Lire Proust avec, ou contre, Wittgenstein
Pierre Cassou-Noguès
Mon but initial :
Etudier, sur le cas de Proust, comment deux lecteurs français de
Wittgenstein, parmi les plus anciens, V. Descombes et J.
Bouveresse s'attaquent à la littérature
Montrer qu'ils mesurent la littérature à un critère extérieur à elle, à
savoir la réalité de la vie (pour Bouveresse) ou des jeux de
langage extérieurs à la littérature, figés et montrant une fois pour
toutes le non sens de certaines conceptions philosophiques.
De sorte que la littérature est alors « l'éclaircissement »,
«l'approfondissement » de certaines circonstances, ou façons de
parler, obscures dans la vie ordinaire.
Alors qu'elle peut selon moi représenter un extension des jeux du
langage ordinaire ouvrant des situations « extra-ordinaires », où
prennent sens des problèmes philosophiques qui n'en auraient pas
dans les circonstances ordinaires.
Donc lire littérature en prenant Wittgenstein à contre-pied.
I. Le lecteur de cerveau
Comment imaginer un lecteur de cerveau ? Comment l'imaginer
donc apparaître ? Ce qui n'est pas uniquement (essentiellement
une question scientifique) ?
Dans quelles circonstances pourrait-on vouloir un lecteur de
cerveau ?
La « sécurité » et la jalousie
Dans La Prisonnière, le narrateur rêve de pouvoir saisir la pensée
d'Albertine dans, ou derrière, son visage d'Albertine. Il rêve d'une
pensée intérieure, qui serait visible, et compréhensible de
l'extérieur et n'est que cachée.
« Dans ses yeux, je voyais passant tantôt l'espérance, tantôt le
souvenir, peut-être le regret de joies que je ne devinais pas,
auxquelles dans ce cas elle préférait renoncer plutôt que de me les
dire, et que, n'en saisissant que cette lueur dans ses prunelles, je
n'apercevais pas davantage que le spectateur qu'on n'a pas laissé
entrer dans la salle et qui collé au carreau vitré de la porte ne peut
rien apercevoir de ce qui se passe sur la scène. » (P(B) 306)
Pourtant, dans le volume qui suit, le narrateur propose une analyse
tout à fait différente de cette pensée intérieure : dans le théâtre
intérieure, la pièce serait incompréhensible pour le spectateur
« Ce que j'appelais penser à Albertine c'était penser aux moyens
de la faire revenir, de la rejoindre, de savoir ce qu'elle faisait. De
sorte que si, pendant ces heures de martyre incessant, un
graphique avait pu représenter les images qui accompagnaient ma
souffrance, on eût aperçu celles de la gare d'Orsay, des billets de
banque offerts à Mme Bontemps, de Saint-Loup penché sur le
pupitre incliné d'un bureau de télégraphe où il remplissait une
formule de dépêche pour moi, jamais l'image d'Albertine »
(F(B) 379)
1 / 34 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !