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Pour Jérusalem, je ne me tairai point
AD A M A N°81 - TICHRI 5777 / 2016
On ne peut être que profondé-
ment choqué lorsqu’on apprend
que notre pays, la France, pays
des Lumières et de la laïcité, a apposé sa
signature au bas de la résolution adoptée
par le Conseil exécutif de l’UNESCO
le 16 avril dernier, sur le point intitulé
«Palestine occupée». Soyons clair : il ne
s’agit pas pour moi, ce n’est ni mon rôle
ni mon ambition, d’évoquer les conflits
politiques et territoriaux qui occupent et
déchirent les États du Proche-Orient.
Mais le responsable religieux français que
je suis, ne peut demeurer silencieux devant
une telle atteinte à la foi de nombre de
fidèles, qui ont accompagné la destinée du
Temple de Jérusalem, de Salomon le bâtis-
seur à Jésus chassant les marchands ;
je ne peux rester indifférent devant une
telle offense à l’Histoire et à l’honneur.
Que l’UNESCO, dont la mission est de
promouvoir la paix, la sécurité et les libertés
fondamentales en « resserrant par l’éducation,
la science et la culture, la collaboration entre
les nations » s’inscrive dans une dénégation
aberrante, en adoptant une résolution qui
laisse entendre que les Juifs n’auraient aucun
droit de regard sur le Mur occidental (ici
appelé place Al Buraq), voire qu’ils n’auraient
pas construit le Temple de Jérusalem, ne
manque pas de laisser pantois les honnêtes
observateurs.
Il y a là injure à ce que nous rapportent
les textes sacrés, la Bible et ses 867 men-
tions de Jérusalem, comme les Evangiles,
mais aussi à l’Histoire. D’innombrables
voyageurs aussi érudits que Pierre Loti,
qui n’était pourtant pas un parangon de
philosémitisme, ou Chateaubriand, pour ne
citer qu’eux, témoignent, s’il en était besoin,
de l’enracinement ancestral du judaïsme
dans ces lieux: «c’est vendredi soir, le moment
traditionnel où, chaque semaine, les Juifs
vont pleurer en un lieu spécial concédé
par les Turcs, sur les ruines de ce Temple
de Salomon…» (Chateaubriand, 1811).
En citant ces écrivains, je ne fais que me réfé-
rer modestement aux Témoignages sur Israël
dans la littérature française, ouvrage publié
en 1938 par le Grand Rabbin Jacob Kaplan,
qui a su souligner le rôle exceptionnel de
passeurs de mémoire qu’ont joué les auteurs
français dans l’histoire du peuple juif.
Certes, on ne devrait être que moyenne-
ment surpris par la position de l’UNESCO,
quand on sait que le tombeau des
Patriarches et la tombe de Rachel ont
été récemment classés, par la même
organisation, comme des lieux de culte
exclusivement musulmans.
Mais dénier aux Juifs, mais aussi aux
Chrétiens qui se sont appuyés sur la
construction du Temple pour élever les
cathédrales, aux Francs-Maçons qui en ont
fait le symbole de leur humanisme, et enfin
aux non-croyants, l’appartenance à ces lieux
historiques et inspirés, est faire insulte à la
mémoire et à l’intelligence collectives de
l’humanité. C'est d’ailleurs aussi faire insulte
à l'Islam, car cette foi s'enracine dans celles
qui l'ont précédée. Or, s'il n'y a pas de
Temple, pourquoi ce lieu particulier pour
une mosquée ?
Il se trouve que si, en France, nos synagogues,
nos églises, nos temples et nos mosquées
sont tournées vers l'Orient, c'est que ces
lieux suivent l'appel de Jérusalem, celui du
Temple.
Une telle attitude est sans aucun doute
préoccupante pour l’avenir de l'UNESCO,
malgré tout le respect qu’on peut avoir
pour les objectifs poursuivis par ses fonda-
teurs et l’estime portée à sa Directrice
générale.
Que la France ajoute son paraphe à ceux
des pays qui approuvent cette position est
proprement révoltant pour le patriote que
je suis.
Le principe de laïcité, inscrit dans notre
Constitution, aurait dû interdire de prendre
aussi ouvertement parti pour des tenants
extrémistes, aveuglés par des considérations
bien éloignées de la miséricorde divine.
La France, l’une des nations qui a le plus
largement contribué à la clairvoyance et à
la mesure de notre civilisation, ne peut pas
ne pas être offusquée par le déni de réalité
que constitue la résolution votée. Elle ne
peut pas ne pas voir, dans la répétition,
l'insistance, la litanie maladive des termes
« Israël, Puissance occupante » tout au long
du texte, le révélateur des vrais mobiles de
ses auteurs. Elle aurait dû, sans conteste,
retenir sa plume. Aussi est-il de ma respon-
sabilité de dénoncer cette avanie comme
un écho au prophète Isaïe (LXII, 1): Pour
Jérusalem, je ne me tairai point.
Le Ministre des Affaires étrangères m’a
assuré de la constance de la position de
notre pays et de l’évidence de la connais-
sance que possèdent nos représentants et
nos diplomates des faits historiques incon-
testables. Jean-Marc Ayrault, dont j'ai pu
mesurer la solidité des convictions, devra
le réaffirmer de façon forte et claire lors
de son prochain voyage en Israël, mi-mai.
Nous avons fait part de notre souhait et
réitérons notre demande que cette position
soit également clairement réaffirmée
par notre pays, notamment lors de la
40ème session du Comité du Patrimoine
Mondial qui se tiendra à Istanbul du 10 au
20 juillet prochain.
En restant vigilants, nous souhaitons aussi
aider l’UNESCO à retrouver le sens premier
et profond de la charte qui la fonde et de
l’espoir qu’elle porte pour tous. ■
Pour Jérusalem, je ne me tairai point
DR
© Noam Chen
DR
Isaïe (LXII, 1)