Recherches et applications en psychologie cognitive

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Recherches et
applications en
psychologie cognitive
Licence 1 Informatique et Sciences
Cognitives 2006-2007
Vincent Berthet
Plan du cours
1. Introduction
2. Le paradigme cognitiviste et la psychologie
cognitive
3. Les méthodes de la psychologie cognitive
4. Mémoire et représentation
5. L’inconscient cognitif
6. Quelques applications de la psychologie
cognitive
1. Introduction
1. La psychologie cognitive et les sciences
cognitives

Les sciences cognitives : champ scientifique inter-disciplinaire
ayant pour objet l’étude de la cognition

La cognition est le système de traitement de l’information
implémenté dans le cerveau
cerveau animal : cognition animale
cerveau humain : cognition humaine


Système cognitif : pas n’importe quel système de traitement de
l’information !

Les 2 niveaux de description du système cognitif :
1.
quels traitements ce système opère t’il ?
niveau informationnel (informatique, psychologie, linguistique)

2.

quelles sont les propriétés des bases matérielles (i.e.,
neuronales) de ce système ?
niveau matériel (neurosciences)
Métaphore de l’ordinateur :
ordinateur
niveau informationnel
niveau matériel
cognition
software
esprit
hardware
cerveau

L’hexagone des sciences cognitives :
Neurosciences
cognitives
Philosophie
cognitive
Anthropologie
cognitive
Psychologie
cognitive
SCIENCES
COGNITIVES
Informatique
cognitive (IA)
Linguistique
cognitive

L’hexagone des sciences cognitives :
Neurosciences
N.Cog
Psychologie
P.Cog
Philosophie Ph.Cog
A.Cog
Anthropologie
I.A
L.Cog
Linguistique
Informatique
2. La psychologie cognitive et la psychologie

A l’heure actuelle, la psychologie cognitive est la sous-discipline
dominante de la psychologie :
→
psychologie cognitive
psychologie
du développement
psychologie
sociale
psychologie
clinique
psychologie
différentielle
Développement
Cognitif
Cognition
sociale
Thérapies
Modèles cognitifs
cognitivoélaborés
comportementales

Cognition sociale :
A
B
A est-il plus grand ou plus petit que B ?
A
B


Modèles cognitifs élaborés (variabilité individuelle) :
Expérience de S.Milgram (1960-1963)
•
•
Tâche d’apprentissage de listes de mots
Δ 15V






75V : A gémit
120 V : A se plaint à E qu’il souffre
135V : A hurle
150V : A supplie qu’on le libère
270V : A pousse un cri violent
300V : A annonce qu’il arrête
•
Instructions :
1. « Veuillez continuer s'il vous plaît. »
2. « L'expérience exige que vous continuiez. »
3. « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
4. « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer. »
• Au bout de 3 décharges maximales (450V), l’expérience
s’arrête

Modèles cognitifs élaborés (variabilité individuelle) :
scientifiques
compère
sujet (naïf)
m = 100 (N = 30)
compère
sujet (naïf)
m = 205 (N = 30)
9
8
8
7
7
6
6
effectifs
effectifs
5
5
4
4
3
3
2
2
1
1
0
50
60
70
80
90
100
V (Voltage)
110
120
130
140
150
0
120
140
160
180
200
V (Voltage)
220
240
260
280

Qu’est-ce qui fait que les sujets envoient des chocs électriques ?
SOUMISSION
VOLTAGE

Que signifie la variabilité observée dans l’amplitude des chocs
électriques envoyés ?

Modèle généraliste :
Modèle différentialiste :
(S : constante)
(S varie entre les sujets)

Sciences cognitives, psychologie, et psychologie cognitive :

psychologie cognitive : branche des sciences cognitives ou
branche de la psychologie ?
Réponse : peu importe ! Se méfier des étiquettes !
APPROCHE INTER DISCIPLINAIRE POUR UNE
ETUDE SCIENTIFIQUE DE LA COGNITION
2. Le paradigme cognitiviste et la
psychologie cognitive
1. La psychologie scientifique
1.1 La psychophysique

-
-
1860 : naissance de la psychologie scientifique en tant que
discipline autonome
Gustave Theodore Fechner (1801-1887), Elemente der
Psychophysik
la psychologie se situe à cette époque entre la philosophie et la
physiologie
Fechner (1860) : la psychophysique est la « science exacte des
rapports fonctionnels ou de dépendance entre l’âme et le corps,
et, en général, entre les mondes corporel et spirituel, physique et
psychique »
→
monde spirituel
monde
corporel
externe
monde
corporel
interne
monde physiologique
monde physique
: psychophysique interne
: psychophysique externe
-
pour être une science exacte, la psychophysique doit être capable
de mesurer les phénomènes psychologiques et les phénomènes
corporels et d’établir entre eux des relations mathématiques
-
Fechner s’est focalisé sur la mesure de phénomènes
psychologiques particuliers : ceux qui correspondent aux
impressions exercées par le monde physique sur les organes
sensoriels : les sensations

1834, 1846 : la loi de Weber
la problématique des travaux de Weber concerne l’émergence,
chez l’individu, d’une représentation fonctionnelle de l’espace
externe à partir de la structure du système nerveux
-
-
en 1834, Weber publie un article sur la mesure de la sensibilité
tactile dans les différentes zones corporelles. Pour cette étude,
Weber a utilisé un instrument spécial : le compas de Weber
→ relation négative entre le degré de sensibilité tactile et la distance
entre les deux pointes du compas à partir de laquelle 2
stimulations distinctes sont perçues (seuil de perception tactile)

loi de Weber :
→ I1 = 1200g et I2 = 800g
Pour I1‘ = 150g combien vaut I2‘ ?

1860 : loi de Fechner
S : sensation et I : excitation (stimulation externe)

D’une façon générale, l’individu perçoit plus facilement des
différences (variations) que des états absolus
→ Expérience 1 (perception thermique) :
Phase 1 :
Phase 2 :
main gauche
main droite
eau chaude
eau froide
main gauche et main droite
eau tiède
→ Expérience 2 (perception des couleurs) :
1.2 La psychologie expérimentale

-
-
Wilhelm Wundt (1832-1920) : fondateur de la psychologie
expérimentale
1874 : premier traité complet de psychologie intitulé Traité de
psychologie physiologique
1879 : premier laboratoire de psychologie établi à Leipzig
(Allemagne)
1881 : première revue de psychologie intitulée Etudes
philosophiques
Wundt (1874) : « Ce que nous déterminons par les expériences et
la mesure, ce ne sont pas simplement les effets extérieurs, ce sont
les lois psychologiques elles-mêmes d’où résultent ces effets »

La psychologie que pratiquent Wundt et ses disciples est une
psychologie physiologique (i.e., étude des processus psychophysiologiques)
vitesse de l’influx nerveux, vitesse de la pensée (Müller,
Helmholtz)
temps physiologique (Hirsch) qu’on appellera plus tard le
temps de réaction (Exner est le premier à utiliser cette
expression)
→ Pour Hirsch, le temps physiologique de réaction comprend
trois phases :
1.
la transmission de la sensation au cerveau (perception)
2.
l’action du cerveau qui transforme la sensation en acte
volontaire (acte mental) (traitement de l’information)
3.
la transmission de la volonté dans les nerfs moteurs et
l’exécution du mouvement par les muscles (réponse motrice)
-
-
la durée de « l’acte mental » ou la décomposition du temps de
réponse (Donders & De Jaager, 1865; Donders, 1868)
→
Pour cette problématique, Donders invente la méthode de
soustraction qui repose sur quatre principes :
toute tâche met en jeu un processus cognitif permettant la
production d’une réponse
tout processus cognitif est composé de phases
chaque phase d’un processus possède une durée caractéristique
il est possible d’isoler expérimentalement la durée d’une phase
d’un processus par l’opération de soustraction
1.
2.
3.
4.
exemple 1 : le sujet reçoit un choc électrique au niveau de l’un de
ses pieds. Il doit émettre un signal (e.g., appuyer sur une
touche) en utilisant sa main située du même côté que le pied
ayant reçu la stimulation
condition 1 : standard (TR1)
condition 2 : le sujet sait à l’avance que le choc électrique arrive au
niveau de son pied droit (TR2)
Donders & De Jaager (1865) observent que TR1= TR2 + 66,67ms
 Dans le cadre de la méthode de soustraction, on interprète cette
quantité temporelle supplémentaire comme la durée du (ou des)
processus qui ont lieu dans la condition 1 (localisation de la
stimulation + sélection de la réponse) et pas dans la condition 2
exemple 2 : l’expérimentateur énonce des voyelles, le sujet doit les
répéter
condition 1 : l’expérimentateur énonce toujours la même voyelle
(TR1)
condition 2 : standard (TR2)
condition 3 : le sujet ne doit répéter qu’une seule voyelle donnée
(TR3)
→ processus :
condition 1 :
TR1
prise de conscience
du stimulus
temps
TR2
condition 2 :
temps
prise de
identification sélection de
conscience du stimulus la réponse (code phonologique)
du stimulus
condition 3 :
TR3
temps
prise de
identification
conscience du stimulus
du stimulus
TR3 – TR1 : durée de la phase d’identification du stimulus
TR2 – TR3 : durée de la phase de sélection de la réponse
question : comment déterminer la durée de la phase de prise de
conscience du stimulus ?
→ Soient Tid la durée de la phase d’identification du stimulus et Tpc
la durée de la phase de prise de conscience du stimulus, on a :
Tid = TR3 – TR1
Tpc = TR3 – Tid
1.3 La psychologie behavioriste

Le behaviorisme, ou comportementalisme (de l’anglais behavior
= comportement), est le paradigme dominant en psychologie
pendant la 1ère moitié du XX° siècle
-

-
-
fondateur : John B. Watson (1878-1958)
grands noms du behaviorisme : Hull, Tolman, Thorndike,
Skinner, …
Le behaviorisme repose sur le postulat épistémologique selon
lequel la psychologie, pour être une discipline scientifique, ne
doit prendre en compte que des observables
les observables correspondent aux stimuli externes et aux
réponses comportementales
ce postulat implique que la psychologie doit exclure les états
mentaux de son champ d’investigation
Le behaviorisme se caractérise par 2 principes fondamentaux :
Les organismes animaux émettent une réponse à un stimulus

1.
2.
soit parce que ce stimulus (stimulus conditionnel) a été
antérieurement associé à un autre stimulus (stimulus
inconditionnel) déclenchant par réflexe cette réponse
(conditionnement classique ou pavlovien)
soit parce que la réponse a été récompensée en présence de ce
stimulus (conditionnement opérant)
exemple 1 : conditionnement pavlovien (sujet : chien)
stimulus conditionnel : son de cloche
stimulus inconditionnel : nourriture
réponse : salivation
exemple 2 : conditionnement opérant (sujet : rat)
stimulus : environnement de la boîte de Skinner
réponse : appui sur le levier
renforçateur : nourriture

-
-

Exemple de lois behavioristes :
dans le cadre du conditionnement pavlovien, l’efficacité du
stimulus conditionnel décroît à mesure que l’intervalle de temps
séparant le stimulus conditionnel et le stimulus inconditionnel
augmente
dans le cadre du conditionnement opérant, soit un
comportement C : un renforçateur positif augmente la fréquence
de C alors qu’un renforçateur négatif diminue la fréquence de C
Schéma de la psychologie behavioriste :
S
?
R
boîte noire

Bien que centrée sur les relations entre des stimuli et des
réponses comportementales, la psychologie behavioriste n’ignore
pas complètement les processus de la boîte noire reliant ces
observables
→
niveau cognitif
(informationnel)
R
S
boîte noire = cognition
niveau neurophysiologique
(matériel)
-
-

les niveaux neurophysiologique et cognitif sont les deux
principaux niveaux de description de la cognition
les processus internes étudiés par la psychologie behavioriste
sont des processus neurophysiologiques, non des processus
cognitifs
Critique du behaviorisme : quand on fait de la psychologie, on
est inévitablement amené à prendre en compte des variables
internes
exemple : en ville, de la fumée apparaît au-dessus du toit d’un
bâtiment. On observe le comportement des passants. A la vue de
cette fumée, le premier passant, Pierre, appelle les pompiers. Le
second passant, Cécile, poursuit sa route. Pourquoi ?
-
la fumée observée correspond-elle à de la fumée sortant d’une
cheminée…
-
… ou à de la fumée due à un incendie ?
1.
Sc : fumée
0.8
0.2
0.2
0.8
2.
Sc : fumée
0.4
0.4
0.6
0.6
: Pierre
: Cécile
Si1 : incendie
appel pompiers
Si2 : cheminée
pas de réponse
Si1 : incendie
appel pompiers
Si2 : cheminée
pas de réponse
-
-
dans le deuxième cas, l’explication behavioriste n’est plus
soutenable : on ne peut expliquer la différence de
comportements en termes de différence de forces d’association
il faut recourir à une explication cognitive et invoquer des
processus internes : interprétation et prise de décision
2. Le paradigme cognitiviste et les sciences
cognitives
2.1 Bref historique de l’émergence du paradigme cognitiviste
1700-1800 : premières tentatives d’une formalisation de la pensée
- philosophie rationaliste : découvrir les lois élémentaires, les
principes premiers qui régissent le fonctionnement mental
humain. Dans l’optique de la philosophie rationaliste, toute
pensée est un calcul, un raisonnement. L’activité de
raisonnement consiste à enchaîner entre elles des idées simples
selon les règles de la logique
→ Descartes (1596-1650), Leibniz (1646-1716)

-
la mécanisation de la pensée : au début du XX° siècle, George
Boole (1815-1864) invente le calcul symbolique. Cet outil
permet de transformer des opérations logiques de type « ou »,
« et », « si… alors » en opérations mathématiques élémentaires
effectuées sur les chiffres 0 et 1
Boole : « Les lois qu’il nous faut construire sont celles de
l’esprit humain »

-
1860-1950 : invention de l’ordinateur et premières découvertes
sur le cerveau
l’invention de l’ordinateur a été rendue possible par deux
avancées conceptuelles fondamentales : la machine de Turing
et l’architecture von Neumann
1.
machine de Turing : Alan M. Turing (1912-1954) : une
machine de Turing est un mécanisme idéal permettant
d’effectuer des calculs. Ce mécanisme est universel au sens où
il permet de réaliser tout calcul – tout algorithme est
programmable sur une machine de Turing (thèse de ChurchTuring)
Physiquement, une machine de Turing est un dispositif
constitué d’un ruban composée de cases jointives sur lesquelles
sont inscrits des symboles (e.g., 0 et 1) et d’une tête de lectureécriture
Fonctionnellement, une machine de Turing peut prendre un
nombre donné d’états, lire et écrire des symboles sur le ruban
et se déplacer vers la gauche ou la droite. Le comportement de
la machine est déterminé par un programme qui prend la
forme d’une suite finie d’instructions
…
0
1
1
1
0
0
0
0
0
tête de lecture-écriture
A
A
peut prendre différents états
automate
0
0
…
exemple : (E3 0 → E2 1 D) : « si je suis dans l’état E3 et si je lis un
0 sur le ruban, alors je le remplace par un 1, je me déplace d’une
case vers la droite et je passe dans l’état E2 »
exemple : calcul de la fonction f(n) = n + 2 pour n = 3 (f(3) = 5)
Ecrire 0
Ecrire 1
Déplacement à droite Déplacement à droite
0
1
E1
1
Ecrire 1
Déplacement
à droite
E2
0
Ecrire 1
Déplacement
à droite
E3
0
Ecrire 1
Déplacement
à droite
(E1 0 → E1 0 D), (E1 1 → E2 1 D), (E2 1 → E2 1 D),
(E2 0 → E3 1 D), (E3 0 → E4 1 D)
E4
n=3
1.
0
1
1
1
0
0
0
0
0
0
0
1
1
1
0
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
E1
2.
0
E1
3.
0
1
E2
4.
0
1
1
E2
5.
0
1
1
1
E2
6.
0
1
1
1
1
E3
7.
0
1
f(3) = 5
1
1
1
1
E4

automate fini :
ruban de taille finie
exemple : on réalise un automate fini capable de rechercher la
séquence « a b a a » dans une suite de lettres
-
a
b
.
b
a
a
a
ab
aba
b
b
exemple : a b a b a a
a
abaa
→ le concept de machine de Turing est fondamental pour les
sciences cognitives car il montre que des processus
symboliques peuvent être implémentés dans un support
matériel qui les réalise
2.
l’architecture von Neumann : John von Neumann (1903-1957)
a associé le calcul analytique et le principe de l’algorithmique
pour jeter les bases des premiers ordinateurs (on dit qu’ils sont
« d’architecture von Neumann »)
-
les premières découvertes sur le cerveau : au début du XIX°
siècle, Franz Josef Gall avait proposé sa doctrine de la
phrénologie qui affirme que toute faculté mentale est associée
à une zone cérébrale précise et que la structure de la boîte
crânienne reflète les circonvolutions du cortex (« bosse des
maths »)
Trois découvertes majeures marquent la neurophysiologie du XIX°s
1.
Paul Broca (1824-1880) : localise les aires cérébrales sousjacentes à la faculté de langage dans le lobe temporal gauche
2.
Carl Wernicke (1848-1905) : découvre qu’une forme d’aphasie
est liée à une région voisine de l’aire de Broca
3.
Ramon y Cajal (1852-1934) : décrit la structure du neurone et
confirme la thèse de la contiguïté neuronale
→
les premières cartographies des aires cérébrales
apparaissent au début du XX°s (Campbell, Brodmann)
→
les premières investigations neurophysiologiques voient
apparaître un débat théorique et épistémologique entre les
partisans du localisationnisme et les partisans du holisme
(émergence)

-
1945-1955 : la cybernétique
les conférences Macy (1946-1953, New-York) constituent un
moment fondateur dans l’histoire des sciences cognitives, elles
réunissent des mathématiciens (von Neumann, Wiener), des
biologistes (McCulloch), des anthropologues (Bateson), des
sociologues (Lazarsfeld), et des psychologues (Lewin)
Tous ces chercheurs se rassemblent autour de la notion de
systèmes autorégulés par le mécanisme de rétroaction. Ces
systèmes peuvent être de nature physique, biologique,
sociologique, anthropologique, psychologique. L’idée est donc
qu’un même formalisme peut décrire des systèmes de natures
différentes
En 1948, Wiener fonde la cybernétique qu’il définit comme la
discipline qui a pour objet l’étude de ces systèmes

-
1956 : naissance de la psychologie cognitive
naissance de l’intelligence artificielle : en 1956, Herbert Simon
(1916-2001) et Alan Newell créent le première programme
d’intelligence artificielle appelé Logic Theorist, destiné à démontrer
des théorèmes mathématiques. En 1957, Newell & Simon créent
le General Problem Solver (GPS), un programme informatique
destiné à résoudre tous les problèmes relevant d’une même classe
Newell & Simon (1956) : « D’ici dix ans, en psychologie, la
plupart des théories prendront la forme de programmes
informatiques »
-
la théorie de la grammaire générative : Noam Chomsky (1928)
est l’auteur d’une théorie linguistique postulant l’existence d’une
faculté mentale humaine innée sous-tendant le langage, la
grammaire universelle. L’approche rationaliste de Chomsky
s’oppose à l’approche empiriste des behavioristes

Les premières recherches en psychologie cognitive : Jerome
Bruner (perception) et George Miller (mémoire)
2.2 Le paradigme cognitiviste

Toutes les disciplines relevant du paradigme cognitiviste
prennent pour objet d’étude la cognition définie comme un
système de traitement de l’information

Le cognitivisme orthodoxe se caractérise par 3 propositions
principales :
Le complexe esprit-cerveau est susceptible d’une double
description : une description matérielle ou physique et une
description informationnelle ou fonctionnelle. Ces deux
niveaux sont indépendants et le rapport qui les lie est analogue
à celui qui lie le hardware et le software d’un ordinateur
1.
2.
3.
→
au niveau informationnel, le système cognitif se caractérise par
des états internes ou mentaux et par des processus qui relient
les états entre eux. Les états mentaux sont représentationnels
(i.e., ils sont dotés d’un contenu qui représente des entités
externes)
les états mentaux correspondent à des formules d’un langage
interne (parfois appelé « mentalais ») proche des langages
formels de la logique
la première proposition définit la conception fonctionnaliste
de la cognition : les sciences cognitives doivent étudier les
fonctions de la cognition
les deuxième et troisième propositions définissent la
conception computo-représentationnelle de la cognition : la
cognition est un système qui calcule sur des symboles
3. Les méthodes de la psychologie
cognitive

Deux méthodes principales sont essentiellement utilisées en
psychologie cognitive : l’expérimentation et la modélisation
1. L’expérimentation

L’expérimentation (i.e., méthode expérimentale) est la méthode
scientifique par excellence

Elle est massivement utilisée dans l’ensemble des sciences :
physique, biologie, éthologie, économie…

La méthode expérimentale est la seule méthode permettant de
conclure rigoureusement à l’existence de liens causaux entre
plusieurs variables

-
Les origines de l’expérimentation
Claude Bernard (1813 – 1878) est un physiologiste français. Dans
Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865), il a
défini les principes fondamentaux de la recherche scientifique
expérimentale

Expérience princeps de C. Bernard tirée de Leçons sur les
substances toxiques et médicamenteuses (1857)

C. Bernard cherche à déterminer le mode d’action du curare

le curare est une substance toxique extraite de certaines lianes
d’Amazonie qui, lorsqu’elle est injectée dans l’organisme (au
travers du système sanguin), provoque une paralysie musculaire
Il est utilisé par certains indiens d’Amérique du Sud comme
poison dont ils enduisent le bout de leurs flèches pour tuer leurs
proies

pour déterminer le mode d’action du curare, C. Bernard doit
d’abord identifier le site d’action de cette substance

il a observé que le curare produisait une altération du système
moteur, mais pas du système sensoriel

« sujets » de l’expérience :
muscle
prélevé sur lapin, chien
nerf

jonction neuromusculaire
expérience :
condition 1
condition 2
condition 3
curare
curare
curare
réponse musculaire
réponse musculaire
pas de réponse musculaire

-
-

variables de l’expérience :
C. Bernard fait varier la zone physiologique soumise au curare
(variable indépendante)
il relève dans chaque condition la réponse musculaire (variable
dépendante)
d’après ses résultats, C. Bernard conclut que la zone
physiologique soumise au curare détermine la production de la
réponse musculaire, et plus précisément, que le site d’action du
curare dans l’organisme est au niveau des jonctions entre les
nerfs et les neurones moteurs (synapses neuromusculaires)

Les variables de l’expérimentation
1) variable indépendante / variable dépendante :
- variable indépendante (VI) : variable que l’on fait varier de façon
systématique et dont on étudie l’influence sur une ou plusieurs
variables dépendantes. Dans la terminologie expérimentale, une
variable indépendante est également appelée facteur
-
variable dépendante (VD) : variable correspondant à la réponse
des sujets. C’est la variable dont suppose que les variations sont
déterminées par les variations de la (ou des) VI de l’expérience
2) facteur-sujet : dans une expérience, facteur dont les différentes
modalités correspondent aux différents sujets de l’expérience
3) facteur invoqué / facteur manipulé :
- facteur invoqué : variable indépendante interne
-
facteur manipulé : variable indépendante externe
4) variable contrôlée / variable parasite :
- variable contrôlée : variable dont les modalités sont maintenues
constantes entre les différentes conditions expérimentales
-
variable parasite : variable non contrôlée
5) facteur inter-sujets / facteur intra-sujets
- facteur inter-sujets : facteur dont les différentes modalités sont
associées à des groupes de sujets différents
- facteur intra-sujets : facteur dont l’ensemble des modalités est
soumis à tous les sujets de l’expérience

Expérience à 2 facteurs intra : la tâche de Stroop

description :
En 1935, Stroop a mis au point une tâche qui s’inscrit dans le
cadre de l’étude de l’automaticité de certains processus cognitifs.
Dans cette tâche, le sujet est face à un écran et voit apparaître des
mots de façon séquentielle. Ces mots possèdent une particularité
: ils désignent une couleur. On distingue 3 types d’items : des
items congruents dans lesquels le mot est écrit dans la même
couleur que celle qu’il désigne (VERT); des items incongruents
dans lesquels le mot est écrit dans une couleur différente de celle
qu’il désigne (BLEU); et des items contrôles.
On distingue également 2 types de tâches à réaliser : pour
certains items, le sujet doit lire le mot et pour d’autre items, le
sujet doit dénommer la couleur dans laquelle le mot est écrit. On
mesure le temps de réponse aux items (N = 20) Demo
-
variables :
VI 1 : type d’items (I3) (facteur intra)
VI 2 : type tâche (T2) (facteur intra)
VD : temps de réponse (x)

notation : S20 * I3 * T2

-
6 conditions expérimentales
S20 * I3 * T2
1 groupe

plan factoriel :
I (type items)
T (type tâche)

tableau :

Amorçage sémantique

dans une tâche d’amorçage sémantique – supraliminale – chaque
item comporte 2 événements qui se produisent séquentiellement
: une amorce puis une cible
cible
cible
amorce

les stimuli utilisés en amorce sont des mots

les stimuli utilisés en cible sont des mots et des non-mots
prononçables (« CAFEL », « NOMA », …)

la tâche du sujet est de dire le plus rapidement possible si la cible
est un mot ou un non-mot (tâche de décision lexicale)

dans certains items, l’amorce et la cible ne sont pas reliées
Exemple :
araignée
cible
table

dans d’autres items, l’amorce et la cible sont sémantiquement
reliées
Exemple :
infirmière
cible
docteur

l’intervalle de temps séparant l’amorce et la cible est appelé SOA

dans une tâche d’amorçage sémantique, la VD est le temps de
réponse au items Demo

on observe typiquement que le temps de réponse aux items dans
lesquels l’amorce et la cible sont sémantiquement reliées est plus
faible que le temps de réponse aux items dans lesquels celles-ci
ne sont pas reliées, cette différence de temps de réponse est
appelée effet d’amorçage sémantique

Expérience :

description :
On étudie l’influence de la visibilité de l’amorce (amorce
supraliminale vs. amorce subliminale) sur l’effet d’amorçage
sémantique, pour différentes valeurs du SOA (150 ms et 1000
ms)

-
variables :
VI 1 : relation amorce – cible (R2) (facteur intra)
VI 2 : SOA (S2) (facteur intra)
VI 3 : visibilité de l’amorce (V2) (facteur intra)
VD : temps de réponse aux items

notation : S * R2 * S2 * V2

plan factoriel :
SOA
Relation
A–C
visibilité
amorce
4. La représentation de la
connaissance

La question de l’organisation de l’information, c’est-à-dire de
la représentation de la connaissance dans le système cognitif
est fondamentale et renvoie à la question de l’architecture de la
cognition

L’étude de la représentation de la connaissance est structurée
par 2 dichotomies :
structures
type de représentation
propositionnelles
représentations
basées sur le sens
schémas
représentations
1.
représentations
basées sur la perception
→ une représentation basée sur la perception code les propriétés
perceptuelles d’un évènement
2.
une représentation basée sur le sens code les propriétés
sémantiques d’un évènement
type de modèle
modèle
modèle basé sur
la règle
modèle basé sur
l’exemplaire

1.
Deux expériences célèbres :
Bransford & Johnson (1972) : ils font lire un texte à un groupe
de sujets ; ce texte décrit une suite d’actions difficilement
interprétables (la procédure pour utiliser une machine à laver)
condition 1 : le texte est accompagné d’un titre (e.g., « Comment
utiliser une machine à laver »)
condition 2 : le texte n’est pas accompagné d’un quelconque titre
Bransford & Johnson (1972) observent que les sujets ayant lu le
texte avec titre retiennent deux fois plus de détails que les
sujets ayant lu le texte sans titre
⇒ la lecture du titre active des structures de connaissances qui
ont une influence facilitatrice sur l’encodage et la
représentation des informations contenues dans le texte (feedback)
2.
Anderson (1974) : le sujet écoute un texte contenant des
phrases telles que : « le shérif tua le bandit ». Durant la phase
test, l’expérimentateur énonce des phrases au sujet et celui-ci
doit dire si elles étaient dans le texte ou non. Chaque phrasetest présente une particularité :
soit elle présente un changement stylistique par rapport à la
phrase d’origine (e.g., « le bandit fût tué par le shérif »), soit
elle présente un changement sémantique (e.g., « le bandit tua le
shérif »). De plus, on utilise deux conditions de délai temporel
entre la fin de l’écoute du texte et l’écoute de la phrase-test
(sans délai et délai de 2 minutes).
condition 1 : changement stylistique – sans délai
condition 2 : changement stylistique – délai de 2 minutes
condition 3 : changement sémantique – sans délai
condition 4 : changement sémantique – délai de 2 minutes
⇒
% de réponses
correctes
100
(99)
(98)
(96)
(56)
50
pas de délai
: changement stylistique
: changement sémantique
délai de 2 min
délai
1. Les représentations basées sur le sens

Il existe deux types de représentations basées sur le sens : les
représentations propositionnelles et les schémas
1.1 Les représentations propositionnelles

-
→
Selon les modèles des représentations propositionnelles, l’unité
de base des connaissances est la proposition, entité sémantique
dont on peut juger la valeur de vérité
une proposition est une unité de sens correspondant à une
structure sémantique profonde (vs. structure de surface)
« Yves Chauvin a reçu
le prix Nobel »
« Le prix Nobel a été attribué
à Yves Chauvin »
{Yves Chauvin, recevoir, prix Nobel}
Comme le montre l’expérience de Anderson (1974), ce sont les
structures sémantiques profondes qui sont stockées en
mémoire à long terme
-
Kintsch (1974) a développé un système de notation des
propositions. Dans ce système, une proposition est une liste
comprenant un terme relationnel (verbes, adjectifs) et un ou
plusieurs arguments (noms communs, noms propres, lieux,
temps, …)
exemple : « André Malraux, écrivain français du XX° siècle, est
devenu une légende. » L’information contenue dans cet
énoncé peut être décomposée en deux propositions :
1.
André Malraux était un écrivain français du XX°s
{écrivain, André Malraux, France, XX°s}
2.

André Malraux est devenu une légende
{André Malraux, devenu, légende}
On peut représenter un ensemble de propositions à l’aide de
réseaux propositionnels (Anderson, 1995). Un réseau
propositionnel est une structure constituée de nœuds et de
liens, dans laquelle chaque nœud représente une proposition et
chaque lien représente une relation
exemple 1 :
France
relation
XX°s
temps
André Malraux
agent
sujet
P1
P2
objet
écrivain
objet
légende
relation
devenu
exemple 2 : « Les enfants qui sont sur la pelouse jouent avec un
ballon mouillé »
P1 : {enfants, être, pelouse}
P2 : {enfants, jouer, ballon}
P3 : {ballon, mouillé}
pelouse
lieu
relation
sont
P1
sujet
enfants
agent
mouillé
jouent
relation
relation
P2
objet
ballon
sujet
P3

Quelle est réalité psychologique des réseaux propositionnels ?
Weisberg (1969) a réalisé une expérience dans laquelle il faisait
tout d’abord lire aux sujets une phrase telle que : « Les enfants
qui sont sur la pelouse jouent avec un ballon mouillé » puis il
leur présentait un mot (mot-test) tiré de la phrase (e.g., pelouse)
et leur demandait de dire le premier mot de la phrase qui leur
venait à l’esprit
⇒ Weisberg (1969) observe que lorsque le mot-test est le mot
« pelouse » la plupart des sujets répondent « enfants » et non
« jouent » et ce, bien que « pelouse » et « enfants » soient
physiquement plus éloignés dans la phrase que « pelouse » et
« jouent »
1.
Les enfants qui sont sur la pelouse jouent avec un ballon mouillé
2.
Ratcliff & McKoon (1978) ont réalisé une expérience du
même type. Dans leur étude, les sujets devaient en premier lieu
lire une série de phrases telles que : « Le chauffeur ouvrit la
porte et le passager entra dans la voiture ». Ensuite, les sujets
passaient une tâche de reconnaissance ; dans ce type de tâche,
le sujet est assis devant un écran sur lequel défilent des mots
un par un (certains sont tirés des phrases présentées
antérieurement, d’autres non). Pour chaque mot, le sujet doit
dire si celui-ci appartient à l’une de ces phrases. L’ordre de
présentation des mots dans la tâche de reconnaissance est
spécifique : parfois la distance entre le mot n et le mot n-1 est
faible (e.g., chauffeur-porte), parfois cette distance est élevée
(e.g., chauffeur-voiture)
⇒ Ratcliff & McKoon (1978) ont mesuré le temps de réponse
des sujets dans la tâche de reconnaissance et ont observé une
relation positive entre la distance entre le mot n et le mot n-1
et le temps de réponse au mot n


Les réseaux propositionnels sont un outil utile pour extraire les
unités de sens d’un énoncé, mais ce genre de représentation
théorique est difficilement testable
Les réseaux propositionnels sont un type particulier de réseaux
sémantiques (Collins & Quillian, 1969, 1972). Un réseau
sémantique est structure représentationnelle constituée de nœuds
et de liens dans laquelle chaque nœud représente un concept (i.e.,
une catégorie d’informations) et chaque lien représente un lien
sémantique. Collins & Loftus (1975) ont dynamisé le modèle du
réseau sémantique en le complétant par le principe de
propagation de l’activation : l’activation d’un nœud dans le réseau
se propage aux nœuds auxquels celui-ci est lié
→ le modèle de propagation de l’activation rend compte des
résultats obtenus en amorçage sémantique
-
structure temporelle d’une tâche avec amorçage :
début de
présentation
de l’amorce
fin de
présentation
de l’amorce
début de
présentation
de la cible
temps
intervalle inter-stimuli
SOA
-
tâche de décision lexicale avec amorçage sémantique :
amorce
cible
TR
item 1. voiture
item 2. voiture
item 3. voiture
delup
camion
chaise
⇒ résultat caractéristique : TRi > TRc
TRc
TRi
1.2 Les schémas

Un schéma est une structure mentale permettant d’organiser
l’information caractérisant un environnement d’une manière
psychologiquement significative, c’est-à-dire d’une manière
congruente avec sa propre expérience
-
Bartlett (1932) : expérience de reproduction sérielle (=téléphone
arabe). Les gens reconstruisent l’histoire originale en y enlevant
ou en y ajoutant des éléments d’information qui n’étaient pas
présents dans la version originale. Cette déformation est basée
sur des schémas mentaux et permet de rendre l’ensemble
d’informations congruent avec sa propre expérience
un schéma peut être conceptualisé comme une structure (ou
encore « frame ») constituée de plusieurs fentes (« slots »)
(Minsky, 1975)
-
Chaque fente correspond à une catégorie générale d’information,
c’est-à-dire qui caractérise – en partie – toutes les situations
auxquelles s’applique le schéma
exemple : le schéma de la fête
fente 1 : le lieu
fente 2 : l’occasion
fente 3 : le type de fête
fente 4 : la taille de la fête
-
les scripts représentent un type particulier de schémas (Schank &
Abelson, 1977). Un script est une structure mentale spécifiant
l’ensemble des informations procédurales séquentielles
caractérisant typiquement une situation (= chaîne d’événements)
exemple : le script du restaurant
5. L’inconscient cognitif
1. La distinction processus automatiques vs.
processus contrôlés
caractéristiques
processus automatiques
processus contrôlés
ressources cognitives
contrôle intentionnel
attention
effort
série/parallèle
conscience
stockage en MLT
performance
flexibilité
indépendants
incomplet
non nécessaire
peu ou pas
parallèle
peu ou pas
peu ou pas
toujours élevée
pas flexibles
très dépendants
complet
nécessaire
important
série
élevée
important
pas toujours élevée
flexibles
2. La perception implicite

-
une distinction importante : mesure directe vs. mesure directe
mesure directe = mesure de la perception consciente
mesure indirecte = mesure de la perception non consciente
⇒ si mesure directe = 0 et mesure indirecte ≠ 0, cela signifie que
bien qu’il n’y ait pas eu de perception consciente, il y a eu
perception quand même : on dit alors qu’il y a eu perception non
consciente (perception inconsciente, perception implicite,
perception subliminale)
espace conscient
traitement
: perception inconsciente
espace non conscient
2.1 Les méthodes d’étude de la perception inconsciente

Il existe deux critères permettant de classifier les études sur la
perception inconsciente : la logique expérimentale et le contrôle
de la conscience
logique expérimentale
dissociation
contrôle
de la
conscience
manipulation des
stimuli
distribution de
l’attention
différences qualitatives
-
la logique expérimentale consiste :
dissociation : à montrer une différence (une dissociation) entre
une mesure directe et une mesure indirecte de la perception
différences qualitatives : à montrer des différences qualitatives
entre les conséquences d’une perception consciente et les
conséquences d’une perception inconsciente
-
le contrôle de la conscience se fait :
manipulation des stimuli : en contrôlant les conditions de
présentation des stimuli
distribution de l’attention : en donnant au sujet des instructions
sur la façon de répartir son attention
2.2 Quelques expériences

expérience de Sidis (1898) : il montre au sujet des cartes, chaque
carte contenant une lettre ou un chiffre. La distance entre le sujet
et la carte est telle que ce dernier affirme ne voir que quelque
chose de confus, voire rien du tout (manipulation des conditions
de présentation des stimuli). Sidis considère ces rapports verbaux
comme une mesure directe de la perception (ici, mesure directe
= 0)
Ensuite, Sidis fait passer aux sujets une épreuve à choix forcé (le
sujet doit choisir le stimulus qu’il croit avoir vu parmi un
ensemble de stimuli) : mesure indirecte de la perception
⇒ les résultats montrent que non seulement les sujets sont
capables de trouver la bonne catégorie du stimulus (lettre ou
chiffre) mais également d’indiquer son identité à un degré
significativement différent du hasard (dissociation)
Sidis montre ainsi une dissociation entre la mesure directe et la
mesure indirecte de la perception. Si la mesure directe indique
que les sujets n’ont pas perçu consciemment les stimuli, la
mesure indirecte montre cependant qu’il y a eu une perception
de ces stimuli, une perception de type inconsciente

amorçage sémantique subliminal : on utilise une tâche de
décision lexicale avec amorçage sémantique en présentant les
amorces de façon subliminale (manipulation des conditions de
présentation des stimuli). La mesure directe de la perception des
amorce consiste à demander aux sujets s’ils ont vu les amorces, la
mesure indirecte consiste dans la différence entre le temps de
réponse moyen aux items incongruents et le temps de réponse
moyen aux items congruent (effet d’amorçage)
⇒ on constate un effet d’amorçage bien que les sujets disent ne
pas voir l’amorce (dissociation)

aveuglement inattentionnel (Mack & Rock, 1998) : ils utilisent la
procédure de distribution de l’attention pour assurer le contrôle
de la conscience. Cette procédure consiste à utiliser un dispositif
dans lequel les stimuli sont répartis à des endroits différents et à
demander au sujet de focaliser son attention sur certains stimuli
(dont il est alors conscient) alors qu’on suppose qu’il n’est pas
conscient des stimuli situés en dehors de son focus attentionnel
500 ms
flake
200 ms
1500 ms
item 1
item 2
item 3
La tâche du sujet est de dire laquelle de la branche verticale ou
de la branche horizontale de la croix apparaissant sur le
deuxième panneau est la plus grande
⇒ 60% des sujets disent de pas avoir vu le mot sur le deuxième
panneau pour l’item 3 (mesure directe)
Dans une deuxième phase, Mack & Rock évaluent si ce mot a été
perçu de façon non consciente en utilisant une épreuve de
reconnaissance à choix forcé et une épreuve de complétion de
fragments de mots. Pour la tâche de reconnaissance à choix
forcé, le sujet doit choisir dans une rangée de 5 mots celui qui
était écrit sur le deuxième panneau de l’item 3 (mesure indirecte)
⇒ 47% des sujets qui affirment ne pas avoir vu le mot le
reconnaissent quand même (dissociation)
Pour la tâche de complétion de fragments de mots, le sujet doit
compléter les trois premières lettres du mot en question
(exemple : fla…) (mesure indirecte)
⇒ 36% des sujets qui affirment ne pas avoir vu le mot
remplissent le fragment de telle sorte que, complété, ce fragment
corresponde au mot en question (alors que seulement 4% des
sujets dans un groupe contrôle complètent le fragment de cette
façon) (dissociation)

expérience de Debner & Jacoby (1994) : pour chaque essai, ils
présentent un mot au sujet, ce mot étant ensuit masqué.
L’intervalle de temps I entre le début de présentation du mot et
le début de présentation du masque varie (50 ms, 150 ms)
(manipulation des conditions de présentation des stimuli).
Ensuite, le sujet doit compléter un fragment de mot, ce fragment
correspondant aux trois premières lettres du mot présenté,
le sujet recevant la consigne de ne pas compléter le fragment de
telle sorte à ce que complété, il devienne le mot présenté
(différences qualitatives)
L’idée est que la probabilité de ne pas suivre la consigne est plus
grande lorsque l’intervalle I est petit : dans ce cas, le mot n’est
pas perçu consciemment et on suppose qu’une perception
inconsciente débouche sur des comportements automatiques (ou
non contrôlés) alors qu’une perception consciente débouche sur
des comportements contrôlés
⇒ quand l’intervalle I augmente, la proportion de sujets
respectant la consigne augmente
Neurone
Trait
Niveau
+1
1
Cheveux
2
Yeux
3
Nez
4
Bouche
–1
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