RÉSULTATS:
Vingt-et-un patients ont présenté une récidive tumorale secondaire à un cancer du rectum opéré initialement en intention curative
dans le service des urgences chirurgicales du centre hospitalier et universitaire de Casablanca. La fréquence des récidives des
cancers du rectum dans notre série était de 17,1%. Le taux de récidive locale était de 2,4%, et récidive métastatique était de 14,7%.
De nombreux facteurs liés au malade, à la tumeur et au traitement participent à la récidive tumorale. La moyenne d’âge des
patients était de 51,2 ans (ET=3,2) avec une prédominance légère masculine (57,1%). Le siège de la tumeur primitive était au
niveau du bas rectum dans 47,6% des cas, l’aspect ulcéro-bourgeonnant était observé chez tous les patients, l’adénocarcinome
représente 85,7% des cas. Le traitement néo-adjuvant était administré chez 76% des cas, l’exérèse du méso rectum était totale
dans 42,8% des cas, partielle 23,8% des cas, l’amputation abdomino-périnéale était faite chez 33,3% des cas. Les limites distales
étaient envahies dans 19%et l’envahissement ganglionnaire était dans 76% des cas. 57,1% des cas ont reçu une chimiothérapie
adjuvante.
Le taux des récidives néoplasiques après une chirurgie à visée curative du cancer du rectum était élevé, invariablement autour
de 50%il y’a 40ans [4]. Mais depuis les travaux de Heald et al [6], l'exérèse totale du méso-rectum (ETM) est devenue la technique
chirurgicale de référence, et avec les progrès de la radio chimiothérapie, le taux de récidives pelviennes est devenu très faible entre
2,4 et 8% [8,9], mais le taux des récidives à distance reste stable, autour de 30-35% [10]. Dans notre série, le taux de récidive
tumorale est de 17,1%, et reste relativement inférieur à ce qui est rapporté dans les séries occidentales [11,17-18].
Les facteurs influençant la survenue des récidives surtout locorégionales sont multiples. Par rapport aux tumeurs bourgeonnantes,
le risque de récidive est multiplié par 1,5 pour les tumeurs ulcéro-bourgeonnantes ou ulcéro-infiltrantes [37]. Quant au traitement
néo adjuvant, il apour objectif de réduire les risques de récidive afin d’augmenter la survie. Les résultats à long terme ont montré
que la rechute locale est réduite de manière synergique par la radio chimiothérapie pré-opératoire [44]. Sans traitement pré-
opératoire, le risque de récidive varie entre 30% après une chirurgie conventionnelle et 10% après une chirurgie optimale type ETM
[31,45]. La qualité de l'exérèse du mésorectum est le facteur pronostique majeur [23]. Depuis les travaux de Heald et Enker, les taux
de récidive après chirurgie rectale à visée curative ont diminué de façon significative permettant d'obtenir des taux inférieurs à
10 %[2],et aussi une préservation nerveuse avec des séquelles génito-urinaires minimes. La qualité d’une marge pariétale distale
sous tumoral de 5cm aété réévaluée. En effet, une marge de sécurité distale de 2cm, doit être respectée [78]. Mais, pour des
lésions très bas situées, où peut se discuter un sacrifice sphinctérien, une marge de sécurité distale de 1cm semble suffisante. La
marge latérale de résection (MLR) limite reconnue actuellement est située à plus d'1mm du fascia recti. C'est un facteur
pronostique indépendant de risque de récidive. Au-dessous de cette limite de 1mm, le risque de récidive locale est élevé de façon
significative par rapport aux MLR ≥2mm [33].
Pour le stade TNM, il aété montré qu'un stade avancé, II ou III (selon UICC), était corrélé à un risque plus important de survenue
de RLR [1 7 et 18].L’envahissement intramural (T) est un facteur pronostique indépendant retrouvé dans de nombreuses
séries [6, 7, 19 et 20]. Wibe et al., pour le norwegian rectal cancer group regroupant 2 136 malades, ont montré que le risque de RL
augmentait avec le stade par comparaison au stade T1 : 1,4 pour les T2, 2, 8 pour les T3 et 4,7 pour les T4 [96]. 76%de nos
patients étaient en stade T3 ou T4. Aussi, l’envahissement ganglionnaire (N) est un facteur pronostique indépendant dans la
survenue de RLR après résection rectale curative [20 et 21]. Seul le facteur qualitatif N+ (N1et N2 versus N0) a été retenu. Aucune
étude récente n'a montré de différence statistiquement significative entre N1 et N2 sur le risque de RLCR [21 et 22]. Cependant, le
risque de diffusion métastatique demeure significativement plus important pour les malades N2 [19].Dans notre étude, le stade III
intéressait 60%de nos malades, le stade II :20%et le stade0 :10% tandis que les stades I et IV n’étaient pas représentés.
Par ailleurs, les facteurs péri-opératoires (perforation rectale, lavage du moignon rectal et lâchage anastomotique post opératoire)
sont des facteurs de mauvais pronostic, leur survenue augmente le taux de risque de RLR. Dans notre étude, aucun cas n’a été
reporté dans les comptes rendus opératoires de nos patients.