Powerpoint associé à l´article Normal Pathologique

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Pr. Max BUDOWSKI
Le normal et le pathologique
Faut-il tout prévenir ? Faut-il tout dépister ?
Faut-il tout prévenir ? Faut-il tout dépister ?
 Ou comment éviter que le médecin que vous êtes
transforme un être qui se croit en bonne santé, en un
patient malade
Pourquoi une norme ?
• La norme est un repère qui permet de comparer, d'évaluer et
d'agir.
• Mais comment savoir ce qui est "normal" ou "anormal" ?
• Aspect subjectif ou objectif ?
Interrogations que nous allons
traiter avec les 2 cas cliniques
suivants
Cas clinique 1
• Cette patiente âgée de 47 ans vous est adressée par la médecine
du travail pour élévation à 3 N des GGT.
• Lors de la première consultation, elle ne se plaint d’aucun
symptôme sauf à la rigueur une fatigue due, dit-elle, au stress de
son travail (cadre dans une compagnie d’assurance).
• Elle est mariée, mère d’un enfant de 23 ans qui ne vit plus à la
maison depuis 2 ans. Elle a un poids de 57 Kg pour une taille de
1m72.
• Vous l’interrogez sur ses habitudes de vie. Elle avoue boire un à 2
verres de vin à chaque repas
• Mais « c’est normal, Docteur, je ne suis pas une alcoolique ».
Cas clinique 1
• L’examen clinique est normal, TA 120/70, auscultation cardiopulmonaire « normale ».
• La palpation et la percussion de l’abdomen ne montrent pas
« d’anomalie » Il n’y a pas d’œdème des membres inférieurs.
• Vous lui prescrivez un bilan complémentaire avec
notamment NFS, transaminases, GGT, glycémie et bilan
lipidique.
Cas clinique 1
• Elle revient une semaine plus tard avec son bilan : GR 4270000
Hb 10.6, Ht 36.2 et VGM 102. GB 11 200, Formule 60-2-0-31-7.
TG 2.13 g/l CT 2.18 g/l, HDL 0.60 g/l, Glycémie 1.12,
transaminases ALAT et ASAT à 2 N, GGT à 3 N
• Comment définissez-vous les termes « normal », « normalité »,
« symptôme », « personne normale » « normativité » « état
pathologique »?
• Cette patiente affirme « c’est normal de boire deux verres de
vins par repas ».Où se situe la normalité ?
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Les définitions de la normalité
• Pas de définition univoque
• Références différentes selon le point de vue de l’individu ou de la
société.
• La normalité = absence de maladie ?
• La normalité = courbe de Gauss ?
• La normalité = adaptation ?
• La normalité = utopie ?
La normalité = absence de maladie ?
• En médecine, la normalité peut se définir comme l'absence de
maladie.
• Le problème reste alors celui de la définition et de la description des
maladies, des signes et des symptômes.
• Etre en bonne santé, c’est maintenir un équilibre capable de
répondre aux variations qui se produisent dans l’organisme, et à
celles qui se produisent dans le milieu extérieur où vit cet
organisme.
• Nous pouvons ainsi définir la maladie comme une rupture d’équilibre
d’un sujet avec son environnement biologique et psychique.
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« Le regard médical n’est pas simplement le regard de n’importe quel
observateur, mais celui d’un médecin supporté et justifié par une
institution, celui d’un médecin qui a pouvoir de décision et d’intervention.
C’est un regard … qui doit saisir les couleurs, les variations, les
infimes anomalies, se tournant toujours aux aguets du déviant.
Enfin, c’est un regard qui ne se contente pas de constater ce qui est
évidement se donne à voir ; il doit permettre de dessiner les chances
et les risques ; il est calculateur ».
Foucault M : Naissance de la clinique p 88-89
« Démêler le principe et la cause d’une maladie à travers la confusion et
l’obscurité des symptômes…déterminer avec précision quand il faut agir et
quand il convient d’attendre ! »
Dumas CL : Eloge de Henri Fouquet (1807)
La normalité statistique
• Tient compte du plus fréquent, du plus habituel, par référence aux
individus situés dans la moyenne de la courbe de Gauss.
• Puisque les individus présentant des conduites diversifiées et
hétérogènes
les conduites de la majorité ou d’une moyenne obtenue
dans une population donnée sont considérée comme
normales .
• La « normalité » statistique se réfère à un pourcentage majoritaire
de comportements par rapport à une moyenne statistique.
La normalité statistique
• Le normal = majorité des sujets d’une population donnée
• le pathologique = extrémités et aux déviants par rapport à une
moyenne.
• Grand risque d'assimiler originalité à pathologie et normalité à
normalisation par rapport à des critères sociaux culturels.
• Quel est le choix de la frontière entre le normal et le pathologique ?
• Cette limite est elle artificielle et arbitraire ?
• Dangereux de réduire le normal à la normalité statistique et le
pathologique au déviant
La normalité fonctionnelle
• Le normal = fonctionnement optimum pour l’individu par rapport
à ses caractéristiques psychologiques propres
• Ne compare pas l’individu par rapport aux autres mais par rapport
à lui-même.
• L’individu devient la norme.
• La normalité est fonction des réalités profondes et propres à
chaque personnalité.
• Mais des patients peuvent être adaptés socialement alors qu'une
certaine souffrance psychique existe en eux ou s'exerce sur leur
entourage.
La normalité idéale
• Définit le fonctionnement physique et psychique parfait, c'est-à-dire
hors de tout problème et/ou conflit.
• Désigne une perfection à laquelle l’idéal collectif aspire.
• Totalement utopique
• Quand la « normalité » est définie en fonction d’un idéal collectif, les
risques sont nombreux dans la mesure où cette définition peut
réduire l’équilibre psychologique au conformisme social.
• Ainsi, est normal tout ce qui est conforme ; devient pathologique tout
ce qui n’est pas conforme.
Cas clinique 2
• Marie est âgée de 35 ans. Elle est mère de deux enfants et vous consulte
pour le plus petit (5 ans) qui se plaint de mal de gorge.
• A la fin de la consultation, après lui avoir remis l’ordonnance de son
enfant, elle vous demande de renouveler « sa pilule ». Après un petit
temps d’hésitation, vous lui demandez depuis combien de temps elle a
consulté réellement pour sa contraception orale.
• Elle vous répond du tac au tac : « Je n’ai pas le temps docteur, je passe
déjà souvent des heures à attendre chez vous pour mes enfants, alors, je
ne vais pas payer une consultation supplémentaire pour cette pilule qui
me donne le moyen de vivre ma plénitude de femme ».
• Vous lui faîtes remarquer cependant le fait qu’il s’agit d’un médicament
mais vous cédez en prescrivant cette contraception orale sans
renouvellement.
• Visiblement, elle n’est pas contente de votre réaction, elle vous dit aurevoir sans poignée de main.
Cas clinique 2
• Six mois après, elle vous demande de vous voir en urgence. Elle rentre
affolée dans votre cabinet en vous disant : « ma sœur, âgée de 41 ans,
a un cancer du sein ; et un de ses amis médecins lui a dit que c’était à
cause de la pilule.
• J’ai deux enfants en bas âge, docteur, je dois vivre pour les élever. J’ai
pris rendez-vous à l’hôpital St Louis mais il n’y a pas de place avant 2
semaines. A Curie c’est dans 10 jours, personne ne veut me recevoir en
urgence ! »
• Vous essayer de calmer son appréhension notamment en prescrivant
plusieurs examens en lui faisant remarquer cependant que vous lui en
aviez parlés à plusieurs reprises.
• Elle ne vous entend pas, prend ses ordonnances, vous quitte
cependant en vous disant merci Docteur...
Cas clinique 2
• Elle revient vous voir trois jours après avec ses clichés de
mammographie, son échographie mammaire, les résultats du frottis
et du bilan sanguin prescrits.
• « Ouf, dit-elle, tout est normal au niveau du sein ». Vous la rassurez
aussi sur son frottis cervical et vous vous attardez sur son taux de
cholestérol un peu élevé (CT = 2.63 g/l et HDL-C à 0.41 g/l).
• Vous lui dites que la prise de contraceptif oral n’est pas indiquée mais
elle ne m’entend plus, elle est normale, elle est rassurée. L’inquiétude
a fait place à la satisfaction de ne pas être malade.
• « De toute façon, dit-elle, il y a toujours eu du cholestérol dans la
famille. Je vais discuter avec mon mari de l’arrêt de la pilule, mais il
n’est pas question de modifier nos habitudes alimentaires, je suis
d’origine italienne, Docteur, du sud de l’Italie, et malgré ce
cholestérol, on ne meurt pas jeune dans ma famille ».
Cas clinique 2
Comment définissez-vous les termes ?
• « normal »
• « normalité »
• « symptôme »
• « personne normale »
• « normativité »
• « état pathologique »
Que concluez-vous à propos de ce cas clinique ?
Prévenir, certes,
Mais quoi ?
• Quelle pathologie, quel problème ?
Mais quel coût ?
• Rentabilité pour la communauté ?
Mais pourquoi ?
• Puisque je ne ressens rien et donc ne suis pas malade
JE SUIS NORMAL
Définition de l’état normal
• Défini le plus souvent par règles de statistiques inductives qui
aboutissent à des classifications rationnellement justifiées.
• Régularités constatées qui sont exprimées sous forme de
théories empiriques.
• Exemple : la température normale du corps humain varie entre
36°5 et 37°2.
– Cette affirmation est la conséquence de nombreuses
mesures
– une inférence statistique basée sur une moyenne à partir des
différents constats a permis d’obtenir ce résultat
Définition de l’état normal
Plus rarement défini :
• grâce des axiomes ou des affirmations délibérées,
• fondés sur un ou des modèles idéaux
• acceptés d’emblée et consciemment par l’ensemble d’une
communauté.
• « il faut faire du sport pour être en bonne santé ».
Norme, normal, normalité
La norme
• critère qui permet de comparer, de comprendre, de juger et
d'agir.
• correspond à ce qui devrait être.
Le normal
• ce qui est conforme à ce que la société attend d’une situation
donnée.
La normalité
• caractéristique de ce qui est normal
La normalité
• peut être quantitative
– glycémie normale 0.70 < N < 1.10 g/l
• peut être aussi qualitative = référence admise par une
institution ou lorsqu’elle se réfère à des lois universelles
– la majorité des actifs travaillent le jour et dorment la
nuit.
La normalité
• Autant les normes quantitatives peuvent être modifiées
aisément en fonction des résultats de nouvelles expériences
• Autant les normes qualitatives sont plutôt figées, tributaires
de contextes socioculturels et rituels peu sensibles aux
changements.
La normalité
• Subjectivité ++ de la normalité d’un processus ou d’un
comportement
– dépend de l’environnement et des dispositions affectives
des êtres humains.
• Importance du vécu, des croyances
– variation individuelle et communautaire
La bonne santé
• Dans les pays dits développés, la normalité en médecine
correspond à « la bonne santé d’un individu ». OMS (1946),
• la santé = « un état complet de bien-être physique, mental et
social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité ».
• la santé ne doit pas être abordée sur un plan négatif : la santé est
considérée comme l'absence de symptômes de morbidité - on est
en bonne santé lorsque l'on n’est pas malade.
• l’OMS = pas notion de carence mais accent sur les trois
composantes de la santé : physique, sociale et psychologique.
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Définition de l’état pathologique
Est-ce :
• une modification quantitative de l’état normal ?
• une modification qualitative ?
• ou bien les deux ?
• L’état pathologique se définit-il uniquement par rapport à
l’autre, c’est-à-dire à l’état normal ou bien possède t-il une
propre entité ?
Comme le dit Susan Sontag
« La maladie comme métaphore »
• La maladie est la zone d’ombre de la vie, un territoire auquel il
coûte cher d’appartenir. En naissant, nous acquérons une
double nationalité qui relève du royaume des bien-portants
comme des malades.
• Eh bien que nous préférons tous présenter le bon passeport, le
jour vient où chacun de nous est contraint, ne serait-ce qu’un
court moment, de se reconnaître citoyen de l’autre contrée.
Encore sur la maladie
• Chez le malade, il existe une " instauration de nouvelles normes
de vie par une réduction du niveau de leur activité, un rapport
avec le milieu nouveau mais rétréci… La maladie est une
expérience d'innovation positive du vivant et non plus seulement
un fait diminutif ou multiplicatif.
• Le contenu de l'état pathologique ne se laisse pas déduire, sauf
différence de format, du contenu de la santé : la maladie n'est pas
une variation sur la dimension de la santé ; elle est une nouvelle
dimension de la vie."
Georges Canguilhem
Toujours sur la maladie
• Selon Parsons, la maladie serait une sorte de construction
psycho-sociale, sans fondement biologique repérable.
• Mais comment alors inclure une attitude préventive, qu’elle
soit primaire sur les facteurs susceptibles de création de
maladie, ou secondaire pour modifier les facteurs de risques
déjà installés ?
Parsons T : Social structure and personality – Collier Mac Millan Londres 1964
Encore et encore
• La maladie est une moins grande adaptation à la vie.
• « Une altération dans le contenu symptomatique n'apparaît maladie
qu'au moment où l'existence de l'être jusqu'alors en relation
d'équilibre avec son milieu devient dangereusement troublée. Ce qui
était adéquat pour l'organisme normal, dans ses rapports avec
l'environnement, devient pour l'organisme modifié inadéquat ou
périlleux »
Canguilhem, La connaissance de la vie.
• La maladie n'est pas un désordre mais une nouvelle norme de vie, un
nouvel ordre vital qui est inférieur parce qu'il ne permet pas toutes
les innovations et adaptations permises à l'organisme sain.
Relativité de la différence entre normal et pathologique
• Pour un individu donné la distinction n'est pas absolue.
• Quand un être humain commence à se sentir malade, à se dire
malade, à se comporter en malade, il est passé dans un autre
univers, il est devenu un autre homme.
• La relativité du normal ne doit aucunement être pour le médecin un
encouragement à annuler dans la confusion la distinction du normal
et du pathologique
• J’ai mal docteur, est-ce normal ?
Conception biomédicale de la normalité
• La pathologie est désignée à partir du Normal
– de Norma en latin : qui est conforme à la règle
– étymologiquement, Norma signifie équerre : ce qui ne penche ni à
gauche ni à droite, qui se tient donc dans le juste milieu.
• Tout ce qui sort de l’ordinaire, de l’habituel est problématique.
• Tout écart de la norme aboutit à la pathologie, à la maladie, à
l’anormalité.
• Mais pour le patient, la maladie est une question d’expérience
personnelle ou familiale, bien plus qu’un concept biomédical
Conception personnelle ou conception de société ?
« Chaque individu organise sa propre frontière entre le normal et
le pathologique, la personne est seule juge de son état, de sa
qualité de vie. Le pathologique n'est tel que lorsqu'il est ressenti
ainsi ».
MUREZ Anne L'endométriose : expérience de la douleur - 01/2005
Texte de Serge Bonfils - 1
« Impertinence psychosomatique » p 43
• « Est-ce normal d’éprouver ça ? » dit le malade inquiet.
L’angoisse est là, à fleur de peau, mal canalisable.
• La réponse est aisée mais non convaincante : ce n’est pas
normal, sans cela vous ne seriez pas venu me consulter.
• Mais vous n’êtes pas anormal.
• Soulagement
Texte de Serge Bonfils - 2
« Impertinence psychosomatique » p 43
• Plus difficile est la question du conjoint : « Pourquoi souffre telle comme cela, depuis des années ?
• Et on ne trouve jamais rien. Elle est un peu anormale, tout de
même ? »
• Expliquer, rassurer sont des termes utiles mais qui ne
permettent pas de délimiter une frontière claire et rassurante
entre le normal et l’anormal.
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ESPRIT
PERSONNALITÉ
CORPS
protection
Soma
Agression
NOCIVITÉ
Maladie
Psyché
défenses
Adapté de ‘L’homme trinétaire - Serge Bonfils’ - 1993
Impertinence psychosomatique ; John Libbey p 17
Les difficultés
• Toute intervention mal programmée d’un médecin peut provoquer
un passage intempestif du normal au pathologique et aboutir à un
résultat malencontreux.
• Les émotions, les états internes propres à chaque individu peuvent
limiter ses réflexions
• Le médecin doit toujours tenir compte des réactions possibles
lorsqu’il agit dans la prévention et le dépistage.
Les difficultés
• Concept de la norme = fondement hybride (statistique et
axiologique),
• Doit être reconnu comme une vérité par une collectivité
notamment la communauté médicale.
• Les médecins doivent savoir quand le normal devient pathologique
afin d’intervenir le plus rapidement possible.
• Le principal problème du dépistage et de la prévention est de situer
cette intervention à un moment propice pour être efficace.
De la santé au rôle social de la maladie
Modèle hypothétique J. Cottraux 1981
Diathèse
biologique
Expériences
passées
État biologique
Perturbé latent
Comportements
Facteurs
génétiques
Facteurs
de
risque
Maladie
Comportement
de maladie
Stress du à
l’environnement
Antécédents
Rôle social
de maladie
Comportements
Conséquences
Modèle biomédical
• centré sur la compréhension et le traitement de la maladie,
• ne tient pas assez compte du patient et du soin au patient.
• modèle est logique et établi sur des bases scientifiques
incontestables.
• mais modèle figé, pouvant être réduit à des signes ou des
symptômes et leurs traitements,
• insuffisant pour répondre à toutes les interrogations des
médecins.
Modèle biopsychosocial
• proposé en 1977 par le professeur Georges Engel
• modèle systémique intégrant à la maladie les aspects
psychologiques et sociaux de celle-ci.
• utile pour mettre en place des stratégies moins onéreuses et
davantage performantes de prévention et de soins adaptés.
• on ne parle plus de prévenir simplement une maladie, de glisser du
normal au pathologique.
Modèle biopsychosocial
• la prévention et le soin prennent en compte les interrelations
complexes
• qui existent entre les différentes dimensions de la vie
• qui tiennent compte des effets stabilisants ou déstabilisants que
ces différents niveaux d'organisation exercent les uns sur les
autres.
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