Télécharger

publicité
Module 8 Une période de mutation Au début du XIVe siècle, commence pour l'Europe une période marquée par des calamités de tout ordre. À maintes reprises, des famines affaiblissent la population, la rendant ainsi plus vulnérable aux multiples épidémies telle la peste noire, cause d'une très importante mortalité. La répétition des guerres est également catastrophique pour la population, car il en résulte une mauvaise administration, de lourdes impositions et des pillages commis par les soldats. D'autre part, la croissance économique s'essouffle, et ce sont les populations rurales qui sont les plus touchées. Espérant trouver leur salut dans les villes, elles n’y rencontrent que misère et pauvreté ; tout cela débouche sur des troubles sociaux qui se multiplient. Ces phénomènes, loin de se limiter à une seule région, se retrouvent, sous une forme ou sous une autre, sur tout le continent. L'unité qui caractérisait l'Europe du XIIIe siècle a disparu la division menace à la fois l'empire et l'église. Néanmoins ce serait une erreur de réduire cette période un processus de destruction et de déclin. Pendant deux siècles, le morcellement féodal fait place à des états souverains, ou un type différent d'administration se développe lentement. La prospérité revient, commerce et industrie connaissent un nouvel essor. L'unité de l'église, un moment disparue par suite du grand schisme de 1378, se rétablit, et d'autres expressions de la vie religieuse se développent. Une nouvelle période d'épanouissement culturel commence avec les primitifs flamands et la renaissance italienne. Ainsi, en l'espace de deux siècles, l'Europe va connaître une remarquable mutation. Nous n'allons pas entrer dans les détails de tout ce qui se passe au niveau économique pendant cette période. Nous allons nous contenter de souligner quelques événements importants comme, par exemple, la grande peste, le grand schisme d'Occident ou encore la guerre de cent ans. La peste noire En 1300 la population européenne est passée à 73 millions d'habitants. En 1400, elle n'en compte plus que 45 millions. Pourquoi ? Il y a évidemment plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cela mais nous allons nous intéresser à un en particulier à savoir la grande peste également appelée la peste noire. Pendant quatre années, de 1347 à 1351, la peste ravage l'Europe. Elle sévit sous ses deux formes, la peste bubonique qui est mortelle à 80 % et la peste pulmonaire qui elle est mortelle à 100 %. Fréquente en Asie et en Orient, elle atteint l'Europe par l'intermédiaire d'une nef génoise. Depuis le XIe siècle, les Génois possédaient des comptoirs sur les bords de la mer Noire. Or, un de ces comptoirs, est assiégé en 1346 par les Mongols. Décimés par une épidémie de peste, ceux-­‐ci se débarrassent des cadavres en les catapultant dans la ville assiégée. Pris de panique, les habitants Module 8 2 fuient sur des galères vers la Sicile, emportant avec eux la maladie. Ensuite, la progression du mal est fulgurante. À la fin de 1347, elle atteint le nord de l'Italie et la Provence. Par la vallée du Rhône, elle remonte vers Paris. En 1348, elle touche le Portugal et l'Angleterre. L'année suivante, elle est en Flandre et en Allemagne, puis en Scandinavie et revient en Russie par le Nord. La panique des populations atteint son paroxysme lorsque la maladie, d'abord bubonique, devient pulmonaire. Dans la première, la morsure du rat était visible, dans la seconde, la propagation microbienne devient invisible. La peste noire est une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'Europe. En quelques mois, un tiers des Européens disparaissent. À plusieurs reprises, la maladie ressurgit. Les conséquences démographiques et sociales sont importantes. Si le nombre de mariages et des naissances augmentent, en revanche, l'espérance moyenne de vie régresse fortement. En Angleterre, elle était de 25 ans en 1348 elle n'est plus que de 17 ans en 1376. Face à ce mal inconnu, on a évidemment cherché des boucs émissaires. Certains ont voulu y voir l'action des Juifs, accusés par une multitude d'avoir volontairement empoisonné les puits et les sources. Il faut prendre conscience ici que les hommes de l'époque n'avaient pas les mêmes connaissances de la maladie qu'aujourd'hui. Ils n'en comprenaient pas les causes. Pour eux, le plus souvent, la maladie était considérée comme un mal envoyé par Dieu pour punir les hommes. Autre cause souvent évoquée, les phénomènes atmosphériques ou astronomiques. On pensait par exemple que les comètes avaient une influence sur la qualité de l'air. Les cataclysmes étaient également souvent invoqués, pour l'homme médiéval un tremblement de terre, un orage ou un incendie étaient susceptibles de provoquer la peste. Mais, comme dit plus haut, la population avait besoin de trouver des boucs émissaires. Ce sont les Juifs qui ont joué ce rôle à cette époque. Ils ont donc été persécutés. Si les causes de la maladie évoquées ci-­‐dessus sont étonnantes, il en va de même pour les remèdes prescrits. Le plus souvent on pensait que le feu était capable de contenir la maladie. On incendiait alors les maisons dans lesquelles la peste s'était engouffrée. Comme la population médiévale était encore très superstitieuse, des amulettes étaient également fréquentes pour conjurer le mauvais sort. La persécution des Juifs était également un moyen de contenir la maladie. Notons également l'apparition de la secte des flagellants. Ceux-­‐ci pensaient que la peste étant une punition divine, il fallait, à l'image du Christ, s'infliger des souffrances corporelles pour apaiser la colère divine. Ils parcouraient donc l'Europe par groupes et se flagellaient pour racheter les péchés des hommes. Si, comme nous l'avons dit plus haut, la peste a eu des conséquences catastrophiques au niveau de la démographie, il est une autre conséquence essentielle à bien comprendre. En effet, pendant l'épidémie de peste, les Chrétiens ont été très déçus du comportement de l'église qui non seulement n'était pas capable de leur apporter les réponses qu'ils attendaient mais qui, de plus, a failli à son devoir en abandonnant souvent des mourants par peur de la contagion. Il en résulte donc une certaine méfiance à l'égard de l'église, une certaine remise en question de son autorité. Comme les hommes se sentaient abandonnés par l'église, ils vont chercher à se rassurer autrement et se tournent souvent vers les chefs politiques. Ceci va entraîner la naissance d'un certain sentiment national et mettre en danger le système féodal. Module 8 3 Troubles sociaux Dès le début du XIVe siècle, nous voyons un peu partout en Europe des mouvements de rébellion se mettre place. Ces mouvements de révolte sont souvent le fait de paysans ou même de citadins qui se soulèvent contre leur souverain. Quelles sont les causes de ces troubles ? La cause principale est bien sûr le sentiment d'insécurité qui règne dans une société qui est en pleine mutation. L'essor impressionnant des villes ainsi que la crise dans le monde rural ont des conséquences désastreuses. Les prix en général et les loyers en particulier augmentent de façon considérable. On assiste également à une véritable saturation du marché de l'emploi. Les chômeurs sont de plus en plus nombreux. Et, comme à cette époque qu'il n'y a pas vraiment de sécurité sociale, on voit de plus en plus de gens sombrer dans la mendicité. On peut donc affirmer qu'à cette époque la société entre dans une phase de paupérisation. L'écart de fortune entre les riches et les pauvres s'agrandit toujours et exacerbe les tensions. Arrive alors le moment où les plus pauvres n'ont plus rien à perdre et se révoltent. Nous assistons alors à ce que l'on a appelé des jacqueries c'est-­‐à-­‐dire des révoltes paysannes. Il faut remarquer ici que le but de ces paysans n'est pas de renverser le pouvoir mais de protester contre des impôts injustes et une justice inique. Le 21 mai 1358, une centaine de paysans du Beauvaisis se réunissent en bande et s'en prennent aux maisons de gentilshommes et aux châteaux de la région, violant et tuant allègrement les habitants, brûlant les demeures. Leur révolte s'étend très vite à la paysannerie du bassin parisien. C'est le début de la plus grande des «jacqueries» qui ont ensanglanté les campagnes françaises au Moyen Âge. Ces révoltes sont ainsi nommées d'après l'appellation de Jacques ou Jacques Bonhomme donnée aux paysans. Leurs participants ne sont pas de pauvres hères. Au contraire, ils figurent parmi les paysans aisés de l'une des régions les plus riches d'Europe. Leur révolte est motivée par la crainte d'être spoliés par les seigneurs et les bourgeois. Depuis l'épidémie de Grande Peste qui a ravagé l'Occident dix ans plus tôt, ils sont en situation de mieux faire valoir leurs droits, les seigneurs étant partout en quête de main-­‐d'œuvre pour remettre en culture les terres abandonnées. Or, la noblesse française est laminée par les Anglais à la bataille de Poitiers. Le roi Jean II le Bon est prisonnier à Londres. Paris est sous la coupe d'Étienne Marcel, le prévôt des marchands, en révolte contre l'héritier de la monarchie. Les paysans ne supportent pas que les nobles, défaits au combat et ayant souvent fui de façon très lâche devant les Anglais, fassent maintenant pression sur eux pour leur extorquer de nouvelles taxes. C'est dans ces conditions que survient la Grande Jacquerie du Beauvaisis. Sous l'impulsion d'un certain Guillaume Carle, elle rassemble en quelques semaines 6000 paysans. Elle obtient même le soutien d'Étienne Marcel. Mais les nobles commandés par Gaston Phoebus, comte de Foix, puis par son rival, le roi de Navarre Charles le Mauvais, écrasent les Jacques à Clermont-­‐sur-­‐Oise le 10 juin 1358. Les chefs des révoltés Module 8 4 sont impitoyablement torturés et exécutés. Ce drame ne met pas pour autant un terme aux révoltes paysannes. D'autres surviendront tout au long des décennies suivantes, notamment en Angleterre et en Hongrie. Politique et administration Tous ces événements, à savoir la Grande peste et les révoltes paysannes, ont une influence directe sur l'organisation politique et l'administration des différents pays d'Europe. On peut constater en effet que l'idée d'un pouvoir universel qui était encore bien présente avec le Saint-­‐Empire, fait petit à petit place à des modèles nationaux. Essayons d'examiner ce qui se passe. Dans le Saint-­‐ Empire les différentes principautés prennent de l'importance au détriment du pouvoir impérial. Dans le nord de l'Italie, ce sont des grandes villes importantes dirigées par de riches familles qui font la pluie et le beau temps. La péninsule ibérique évolue vers une relative unité. En 1469, le mariage entre Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon scelle l'unification espagnole. À partir de 1490 de de la prise de Grenade, l'Espagne est entièrement chrétienne. La France et l'Angleterre, aux prises dans la guerre de 100 ans, voient leurs monarchies évoluer dans des sens différents comme nous l'avons vu au chapitre précédent. Ces révolutions en politique font apparaître une nouvelle notion, celle de bien public. Elles marquent également les limites du système féodal et, petit à petit, on passe d'une organisation sociale basée sur les liens d'homme à homme à une solidarité de groupe. C'est à cette époque qu'apparaît la notion d'État. Les représentants de ces états se réunissent en assemblées d'État. On peut donc dire que désormais l'exercice du pouvoir n'est plus unilatéral. Le but de l'assemblée d'État n'est pas d'exercer le pouvoir mais de défendre les privilèges des Citoyens. C'est ainsi que l'on va voir naître le sentiment national. Si, auparavant, les Européens s'identifiaient plutôt à leur religion chrétienne, ils s'identifient désormais à leur nation. Religion et vie spirituelle Cette période va également être marquée par une véritable crise au sein de l'église chrétienne, le grand schisme d'Occident qui durera de 1378 à 1417. Tout commence en 1296 période à laquelle un conflit va opposer le roi de France Philippe IV le bel au pape Boniface VIII. La première phase du conflit est appelée le « conflit de la décime » et naît à propos d'une affaire de taxes. Les biens du clergé en effet sont affranchis de toute taxe et jouissent d'une immunité justifiée par le rôle social que joue l'église (enseignement, assistance,) cependant, le clergé profite également de la protection de l'État et de la paix qu'il fait régner, et à ce titre, devrait coopérer à ses charges. Un moyen pour les rois du XIIIe siècle de se procurer de l'argent du clergé était d'en obtenir une levée de décimes. On appelait ainsi une taxe qui correspondait au 10e des revenus du clergé, et qui était apparue lors de la troisième croisade pour financer celle-­‐ci. Philippe le bel réédite la manoeuvre en 1295 sans passer par l'intermédiaire du pape, qui proteste par une bulle en février 1296. Philippe le prend mal et interdit toute sortie de métal précieux du Module 8 5 royaume. Cela gêne le pape qui tirait de grosses ressources du royaume de France. De plus, le clergé français suit le roi, ce qui impressionne le pape, qui cède. Les origines de la seconde phase du conflit sont diplomatiques. Philippe IV fait arrêter l'évêque de Pamiers qui lors d'un bon repas s'était épanché contre le roi et pour le pape qui soutenait les Flamands, alliés des Anglais avec qui Philippe IV était en guerre. Cette arrestation va à l'encontre du privilège des clercs d'être jugés par des tribunaux d'église. Le pape attaque alors le roi et affirme la supériorité du spirituel sur le temporel. Il s'adresse au roi comme à un inférieur, attaque le gouvernement temporel de Philippe IV et le convie à venir se défendre lors d'un concile à Rome en novembre 1302, réuni pour le juger. Sous l'influence de Guillaume de Nogaret, le roi accuse le pape d’hérésie et le fait condamner devant un concile. En septembre 1303, Nogaret se rend en Italie, où résidait pape, et lui notifie l'acte d'accusation devant un concile oecuménique réuni à Lyon et il l’arrête. Boniface est délivré par la population, mais il meurt quelques semaines plus tard. Cette mort entraîne la liquidation du conflit. Benoît XI (1303-­‐1304), le successeur de Boniface VIII s'était établi à Pérouse pour échapper à la guerilla des familles romaines. Le conclave qui doit élire son successeur est partagé entre bonifaciens et antibonifaciens, et pendant de longs mois ne parvient pas à se mettre d'accord, au milieu des intrigues et des pressions des princes, spécialement celles de Philippe IV le Bel. C'est Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux et canoniste réputé, qui est finalement élu. C'est un homme habile, qui préfère en toutes situations le compromis et les arrangements. Il est sacré à Lyon, en présence de Philippe le Bel. Une fois élu, le nouveau pape s'installe à Avignon. Après lui, six papes tous Français résideront à Avignon En 1377, le pape revient à Rome. Mais plus le temps passe, plus c'est une logique de faction qui prévaut lors des élections. Quand le pape meurt en 1378, les cardinaux lui trouvent un successeur, Urbain VI, dans des circonstances troublées. Originaire de Naples, le nouveau pape ne pouvait déplaire aux habitants de Rome. Ses moeurs sont irréprochables, mais il est irritable. L'honneur lui tourne la tête et il se donne pour mission de chasser les marchands du temple. Les cardinaux s'entendent reprocher sur le ton de l'invective leur luxe et leur absentéisme. Treize d'entre eux quittent Rome, déclarent nulle l’élections d’Urbain VI et élisent en septembre 1378 Clément VII. Deux partis se constituent, avec deux papes, qui nomment chacun leur cardinaux. Urbain VI s’installe à Rome. Il est soutenu par l'Angleterre, presque tous les princes allemands, la Hongrie, la Pologne, la Suède. Clément VII s'installe à Avignon. Il est soutenu par la reine de Naples, la Savoie, l'Écosse, le roi de France Charles V, la Castille et l'Aragon. C'est le grand schisme d'Occident, de 1378 à 1417. Les fidèles sont angoissés, car ils craignent d'être damnés s'ils ne s'attachent pas au pape légitime. Tout va bien sûr être mis en oeuvre pour résoudre ce schisme. Diverses voies vont être explorées. La force d'abord puisque Urbain n'hésitera pas à conférer aux troupes qui se battent pour lui le titre de croisées. Face à l'échec de la force, on va essayer la diplomatie mais en vain. Finalement, les cardinaux des deux obédiences, contre l'avis des papes, convoquent un concile à Pise en mars 1409. Le concile dépose les deux papes, et en élit un nouveau, Alexandre V. La France et l'Angleterre Module 8 6 reconnaissent le nouveau pape, mais les deux autres refusent de démissionner. On se retrouve donc avec trois papes. C'est finalement le concile de Constance convoqué en novembre 1414 par Sigismond de Hongrie qui résout le grand schisme. Le concile commence par adopter un décret qui proclame que le concile, représentant l’Eglise universelle tient son pouvoir du Christ et que le pape lui-­‐même lui doit obéissance. Tous abdiquent sauf le pape d'Avignon qui se réfugie en Espagne où il est abandonné de tous et finit par mourir en 1423. En novembre 1417 Martin V est élu pape et reconnu par l'ensemble de la chrétienté. 
Téléchargement