l’État que revient l’initiative de créer ses équipes à l’intérieur
des chaînes publiques (mais je ne m’étends pas davantage ici sur les caractéristiques de ces équipes, leur mode de
travail et la modalité de leur implantation). Cette proposition concrète est le résultat, non seulement des besoins qui
ressortent de l’analyse des recherches sur la télévision que j’ai pu conduire au cours des quinze dernières années, mais
aussi de l’expérience que l’on peut acquérir à partir de la connaissance du monde intérieur de la télévision.
Comme la littérature nous l’a montré au cours des siècles, dans une histoire concrète nous pouvons retrouver une idée
générale. En ce sens, si vous me le permettez, je voudrais m’étendre un peu plus ici, à propos de ce que j’ai dit au cours
du débat, pour vous raconter une petite histoire concrète qui pourra me permettre d’expliquer et d’illustrer de façon
simple pourquoi je pense qu’il faut prendre des mesures comme celle que je viens d’évoquer.
1. LE ROYAUME DE L’AUDIMAT
Il y a quelques années, l’Université Complutense de Madrid avait signé une convention de collaboration avec une télévision publique. Entre autres objectifs, il
s’agissait de former de nouveaux cadres et responsables pour la télévision. J’ai été nommé par mon université, responsable académique de cette formation.
Cette mission m’a conduit à travailler à l’intérieur de la télévision, ce qui m’a permis d’en connaître les modes de fonctionnement professionnels. Quand je suis
arrivé dans cette chaîne de télévision, l’une de mes premières expériences a été de rencontrer la directrice des programmes. Il s’agissait de quelqu’un de
cultivé, qui avait une culture cinématographique ample et qui avait des goûts télévisuels personnels de qualité. À cette époque, la chaîne diffusait une émission
de téléréalité de très, très mauvaise qualité qui, bien souvent, terminait en scandale et dans les tribunaux pour diffamation. Beaucoup de gens étaient d’accord
pour qualifier cette émission de « honteuse » et différentes initiatives avaient été faites pour qu’elle disparaisse de cette chaîne de télévision. Lorsque j’ai
rencontré cette directrice des programmes, je lui ai demandé son avis et les raisons de la chaîne pour maintenir cette émission. Sa réponse a été très claire et
illustrai parfaitement ce qu’est la logique qui règne dans le monde professionnel de la télévision. Pour elle, cette émission n’avait aucune qualité. Je lui ai alors
demandé, avec toute la naïveté d’un jeune professeur d’université qui connaissait mal le monde professionnel de la télévision à l’époque, pourquoi donc
maintenir cette émission dans la grille des programmes de cette chaîne dont elle était, après tout, la responsable. Elle pouvait décider (en partie) d’éliminer
cette émission. Elle m’a regardé étonnée et avec un large sourire, que j’ai compris par la suite, elle m’a répondu qu’il n’était pas question de faire cela. La
direction de la chaîne l’aurait empêché et elle même aurait été immédiatement renvoyée. Mais elle a ajouté quelque chose que je n’ai jamais oublié et que j’ai
entendu maintes fois au cours des années suivantes. Supprimer cette émission aurait signifié rompre avec toute la logique qui préside les prises de décision
des chaînes de télévision dans le marché libre qui est celui des pays occidentaux. Dans la télévision contemporaine, ce n’est pas la qualité des émissions qui
décide mais bien d’autres concepts dont les plus importants sont très liés au marketing (l’image de marque, les cibles, le share, le rating,…). Bref, c’est
L’AUDIOMÉTRIE qui préside les chaînes. Les hommes ne font que gérer ce qui détermine cette reine du royaume télévisuel.
Cette émission de télévision était, de loin, l’émission la plus rentable de la chaîne. Par conséquent, peu importait le fait qu’elle soit d’une très mauvaise qualité.
Quand on rentrait dans cette logique, tout était clair, et j’ai pris conscience de ma naïveté initiale. Cette émission avait une moyenne de 34% de share. Et, à elle
seule, contribuait à presque 20% du share total de la chaîne par jour. Étant donné le coût de sa production qui était très bas, il s’agissait, en fait, d’une émission
très, très, intéressante pour la chaîne. Même les procès en justice qu’elle perdait étaient rentables car, bien utilisés, ils devenaient une source supplémentaire
de publicité pour l’émission, donc, plus de share, donc, plus de contrats publicitaires à des prix plus hauts et donc plus rentables pour la chaîne.
(Une toute autre question, qu’il faudrait naturellement aborder, - dans un autre débat -, serait de se demander pourquoi il y a des gens qui veulent absolument
regarder ce genre d’émission où sont exposés les misères humaines et les affrontements et déchirements personnels entre people ; pourquoi les ragots et les
scandales attirent davantage les regards sur les écrans).
Ce royaume de l’audimat, j’ai pu le constater jour après jour par la suite. Ainsi, par exemple, tous les matins, la première chose qui se trouvait sur la table de
chaque responsable de la chaîne, c’étaient les résultats d’audience du jour précédent. Selon ces résultats, les mouvements dans la grille des programmes
pouvaient aller dans un sens ou dans l’autre. Les décisions et les stratégies des responsables dépendaient fortement de ces chiffres versés par l’audimat.
Finalement, la pression populaire a réussi à lever la résistance de cette chaîne et l’émission, malgré son succès permanent d’audience, a été retirée comme
l’avait annoncé le nouveau PDG le jour de son arrivée à cette chaîne de télévision. Mais, comme dans beaucoup d’histoires, il y a un corollaire car, ne croyez
pas que la citoyenneté avait réellement détruit le royaume de l’audimat (en l’occurrence, le « méchant »), mettant ainsi un point final heureux à cette histoire
comme dans un conte de fée. De même que le capitalisme économique, qui évolue certes, mais qui est toujours là, le royaume de l’audimat avait changé pour
continuer à être le même et à servir toujours son maître, à savoir, l’actuelle conception marketing de la télévision. Dans celle-ci, on trouve plusieurs concepts,
dont celui de l’image de marque. Étant donnée que la pression populaire avait réussi à faire circuler l’idée que cette émission n’était pas digne d’une télévision
publique, la chaîne, pour éviter que son image de marque souffre des effets négatifs de ce mouvement social, avait décidé de la supprimer malgré son succès
d’audience. Cela n’est pas contradictoire avec la logique de la télévision, bien au contraire, c’est une manifestation de son fonctionnement. Les responsables
de cette chaîne savaient parfaitement qu’avoir une mauvaise image conduirait à de lourdes conséquences. Cela se serait traduit, rapidement, par le fait que les
annonceurs n’auraient pas voulu se voir mêlés à cette image négative et auraient fui vers d’autres chaînes, ce qui aurait fini par altérer le principe suprême de
profit et/ou de survie économique de toute entreprise. Retirer l’émission rentrait donc dans la logique du fonctionnement des chaînes de télévision.
Cela dit, cette histoire illustre également le fait qu’il y a une place pour l’optimisme car elle nous montre que, la prise de conscience de la population peut
conduire à certaines modifications de la part des chaînes. L’action du CIEM, à propos de la chaîne Baby First, et la réponse du CSA, serait également un autre
exemple de cet espace d’espoir qui nous montre que dans le système que forme le monde de la télévision, il y a des agents comme les mouvements sociaux,
les parents, enseignants et autres, qui peuvent contribuer à faire avancer le système télévisuel vers de meilleurs résultats.
2. LE TEMPO DE LA TÉLÉVISION, LE TEMPO DES EXPÉRIENCES
Dans cet objectif de montrer de façon simple la logique des chaînes, je voudrais attirer l’attention sur un autre frein qui,
à mon avis, existe à la télévision, et qui empêche qu’elle tienne compte de la notion de « qualité », c’est-à-dire, qu’une émission soit
bénéfique et non pas nuisible pour l’esprit de son public. Il s’agit du tempo de la télévision. La logique du travail professionnel à la
télévision fait que tout va très vite. C’est, en quelque sorte, un monde accéléré. Les professionnels se trouvent, de façon
permanente, dans l’obligation de s’occuper des choses (qui pressent) dans le temps présent. Ils n’ont pas le temps d’une vraie
réflexion. Dans le monde de la télévision, j’ai eu l’occasion de rencontrer des professionnels avec des idées magnifiques, des
intuitions pleines d’intérêt. Cependant, tout cela passe à un second plan, lorsqu’il s’agit de se remettre au travail car c’est une routine
implacable où la continuité dépend non seulement de ce que la chaîne doit faire pour avoir un rating et un share convenables vis-àvis des annonceurs mais aussi de ce que font les chaînes concurrentes en temps réel.
À ce rythme de travail, ancré dans l’urgence, s’ajoutent d’autres facteurs qui entravent la quête de qualité. Le plus
important (pour n’en citer qu’un) est celui qui le lie au phénomène de l’audimat. Même si l’on a l’idée d’une émission de qualité, les
craintes apparaissent chez les responsables des chaînes, parce qu’il faut le courage de mettre en place une émission nouvelle qui
peut échouer (d’un point de vue de l’audimat, bien évidemment) et les enjeux économiques sont considérables. Cela fait que la
télévision, paradoxalement, innove de moins en moins.
3. POUR UNE ÉQUIPE MULTIDISCIPLINAIRE
Les deux facteurs que je viens d’évoquer, l’audimat et le tempo de travail (et il y en a d’autres), font que les chaînes de
télévision ne trouvent pas la légitimité d’introduire des changements dans cette logique de production de programmes et, finalement,
ne prennent pas de risques avec de nouvelles émissions incertaines.
Ce que je propose (et cela impliquerait de revenir sur une distinction de pratiques différentes entre les chaînes
publiques et les chaînes commerciales), c’est de créer une équipe multidisciplinaire dans les chaînes publiques (ce qui pourrait
encourager les chaînes commerciales à faire de même) pour concevoir, produire et réaliser des émissions de qualité concrètes.
Créer des émissions de qualité implique de sortir de la logique de l’audimat et du tempo du présent. Faire une émission
de qualité requiert différentes activités qui ne sont pas faites actuellement par les chaînes (étant donnée naturellement la logique
qu’elles suivent). Les équipes de travail, formées à tel effet, doivent réaliser un ensemble d’actions qui se trouvent dans un tempo
différent de celui du moment présent actuel des télévisions. Il faut se rapprocher des besoins des populations ; les écouter (etc.).
Une fois conçue une émission, il faut réaliser des pré-tests et des post-tests des émissions pilotes et appliquer toute une démarche
méthodologique, qui existe déjà. Le travail de ces équipes n’implique nullement de rompre ni d’ interrompre le rythme de la chaîne.
Ils travaillent en parallèle, le temps de produire cette émission (etc.).
Créer une telle équipe nécessite un budget, certes, dont la rentabilité peut être atteinte à moyen terme. Cette mesure
n’altère pas la logique actuelle des chaînes dans son fondement ultime de rentabilité économique mais le complète avec une logique
de rentabilité sociale, concept qu’il faudra récupérer pour ce qui est des chaînes publiques. Elle contribue à apporter à la chaîne une
bonne image de marque ce qui attire finalement de nouveau les annonceurs. La publicité moderne sait qu’il ne s’agit plus tant d’une
question de quantité que de qualité d’impact sur la cible. En ce sens, je suis tout à fait d’accord avec Bernard Stiegler pour dire qu’il
ne faut pas supprimer la publicité. J’ajouterai pour ma part, que le problème majeur n’est pas la publicité en elle même mais les
contenus des émissions et leur servitude envers la publicité. Ce circuit de dépendance peut se réorganiser en fonction de la qualité.
Finalement, cette mesure rentre dans le champ des intérêts des chaînes et par conséquent pourrait être bien acceptée car elle vient
les aider à compenser leur perte progressive de compétitivité face à d’autres média émergents.
En définitive, une vraie émission de qualité, dont le label provient des essais et tests réalisés par l’équipe multidisciplinaire qui l’a
créée, et qui n’est pas jugée selon ses résultats immédiat d’audience mais à moyen terme, finit par attirer un public suffisant pour
que l’émission soit rentable et, en même temps, contribue a créer un image positive de la chaîne, ce qui n’est pas pour déplaire aux
annonceurs.
4. L’INTERVENTION DU GOUVERNEMENT ET LE SYSTÈME AUDIOVISUEL
La logique qui fait fonctionner les chaînes de télévision, très liée à leur conception d’entreprise, ne peut pas changer si
ce n’est en tenant compte de ses propres intérêts. C’est une illusion de prétendre que l’Etat, à travers la réglementation, est capable
de rompre la logique qui fait fonctionner les chaînes de télévision. La logique des chaînes peut évoluer favorablement pour le
téléspectateur mais pour cela il faut, comme je l’ai souligné dans mon intervention au cour de la journée du 6 décembre, changer de
stratégie et tenir compte en même temps du système au complet et des intérêts de ses partenaires.
Jusqu’à présent, de nombreuses voix se sont adressées au gouvernement pour qu’il réglemente et régule le marché
audiovisuel. Il peut le faire et il doit le faire. Mais cela n’est pas suffisant car il faut, de plus, qu’il travaille avec les chaînes de
télévision (notamment publiques) pour introduire une nouvelle forme de relation avec les chaînes en vue de la production
d’émissions de qualité. Le gouvernement ne peut pas changer le tempo des chaînes mais il peut collaborer avec elles pour produire
ces émissions de qualité. Dans cette nouvelle logique que je propose, et qui n’est ici qu’ébauchée en partie, s’inscrit la formation des
équipes de production et la réalisation de nouveaux programmes de qualité.
Dans ma brève intervention à Ars Industrialis et au CIEM du 6 décembre, ici recueillie, j’ai tenté de rappeler que le
monde de la télévision, comme tous les phénomènes sociaux complexes, fait partie d’un système où notamment trois facteurs
majeurs sont confrontés mais dont le résultat doit nous conduire vers une meilleure télévision. Dans la conception théorique sousjacente à ma réflexion se trouve une conception dialectique des phénomènes sociaux. Elle puise ses racines dans de nombreuses
sources sur lesquelles je ne m’attarderai pas ici (Héraclite, Hegel, Marx, Wallon, Vygotsky,…). D’après cette vision théorique,
demander à l’État d’intervenir, mais sans faire cela dans le système dialectique auquel participent d’autres facteurs intervenants (et
dans lequel sont confrontés notamment les trois facteurs signalés), serait ignorer le processus de construction des phénomènes
sociaux et historiques. Une pareille démarche impliquerait de demander à l’État de faire une synthèse à partir d’une seule thèse, la
sienne (et encore faudrait-il que l’État prenne conscience de son action à mener), tout en oubliant le reste des facteurs en jeu. Cette
façon d’agir suppose d’ignorer la dialectique des choses. À mon avis, la seule chance de réussite, c’est de confronter ces trois
facteurs (avec les facteurs subordonnés comme, par exemple, les associations, les parents et enseignants) dans la voie que j’ai
suggérée mais qui, bien évidemment, pourrait être erronée. En attendant, et étant donné que l’on se retrouve dans un système où
ont lieu des processus systémiques (homéostatiques dans un réseau parallèle et distribué PDP), les apports et contributions du CSA
et autres agents sociaux, sont également nécessaires car leur actions, bien évidemment, contribuent à faire avancer ce système
vers une meilleure télévision pour tous. Autrement dit, la question initiale, « que faire » a une réponse plurielle : il s’agit d’une action
collective à laquelle différents agents doivent participer. Notre avenir culturel en dépend car cette même dialectique à établir pour la
télévision s’étend, également, à celle des autres médias. Mais cela est un autre débat.
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