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MYASTHENIE ET GROSSESSE : A PROPOS D’UN CAS ET REVUE DE LITTERATURE
EL FAZAZI.H-MEKLAA. A-HAFIDI.R-BENCHAKROUN.K-SALEK.G-BABAHABIB.A-KOUACH.J-MOUSSAOUI.D-DEHAYENI.M
Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Service Gynéco-Obstétrique
RESUME :
La myasthénie est une affection neurologique auto-immune.
L’association d’une myasthénie et d’une grossesse représente une situation à haut risque materno-foetal, nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire. Les auteurs rapportent une observation d’une parturiente myasthénique,à travers
laquelle nous allons tenter de mettre le point sur les differents aspects de cette association, ainsi que les modalitées de prise en charge.
INTRODUCTION
La myasthénie est une maladie neurologique auto-immune touchant
souvent les femmes jeunes, donc en âge de procréer. La prévalence est de
0,25-2 sujets atteints pour 100 000.Le pic de prévalence de la maladie est
entre 20 et 30 ans avec prédominance féminine (SR 2/1) .
La myasthénie est la conséquence d'un blocage de la transmission au
niveau des synapses neuromusculaires par des anticorps anti-récepteurs
nicotiniques de l'acétylcholine. Les muscles lisses qui ont des récepteurs
muscariniques de l'acétylcholine ne sont pas atteints par les anticorps antirécepteurs nicotiniques de l'acétylcholine. La maladie n'a donc pas
d'influence sur la contractilité utérine. Une poussée de la maladie peut
donc se traduire par une augmentation de la fatigabilité à l'effort, des
troubles de la déglutition, des troubles visuels avec ptôsis, ou des
difficultés respiratoires pouvant nécessiter l'hospitalisation dans un
service spécialisé. La surveillance peut se faire par évaluation du score
myasthénique et la mesure de la capacité vitale.
Il convient de connaître les particularités de ces grossesses pour en
assurer la surveillance optimale, en toute sécurité pour la mère comme
pour l'enfant. En effet, la myasthénie peut potentiellement être aggravée
par la grossesse, et de nombreux médicaments sont contre-indiqués. Le
risque majeur est la myasthénie néonatale liée au passage transplacentaire
des anticorps anti récepteurs de l'acétylcholine qui peut nécessiter le
transfert de l'enfant en réanimation.
OBSERVATION
• Il s’agit de Mme N.B, B Rh+, âgée de 31 ans, G3P2, 2ev, suivie pour
myasthénie oculaire depuis l’age de 15 ans, traitée pendant 4ans par
pyridostigmine avec amélioration complète, et comme antécédents
familiaux : notion de diabéte familial avec un père décédé par hémopathie
maligne. Dans ses antécédents gyneco-obstétricaus : ménarche à 15 ans,
cycle régulier de 28jour avec une contraception orale depuis 10ans. Cette
patiente a déjà accouché normalement par voie basse avec épisiotomie
en1996 et en 2000, les deux enfants sont bien portants.
• La patiente a présenté une rechute 3 mois avant la grossesse de la
symptomatologie myasthénique à savoir une diplopie verticale avec
ptôsis de l’œil droit aggravé par l’effort et amélioré par le repos, suivie
d’un ptôsis de l’œil gauche avec fixité du regard de l’œil droit sans trouble
de la déglutition, ni trouble respiratoire ni trouble moteur. Le scoring
musculaire est estimé à 85/100.le bilan effectué a objectivé un bloc
neuromusculaire post synaptique à l’EMG .Le bilan thyroïdien, vit B, les
AC antirecepteurs ACH ainsi que le bilan immunologique , les marqueurs
tumoraux sont normaux. La radio et le scanner thoraciques n’ont pas
objectivé de thymome ou d’hyperplasie du thymus.
• La maladie est stable sous un traitement à base de pyridostigmine et
prednisone .
• La patiente a bénéficié d’une consultation préconceptionnelle, la
grossesse était autorisée vu la stabilité de la maladie sous pyridostigmine
et prednisone.
• L’evolution de la grossesse n’a pas posé de problème maternel ou fœtal:
• Au premier trimestre, il n y a pas eu de retentissement maternel ou fœtal
(menace d’avortement).
• Au 2éme et 3éme trimestre,le control échographique n’ a pas objectivé de
diminution des mouvements fœtaux(score de maning toujours normal)
,ou de défaut de croissance thoraco-pulmonaire par
immobilité costale, ou de RCIU,ou d’hypotrophie ,ou d’ hydramnios:
conséquence des troubles de la déglutition du foetus, pouvant nécessiter
des ponctions, ou d’arthrogrypose: atteinte très précoce avant le 4 e mois
de grossesse, fibrose ligamentaire et capsulo-synoviale, et rétraction des
fibres musculaires, fossettes cutanées.
•
L’accouchement a eu lieu à 39 SA par voie basse avec épisiotomie , en
occipito-pubien,avec extraction instrumentale (ventouse) vu les efforts
expulsives, donnant naissance à un nouveau né de sexe masculin, ayant
un poids de 3300g et un Apgar 10/10,
•
Post partum : le nouveau né bien portant sans trouble de déglutition
ni respiratoire ni hypotonie est transféré dans un service de néonatologie
vu le risque de myasthénie transitoire pour surveillance pendant 3 jours.
Pour la maman, aucun signe de décompensation ou d’aggravation n’a été
retrouvé.
• L’allaitement maternel est autorisé vu la rémission et l’absence d’AC antiRACH selon le bilan réalisé à 38 SA.
COMMENTAIRE
 La plupart des auteurs estiment que l'évolution de la myasthénie
pendant la grossesse n'est pas prévisible. 1/3 des patientes resteraient
asymptomatiques,comme le cas de notre patiente, 1/3 s'aggraveraient, et
1/3 s'amélioreraient;
Le muscle utérin étant un muscle lisse, son fonctionnement n'est pas
perturbé dans la myasthénie. En effet, les récepteurs de l'acétylcholine des
muscles striés sont nicotiniques alors que ceux des muscles lisses sont
muscariniques. La durée du travail n'est donc pas modifiée. Certains
auteurs ont préconisé l'extraction instrumentale pour diminuer les efforts
expulsifs et diminuer la fatigue maternelle. Dans notre cas, l'extraction
instrumentale a été realisée pour éviter la fatiguabilité maternelle;
Dans la littérature les poussées semblent plus fréquentes chez les
patientes n'ayant pas eu de thymectomie, mais l'efficacité de ce traitement
n'est pas prouvée par des études contrôlées. De plus, la thymectomie ne
semble pas influencer la survenue de myasthénie néonatale. Les poussées
peuvent être favorisées par de nombreux médicaments tels que les
inhibiteurs calciques, les aminosides et le magnésium en intraveineux,
d'utilisation fréquente pendant la grossesse, sont formellement contreindiqués. Les médicaments anticholinestérasiques ne doivent pas être
interrompus, même et surtout pendant le travail.
L'anesthésie locorégionale par péridurale ou rachi anesthésie classique
ne pose pas de problème
l'hypotrophie est fréquente dans la littérature (20 à 35 %), le nouveau né
est eutrophe dans notre observation. Certains auteurs ont décrit des cas
d'immobilisme foetal et d'arthrogrypose en rapport avec la myasthénie, ou
la faisant découvrir, mettant en lumière l'absence de rapport entre la
maladie maternelle et foetale. Un hydramnios est fréquent, et a même
mené au diagnostic de myasthénie chez la mère dans un cas publié par
Verspyck et al. Une atteinte isolée du nouveau-né peut-être révélatrice
comme le démontre les cas publiés par Belasco et al, et Barnes et al. La
myasthénie néonatale est retrouvée dans 10 à 20 % des cas dans la
littérature.
Les symptômes se développant dans les 24 premières heures de vie par
des troubles de la succion et de la déglutition, des cris faibles ou une
détresse respiratoire d’ou l’intérêt du transfert du nouveau-né en milieu
néonatal pour surveillance. Elle est due au passage trans-placentaire des
anticorps anti récepteurs de l'acétylcholine, dont la présence chez l'enfant
ne dépasse pas trois semaines. Le délai d'apparition de la maladie
néonatale est dû a la fois à l'élimination des drogues antiacétylcholinestérasiques et à la chute du taux d'alphafoetoprotéine
(AFP).L' a-foetoprotéine aurait un effet protecteur, par inhibition de la
fixation des anticorps sur les récepteurs del'acétylcholine . 80% des
nouveaux-nés de mère myasthénique ont des anticorps circulants alors
qu'ils sont indemnes de signes neurologiques.
Un traitement par neostigmine suffit le plus souvent, associé à une prise
en charge en réanimation en cas de forme sévère. Il est reconnu que les
anticorps anti récepteurs de l'acétylcholine et les médicaments
anticholinestérasiques passent dans le lait maternel. Ces derniers peuvent
avoir des effets secondaires de type muscariniques chez l'enfant, sans pour
autant avoir des effets tératogènes.
L'allaitement maternel est controversé, certains auteurs pensent qu'une
patiente en rémission avec des taux d'anticorps faibles et sans
médicaments dangereux peut allaiter sans risque, et qu'il faut préférer
l'allaitement artificiel dans les autres cas, dans notre cas on a autorisé l
allaitement maternel.
Les patientes porteuses d'une myasthénie séronégative, c'est à dire avec
des anticorps non détectables par les moyens usuels, représentent environ
20 % des patientes myasthéniques et sont aussi à risque de myasthénie
néonatale. C’est le cas de notre parturiente.
CONCLUSION
La myasthénie ne contre indique pas la grossesse mais nécessite une prise
en charge multidisciplinaire rapprochée.
La myasthénie néonatale transitoire n'est pas corrélée à la sévérité de la
maladie maternelle. Elle est liée aux anticorps maternels résiduels.
Le traitement est réalisé en milieu spécialisé par anticholinestérasique.
Le suivi échographique est primordial dans la recherche d’une atteinte
fœtale.
Après la naissance il faut garder à l’esprit la possibilité de survenue d’une
myasthénie néonatale transitoire jusqu’à J4, même chez les enfants de
mère asymptomatique. Ainsi, seule une bonne collaboration obstétricopédiatrique peut permettre d'éviter les errances diagnostiques et autorise
une prise en charge précoce et adaptée de la mère et de l'enfant.
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