3
Avertissement
Ce cahier réunit les communications d’un colloque franco-allemand qui s’est tenu du 4 au 6
octobre 2007 à l’Institut Max Planck d’histoire des sciences à Berlin. Le but de la rencontre était
d’explorer la pensée scientique de Marc Bloch (1886-1944) dans le contexte intellectuel, social et
politique de l’entre-deux-guerres. Avocat d’une conception rigoureuse de la science, Marc Bloch se
sentait particulièrement interpellé par les bruyantes déclarations de crise qui circulaient dans les
années 1920 et 1930 aussi bien dans les sciences sociales que dans les sciences naturelles. Ceci
valait non seulement pour les interrogations épistémologiques en philosophie et en sociologie mais
aussi pour les conséquences de la révolution relativiste en physique. L’importance décisive de ces
débats pour l’historien ressort notamment de son dernier grand manuscrit, Apologie pour
l’histoire ou Métier d’historien, auquel il travailla à partir de 1941. Dans un passage célèbre nous y
lisons en eet : « Notre atmosphère mentale n’est plus la même. La théorie cinétique des gaz, la
mécanique einsteinienne, la théorie des quanta ont profondément altéré l’idée qu’hier encore
chacun se formait de la science. Elles ne l’ont pas amoindrie. Mais elles l’ont assouplie. Au certain,
elles ont substitué, sur beaucoup de points, l’inniment probable ; au rigoureusement mesurable,
la notion de l’éternelle relativité de la mesure. Leur action s’est fait sentir même sur les esprits
innombrables – je dois, hélas ! me ranger parmi eux – auxquels les faiblesses de leur intelligence
ou de leur éducation interdisent de suivre, autrement que de très loin et en quelque sorte par reet,
cette grande métamorphose. »
C’est ce changement d’« atmosphère mentale » que le colloque thématisa sous diérents
aspects. C’est pourquoi il ne rassembla pas seulement des spécialistes de Marc Bloch, mais
également des experts des diérents contextes scientiques et philosophiques dans lesquels
l’historien évoluait et par rapport auxquels il réagissait : de la sociologie contemporaine en passant
par la philosophie et l’esthétique jusqu’à la physique quantique et aux mathématiques probabilistes.
Cette multiplicité des perspectives t l’attrait particulier de la rencontre.
Il n’a malheureusement pas été possible de publier toutes les communications présentées au
colloque. L’une d’entre elles l’a déjà été peu après sous une forme élargie : Otto Gerhard Oexle,
« Krise des Historismus – Krise der Wirklichkeit. Eine Problemgeschichte der Moderne », in : Id.
(éd.), Krise des Historismus – Krise der Wirklichkeit. Wissenscha, Kunst und Literatur, 1880-1932,
Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2007, pp. 11-116. Deux autres communications, de François-
Olivier Touati (« Des historiens en crise ? Marc Bloch et les médiévistes français, 1904-1944-1970 »)
et de Norbert Schappacher (« Corrélations, incertitudes, processus. Approches probabilistes dans
les mathématiques de l’entre-deux-guerres »), n’étaient pas disponibles au moment du bouclage de
ce cahier. Nous renvoyons cependant à des articles récents des mêmes auteurs : François-Olivier
Touati, « Marc Bloch et Mabillon », in : Jean Leclant, André Vauchez, Odon Hurel (éds.), Dom Jean
Mabillon, gure majeure de l’Europe des lettres, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
2010, pp. 411-452 ; Norbert Schappacher, « Rewriting Points », in : Proceedings of the International
Congress of Mathematicians, Hyderabad, India, 2010, pp. 3258-3291.
Enn, nous tenons à remercier tous les participants ainsi que les institutions qui ont contribué
à la bonne réussite du colloque : le Max Planck Institut für Wissenschasgeschichte, le Centre
national de la recherche scientique, l’Institut d’histoire du temps présent et le Centre Marc Bloch.
Nous remercions également Valentine Meunier pour sa relecture des manuscrits français.
Peter Schöttler & Hans-Jörg Rheinberger