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• La colonisation européenne (vers 1850-1939)
CHAPITRE 7
A. Présenter les documents (nature, date, auteur)
B. Dégager des informations des documents
1. Quels sont les arguments des libéraux contre la
colonisation ? (doc. 1)
2. Quels sont les arguments de Jules Ferry en faveur
de la colonisation ? (doc. 2)
3. Quelles sont les critiques dirigées contre la politique
de Jules Ferry en 1885 ? (doc. 3)
4. Quels sont les pays colonisateurs ? Comparer l’évolution
de la taille des empires coloniaux aux trois dates. (doc. 4)
5. Comment sont présentés les Italiens et les indigènes ?
Comment la colonisation de la Tripolitaine est-elle justifiée ?
(doc. 5)
6. Quel est le point de vue de Karl Marx sur la colonisation
de l’Inde par les Britanniques (doc. 6)
C. Mettre en relation les documents
7. Montrer comment et pourquoi les opinions européennes
se sont ralliées peu à peu à la colonisation.
D. Synthèse
8. Quels arguments sont utilisés pour justifier
la colonisation ?
QUESTIONS
3 Clemenceau et la colonisation
Races supérieures, races supérieures, c’est bientôt dit. Pour ma
part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants
allemands démontrer scientifiquement que la France devait
être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le
Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce
temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner
vers un homme et vers une civilisation et de prononcer :
homme ou race inférieures. […] C’est en augmentant inces-
samment les charges du budget que vous prétendez vous
ouvrir des débouchés, alors qu’il y a d’autres nations à côté de
nous qui, n’ayant pas fait la dépense de ces expéditions colo-
niales, entrent en lutte avec nous sur le terrain même que nous
avons choisi. Comme elles ont des budgets qui ne sont pas
grevés des frais de ces expéditions, elles nous font une concur-
rence redoutable et nous enlèvent le commerce jusque dans
nos propres marchés. Nous faisons la police pour elles et nous
montons la garde pour qu’elles puissent commercer en toute
sécurité et gagner de l’argent à nos dépens. Lors donc que,
pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au bout
du monde, lorsque vous dépensez des centaines de millions,
lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce
résultat, vous allez directement contre votre but : autant
d’hommes tués, autant de millions dépensés, autant de charges
nouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment.
Clemenceau discours à la chambre des députés, 31 juillet 1885.
3
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Pour ou contre la colonisation ?
DOSSIER
Vers 1850, les colonies sont encore peu nombreuses et
seul le Royaume-Uni possède alors un empire colonial
de grande taille. Les économistes libéraux sont peu
favorables à la colonisation, que l’on accuse de coûter
plus cher qu’elle ne rapporte. C’est surtout après 1870
que les puissances européennes se lancent dans la
colonisation. Le redémarrage des conquêtes coloniales
entraîne un débat parmi les opinions publiques.
Ces dernières se rallient majoritairement aux conquêtes
coloniales à partir des années 1890. Des groupes de
pression (en France, le « parti colonial ») rassemblent
des députés de tous les partis, des industriels, des
membres de l’Église pour appuyer le développement
des empires coloniaux.
Les libéraux contre la colonisation
Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peu-
ples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple
commerçant doit désirer qu’ils soient tous indépendants, pour
qu’ils deviennent tous plus industrieux et plus riches ; car plus
ils sont nombreux et productifs, et plus ils présentent d’occa-
sions et de facilités pour les échanges. Ces peuples alors devien-
nent pour vous des amis utiles, et qui ne vous obligent pas de
leur accorder des monopoles onéreux, ni d’entretenir à grands
frais des administrations, une marine et des établissements mi-
litaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on sera
honteux de tant de sottises, et où les colonies n’auront plus
d’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places
lucratives, le tout aux dépens des peuples.
J.-B. Say, Traité d’économie politique, 1825.
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Karl Marx et la colonisation de l’Inde
L’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l’une
destructrice, l’autre régénératrice – l’annihilation de la vieille
société asiatique et la pose des fondements matériels de la so-
ciété occidentale en Asie.
Arabes, Turcs, Tatares, Moghols, qui envahirent successive-
ment l’Inde furent bien « hindouisés ». Les conquérants bar-
bares étaient par une loi éternelle de l’histoire, conquis
eux-mêmes par la civilisation supérieure de leurs sujets. Les
Britanniques étaient les premiers conquérants supérieurs et
par conséquent inaccessibles à la civilisation hindoue. Ils la dé-
truisirent en détruisant les communautés indigènes, l’industrie
indigène et en nivelant tout ce qui était grand et élevé dans la
société indigène. […]
L’unité politique de l’Inde, […] imposée par l’épée britannique
va maintenant être affermie et perpétuée par le télégraphe
électrique. L’armée indigène organisée et entraînée par le ser-
gent-instructeur britannique était le sine qua non de l’Inde s’é-
mancipant et de l’Inde cessant d’être la proie du premier intrus
étranger. La presse libre, introduite pour la première fois dans
la société asiatique, et gérée principalement par la commune
progéniture d’Hindous et d’Européens, est un nouvel et puis-
sant agent de reconstruction. Les natifs de l’Inde, éduqués, en-
core qu’avec mauvaise grâce et parcimonie, à Calcutta, sous la
tutelle anglaise, sont en train dé former une classe nouvelle,
douée des aptitudes requises au gouvernement et imbue de
science européenne. […] Le jour n’est pas bien loin où, par une
combinaison de chemins de fer et de bateaux à vapeur, la dis-
tance entre l’Angleterre et l’Inde, mesurée par le temps, sera
réduite à huit jours, et où cette contrée jadis fabuleuse sera pra-
tiquement annexée au monde occidental.
K. Marx, « Les résultats éventuels de la domination britannique en Inde »,
article dans le New York Daily Tribune, 8 août 1853.
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Jules Ferry justifie sa politique coloniale
La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des
échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans
un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est là
un problème extrêmement grave. Il est si grave […] que les
gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époque
où ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé et
peut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. […] Il
faut chercher des débouchés…
II y a un second point que je dois aborder […] : c’est le côté hu-
manitaire et civilisateur de la question… Les races supérieures
ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour
elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le
devoir de civiliser les races inférieures. […]
Il n’y a pas de compensation […] pour les désastres que nous
avons subis [mais] est-ce que le recueillement qui s’impose aux
nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en
abdication ? […]
Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique
d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire,
à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie,
celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette poli-
tique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur la-
quelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à
savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer,
sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres
de ravitaillement. […] Rayonner sans agir, sans se mêler aux af-
faires du monde, […] c’est abdiquer, et, dans un temps plus
court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier
rang au troisième et au quatrième…
J. Ferry, discours à la chambre des députés, 28 juillet 1885.
2
La conquête de la Tripolitaine par les Italiens
vue par Le Petit Journal du 15 octobre 1911.
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4
La taille des empires coloniaux européens
de 1880 à 1938.
1880
en millions de km
2
Royaume-Uni
France
Pays-Bas
Espagne
Portugal
Allemagne
Belgique
Italie
22,540
0,728
0,421
0,420
0,188
-
-
-
1913
32,325
9,707
2,066
0,334
0,822
2,95
2,35
2,0-
1938
33,624
12,115
2,070
0,334
0,93
-
2,40
3,425
D’après Bouda Etemad, La possession du monde, Complexe, 2000.
7
Un argument souvent utilisé pour justifier
la colonisation : la mission civilisatrice de l’Europe.
Sœurs missionnaires en Chine au début du XX
e
s.