Crise financière, aléa moral et défaillance de la régulation

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Aléa moral, asymétrie d’information
et crise financière
Rouen, le 14 juin 2012
Didier Marteau
Professeur ESCP Europe,
Membre du Conseil Scientifique de
l ’Autorité de contrôle prudentiel (ACP)
Annonce le week-end d’un Plan de
soutien à l’Espagne de 100 milliards
d’euros…CAC40 +2%
Recherche d’informations sur les
détails du Plan et doutes sur son
efficacité…- 2%
2
• Mais qui a compris le mécanisme de prêt de « l’Europe »
à « l’Espagne » …?
–
–
–
–
–
–
Qui prête?
A quel taux d’intérêt?
Sur quelle maturité?
A qui ?
Quel sera l’usage du prêt?
Quel sera l’impact sur l’endettement public de l’Espagne?
3
Heureusement, les réponses précises arrivent dès…mardi !
4
5
Fonds
Etats
de la zone euro
FESF
garanties
Investisseurs
Obligations
garanties
Prêts aux Etats
en difficulté
Etats
6
Nous voilà rassurés: en cas de défaut de
l’Espagne…l’Espagne apportera sa garantie!
7
8
9
•
La crise financière 2007-2008 n’est pas tant le produit de déséquilibres
macro-économiques que de la multiplication de comportements d’aléa
moral sur les marchés financiers et de la défaillance de la régulation. Ne
pas accepter ce diagnostic expose nos économies au risque d’occurrence
d’une crise de même nature.
•
L’origine de la crise est d’ordre micro-économique, les déséquilibres
macro-économiques (déséquilibre général des balances de paiements
courants, excès d’épargne en Asie, politique monétaire américaine
« accomodante »…) ne constituant qu’un cadre favorable à l’éclosion de la
crise.
10
Aléa moral et défaillance de la régulation
« L’aléa moral, l’un des plus grands dangers pour le
capitalisme », affirmait Adam Smith, l’un des pères du
libéralisme
Adam Smith (1723 – 1790)
11
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
Aléa moral et défaillance de la régulation
Aléa moral: comportement de maximisation de l’utilité
individuelle sans prise en compte des conséquences de
ses décisions sur l’utilité des autres agents.
12
Leader’s statement
THE PITTSBURGH SUMMIT
SEPTEMBER 24 – 25 2009
• Reducing the moral hazard posed by systemically
important institutions
• Reforming compensation practices to support financial
stability: excessive compensation in the financial sector
has both reflected and encouraged excessive risk taking.
Reforming compensation policies and practices is an
essential part of our effort to increase financial stability.
• Implementing tougher regulation of over-the-counter
(OTC) derivatives, securitization markets, credit rating
agencies, and hedge funds
• Calling on our international accounting bodies to
redouble their efforts to achieve a single set of high
quality, global accounting standards within the context
of their independent standard setting process
• Building high quality capital and mitigating procyclicality
13
Reducing the moral hazard posed by systemically
important institutions
14
L’aléa moral se nourrit de l’asymétrie d’information
et/ou d’expertise entre deux contreparties:
- Entre le structureur et l’investisseur
-
l’explication de la crise des sub-primes
les prêts structurés aux collectivités locales
- Entre le régulateur et le régulé
- le rôle des normes comptables « mark to market » dans le
développement de la crise financière
- Entre le pouvoir politique et les marchés
- L’exemple du plan d’échange d’obligations entre les
créanciers privés et le Trésor grec
15
I.
Asymétrie d’information entre le structureur et
l’investisseur:
l’origine de la crise des sub-primes
16
Etape 1: crise du crédit sur le secteur des sub-primes
aléa moral et titrisation
17
La crise des subprimes
en 3 chiffres…
 80% des subprimes sont titrisés
(« originate to distribute model »)
 Prêt moyen: 100 000 $
 Structure standard: « 2 ans -28 ans » : 2
ans taux fixe attractif (teaser rate):1%, 28
ans taux variable + spread 5%
Situation
d’aléa moral
Mensualités
2005-2007
2007
100$
1 000$
Défaillance du risk
management
Crise programmée…
Crise non « conscientisée » …par les
Autorités de régulation existantes, dispersées
géographiquement et sectoriellement18
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
La titrisation:
Mais où est « Charlie », alias le crédit de Monsieur X ?
Hedge funds, banques, assurances…
opérant dans des pays à forte capacité d’épargne
C.D.O2
C.D.O
R.M.B.S.
C.D.O.
C.D.O.2
C.D.O.
Banque
Crédit M.X
C.D.O3 ?
S.P.V
Dépôt M.X
Crédit M.X
R.M.B.S
Agences
de
notation,
structureurs et
évaluateurs
(conflit d’intérêt,
aléa moral?)
Asymétrie
d’information
19
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
Aléa moral et titrisation
• La titrisation donnait aussi l’opportunité d’arbitrages
réglementaires…
Banque
SPV
Fonds propres « crédit » Bâle
Crédits
II
dépôts
Crédits
RMBS
FP crédits moins élevés que FP marché
Banque
Fonds propres « marché » Bâle II
RMBS
20
Crise financière, aléa moral et défaillance de la régulation
Etape 1: crise du crédit sur le secteur des sub-primes
défaillance de la régulation
et du contrôle des risques
21
Prix de l’immobilier
03/10/2008
03/07/2008
03/04/2008
03/01/2008
03/10/2007
03/07/2007
03/04/2007
03/01/2007
03/10/2006
03/07/2006
03/04/2006
03/01/2006
03/10/2005
03/07/2005
03/04/2005
03/01/2005
taux d'intérêt 6 mois (%)
L’aléa moral principalement, mais partiellement
la défaillance du risk management…
Taux Libor usd 6 mois
6
5
4
3
2
1
0
Evolution des taux court terme aux Etats-Unis
22
Le hasard moral principalement, mais partiellement
la défaillance du risk management…
23
Pour les Professeurs « allemand première langue »
• remote[rɪˈməut] adj
• 1. éloigné, éloignée, lointain, lointaine,
• 2. (person) distant, distante,
• 3. (possibility) vague ◇ there is a remote possibility that
... il est tout juste possible que ...
24
• One of the more remarkable moments in yesterday’s
Financial Crisis Inquiry Commission came when Jamie
Dimon, the C.E.O. of J.P. Morgan, said that his bank had
never tested its portfolio against the possibility that
housing prices would fall. This was especially telling
when you consider that J.P. Morgan was, of all the big
banks, the one that was least enmeshed in the subprime
market, which suggests that if it didn’t contemplate the
chance that the housing market would crash, it’s
unlikely any of the other banks did, either.
January 14, 2010
The New Yorker
25
L’aléa moral principalement, mais partiellement
la défaillance de la régulation…
26
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
Etape 2: crise de confiance associée à l’opacité
des positions
Printemps 2007,
accélération des défauts
Opacité des
positions
Retrait massif
des investisseurs
Fermeture de
fonds de crédit:
Bear Stearns juin 2007,
BNP-Paribas
août 2007…
27
Etape 3: crise de liquidité
Assèchement du
marché monétaire
Augmentation des
spreads
de liquidité
28
3. Crise de liquidité : rappel de base sur les mécanismes de la
création monétaire (« loans make deposits)
« le fonctionnement du marché du refinancement interbancaire est la condition de l’activité
d’octroi de crédit »
Si le marché monétaire interbancaire
ne fonctionne pas, la Banque Centrale
est contrainte d’apporter 90 de
liquidités
sous peine de mettre la banque 1 en
faillite
Banque Centrale
Open market
11,8
Prêt Banque 1: 12
Réserves obligatoires: 1,8
(besoin structurel
de refinancement
auprès de la
Banque
Centrale)
Volume moyen quotidien
des prêts interbancaires en
période « normale »:
40 – 60 milliards d’euros
Banque 1
Crédit X: 100
Billets: 10
Dépôt X : 100
Marché
Monétaire
Interbancaire
90
(refinancemen
t
hors Banque
Centrale)
Banque 2
Prêt Banque 1 : 90
Dépôt Y : 90
Le marché monétaire français
représente 25% du marché
monétaire de la
zone euro:
refinancement quotidien zone
euro:
200 milliards d’euros 29
3. Crise de liquidité : interventions quotidiennes de la BCE
•
07/10/2008 Fine-tuning operation
The ECB's liquidity forecasts show that a liquidity imbalance of EUR 197
billion is expected today, the last day of the reserve maintenance period.
The ECB will launch a liquidity-absorbing fine-tuning operation today at 3
p.m. with a view to counter this imbalance.
•
06/10/2008 Fine-tuning operation
Today at 3 p.m. the ECB is launching a fine-tuning operation in which it
offers to absorb up to EUR 220 billion at a fixed rate of 4.25%. The
operation will settle today and mature on 7 October 2008.
•
03/10/2008 Fine-tuning operation
Today at 3 p.m. the ECB is launching a fine-tuning operation in which it
offers to absorb up to EUR 220 billion at a fixed rate of 4.25%. The
operation will settle today and mature on 6 October 2008.
etc………………………………..!!!!!!!!!!!!!!!
30
3. Crise de liquidité: l’augmentation des spreads de crédit
et l’hypothèse d’un « convenience yield » inversé
31
3. Crise de liquidité: l’augmentation des spreads de crédit
et l’hypothèse d’un « convenience yield » inversé
32
II. Asymétrie entre le régulateur et le régulé
- le rôle des normes comptables « mark to market »
dans le développement de la crise financière
33
Aléa moral et mode de valorisation comptable
 Les étapes du processus d’accélération comptable de la crise
1. Les normes IFRS imposent aux banques de valoriser leurs actifs de
trading de crédit (obligations, RMBS, CDO, CDS…) à la « juste valeur »
(« fair value »).
2. Dans la logique de l’IASB, la « juste valeur » est d’abord le prix de
marché. Quelle que soit la profondeur du marché, si des prix sont cotés,
ils doivent servir de base à l’évaluation mark to market des portefeuilles
3. En cas de crise majeure de liquidité, les banques sont donc condamnées
à valoriser TOUT leur stock d’actifs sur la base d’un prix associé à un
volume de transactions infime. Il s’ensuit une dépréciation massive de la
valeur des actifs dans les bilans, qui induit une perte comptable venant
réduire le montant des fonds propres et déclenchant le processus procyclique évoqué précédemment.
Nécessité d’un assouplissement des règles comptables en cas de
crise majeure
34
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
Les normes IFRS reposent sur une analyse
économique partiellement erronnée
Prix
Stock d’actifs en
portefeuille
D0
Prix d’équilibre
initial
D1
O1
IFRS valorisent (S – V)
au prix « distressed »
Prix
«distressed»
Volume
traité V
S
Quantité
35
Crise financière – Réponses de l’Eurogroupe
•
Quatre questions théoriques associées à la valorisation « mark to market » (et
non « mark to model »):
1.
Un prix de marché n’est-il pas par nature associé à un volume de transaction?
Deux prix associés à des volumes de transaction différents sont-ils en
conséquence homogènes? Dire « le marché monte » ou « le marché baisse » at-il un sens? Comment prendre en compte le volume dans l’évaluation au « prix
de marché »?
La valorisation « mark to market » doit-elle prendre en compte l’effet du
débouclement du portefeuille sur le prix d’équilibre du marché? Cette hypothèse
est retenue dans les travaux sur la microstructure des marchés.
A partir de quel seuil peut-on dire que le prix n’est plus représentatif du
marché? La liquidité n’étant pas un processus binaire, le marché n’est pas
« liquide » ou « illiquide », il est « liquide » à des degrés différents.
Sur les actifs de crédit, ne peut-on pas chercher à isoler le spread de crédit du
spread de liquidité et proposer un traitement comptable différencié, selon que
l’actif est de pur trading (position sur les taux de l’Etat, le crédit de l’émetteur et
la liquidité du marché) ou n’est pas destiné à une cession immédiate (position
sur les taux de l’Etat et le crédit de l’émetteur uniquement).
2.
3.
4.
Taux d’intérêt = taux Etat + sperad de crédit + spread de liquidité
En cas de crise de liquidité, dont les modalités d’observation restent à définir, le régulateu
ne pourrait-il pas autoriser une « fair value » assise sur un niveau de spread de liquidité
réajusté ? Ne serait-ce pas un moyen de limiter la « procyclicité » du mark to market?
36
Derrière le mark to market…le mark to model
• Le débat théorique théorique sur le « mark to market »
est parfaitement légitime, mais ne saurait en fait cacher
la vraie question posée par la « fair value », qui est celle
du « mark to model », mode de représentation
comptable DOMINANT de la valeur des portefeuilles de
trading (voir rapport J.F Lepetit sur « Le risque
systémique » avril 2010)et estimation peu contrôlable.
37
Tous les actifs de trading détenus par les banques ne
sont pas négociables sur un marché liquide, mais
doivent faire l’objet d’une évaluation comptable à la
« juste valeur ».
Dans ce cas, on substitue au mark to market le mark to
model…
Level 1: actifs négociés sur un marché liquide (mark to
market)
Level 2: actifs non négociés sur un marché liquide et
faisant l’objet d’un mark to model établi sur la
base de paramètres observables
Level 3: actifs non négociés sur un marché liquide et
faisant l’objet d’un mark to model établi sur la
base de paramètres non observables (!!!!!!!!!!!!)
38
Derrière le mark to market…le mark to model
Plutôt que des mots, un tableau…
39
0,02%
98,17%
1,81%
Erreur d’évaluation de 10% sur le portefeuille level 3: 1,55 milliards de
dollars….
Profit de GS mars 2012: 2,07 milliards de dollars….
40
Heureusement des explications scientifiques claires…
41
42
Nous voilà rassurés…
43
Un autre tableau…(rapport Lepetit toujours)
Source: Jean-François Lepetit « Rapport sur le risque systémique » avril 2010
44
Aléa moral et mode de valorisation comptable
Pourquoi les normalisateurs comptables favorisent-ils
l’évaluation des portefeuilles à la « juste valeur »,
associée de manière au moins discutable sur un plan
théorique au seul prix de marché ?
Les instances de normalisation
IASB et FASB sont en réalité
des fondations…en partie financées
par les banques anglo-saxonnes
Référence idéologique
au modèle d’efficience
des marchés de capitaux (Fama 1970)
Le « mark to market » est un mode
de valorisation favorable
aux contrats de bonus des traders
45
Aléa moral
et
contrat de bonus des traders
46
K > 0 ,sait-on jamais
Un bonus est une option d’achat gratuite sur le résultat
d’un opérateur de marché
Si le résultat latent R est positif
il reçoit un gain de k*R
Si le résultat latent est négatif,
le trader ne verse rien
Plus l’amplitude du résultat latent est élevée,
plus la valeur du contrat
de bonus est élevée.
L’évaluation comptable des positions au « prix de marché » est le système de
47
valorisation qui assure la plus grande volatilité du résultat latent
Aléa moral et valorisation du contrat de bonus
Hypothèses:
1. Un contrat de bonus est un call (option d’achat) gratuit
sur le résultat du trader, de prix d’exercice nul.
Le pay-off de l’option est Max [0 , k * X] où k est positif
X est le résultat du trader
2. Le résultat est distribué selon une loi Normale,
d’espérance nulle et volatilité σ.
Valeur du contrat de bonus:
Densité de la loi
Normale
B = k * E[max(0,X]
,
∞
= k * ∫ X * N (X) dX
0
48
Aléa moral et valorisation du contrat de bonus
B = k * E[max(0,X)]
,
∞
= k * ∫ X * N (X) dX
0
∞
= k * ∫ X * [1/(σ√2Π) * exp[(-X/σ)2/2] ] dX
0
∞
= - [ k * 1/(σ√2Π) * σ2 * exp[(-X/σ)2/2 ] ]
0
= - k * σ * (1/√2Π) * [0 – 1 ]
B
= k * (1/√2Π) * volatilité
49
Alea moral et valorisation du contrat de bonus
B
La «
= k * (1/√2Π) * volatilité
Le contrat de bonus
est une fonction
linéaire de la volatilité
La « fair value » est le mode
de représentation comptable
qui
maximise la valeur du contrat
de rémunération des
opérateurs de marché
Exemple: .k = 10%
.Volatilité du résultat: 10 millions d’euros
Bonus = 10% * 0.4 * 10 millions = 400 000 euros
50
III.
Asymétrie d’information entre le pouvoir politique et
les marchés:
L’exemple du plan d’échange d’obligations entre les
créanciers privés et le Trésor grec
51
Effacement de nominal: 53.5% * 207 milliards d’euros = 110 milliards
d’euros
100 (nominal)
31.5 (nominal) d’obligations
de maturité 11-30 ans et coupon
croissant dans le temps
(de 2% à 4.3%)
15 (nominal) de
« notes » de maturité
inférieure à 2 ans
émises par le
FESF
Effacement de nominal [100% - 46.5% = 53.5%]
31.5 (nominal)
d’options
sur le taux de
croissance du PIB
grec
53
55
•
Each participating holder receives detachable GDP‐linked securities of the
Hellenic Republic with a notional amount equal to the face amount of the
new bonds issued to him
• GDP‐linked Securities will entitle their holders to annual payments beginning
in 2015 of an amount up to 1% of their notional amount, provided that:
a) Greece’s nominal GDP exceeds a pre‐defined threshold and
b) the country features positive real GDP
growth in excess of pre‐specified targets
56
57
58
59
60
61
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