Maladies éruptives de l’enfant Professeur Daniel Floret Mars 2010 La varicelle en France • Maladie infectieuse due au VZV (également responsable du zona) • 553 000 à 751 000 cas/an (1993-2003) I.Bonmarin BEH 2005; 8: 30-1. 95% des cas chez sujets < 20 ans • Taux de complication: 4% (Réseau sentinelle). Étude ENVOL 7,8% dont 9,9% chez adolescents (D.Floret Intern J Antimicrob Agents 2004) • Hospitalisations: 3500/ an 75% chez les moins de 16ans • 18 décès (69% chez les > 15 ans) • Les complications graves et décès affectent essentiellement les sujets sains (V.Levrat BEH 2003;9: 51-2) La varicelle de l ’enfant normal • Epidémies saisonnières (hiver, printemps) • Transmission essentiellement respiratoire accessoirement cutanée. Contagiosité élevée • Incubation 14 jours (10-21) • Invasion 24-48 heures: contagion ++ – fièvre variable – céphalées – douleurs abdominales L ’exanthème • Débute dans le cuir chevelu, sur la face ou le tronc • Macules ->vésicules • Prurit intense. Fièvre modérée • En 24 - 48 heures, les vésicules s ’ombiliquent -> croûtes • Atteinte habituelle des muqueuses L ’exanthème • Apparition par vagues successives, habituellement sur < 1 semaine • Nombre de vésicules habituellement < 300 (quelques unes à 2000) • Formes inapparentes: 5% ou limitées • Chute des croûtes, dépigmentation, parfois cicatrices Vésicules de varicelle Varicelle de l ’immunodéprimé Vésicules purpuriques et nécrotiques Varicelle de l ’immunodéprimé • Atteinte poly viscérale: – pneumopathie – hépatite fulminante – syndrome hémorragique – pancytopénie – encéphalopathie – surinfection bactérienne • Dissémination du virus: foie, surrénales... Varicelle grave de l ’enfant immunocompétent • Facteurs de risque de varicelle grave: – l ’âge < 5 ans • nourrisson < 1 an: mortalité X 4 – adolescent (formes cutanées étendues) – Adulte • Contamination intra familiale: augmentation du nombre de lésions, des SG et des surinfections dans les cas secondaires Surinfections bactériennes de la varicelle • Les plus fréquentes: 1 à 4% • Dues quasi exclusivement à 2 germes, souvent producteurs de toxines: – Staphylococcus aureus – Streptococcus pyogenes • La varicelle gangreneuse (varicella gangrenosa) Varicella gangrenosa Surinfections bactériennes de la varicelle • Cellulites (dermo hypodermites) • Fasciite nécrosante – Complication gravissime de la varicelle – Streptocoque hémolytique toxines+ – Peau erythèmateuse, chaude,douloureuse – Extension œdème, peau sombre, tr de la sensibilité, syndrome des loges – Etat septique grave et syndrome de choc toxique streptococcique Fasciite nécrosante Les maladies toxiniques • Varicelle: cause essentielle des syndromes choc toxique staphylococcique (TSST-1) et streptococcique (ETA et ETB) • Syndrome de défaillance polyviscérale à début brutal avec fièvre, rash cutané, desquamation, langue framboisée, vomissements, diarrhée, conjonctivite, hypotension • Streptococcique: mortalité: 50% Maladies toxiniques: syndrome de la peau ébouillantée SSSS sur varicelle Complications neurologiques • 2° rang, 20% des causes d ’hospitalisation • Cérebellite (1/4000): bénigne • Méningoencéphalite (1/40 000) – adulte et nourrisson – 2 à 6 jours après éruption: post infectieuse – habituellement bénigne en 2 à 3 jours. Mais mortalité 5 à 18%. Séquelles possibles Pneumopathies • Adulte et nourrisson < 6 mois • Dans les 3 jours suivant l ’éruption (1-7j) • Fièvre, toux, hémoptysies, douleurs thoraciques, dyspnée • Pneumopathie intersticielle hypoxémiante • Peut évoluer vers un SDRA nécessitant un réanimation respiratoire agressive • Mortalité élevée. Pas des séquelles Thromboses vasculaires • Purpura fulminans de la varicelle: – phase de convalescence – gangrène localisée des edxtrêmités – syndrome de CIVD • Thromboses de l ’artère centrale de la rétine • Thromboses artérielles cérébrales: hémiplégie plusieurs semaines après la varicelle, souvent régressive • Autres... « purpura fulminans » de la varicelle Thrombose du sinus longitudinal supérieur sur varicelle Nécrose cérebelleuse Thrombose du tronc basilaire au décours d ’une varicelle La rougeole • Maladie éruptive due à myxovirus • Maladie grave: lourde mortalité dans les pays du tiers monde, complications fréquentes et sévères dans les pays développés, dominées par l ’encéphalite Rougeole dans le monde et en Europe • Touche plus de 30 millions d’enfants/an • Principale cause de décès par maladie à prévention vaccinale: 875 000 décès/ an • Estimations Europe 2000 (Murray CJL WHO 2001): – 959 000 cas – 7 000 décès • Pays où rougeole ± éliminée: Finlande, Suède, Norvège, Pays Bas • Pays avec épidémies: Italie (2002), Suisse (2003) Les conséquences d’une couverture vaccinale insuffisante http://www.invs.sante.fr/surveillance/rougeole/default.htm La rougeole revient! Epidémiologie de la rougeole • • • • Endémo épidémique Incidence maximale au printemps Rare avant 6 mois Contamination directe (sécrétions), haute contagiosité, maximale en phase d ’invasion • Incubation 10 jours Invasion 3-4 jours Fièvre élevée Toux +++ Catarrhre oculo-nasal Faciès « rougeoleux » Signe de Köplick L ’eruption Débute 14 jours après le contage Derrière les oreilles, descendante Maculo-papules avec intervales de peau saine Fièvre et toux « Poumon rougeoleux » Poly ADP Desquamation fine Les encéphalites de la rougeole • Encéphalite aigüe:1/1000 – 2 à 7 jours après l ’éruption – mécanisme immuno allergique – grave: mortalité 30% Séquelles+++ • Panencéphalite subaiguë sclérosante – complication tardive (mois à années) – démence rapidement progressive mortelle en quelques mois • Forme intermédiaire (ID) Autres complications • Neurologiques – méningite lymphocytaire – myèlites aiguës • Surinfections bactériennes – otites - laryngo trachéites – bronchopneumonies – staphylococcie pleuro pulmonaire – kératites • Purpura thrombopénique Diagnostic • Actuellement recommandé (rareté, nécessité contrôle efficacité vaccinale, mesures prophylactiques) • Inhibition hémagglutination – IgM sérique • A partir de prélèvements salivaires: IgM, PCR • Culture du virus (gorge, urines) nécessaire pour génotypage • Maladie à déclaration obligatoire Traitement • Curatif – petits moyens… – antibiothérapie des surinfections • Préventif – Prophylaxie primaire: la vaccination. Calendrier vaccinal 2005 – Prophylaxie secondaire: sujets contacts Rubéole • Maladie éruptive due à myxovirus • Maladie habituellement bénigne. Le problème: la rubéole congénitale • Transmission directe • Epidémies printanières • Confère une immunité définitive Clinique • Incubation: 16 jours • Invasion: 1 - 2 jours – fièvre, malaise • Éruption – débute au visage et s ’étend. Respecte les extrémités – morbilliforme sur le tronc, scarlatiniforme sur les membres. Une seule poussée – Durée: 2 - 3 jours, pas de desquamation Clinique • Adénopathies cervicales postérieures: 1 à 3 semaines • Fièvre variable, rarement élevée • Complications – Arthrites – Purpura thrombopénique – Encéphalites – Méningites lymphocytaires, myèlite, névrite optique, PRN Diagnostic • La seule certitude diagnostique est microbiologique, souvent indispensable en raison des conséquences • La réaction d ’inhibition de l ’hémagglutination avec recherche d ’IgM est la technique rapide accessible partout • PCR • Culture du virus possible Rubéole congénitale • Infection 1°trimestre grossesse • Avortements • Syndrome de rubéole congénitale malformative – Lésions oculaires: cataracte, microphtalmie, glaucome, – Surdité de perception – Persistance canal artériel, RP – Microcéphalie, retard mental – Hypoplasies, agénésies dentaires, micrognatie • Formes évolutives (thrombopénie, méningite, hépatite…): décès: 20%, séquelles lourdes (retard psychomoteur) Gregg NM, 1941 La scarlatine • Maladie infectieuse et contagieuse liée au Streptocoque hémolytique du groupe A • Maladie toxinique due à la toxine érythrogène du streptocoque: 3 toxines (A, B et C), sans immunité croisée • Encore fréquente mais formes frustes habituelles • Transmission directe Clinique • Incubation: 3-5 jours • Invasion: – – – – – – – fièvre atteinte de l ’état général dysphagie intense tachycardie angine érythèmateuse Adénopathies cervicales pointe de la langue dépapillée L’éruption • Exanthème – débute aux troncs et racines – s ’étend au reste du corps et au visage – aspect granité sans intervalle de peau saine – durée: 6 jours • Enanthème: langue framboisée • Desquamation: 10°jour -> >2 semaines – lambeaux membres (doigt de gant) – fine tronc et face Langue dépapillée Desquamation en « doigt de gant » Diagnostic différentiel • Syndrome de Kawasaki – nourrisson- chéilite, conjonctivite – prolongation - inefficacité des ATB – anévrysmes coronariens • Scarlatine staphylococcique – staphylocoque producteur de toxines (entérotoxines, TSST-1) – Tableau septicémique – Foyer infectieux (ostéo articulaire, cutané) Diagnostic biologique • Leucocytose à polynucléaires • Isolement du streptocoque: – culture: pas toujours positive (date) – test de diagnostic rapide du streptocoque – problème du portage • Anticorps antistreptococciques (ASL, ASH, ASK, streptodornases) Traitement • Préventif: isolement. Eviction scolaire non nécessaire si traitement antibiotique • Curatif: cf angines – référence: amoxicilline 50 mg/kg 6jours – alternatives: céphalosporines (cefpodoxime, cefuroxime axétil) 4 jours,macrolides si sensibilité démontrée – surveillance urinaire: utilité actuellement discutable Erythème polymorphe et Stevens Johnson • Erythème polymorphe – Maculo- papules rouges foncées en cocardes surtout sur les membres – Peu de signes généraux • Syndrome de Stevens Johnson – – – – – – Bulles Atteinte péri- orificielle : bouche (croûtes), anus, génitales, urêtre Conjonctivite – urèthrite Difficultés alimentaires- Fièvre – Atteinte EG Complications oculaires Etiologie: Mycoplasma pneumoniae – herpes – entérovirus streptocoque Syndrome de Stevens Johnson Erythème noueux • Dermo- épidermite nodulaire • Face d’extension des membres • Causes: – Médicamenteuses – Streptocoque – Tuberculose – Pasteurellose – Maladie des griffes du chat Erythème noueux Megalérythème épidémique • • • • • Parvovirus B19 Enfants 5-12 ans- épidémies scolaires Incubation: 15 jours Invasion: fébricule Eruption – Exanthème en aile de papillon – 3-4 jours – Érythème marginé des membres: aspect déchiqueté et en guirlande. Propagation des racines vers les extrémités • Récurrences • Durée: 10 jours à 3 semaines • Problème: la femme enceinte (anasarque foetoplacentaire) Mégalérythème épidémique Fièvre boutonneuse méditerranéenne • • • • Rickettsia conori. Tique du chien Sud de le France. Période estivale Incubation: silencieuse – 1 semaine Invasion: 3-4 jours – Fièvre brutale 39°- 40° – Courbatures – abattement • Eruption: – macules séparées – Atteinte palmo- plantaire – Puis papules Fièvre boutonneuse méditerranéenne • Evolution: durée 7-8 jours • Complications: exceptionnelles – Myocardites – Méningites • Diagnostic: sérologie – IF • Traitement: tétracyclines Fièvre boutonneuse méditerranéenne Syndrome main- pied- bouche • Coxsackie (A16) • Exanthème vésiculeux – Bouche – Sillons interdigitaux, face latérale mains et pieds • Evolution bénigne Syndrome main- pied- bouche Acrodermatite papuleuse • Syndrome de Gianotti- Crosti • Infection à VHB (ou autres virus de hépatites) • Eruption papuleuse membres et face, respectant le tronc • Atteinte hépatique inconstante: transaminases élevées, ictère exceptionnel • HBS Ag pas toujours présent Acrodermatite papuleuse Roséole infantile • HSV6 • Epidémiologie – Ubiquitaire mais n’entraîne pas toujours un exanthème subit – Sporadique – Presque toujours avant 2 ans (6-18 mois) Roséole infantile • Clinique – – – – Fièvre élevée, bien supportée 3 jours Œdème palpébral – fontanelle tendue Défervescence brutale Eruption tronc (dos), « fleur de pêcher », fugace • Hémogramme: granulopénie • Complications: – Convulsions – Encéphalites: rares Roséole Infantile Autres maladies éruptives • • • • Adénoviroses Mononucléose infectieuse Maladie des inclusions cytomégaliques Toxoplasmose Syndrome de Kawasaki • • • • Décrite pour la première fois par Kawasaki en 1967 : syndrome adénocutanéomuqueux de Kawasaki ou maladie de Kawasaki Fièvre éruptive du nourrisson Vascularite systémique la plus fréquente du jeune enfant Redoutée pour ses complications cardiaques potentiellement mortelles : 1ère cause de cardiopathie acquise de l'enfant Étiologie inconnue malgré nombreuses recherches. Origine infectieuse probable mais non démontrée Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Laupland KB, Dele Davies H. Pediatr Cardiol. 1999 May-Jun;20(3):177-83. CRITERES DIAGNOSTIQUES Association fièvre + 4/5 critères suivants : 1 - exanthème polymorphe du tronc 2 - conjonctivite bilatérale bulbaire 3 - atteinte des lèvres ou de la cavité buccale 4 - atteinte des extrémités 5 -une ou plusieurs adénopathies cervicales non suppuratives de diamètre > 1,5 cm Présence d'anévrysmes coronariens : critère majeur de diagnostic Diagnostic Guidelines for Kawasaki disease. American Heart Association Committee of Rheumatic Fever, Endocarditis, and Kawasaki Disease. Am J Dis Child 1990; 144 (11): 1218-9. Furukawa. Eur. J. Dermatol 1995; 5: 549-57 Les critères • Exanthème très polymorphe survenant entre le 1er et le 5ème jour, localisé principalement au tronc et fréquemment au siège L’exanthème avec desquamation de la région périnéale est un signe évocateur et précoce du syndrome de Kawasaki Kawasaki T. Jpn J Allergol 1967; 16: 178. Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Wortmann DW. 1992; 11: 37-47. Les critères • Conjonctivite bilatérale et contemporaine de la fièvre (90 % des cas), à type d'hyperhémie, atteignant la conjonctive bulbaire, non purulente Kawasaki T. Jpn J Allergol 1967; 16: 178. Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Wortmann DW. 1992; 11: 37-47. Les critères • Signes buccopharyngés : stomatite non érosive, pharyngite, langue framboisée, chéilite avec lèvres rouges et fissurées Kawasaki T. Jpn J Allergol 1967; 16: 178. Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Wortmann DW. 1992; 11: 37-47. Les critères • Atteinte ganglionnaire, plus rare, touchant les aires cervicales et pouvant se traduire par un torticolis (pseudo adéno-phlegmon cervical) Kawasaki T. Jpn J Allergol 1967; 16: 178. Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Wortmann DW. 1992; 11: 37-47. Les critères •Atteinte des extrémités – A la phase précoce : œdème douloureux palmoplantaire parfois érythémateux – A la phase tardive : desquamation fine palmoplantaire ou péri-pulpaire (3ème semaine) Kawasaki T. Jpn J Allergol 1967; 16: 178. Gersony WM. JAMA 1991; 265: 2699-2703. Wortmann DW. 1992; 11: 37-47. Biologie • • • • Aucune spécificité Leucocytose à PN habituelle Syndrome inflammatoire: VS, CRP Hyperplaquettose évocatrice mais tardive EVOLUTION – amélioration clinique rapide : • disparition de la fièvre et amélioration de l'état général dans les heures suivant les perfusions d’IgIV • Correction du syndrome inflammatoire et de l'hyperleucocytose dans les jours suivant le début du traitement Mc Crindle BW. Pediatr. Res. 2000. 47 : 544-8. Complications cardiovasculaires • Précoces: myocardite – péricardite • Secondaires (2°- 3° semaines): anévrismes surtout coronaires mais aussi autres vaisseaux. Incidence environ 20%, recherche systématique par écho cardiographie. Peuvent – – – – Régresser Persister: cardiopathie ischémique Se rompre Se thromboser PRONOSTIC Lié à la précocité du traitement : Le diagnostic doit être porté avant le 7ème jour afin de débuter précocement le traitement par les IgIV à fortes doses, seul traitement actuellement capable d'éviter la constitution d'anévrysmes, en particulier des artères coronaires PRONOSTIC • Taux de mortalité globalement faible (de l’ordre de 1%), plus élevé à la phase aiguë surtout chez le garçon et le nourrisson de moins de six mois (le plus fréquemment dû à une maladie cardiaque) • Taux de mortalité identique à la population générale après la phase aiguë Nakamura Y, Yanagawa H, Kato H. J Pediatr 1996; 128: 75-81. LE TRAITEMENT Repose sur : • L’administration précoce de fortes doses d ’IgIV qui vise à réduire les symptômes et complications résultants du processus inflammatoire aigu associé à la maladie. Posologie: 2g/kg en 1 dose ou 1g/kg en 2 doses (meilleur que 400mg/kg/j pendant 4-5 jours) • En association à de l’acide acétylsalicylique (AAS) à fortes doses (100mg/kg/j) pour ses effets anti-inflammatoires et anti-thrombotiques, en phase aiguë. Leung DYM, Meissner HC, Schlievert PM. Curr Opin Infect Dis 1997; 10: 226-32. LE TRAITEMENT • Dans la phase de convalescence, les IgIV sont associées à de l’AAS à dose antiagrégante plus faible (10mg/kg/j). • Durée variable selon qu’il existe ou non une atteinte cardiaque