LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET L’INTERDÉPENDANCE DES MARCHÉS ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES COMMERCIALES JANVIER 1998 Introduction • Dans un pays comme le Canada, où plus de 40 % de la production est exportée, le taux de change est une variable dont l’importance est considérable. • Les capitaux étant très mobiles, le taux de change est très sensible aux différentiels d’intérêt et aux anticipations des agents économiques. • Les banques centrales influencent tout autant les taux d’intérêt à court terme que les anticipations des agents. Introduction • Elles ne suivent cependant pas toujours et simultanément la même politique: – Les objectifs ne sont souvent pas les mêmes, – Les pays ne se trouvent pas tous en même temps au même point du cycle économique, subissent des chocs différents sans y être sensibles de la même manière. • Ces divergences entraînent des pressions sur le marché des changes. • On ne peut donc concevoir la politique monétaire sans tenir compte de l’interdépendance entre les marchés. • Pour illustrer notre propos, nous allons nous concentrer sur l’expérience canado-américaine. La Banque du Canada, la FED et le taux de change • La Réserve fédérale américaine (la FED) est responsable de la conduite de la politique monétaire américaine. • À ce titre, elle mène une série d’opérations comme celles que nous avons étudiées dans le but d’influencer les conditions monétaires aux États-Unis. • Lorsque la Banque du Canada et la FED poursuivent des politiques semblables, les taux d’intérêt ont tendance à augmenter et diminuer en tandem de part et d’autre de la frontière et le taux de change est relativement stable. La Banque du Canada, la FED et le taux de change • Il arrive cependant que les deux banques centrales ne mènent pas la même politique, l’une recherchant une augmentation des taux d’intérêt à court terme et l’autre leur stabilité, voire même, leur diminution. • L’écart entre les deux taux ne peut alors rester stable et le taux de change doit s’ajuster. • En règle générale, une banque centrale doit choisir entre la stabilité des taux d’intérêt ou la stabilité du taux de change. • La Banque du Canada ne fait pas exception. L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada DG = C + I + G + (X-M) influencées par i influencées par E • La demande globale est influencée tout autant par le taux de change que par le niveau du taux d’intérêt. • Pour juger de l’influence simultanée de ces deux variables, la Banque du Canada a construit un indice appelé indice des conditions monétaires L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada DG = C + I + G + (X-M) influencées par i influencées par E • La formule utilisée par la Banque du Canada pour calculer l’indice est un peu complexe car elle fait intervenir un indice du taux de change pondérant chacune des monnaies du G10. • Le poids du dollar américain est cependant prépondérant. • Nous retenons donc une version simplifiée de l’indice des conditions monétaires. L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada ICM (PC90-PC9001-87) + (100/3) x (ln(E01-87)-ln(E)) où PC90 représente le taux (en %) sur le papier commercial à 90 jours. L’indice prend la valeur zéro en janvier 1987. Il augmente par la suite avec l’augmentation de PC90 ou la diminution de E. Il diminue avec la diminution de PC90 ou l’augmentation de E. • Le poids accordé au taux d’intérêt dans l’indice des conditions monétaires est trois fois plus important que le poids accordé au taux de change. • Cela reflète le fait que la demande globale canadienne est beaucoup plus sensible aux fluctuations des taux d’intérêt qu’aux fluctuations du taux de change. • La Banque cherche d’abord et avant tout à influencer les taux d’intérêt car c’est ainsi qu’elle exerce la plus grande emprise sur la demande globale. L’indice des conditions monétaires et les choix de la Banque du Canada ICM (PC90-PC9001-87) + (100/3) x (ln(E01-87)-ln(E)) où PC90 représente le taux (en %) sur le papier commercial à 90 jours. L’indice prend la valeur zéro en janvier 1987. Il augmente par la suite avec l’augmentation de PC90 ou la diminution de E. Il diminue avec la diminution de PC90 ou l’augmentation de E. • Une augmentation de l’indice des conditions monétaires témoigne de pressions négatives sur la demande globale La Banque du Canada parle alors de resserrement des conditions monétaires. • Une diminution de l’indice des conditions monétaires témoigne de pressions positives sur la demande globale La Banque du Canada parle alors d’assouplissement des conditions monétaires. resserrement asouplissement Resserrement et assouplissement des conditions monétaires • Les conditions monétaires peuvent se resserrer ou s’assouplir sans que cela ne reflète une action délibérée de la Banque du Canada. • En effet, les taux du marché monétaire (PC90) tout comme le taux de change (E) réagissent aux fluctuations continuelles de l’offre et de la demande. • Lorsque le changement des conditions monétaires n’est pas imputable aux actions de la Banque du Canada, on parle, selon le cas, d’assouplissement ou de resserrement passif Exemple d’assouplissement passif: Le prix des matières premières exportées par le Canada est en diminution E • La baisse du prix de matières premières réduit la valeur en $US des revenus d’exportation. •L’offre de $US sur le marché des changes s’en trouve réduite. O1 O0 E1 E0 D0 Quantité de $US •La contraction de l’offre cause une augmentation du taux de change. •Les conditions monétaires se sont assouplies sans que la Banque du Canada n’y soit pour rien. Resserrement et assouplissement actif des conditions monétaires L'objectif de la politique monétaire au Canada est de préserver la valeur de la monnaie. Une monnaie stable contribue à la prospérité économique en facilitant la prise de décisions des ménages et des entreprises. Dans une déclaration commune qui réaffirmait cet objectif en décembre 1993, le gouvernement et la Banque du Canada ont annoncé leur intention de maintenir l'inflation dans une fourchette de 1 à 3 % pour la période comprise entre 1995 et 1998. Une fourchette compatible avec la stabilité des prix sera définie avant la fin de 1998. (Banque du Canada, site WEB, http://www.bank-banquecanada.ca/french/monpol-f.htm) • Dans la pratique actuelle, la Banque du Canada ne cherchera à contrer la hausse du taux de change que si l’assouplissement des conditions monétaires qui en résulte compromet l’atteinte des cibles en matière d’inflation. Resserrement et assouplissement actif des conditions monétaires • Typiquement, la baisse du prix des matières premières et la dépréciation du dollar canadien est anticipée par les marchés financiers. • Les taux d’intérêts à court terme sont alors à la hausse au Canada parce que les non-résidents destinent moins de fonds aux titres canadiens tandis que les résidents canadiens destinent plus de fonds aux titres étrangers. Cela permet d’ailleurs de freiner la dépréciation du dollar canadien. • Cette hausse des taux d’intérêt pourrait neutraliser l’impact de la hausse du taux de change sur l’indice des conditions monétaires. Si elle est trop prononcée toutefois, les conditions monétaires pourraient en définitive se resserrer. • La Banque du Canada doit alors prendre une décision. Resserrement et assouplissement actif des conditions monétaires • Exemple: La Banque du Canada veut empêcher la hausse des taux d’intérêt: – Elle injecte des liquidités sur le marché des fonds à un jour de manière à imprimer un mouvement à la baisse sur les taux d’intérêt à court terme. – La Banque du Canada mène ainsi une politique monétaire active. – Ce faisant toutefois, la hausse des taux d’intérêt qui était venue ralentir la dépréciation du dollar canadien est moins grande. La dépréciation est donc plus forte. • Le prix à payer pour mener une politique monétaire active: La flexibilité du taux de change Graphiquement …. • La montée des taux d’intérêt au Canada vient stopper le mouvement du taux de change à E1. •En renversant la hausse des taux d’intérêt, la Banque du Canada réduit l’attrait des titres canadiens aux yeux des investisseurs. O2 E O1 E2 E1 E0 O0 D1 D0 Offre et demande de $US •L’offre de $US connaît une contraction supplémentaire (les Américains achètent moins de titres canadiens). •La demande pour le $US augmente (les résidents canadiens achètent plus de titres américains). •Le taux de change augmente davantage (jusqu’à E2). Et si la Banque du Canada ne veut pas de cette flexibilité du taux de change ... E O E2 E0 D Demande exédentaire de $US devant être comblée par la Banque du Canada si elle veut maintenir le taux de change à E0 Quantité de$US Avec des conséquences aux bilans ... Bilan de la Banque du Canada ACTIF • • • Bons du Trésor Obligations du gouvernement Réserves internationales de changes PASSIF + AVOIR • • • • Billets et pièces Dépôts des institutions membres de l’ACP (Encaisses de règlement) Dépôts du gouvernement Avoir net Bilan consolidé des banques à charte ACTIF • • • • Prêts personnels, hypothécaires, etc. Bons du Trésor et autres titres Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) Devises étrangères ($US) PASSIF + AVOIR • • • Dépôts du public et des entreprises Dépôts du gouvernement Avoir net Politique monétaire et régime de changes • En utilisant ses réserves de change afin d’empêcher la dépréciation du dollar canadien: – La Banque du Canada réduit le volume des encaisses de règlement et limite l’expansion du crédit et des dépôts bancaires. – Elle exerce de nouveau des pressions à la hausse le niveau des taux d’intérêt à court terme . – Elle renverse en définitive sa politique monétaire initiale qui consistait à assouplir les conditions monétaires. • Le prix à payer pour maintenir un taux de change fixe: L’impossibilité de mener une politique monétaire active LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET L’INTERDÉPENDANCE DES MARCHÉS ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES COMMERCIALES JANVIER 1998