Intervention UES Knobe Gasparini SSSO

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Du sport sur prescription
médicale : regards sociologiques
sur l’expérience développée à
Strasbourg
Université Européenne du Sport 2015
9 juillet 2015
Sandrine Knobé et William Gasparini
Unité de recherche “Sport et sciences sociales” (E3S)
Introduction
9 juillet 2015
- Il est désormais largement admis qu’une pratique régulière d’activité physique à
intensité modérée (exercice physique de la vie quotidienne à la maison, au travail, dans les
déplacements mais aussi activité physique de loisirs et pratique sportive) contribue à la
réduction de plusieurs facteurs de risque et de nombreuses pathologies
(rapport Inserm sur l’AP,
2008).
- Le recours à l’AP est présenté comme une possible thérapie non médicamenteuse dans
un contexte sociétal où la lutte contre la sédentarité est une nouvelle préoccupation
sanitaire
(PNNS 3 – 2011-15; Plan obésité 2010-13; Rapport d’orientation de la Haute Autorité de Santé (HAS) en
2011 qui préconise le développement de la prescription en activité physique).
- Il existe aussi une forte corrélation entre la précarité et la sédentarité.
- Les messages des campagnes de santé publique touchent davantage les classes
supérieures et moyennes que les classes populaires.
Introduction
9 juillet 2015
En Alsace :
les maladies cardio-vasculaires constituent la 2ème cause de mortalité (après le cancer) et le taux
d’obésité déclarée chez l’adulte est de 17,8% (14,5% en France). Le diabète concerne environ
8% de la population alsacienne (Chiffres ARSA 2014).
À Strasbourg :
- le Document de Diagnostic et d’Orientations Communautaires Santé (DDOC) de la CUS a tracé
en 2011 un état des lieux de l’état de la santé de sa population et souligne des inégalités de
santé entre catégories sociales, générations et territoires. On observe aussi une diminution
de l’activité physique favorable à la santé plus accentuée dans les quartiers défavorisés que
dans les autres quartiers.
- dans le cadre du Contrat Local de Santé de Strasbourg, la Ville de Strasbourg a choisi de
soutenir le développement du « sport-santé » pour les personnes atteintes de maladies
chroniques (Axe 3 : Développer les incitations à la mobilité active).
Introduction
9 juillet 2015
Comment inciter des patients atteints de maladies chroniques
et éloignés socialement des recommandations et dispositifs de santé publique
à s’engager ou à se réengager dans un style de vie actif ?
- La Ville de Strasbourg a mis en place un dispositif intitulé « sport/santé sur ordonnance »
(SSSO) en novembre 2012.
- Financé par plusieurs organismes (Ville de Strasbourg, Agence régionale de santé d’Alsace, DRJSCS, Régime
local d’assurance maladie, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, CUS, Compagnie des transports strasbourgeois),
ce
dispositif s’appuie aussi sur un constat d’inégalités sociales et infra-territoriales dans
l’accès aux soins et aux activités physiques de prévention.
- Il s’adresse aux personnes souffrant d’une pathologie parmi : obésité, diabète de type II,
hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires (et cancer depuis l’automne 2013).
- Il incite à la pratique d’une activité physique régulière, modérée et adaptée à l’état de santé.
- Aujourd’hui, plus de 200 médecins généralistes strasbourgeois ayant signé la Charte
d’engagement « SSSO » peuvent prescrire à leurs patients une activité physique.
Introduction
9 juillet 2015
- Nous souhaitons ici présenter les résultats d’une enquête sociologique menée auprès de
bénéficiaires de ce dispositif SSSO pour comprendre leur ressenti par rapport à leur
participation à ce dispositif.
- Le dispositif a touché une population âgée en moyenne de 49 ans, plutôt féminine (62,7%)
et s’estimant « peu active » (75,7%) (d’après leurs scores au test de Ricci et Gagnon).
- Les résultats mettent en évidence :
 Un double processus paradoxal de démédicalisation de la prise en charge du patientpratiquant et d’institutionnalisation de son activité physique et sportive ;
 Des conditions sociales d’existence et une socialisation passée expliquant le rapport à
la pratique physique et le futur engagement physique autonome ou assisté.
Introduction
Plan de la présentation :
1. Présentation du dispositif SSSO
2. L’enquête de terrain auprès des patients
3. Les principaux résultats
4. Quelques éléments pour poursuivre la réflexion
5. Conclusion
9 juillet 2015
Le dispositif SSSO
9 juillet 2015
- Muni de son ordonnance, le patient prend contact avec l’éducateur sportif de la Ville de
Strasbourg qui l’oriente vers une activité physique adaptée en fonction des
recommandations du médecin, des résultats d’un entretien approfondi, d’un questionnaire
d’autoévaluation de sa condition physique (Ricci et Gagnon) et d’un test de marche de 6mn.
- Trois types d’activités sont proposés aux bénéficiaires :
• des modes de déplacement physiquement actifs (marche à pied avec le Club
Vosgien et vélo avec Vél’hop)
• des pratiques douces proposées par le service des sports de la Ville (Gym Forme,
Gym Douce, TaiChi, QiQong…)
• des activités proposées par les associations et clubs sportifs labellisés « sportsanté » (gymnastique, aquagym, marche nordique, aviron).
- Le patient bénéficie gratuitement de l’activité physique ou sportive et de l’accompagnement
personnalisé.
Parcours du patient dans le
dispositif
Parcours de patients au sein du dispositif
« Sport/santé sur ordonnance »
Consultation médicale
- médecin généraliste Pathologies d’inclusion :
obésité
diabète de type 2
hypertension artérielle
maladies cardiovasculaires stabilisées
Prescription médicale d’activité physique
sortie provisoire ou définitive
possible du dispositif
Rencontre avec l’éducateur sport/santé
entretien et tests d’évaluation de la condition physique
orientation vers une ou plusieurs activités physiques et sportives
sortie provisoire ou définitive
possible du dispositif
pratique physique et/ou sportive
effective dans le dispositif
sortie provisoire ou définitive
possible du dispositif
pratique régulière
dans le dispositif
sortie provisoire ou définitive
possible du dispositif
poursuite d’une pratique sportive ou
adoption de modes de déplacement actifs
hors dispositif SSSO
9 juillet 2015
Une étude qualitative
9 juillet 2015
Fondée sur une sociologie des acteurs à partir d’une approche qualitative et
compréhensive, l’étude avait pour objectif :
- de comprendre la pratique physique vécue par les patients, leur perception de l’activité
et du dispositif.
- de croiser les parcours de vie et les conditions sociales d’existence avec les
« carrières » de malade, les rapports au corps et les socialisations sportives.
L’enquête de terrain auprès des
bénéficiaires du dispositif
9 juillet 2015
« Sport/santé sur ordonnance »
 Méthode
- analyse des caractéristiques sociales et territoriales de la population totale des
patients ayant rencontré l’éducateur sport/santé jusqu’au 30 avril 2013 (n=158)
- constitution d’un échantillon représentatif de 30 patients : deux vagues d’entretiens
semi-directifs auprès de bénéficiaires d’un abonnement vél’hop (objectif, n=15) et de
bénéficiaires d’activités encadrées (objectif, n=15)
- première vague d’entretiens quelques temps après le début des pratiques au sein
du dispositif « sport/santé sur ordonnance » (n=16, vél’hop; et n=17, activités
encadrées)
- deuxième vague d’entretiens trois mois après le premier entretien (n=14, vél’hop;
et n=11, activités encadrées)
- la répartition des personnes interviewées est représentative de la population des
bénéficiaires ayant rencontré l’éducateur sport/santé jusqu’au 30 avril 2013 en tenant
compte des critères d’âge, de sexe et de lieu d’habitation
Les principaux résultats de
l’enquête qualitative
9 juillet 2015
 Profils socio-sportifs des bénéficiaires interviewés
Ces patients sont majoritairement obèses ou en surpoids. Les femmes sont plus
nombreuses (60%), l’âge moyen de la population est de 51 ans et ils résident, pour la
moitié d’entre eux, dans les quartiers les plus populaires de la ville.
- 20 % des patients s’engagent pour la première fois dans une activité physique
et/ou sportive
- 40 % se remettent à l’activité physique après un abandon du à la maladie et/ou à
un événement biographique (chômage, divorce, changement de lieu de résidence)
- 40 % sont non sédentaires et augmentent ou diversifient leur pratique physique
Les principaux résultats de
l’enquête qualitative
9 juillet 2015
 Une sédentarité et un rapport à l’activité physique socioculturellement déterminés
- une faible ou une inexistante socialisation sportive primaire et/ou secondaire
- de faibles ressources sociales, culturelles et financières
- des événements biographiques impactant les trajectoires et un cumul de
difficultés (chômage, divorce, ZUS…) constituant un frein à l’accès à la pratique
physique
- des carrières de malades chroniques éloignant les patients de l’activité physique
Les principaux résultats de
l’enquête qualitative
9 juillet 2015
 Se dépenser et se penser autrement
- des effets bénéfiques : de nombreux patients estiment « se sentir mieux », affirment avoir perdu
du poids, modifié leur alimentation, amélioré leur souffle et leur sommeil, avoir changé d’habitudes de
vie, être sortis de l’isolement ou avoir une nouvelle écoute.
- l’intégration de l’activité physique et/ou sportive dans la vie quotidienne : une
adaptation de l’emploi du temps pour inclure les activités dans leur quotidien. La moitié des
bénéficiaires interrogés au cours de la deuxième phase d’enquête affirme avoir plus souvent recours à
la marche ou au vélo lors des déplacements quotidiens (pour se rendre au travail, faire des courses ou
rejoindre les lieux de pratique des activités du dispositif SSSO). L’activité physique change le rapport à
l’environnement (sorties plus fréquentes, rencontres, …).
- pratiquer ensemble, une possible gestion des stigmates de la maladie : la sociabilité
créée autour de l’activité physique permet ainsi le partage des difficultés. « Être ensemble » dans
l’activité physique est un moyen de se motiver pour lutter contre le stigmate.
Quelques réflexions
9 juillet 2015
Du côté des acteurs, d’une démarche volontaire…
- une gratuité propice et une démarche volontaire : de nombreux patients prennent
connaissance du dispositif par l’intermédiaire des médias locaux ou nationaux puis se rendent chez
leur médecin traitant en demandant d’y participer
- le soutien de l’accompagnement est apprécié
- la poursuite d’enjeux sanitaires individuels : les patients se fixent des objectifs
personnels et des défis comme la perte de poids pour reprendre une vie sociale « normale »,
l’augmentation du temps de marche ou de déplacement en vél’hop. Certains recherchent la perte du
poids parce qu’ils envisagent une intervention chirurgicale, qui n’est possible qu’à condition de perdre
du poids au préalable ; d’autres visent la réappropriation de l’espace public par le vél’hop
… à une pratique autonome… mais encadrée
- le passage du « dispositif passerelle » à la pratique autonome : la très grande
majorité déclare préférer pratiquer dans le cadre de ce dispositif plutôt que dans un club standard ou
de manière autonome. Outre l’obstacle financier de la cotisation à une association ou l’abonnement à
une salle de fitness, les patients soulignent la qualité de l’accompagnement des éducateurs sportifs. La
pratique entre pairs offre aussi un cadre rassurant et un climat de confiance : la vulnérabilité sociale et
sanitaire est partagée et la stigmatisation liée à l’obésité est absente
Quelques réflexions pour
poursuivre la réflexion
9 juillet 2015
- Processus de démédicalisation de la prise en charge des patients : les médecins
prescrivent mais c’est l’éducateur sport-santé qui les oriente vers les activités et les
structures.
- Le rapport à la pratique du sport-santé des patients varie selon leurs conditions
socioculturelles d’existence et leur socialisation passée. Pour les patients issus des
milieux populaires, la démédicalisation ne signifie pas désinstitutionnalisation car les
résultats montrent qu’ils s’installent dans une nouvelle forme de « dépendance », non pas
avec leur médecin-traitant mais avec la structure sportive qui les accueille.
- Un dispositif tel que SSSO apparaît comme un premier levier intéressant de mise ou
remise à l’activité physique mais pas forcément d’autonomie.
- Comment rendre les patients acteurs de leur parcours sportif et les faire sortir du dispositif
pour une pratique soit autonome soit en club ?
- Pour qu’il soit efficace à plus long terme et qu’il aboutisse à une pratique régulière hors
dispositif, il est nécessaire de comprendre, sur le temps long, la manière dont se
combinent effets des dispositions (par exemple le degré d’éloignement à l’activité
physique), des conditions sociales (par exemple l’influence de la situation familiale), mais
aussi des contextes (par exemple les caractéristiques mêmes du dispositif proposé).
Conclusion
9 juillet 2015
Au-delà d’une seule évaluation médicale, l’approche par les SHS contribue à une meilleure
connaissance tant des publics cibles en situation que des déterminants sociaux de la santé.
- L’action locale de santé publique a touché une population précaire généralement éloignée des
campagnes de santé publique et d’incitation à l‘activité physique.
- Le dispositif SSO constitue une « offre » pour une population très sédentaire qui saisit cette
opportunité pour se mettre ou se remettre à l’activité physique.
- Les patients expriment très nettement les effets bénéfiques ressentis sur leur bien-être, leur
qualité de vie et leurs relations sociales.
- L’état de bien-être ressenti crée les conditions d’une bifurcation de carrière de malade
chronique par la mise (ou remise) à l’activité physique.
- Mais les bénéficiaires expriment également leurs difficultés à quitter le dispositif pour une
pratique en club « traditionnel » ou de manière autonome.
- Les résultats invitent à la prudence du fait de leur circonscription dans un laps de temps court :
vers une enquête longitudinale et complémentaire ?
Bibliographie
9 juillet 2015
- Gasparini W., Knobé S., Didierjean R. (2014), “Physical activity on medical prescription:
social factors on chronically ill patients. A qualitative case study in Strasbourg (France)”,
Health Education Journal, (en ligne : hej.sagepub.com/).
- Gasparini W., Knobé S. (2014), « Sport sur ordonnance : enquête sur un dispositif local de
santé », Jurisport, n-144, 2014, pp.43-46.
- Knobé S., Gasparini W. (2014), « Le corps en mouvement sur prescription médicale »,
L’Observatoire, n-80, pp.14-16.
MERCI POUR VOTRE ATTENTION !
Du sport sur prescription
médicale : regards sociologiques
sur l’expérience développée à
Strasbourg
Université Européenne du Sport 2015
9 juillet 2015
Sandrine Knobé et William Gasparini
Unité de recherche “Sport et sciences sociales” (E3S)
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