Les espèces envahissantes.

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Les espèces
envahissantes.
Quel impact sur la
biodiversité ?
Les principales causes de
modification de la
biodiversité :

Le morcellement et la dégradation des
milieux ;
 L’installation d’espèces envahissantes ;
 La surexploitation des espèces vivantes ;
 Les changements du climat ;
Qu’est-ce qu’une invasion
biologique ?
Williamson – 1996
« Une invasion biologique survient
quand un organisme, de quelque sorte
que ce soit, parvient quelque part en
dehors de son aire de répartition
initiale ».
1 - C’est l’accroissement durable de l’aire de
répartition d’un taxon : il y a établissement
effectif de populations de l’espèce dans la région
considérée;
2 - Le taxon est alors dit allochtone.
3 - L’impact sur la biodiversité est variable.
Les exemples d’extension d’aire de répartition
sont nombreux dans histoire de la biosphère.
Deux exemples sont proposés dans les diapositives à suivre :
Une extension dans laquelle l’homme n’a pris aucune part et
qui a profondément modifié la faune des mammifères des
Amériques;
 Une extension qui semble avoir été enclenchée par l’homme
mais sur laquelle il n’a eu ensuite qu’une influence indirecte
(modification de l’environnement au sens large).
 Dans ces deux cas, les modifications d’aires de répartition des
espèces et groupes considérés, comme leur influence très
variable sur les écosystèmes considérés, peuvent s’expliquer à
l’aide de notions de base de l’Evolution (sélection par
compétition, création et occupation de niches écologiques,…).

L’exemple de l’évolution des faunes de mammifères sur les
deux sous-continents américains au Pliocène –
Pléistocène.



Les deux sous-continents sont séparés après une histoire commune
au début du Cénozoïque. Les deux faunes, d’origine commune,
évoluent alors séparément.
Les faunes de l’Oligocène sont très différentes : marsupiaux et
placentaires (tous herbivores) diversifiés (paresseux, glyptodons,
litopternes, tatous,…) en Amérique du Sud, alors qu’il n’y a que
des placentaires en Amérique du Nord.
Dans les dépôts de la fin de l’Oligocène, début du Miocène
apparaissent des singes et des rongeurs (type cobaye),
représentants majeurs de la faune actuelle. Ces mammifères
s’insèrent dans des environnements peu exploités (domaines
arboricole et épigé bas).
Mais …au Pliocène (- 3 millions d’années) le
lien géographique entre les deux Amériques se
rétablit par émersion de l’Amérique centrale.
Le graphique de la diapositive suivante montre que :
 Il se produit, d’après les dépôts géologiques, un afflux important d’espèces nordaméricaines (B) en Amérique du Sud, ce qui dans un premier temps augmente le
nombre d’espèces (A).
 Mais les interactions qui s’établissent (compétition, transfert de parasites sur des
faunes « naïves » ?) provoque une disparition de groupes sud-américains : baisse
de la biodiversité.
 Le graphique concernant l’Amérique du Nord montre que l’arrivée ( c ) d’espèces
allochtones (et ses impacts) y est beaucoup plus limitée.
 Le nombre total de genres va se stabiliser à une valeur proche de celle d’avant le
contact. Mais les remplacements auront été très importants en Amérique du Sud.
Cependant, certains genres du Sud continuent leur colonisation du Nord
(opossums, tatous).
 Les Amériques fournissent un exemple d’invasion biologique provoquée par une
modification paléogéographique, invasion qui engendre une importante
modification de la biodiversité, non en terme de nombre de taxons, mais de
composition des faunes qui ont donc tendance à s’uniformiser.
Légendes :
Courbes A :
nombres total de
genres ;
Courbes C :
nombre de
genres
autochtones;
Courbes B :
nombre de
genres
allochtones.
Les lettres sur les
axes des abscisses
sont les initiales des
étages
stratigraphiques du
Plio-Pléistocène
propres à chaque
sous-continent.
Un exemple
classique : la
tourterelle
turque.
Originaire d’Asie, cette
espèce a été introduite
par les Turcs dans les
régions d’Europe du
Sud sous leur contrôle
avant 1700.
Son fort pouvoir
colonisateur à sa
résistance au froid, son
anthropophilie, ainsi
qu’à une reproduction
précoce associée à un
nombre élevé de
couvées par saison.
Mais ce ne sont là que
des hypothèses !
Son impact est mal documenté, il semble qu’elle entre en compétition
avec l’espèce autochtone, la tourterelle des bois, au détriment de
celle-ci. De plus, des cas d’hybridation ont été observés.
Espèce invasive : une
définition restreinte par
l’ISSG (Invasive Species
Specialist Group) de l’UICN
Les deux critères suivants sont alors
retenus :
L’invasion est d’origine anthropique.
1 - Le transfert direct d’espèces vivantes (commerce, animaux de compagnie ou
garde-manger vivant) est ancien.Mais il peut s’agir aussi du déplacement de
commensaux qui suivent la colonisation humaine (rat dans les bateaux, animaux
et végétaux dans eaux de balast).
2 - L’amplification des échanges internationaux depuis la fin de la Seconde
Guerre Mondiale (commerce international x16 entre 1950 et 1998) ainsi que
l’augmentation de la démographie et la modification des pratiques d’élevage
s’accompagne de l’accélération du phénomène invasif.
3 - Certaines activités humaines facilitent les invasions. Ainsi, l’ouverture du
canal de Suez (1869) établie un pont de 163 Km entre 2 provinces
biogéographiques différentes séparées depuis 20 millions d’années. Depuis,
environ 300 espèces de la Mer Rouge Océan Indien se sont installées en
Méditerranée orientale. Ce flux presque unidirectionnel est l’invasion biologique
la plus spectaculaire en milieu marin connue. Ces envahisseurs représentent
actuellement 10% de la biodiversité de Méditerranée Orientale et 4% de la
biodiversité de Méditerranée.
L’espèce est un agent de perturbation et
nuit à la diversité biologique.
L’impact est visible si l’on considère des cas particuliers,
souvent emblématiques comme la raréfaction du Kagou, oiseau
aptère de couleur gris-bleu, emblème de la Nouvelle-Zélande,
qui subit la prédation des rats surmulot et noir, ainsi que du
chien;
Mais l’impact au niveau biodiversité globale est bien plus
impressionnant, notamment en domaine insulaire : ainsi, 55%
des espèces d’oiseaux insulaires qui se sont éteintes depuis 1600
doivent leur extinction à l’introduction d’espèces allochtones.
L’écrevisse à pattes rouges ou
écrevisse de Louisiane.
C’est l’une des 4 espèces
allochtones recensées en France.
Les trois espèces originaires
d’Amérique du Nord sont porteuses
saines de la peste de l’écrevisse due
à un champignon pathogène
(Aphanomyces astaci). Cette
maladie peut détruire une
population autochtone en quelques
semaines !
De plus, les espèces nord américaines sont très prolifiques (celle de Louisiane pond 3
fois plus d’œufs que l’espèce à pattes rouges autochtone), la compétition, quand elle
existe, avec les espèces autochtones est donc en défaveur de ces dernières.
L’écrevisse de Louisiane, vorace et prolifique, détruit la végétation flottante des
étangs et augmente la turbidité de l’eau par le creusement de tunnels. L’impact sur le
milieu aquatique est fortement négatif. Des mesures ont donc été prises pour limiter
le transport et l’introduction de ces espèces afin de protéger les 3 espèces
autochtones, toutes en déclin.
Le ragondin
Introduit en 1882 dans
un élevage d’Indre-etLoire, les premières
populations férales
semblent dater de la
fin des années 1920, à
partir d’individus
lâchés ou élevés en
semi-liberté échappés.
Il occupe aujourd’hui
la presque totalité du
territoire.
La dégradation des berges, dans lesquelles ils creusent trous et
galeries, et les perturbations du réseau hydraulique s’ajoutent aux
dégâts occasionnés par le broutage de la végétation des rives et des
herbiers flottants qui provoque une forte baisse de la biodiversité des
milieux aquatiques.
La tortue de
Floride.
Sa sous-espèce, la
trachémyde à tempes
rouges, est produite
dans des fermes de
Louisiane pour
l’aquariophilie. La
France en a importé
300 à 800 000 par an
de 1970 à 1992 ! Un
texte de 1997 en
interdit l’importation.
Lâchée dans la nature (malgré l’arrêté de 1996) par des particuliers
surpris par sa taille adulte et son agressivité, elle est présente sur tout le
territoire et se reproduit dans le sud de la France. Cette espèce a un
impact négatif sur les populations d’amphibiens (prédation), très
fragilisées dans les milieux périurbains, et de cistude d’Europe
(compétition), tortue d’eau douce autochtone protégée qui se raréfie
voire disparaît des sites colonisés par la trachémyde.
Ce mustélidé nordaméricain a été
introduit en France en
1926 dans deux
élevages de HauteSavoie.
Le vison
d’Amérique
De 660 en 1951, le
nombre d’élevages est
tombé à 20 en 2001.
Les animaux échappés ont constitué des 4 populations marronnes à
partir des années 1970, dont celle de Bretagne qui s’étend et une
autre en cours d’installation (1999) dans le sud-ouest. On attribue la
raréfaction du vison d’Europe (qui aurait lui-même été introduit au
16° siècle), dans ces deux régions où il subsiste, à la concurrence du
vison d’Amérique dont l’impact réel n’est cependant pas documenté.
La façade atlantique héberge environ 3000 ibis sacré, dont 400
couples reproducteurs (2004). Ces oiseaux proviennent d’une
colonie de 350 individus (1994) élevée en semi-liberté au Parc de
Branféré (Morbihan). On compte environ 200 individus dans le sud
de la France, également issus de captivité.
L’augmentation des populations permet de mieux cerner les impacts réels de l’ibis sur son
milieu.
Des cas de prédation ont été observés sur des colonies de sternes caugek et pierregarins et
de guifettes noires, espèces protégées au statut précaire et donc à forte valeur patrimoniale.
La prédation est également avérée sur les colonies de hérons au sein desquelles il niche. Des
observations menées en Camargue indiquent que sa prédation sur les œufs et poussins
provoque une baisse importante des effectifs nicheurs de toutes les espèces.
Le rat est une espèce invasive bien connue, de longue date, et sur
laquelle de nombreux travaux ont été menés. Ou plutôt les rats
puisque trois espèces se distinguent par leur faculté à coloniser de
nouveaux environnements et y provoquer de profondes
perturbations du milieu. A eux trois, ils ont envahis plus de 80%
des îles du monde.
Ce commensal ancien
originaire de la péninsule
Rat noir (Rattus rattus)
indienne a favorisé l’extinction
de rongeurs corses endémiques
par compétition. Mais il est
également un prédateur d’œufs,
de poussins et d’oiseaux au nid.
Son impact important sur les
colonies d’oiseaux marins a été
démontré tant en France
(Corse) que dans le Pacifique
(Clipperton).
Plus étonnant, il facilite la dispersion d’espèces végétales invasives qu’il consomme
et dont il disperse les graines. Son impact sur les écosystèmes est donc multiple.
Moins connu que ses
cousins, le rat
polynésien ou rat du
Pacifique (Rattus
exulans ) a fait
récemment la une de la
presse scientifique !
Des publications récentes attribuent pour partie la déforestation de l’île de
Pâques à cette espèce, volontairement introduite par les premiers colons vers 900
ans. Les rats se seraient nourris des noix du palmier endémique et l’explosion de
leur population (peut-être 3 millions d’individus ?) aurait empêché la
régénération d’une forêt fortement exploitée par l’homme.
L’impact négatif de cette espèce sur la biodiversité dans les îles du Pacifique est
bien documenté.
Le rat surmulot (Rattus
norvegicus) a supplanté le
rat noir comme commensal
principal partout où il s’est
installé.
Originaire de Chine ou de
Mongolie, il arrive en
France au début du 18°
siècle (via la Norvège !).
Son impact négatif sur la biodiversité est bien connu et documenté
en France pour le domaine insulaire.
Par exemple, son éradication dans l’ensemble de l’archipel des Sept
Iles (Côtes d’Armor) a été suivi d’une augmentation importante des
populations de musaraigne (crocidiure des jardins) et d’orvet.
Ailleurs, ce sont les populations d’oiseaux nicheurs qui recouvrent
leurs effectifs, comme le montre le graphique suivant.
Evolution des populations d'oiseaux après élimination du rat surmulot, île de
Trielen (archipel de Molène),
100
nombre de couples nicheurs
90
80
70
busard des roseaux
Hirondelle rustique
60
Troglodyte mignon
50
pipit maritime
40
30
20
10
0
1992
1996
1997
1998
années
1999
2000
2001
La coccinelle
asiatique,
Harmonia
axyridis.
L’implanation des
coccinelles dans le
cadre de la lutte
biologique est une
activité ancienne.
De nombreuses espèces ont été transplantées partout dans le monde
(comme la coccinelle à 7 points européenne en Amérique du Nord
entre 1956 et 1973). Harmonia n’est donc que la dernière de la
liste. Elle semble s’adapter facilement (2 à 3 générations annuelles
au Québec) et devenir rapidement une espèce très commune : elle
est devenue l’espèce la plus commune dans les centres urbains des
Flandres belges où elle est commercialisée depuis 1997.
Au contraire de la Belgique
et de l’Amérique du Nord
(au Canada, les deux
espèces les plus communes,
dont Harmonia, sont
allochtones !), on ne
commercialise en France
que la forme aptère, ce qui
limite sa dissémination.
Cette espèce, très
polymorphe, est un
prédateur efficace des
pucerons et cochenilles.
Mais elle se nourrit aussi de larves d’autres coccinelles (prédateur
intra-guilde) et devient donc un super-prédateur des coccinelles
autochtones dont elle est également un compétiteur efficace ! Enfin,
elle hiverne par milliers dans les maisons, ce qui n’est pas du goût
de tout le monde !
La prolifération des jussies
dans les milieux d’eau douce
calmes et les prairies
humides est actuellement un
véritable problème national.
Son impact négatif est très
important sur des milieux
fragiles et menacés, à forte
valeur patrimoniale.
Les jussies (Ludwigia peploïdes et grandiflora) sont originaires d’Amérique du sud et
sont connues en France (Languedoc) depuis le début des années 1920. Elles se sont
ensuite étendues vers le nord (Hortillonages d’Amiens) où elles se reproduisent par
mode sexué jusque Rennes.
Leur croissance horizontale rapide (sa biomasse peut doubler en 15 à 90 jours)
provoque un recouvrement intégral du milieu occupé.
Elle asphyxie le milieu (désoygénation par recouvrement, production de biomasse et
comblement) et émet des substances toxiques nocives pour la microfaune.
Le dégagement
nécessaire des surfaces
d’eau libre et des canaux
se fait par arrachage
mécanique (qui perturbe
fortement le milieu) et
surtout manuel.
Ces interventions permettent de rendre les étangs et marais à la flore
(éliminée par compétition) et la faune (par restitution d’habitat pour
les vertébrés comme pour les insectes et crustacés).
Mais sa forte capacité à bouturer et sa bonne résistance à la
dessiccation (2 à 3 jours) nécessitent un traitement rapide et efficace
de la biomasse extraite.
Bibliographie : quelques ouvrages …
1.
2.
3.
4.
1 - « Avant que Nature meure » de Jean Dorst ;
Delachaux et Niestlé 1978. « Clipperton, l’atoll du bout
du monde » (chapitre 6) ; Seuil (2005), JL Etienne
2 - « Biodiversité » de C. Lévêque et JC Mounolou ;
Dunod. 2001.
3 - « Evolution et extinction dans le règne animal » de L.
de Bonis ; Masson 1991.
Un chapitre (pages 126 à 135, intitulé « le grand échange interaméricain » détaille la notion d’invasion biologique à partir des
échanges de faunes mammaliennes entre les deux Amériques lors
du rétablissement, au Pliocène, de la connexion continentale par
l’émersion de l’Amérique centrale.
Bibliographie : quelques ouvrages
encore !
4.
5.
6.
7.
1.
8.
4 - « Invasions biologiques et extinctions : 11 000 ans
d’histoire des vertébrés en France » de Michel Pascal et
all ; Belin 2006.
5 - « La sixième extinction : évolution et catastrophes »
de Richard Leakey ; Flammarion 1997.
6 - « Le vivier de Darwin » de Tijs Goldschmidt ; Seuil
2003.
7 - « les coccinelles » de JL Hemptinne et all ;
Delachaux et Niestlé 2005.
Dans le chapitre intitulé « sentier de la cohabitation, aux racines de
la lutte biologique », une partie importante expose les problèmes de
l’introduction d’espèces allochtones en Europe et au Canada.
8 - « Un éléphant dans un jeu de quilles : l’homme dans la
biodiversité » de Robert Barbualt ; Seuil 2006.
Quelques articles.
1 - « L’ibis sacré dans l’ouest de la France »; S.
Reeber dans Ornithos 12-2, mars-avril 2005.
2 - « Prédation de l’ibis sacré sur des colonies de
sternes et de guifettes »; M. Vaslin dans Ornithos
12-2, mars-avril 2005.
3 - « Conséquences sur l’avifaune terrestre de l’île de
Trielen de l’éradication du rat surmulot »; C.
Kerbiriou, M. Pascal et al, Revue d’Ecologie Terre
Vie, vol. 59; 2004
Quelques sites Internet.






o
http://www.forum-marais-atl.com avec dans les « dossiers
thématiques » un court dossier sur les espèces végétales
envahissantes dans les marais des Pays de la Loire ;
o
http://www.iucn.org, le site de l’Union International de la
Conservation de la Nature propose des dossiers thématiques sur les
espèces envahissantes ainsi que de nombreux liens ;
o
http://www.uicn.fr , site de la délégation française de l’IUCN,
propose un dossier sur les espèces envahissantes dans les DOMTOM ;
o
www.issg.org propose de nombreuses données spécifiques sur les
espèces envahissantes dans le monde, dont la liste des 100 espèces
les plus envahissantes ;
o
www.snpn.com propose, dans « nos actions », des dossiers sur les
espèces envahissantes en France ;
o
enfin, on trouvera sur
www.rennes.inra.fr/scribe/document/inasion.pdf un dossier complet
sur le statut de l’ibis sacré en France.
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