La Médecine Nucléaire Thérapeutique Dr Claire Bournaud, Centre de Médecine Nucléaire, Lyon Principe de la radiothérapie métabolique -1La radiothérapie métabolique utilise le rayonnement émis par les radioéléments pour détruire des cellules cibles de tissus pathologiques. Synonymes : radiothérapie interne radiothérapie vectorisée Elle s’applique principalement au traitement des cancers. L’isotope le plus utilisé est l ’iode 131 Principe de la radiothérapie métabolique -2- Provoquer une irradiation localisée des tissus à détruire - En amenant au plus près de ces tissus de la radioactivité molécule vectrice spécifique du site à irradier rayonnement à faible rayon d’action contact tissu-radioactivité suffisamment long dépôt d ’énergie suffisant Effets biologiques des radiations ionisantes -1- Ils résultent du transfert d’énergie à la matière Actions sur les systèmes enzymatiques Actions sur l ’ADN : rupture d ’1 ou des 2 brins d ’ADN altérations des bases altérations des sucres modifications de la structure de la molécule d ’ADN conséquences chromosomiques Effets biologiques des radiations ionisantes -2Mécanismes de réparation de l ’ADN irradiation lésion excision par une endonucléase excision par une exonucléase repolymérisation soudure Effets biologiques des radiations ionisantes -3Réparation de l ’ADN fautive fidèle élimination cellule mutante Effets biologiques des radiations ionisantes -4- Effets cellulaires d’une irradiation : Mort cellulaire immédiate différée Altération des fonctions cellulaires Effets biologiques des radiations ionisantes -4- Utilisation en Médecine Nucléaire Isotope le plus souvent utilisé : Iode 131 gamma 360 KeV scintigraphie bêta moins thérapeutique T = 8 jours peut être couplé à un vecteur (molécule spécifique de l’organe à cibler) Pathologie thyroïdienne L’iode est utilisé pour la synthèse des hormones thyroïdiennes iode T4 T3 captation organification I2 synthèse protéique Tg iodation de la Tg Utilisation pour le traitement des cancers des hyperthyroïdies Tg T4 T3 Pathologie thyroïdienne bénigne Maladie de Basedow - 1ère cause d’hyperthyroïdie - prédominance féminine (prévalence 1,9% contre 0,4% chez l’homme) - prédisposition génétique - maladie auto-immune : anticorps stimulant le récepteur de la TSH - association possible à d’autres maladies auto-immunes thyrotoxicose + goitre + exophtalmie Pathologie thyroïdienne bénigne Les nodules hypersecrétants • Adénome toxique et goitre nodulaire toxique Nodule thyroïdien toxique = hyperfonctionnel autonome = échappant au contrôle hypophysaire thyrotoxicose + nodule(s) Scintigraphie : nodule(s) hyperfixant(s), extinction du reste de la glande Pathologie thyroïdienne bénigne • But du TTT : destruction des cellules qui secrètent en excès les hormones thyroïdiennes • Principes thérapeutiques : TTT médical (les antithyroïdiens) Basedow long (18 mois); rechute dans 50% des cas Chirurgie (thyroïdectomie totale ou lobectomie) risques de la chirurgie hypothyroïdie certaine Iode 131 administration facile, faible coût hypothyroïdie parfois tardive Pathologie thyroïdienne bénigne • Objectifs du TTT par iode 131: — éradiquer l’hyperthyroïdie — éviter les récidives — éviter l’hypothyroïdie (??) • Calcul de la dose à administrer : — dépend de l ’intensité de fixation — dépend de l ’homogénéité de fixation … • Dose absorbée par le tissu thyroïdien nécessaire à l ’efficacité du traitement : — 50 à 200 Gy pour le Basedow (200 - 600 MBq) — 300 à 400 Gy pour l ’adénome toxique (370-740 MBq) Pathologie thyroïdienne bénigne Risques de l ’iode 131 • Risque théorique génétique, dégénératif • Aggravation précoce et transitoire de l’hyperthyroïdie par effet de destruction des cellules thyroïdiennes libération des stocks d ’hormones thyroïdiennes prévenu par préparation avec les ATS • Majoration d ’une orbitopathie préexistante concerne la maladie de Basedow prévenue par une corticothérapie • Hypothyroïdie précoce, par inertie thyréotrope, pouvant être réversible tardive, irréversible surveillance du bilan thyroïdien INDISPENSABLE Cancer Thyroïdien Classification Cancers développés à partir de cellules thyroïdiennes * Cancers différenciés - Cellules folliculaires : Kc papillaire Kc vésiculaire - Cellules C : Kc médullaire * Cancers indifférenciés cancer anaplasique Lymphomes Métastases Les Kc différenciés de souche folliculaire sont les seuls à exprimer le transporteur d’iode Cancer Thyroïdien Principes de prise en charge Circonstances diagnostiques nodule thyroïdien (le plus souvent) ganglion cervical métastase à distance Démarche diagnostique TSH (pour éliminer un nodule toxique) Cytoponction à l’aiguille fine si cancer ou douteux ……… chirurgie Principes du traitement - Chirurgie : Thyroïdectomie totale parfois associée à un curage ganglionnaire - Traitement isotopique - Traitement freinateur par L-Thyroxine Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -1Objectifs et intérêts théoriques faciliter le suivi (destruction des résidus de tissu thyroïdien) diminuer les risques de récidives et de mortalité par cancer dépister (et traiter) les métastases éventuelles Le bénéfice de la totalisation isotopique n’est pas démontré pour les tumeurs à très faible risque de rechute Très faible risque <1 cm N0, M0 chirurgie complète Pas d’iode Faible risque T1 > 1 cm T2 Nx…… Indication probable Haut risque T3, T4 N1, M1 chirurgie incomplète Indication formelle d’iode Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -2- Stimulation préalable par la TSH arrêt du traitement freinateur (L-Thyroxine) depuis 4 semaines ou stimulation exogène par TSH recombinante (Thyrogen) car l’expression du transporteur d’iode est TSH-dépendante Choix de l’activité administrée forfaitaire calculée en fonction du volume tumoral de la captation thyroïdienne TTT des métastases : 100 - 200 mCi Totalisation : 30 – 100 mCi Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -3Étude prospective randomisée, n = 509 Exclusion des métastases, des sous-types histologiques agressifs Contrôle à 6 mois : Tg, scintigraphie diagnostique Taux d’ablation (%) p = 0,006 100 80 60 40 20 0 15 20 25 30 35 40 45 50 Activité d’iode 131 administrée (mCi) Bal et al., JCEM 2004 Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -4- - Hospitalisation en milieu protégé - Chambre « plombée » - Visites non autorisées - Toilettes reliées à des cuves de décantation (décroissance radioactive des déchets) - Durée 3 à 5 jours - Vérification de l’irradiation avant la sortie Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -5Mesures permettant de limiter l’irradiation extra-thyroïdienne - Protection des glandes salivaires boissons citronnées - Protection de la muqueuse digestive régime sans résidu laxatifs - Protection de la vessie boisson abondantes Cancer Thyroïdien Traitement isotopique -6Scintigraphie post-thérapeutique - 3 à 5 jours après la dose - Balayage lent : 15-20 cm/min - Collimateur haute énergie (gamma = 360 KeV) - Sortie sur films simples en niveaux de gris - Clichés statiques complémentaires à la demande du médecin Cancer Thyroïdien Résidu Cervical Cancer Thyroïdien Résidu Cervical Cancer Thyroïdien Métastase Osseuse Cancer Thyroïdien Métastases Pulmonaires Cancer Thyroïdien Surveillance Examen clinique Bilan Thyroïdien vérifier que la dose de L-Thyroxine est adaptée Dosage de THYROGLOBULINE d’iode synthétisée uniquement par les cellules thyroïdiennes doit être indétectable après chirurgie complète et dose son augmentation indique la présence de tissu thyroïdien et justifie des examens complémentaires (echo, TDM, …) Scintigraphie corporelle à l’iode 131 après stimulation de la TSH (Thyrogen ++) « blanche » en l’absence de récidive MIBG-131I Méta-iodo-benzyl-guanidine - Dérivé de la guanétidine - Précurseur des catécholamines (noradrénaline) - Captée par les terminaisons adrénergiques et les dérivés de la crête neurale MIBG-131I ou 123I très bon traceur pour le bilan d’extension des tumeurs dérivées de la crête neurale (paragangliome, neuroblastome, phéochromocytome) MIBG-123I Métastases multiples d’un phéochromocytome malin MIBG-131I Traitement palliatif le plus souvent efficacité anti-tumorale ? efficacité sur les symptômes anti-secrétoire (baisse TA) antalgique Dose thérapeutique de 100 à 150 mCi de MIBG-131I forfaitaire renouvelable En milieu hospitalier Après blocage de la thyroïde par Lugol fort Surveillance NFP (surtout si métastases osseuses) Les tumeurs endocrines Localisation principalement gastro-entéro-pancréatique ORL peau … Particularité expression des récepteurs de la somatostatine Scintigraphie diagnostique à l’octréotide analogue des récepteur de la somatostatine marqué à l’indium 111 Les tumeurs endocrines exemples de scintigraphies à l’Octreoscan Les tumeurs endocrines TTT par Octreoscan radiomarqué In 111 émetteur gamma et électron Auger période physique 2.8 jours marquage facile mais faible rayon d’action (10 microns) Seul disponible à ce jour Bonne tolérance Efficacité limitée réponse clinique 2/3 cas réponse biologique 2/3 à 3/4 cas réponse tumorale faible Les tumeurs endocrines TTT par Octreoscan radiomarqué M. L…, 60 ans - Tumeur endocrine du pancréas découverte au stade métastatique - TTT par 6 cures d’Octreoscan thérapeutique en 2002-2003 - Stabilisation tumorale Octreoscan post-thérapeutique sept 2003 Octreoscan diagnostique janv 2005 Les tumeurs endocrines Perspectives thérapeutiques Nouveaux analogues de la somatostatine Octréotate meilleure affinité pour les récepteurs liaison plus prolongée au récepteur Utilisation d’autres radio-isotopes émetteurs bêta plus large rayon d’action Ytrium 90 Emetteur beta pur Pas de problème de radioprotection … mais pas d’image Toxicité rénale et hémato Lutetium 177 Emetteur beta/gamma 38% de réponses objectives Le cancer médullaire de la thyroïde Développé aux dépens des cellules C Ne capte pas l’iodure Exprime la calcitonine et l’ACE Approche de radioimmunothérapie en deux temps Injection d’un anticorps bispécifique un bras anti ACE (de fixe aux cellules tumorales) un bras anti haptène (libre) 4 à 5 jours plus tard, injection de l’haptène radiomarqué l’haptène se fixe au bras libre de l’anticorps Utilisé pour le diagnostic de rechute Étude multicentrique (Nantes) en cours Le cancer médullaire de la thyroïde TEP 18FDG Scintigraphie aux antiACE Autre exemple de radio-immunothérapie Le TTT des lymphomes Antigène CD20 Radio-immunothérapie des lymphomes * Destruction des cellules tumorales ayant fixé l’AC, mais aussi des cellules de voisinage immédiat - effet cytotoxique direct de l’Ac - induction de mécanismes d’apoptose - cytotoxicité dépendante du complément… * Problème des tumeurs mal vascularisées * Exposition continue à de petites doses de radioactivité d’intensité décroissante Radio-immunothérapie des lymphomes Exemple du Zevalin Indication : Lymphome non Hodgkinien à cellules B, CD+, de type folliculaire, en rechute ou réfractaire après TTT par le Rituximab (immunothérapie). Principe : Ibritumomab Ytrium 90 Yttrium 90 : émetteur bêta pur période 64 heures Modalités : TTT en hôpital de jour sans hospitalisation Radio-immunothérapie des lymphomes Exemple du Zevalin J1 : pré-TTT par le Rituximab Ac monoclonal chimérique anti CD20 non marqué permettant de supprimer les cellules CD20 périphériques (optimise le ciblage ultérieur de l’Ac marqué) J8 : perfusion IV de Rituximab puis perfusion lente de Zevalin-Y90 (dose adaptée au poids et au taux de plq) (maxi 1200 MBq) Surveillance : NFP pendant 12 semaines Traitement des métastases osseuses Traitement palliatif à visée antalgique Métastases osseuses des cancers de prostate Métastases osseuses algiques Effet antalgique durable (jusqu’à 6-8 mois) Nécessité d’une surveillance NFS irradiation médullaire directe Effet rebond transitoire possible Effet anti-tumoral non prouvé Coût +++ Traitement des métastases osseuses Dose : fonction du poids (environ 10 MBq/kg) Traceurs utilisés : Strontium 89 (Métastron) émetteur beta moins Samarium 153-EDTMP émetteur gamma et betacouplé à un dérivé phospaté imagerie scintigraphique possible Rhénium 186-HEDP émetteur gamma et betaimagerie scintigraphique possible