Prise en charge de la douleur cancéreuse

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PRISE EN CHARGE
DE LA
DOULEUR CANCEREUSE
Prof. Omar BOUDEHANE
Médecin chef
Service de Réanimation Médicale
C.H.U.Constantine
Conférence d’actualisation , 2015
EVOLUTION DES CONNAISSANCES
• Problème de santé publique majeur
• 1960 USA: Premières « Pain Clinics » à Seattle
par Bonica
• Diffusion du modèle pluridisciplinaire: 1973 rôle
prépondérant de l’ « I.A.S.P. »
• Depuis 1980 en Europe: intérêt crissant pour la
douleur chronique et son traitement.
• Dans ce développement récent: réel besoin et une
volonté à compenser le retard accumulé dans ce
domaine.
• 1er congrès national de la SAETD en 2005 à Alger
Utilité de création des Unités
d’Evaluation et de Traitement de la Douleur
• Pression sociale?:
– Sous utilisation des moyens thérapeutiques
existants ( morphine par voie orale) créant une
attente de soulagement total et définitif.
– Rejet fréquent des patients douloureux
chroniques difficiles à traiter.
• L’intérêt des évaluations économiques?:
– Le coût des conséquences économiques de la
douleur est un facteur déterminant du
développement des centres anti-douleurs ( aux
USA 60 milliards de dollars / an soit 10% du budget national)
DEFINITION DE LA DOULEUR
• Selon l’IASP ( International Asssociation
for the Study of Pain ) : 1979
C’est
une
expérience
sensorielle,
émotionnelle, désagréable, associée à un
dommage tissulaire présent ou potentiel, ou
décrite en terme d’un tel dommage.
Cette définition met en évidence
3 choses fondamentales :
1. Expérience subjective;
2. Notion de souffrance globale ( douleur
morale);
3. Dissociation entre lésion et douleur
( douleur psychogène)
Diagnostic du Type de douleur
 Excès de nociception : ( traumatismes,
inflammation, phénomènes ischémiques,
tumeurs…)
 Désafférentation : par défaut d’inhibition :
compression des voies de conduction ( zona,
neuropathie, lésion nerveuse traumatique…)
 Par atteinte du SNC: (dépression, hystérie…)
PRINCIPE DE PRISE EN CHARGE
Evaluation de la douleur :
 Interrogatoire du patient, son information et soutien
psychologique (écouter et rassurer)
 Explication de la nature de la maladie et son retentissement
psycho-social et professionnel
 Conséquences somatiques: examen clinique complet.
 Définition du profil de la prise en charge (il s’agit d’un
traitement d’accompagnement)
 Echelles d’appréciation globale de l’intensité de la douleur
( EVS, EN, EVA).
 Echelles comportementales (qualité de vie, humeur,
capacités à marcher)
 Echelles de dépistage diagnostic ( douleur neuropathique)
LA PRESCRIPTION D’UN
ANTALGIQUE
3 règles régissent cette prescription :
1. Le bon antalgique: meilleure efficacité
et tolérance;
2. Le bon dosage : intensité donnée 
dose optimale;
3. Le bon moment : prise à horaire fixe 
prévention réapparition de la douleur .
CLASSIFICATION DES
ANTALGIQUES
Selon les 3 niveaux de l’OMS :
1. Douleur modérée : Antalgiques
périphériques ( aspirine , paracétamol ) ;
2. Douleur forte : antalgiques centraux
faibles ( niveau 1 + codeine ou
déxtropropoxyphène ); tramadol
3. Douleur intense : antalgiques centraux
forts (temgésic, morphine, fentanyl …)
EVOLUTION DES CONNAISSANCES
• Approches thérapeutiques: ( spécifiques:chir-chimio-radio,
pharmacologique,
anesthésique,
neurochirurgicale,
psychologique)
• Les traitements de référence restent des produits anciens.
• Les produits d’aujourd’hui ne peuvent être classés en
antalgiques périphériques et centraux.
• La classification actuelle:
– Classe « I »: Antalgiques non morphiniques (maîtrise de la
pharmacovigilance: paracétamol, aspirine et AINS).
– Classe « II »:Antalgiques morphiniques (spécificités): intérêt de
la rotation des opioïdes.
– Classe « III »: non antalgiques (antidépresseurs et
antiépileptiques) utilisés de façon empirique dans les syndromes
douloureux chroniques (neuropathiques).
CHOIX DES MORPHINIQUES
• Dépend de l’intensité de la douleur et de son efficacité.
• Il s’agit d’antalgiques à action prioritairement centrale
(spinale et supra-spinale).
• Par activation préférentielle, pour la plupart d’entre
eux, des récepteurs des opioïdes mu (agonistes).
• Effets indésirables (sédation-nausées-vomissements et
constipation), risques de dépression respiratoire,
pharmacodépendance.
• Respecter les règles d’utilisation.
Règles
d’administration des opioïdes
•
•
•
•
•
•
•
Ne doit pas se faire à la demande;
A des intervalles réguliers (durée d’action):
A doses suffisantes, adaptées par paliers;
Les formes prolongées sont préférées
L’efficacité doit être contrôlée les 1ers jours;
Inutile de poursuivre des traitements sans efficacité;
Eviter d’associer des médicaments de même mode
d’action
• Le passage d’un opioïde à un autre est autorisé après
deux graduations sur l’EVA;
• Arrêter progressivement les traitements opioïdes pour
prévenir un syndrome de sevrage (ex: diminuer de 30%
toutes les 48h).
Le concept
de la rotation des opioïdes
• Définition: Changement d’opioïde à doses plafond audelà desquelles les effets secondaires se majorent sans gain
antalgique avec utilisation du ratio des doses équianalgésiques d’un autre opioïde. Une brève adaptation des
doses à l’aide d’opioïde à action immédiate peut être
nécessaire.
• Evite les risques de dépendance
• Intéresse les antalgiques de niveau III
• Doit s’accompagner d’un suivi régulier et d’un
accord avec le patient sur la façon de gérer cette
rotation.
Indications
de la rotation des opioïdes
• Toutes les circonstances d’échappement aigu, ou rapide à
un morphinique:
– Douleur nociceptive répondant initialement à un morphinique;
– Absence de modification apparente de la cause de la douleur;
– Besoins accrus et rapidement évolutifs en opiacés alors que le
soulagement est médiocre
• Dans ce cas: utiliser les tables de conversion d’équi-analgésie
• Refaire une titration avec un autre opioïde fort, en milieu
sécurisé, avoir du Naloxone=Narcon® et une assistance
ventilatoire: ( injection en IV toutes les 5 à 7 minutes de bolus
de 1 à 3 mg de morphine selon l’âge et le poids jusqu’à
contrôle suffisant de la douleur)
Coefficient de conversion « K » entre les différentes
voies d’administration de la morphine:
(doses de morphine=voie orale/autres voies)
• Exemple: patient reçoit 300mg/24h per os,
la dose équi-analgésique est de 150 mg/24h
S/C et de 100 mg/24h IV
–
–
–
–
–
Morphine rectale: k=1
Morphine S/C: k=2
Morphine IV: k=3
Morphine péridurale: k=10
Morphine intrathécale: k=100
Notion de doses plafond
morphine: agoniste
il n’y a pas de doses plafond tant pour les effets antalgiques que pour les
effets secondaires. La dose nécessaire pour contrôler la douleur pourra
être progressivement augmentée sous réserve d’une tolérance
satisfaisante des effets secondaires.
• MLP sur 24h: 60 mg à 360 mg/24: Kapanol®(gél à 20,50, et 100mg)
• MLP sur 12h: Moscontin®, Skénan® (10,30,60,100 et 200mg)
• MLI est utilisée en interdose (dose supplémentaire): 10% ( ou 1/6 )
de la dose des 24h, puis l’augmentation des doses se fait par palier de
50% de la dose précédente jusqu’à l’obtention d’un soulagement.
Propriétés antalgiques:
• Action spinale: Agoniste des récepteurs mu des opioïdes, présents
avec les récepteurs delta et kappa, dans les couches I et II de la corne
postérieure de la moelle épinière.
• Sites supra-spinaux: effet anti-nociceptif s’exerce via les voies
inhibitrices descendantes bulbo-spinales.
Notion de doses plafond
autres morphiniques: agonistes
•
Codéine: en association avec le Paracétamol: Codoliprane®, EfferalganCodéine®: se métabolise pour 10% en morphine, demi-vie de 3h, effet additif
avec le paracétamol, dose plafond=3g/24h soit 6cp/24h. Palier II
•
Tramadol (Topalgic®): proche de la codéine, se comporte dans sa forme «
plus » comme agoniste mu et un inhibiteur de la recapture de la sérotonine
centrale, alors que sa forme « moins » inhibe la recapture de la noradrénaline;
on ne peut pas totalement antagoniser; ses effets par la naloxone. Demie vie de
5 à 7h; sa puissance analgésique est de 1/6 de celle de la morphine. Disponible
sous forme à libération immédiate et prolongée. Doses: Tramadol LP (100, 150,
ou 200 mg): 1cp matin et soir, ou Tramadol 50 mg 1 à 2 gél toutes les 4 à 6
heures, sans dépasser la dose plafonf de 400mg/j. Palier II
•
Fentanyl (Durogésic®): Plier III, le fentanyl, dérivé de synthèse, est 50 à
150 fois plus puissant que la morphine. Il est utilisé dans l’analgésie peropératoire avec plusieurs de ses dérivés (alfentanyl, sufentanyl, rémifentanyl).
Grâce à sa lipo-solubilité très élevée, il est utilisé sous forme de dispositif
transdermique (délai d’action jusquà 72h et délivrance systémique continue)
dans les douleurs chroniques d’origine cancéreuses. Il existe en 25, 50, 75, 100
µg/h. Doses de conversion= 60 à 90 mg de morphine orale = 25 µg/h, 90 à 150
mg = 50µg/h, 150 à 200 mg = 75µg/h, 200 à 270 mg = 100µg/h
Notion de doses plafond
autres morphiniques; agonistes partiels
• Buprénorphine (Temgésic):
– Sa puissance est 25 à 30 fois plus élevée que celle de la morphine (0.3mg
en IM correspondent à 10 mg de morphine IM)
– Agit comme agoniste partiel des récepteurs mu. Il existe un effet plafond
au-delà de 1 à 1.2 mg par voie sublinguale ou 0.6 mg par voie IM.
– Son effet analgésique n’augmente pas au-delà de ces posologies et le
risque de dépression respiratoire est moindre. Une pharmacodépendance
moindre / morphine.
– Ses propriétés d’agoniste partiel peuvent déclencher un syndrome de
sevrage chez les patients présentant un état de dépendance aux opiacés.
Elles peuvent diminuer l’effet analgésique des autres produits. Il ne faut pas
l’associer aux autres morphiniques.
– Il faut attendre un délai de 4h après un traitement par la morphine pour
prescrire le Temgésic.
– Doses de conversion: 1.2 mg de Temgésic équivaut 60 mg de Morphine
Notion de doses plafond
autres morphiniques: agonistes – antagonistes
(Pentazocine ou Fortal® , Nalbuphine ou Nubain®)
•
Leur affinité est élevée pour les récepteurs Kappa: agonistes. A
l’inverse, ils agissent comme des antagonistes des récepteurs mu.
• Conséquences pratiques:
1. Patient non traité par la morphine: ces drogues exercent des propriétés
agonistes donc analgésiques
2. Patient traité par la morphine ou autre agonistes des récepteurs mu:
ces drogues se comportent comme des antagonistes et s’opposent à
l’action analgésique de la morphine.
L’association des agonistes-antagonistes à la morphine
est illogique et contre-indiquée:
a. Prescrits avant: ils risquent de rendre la morphine inefficace
b. Prescrits après: ils peuvent précipiter l’apparition du syndrome de
sevrage.
PROTOCOLE DE PRISE EN
CHARGE DE LA DOULEUR
• Le protocole utilisé repose sur les
recommandations et la classification de
l’OMS : Palier I - II – III
• Un suivi régulier et strict pour chaque
malade  meilleure évaluation et prise en
charge de la douleur .
PALIER 1
 Durée : 2 mois maximum .
 Paracétamol : 3 cp / jour pendant 15 jours.
 Evaluation par 15 jours  inéfficacité 
augmentation d’ un comprimé / j pendant 15
jours  6 cp / jour .
PALIER 2
 Durée: 4 mois maximum.
 Paracétamol codeiné 3cp / j pendant 15
jours.
 Evaluation / 15 jours : ajout d’un cp de
PNC jusqu’à 3 cp de PC + 3 cp de PNC.
 Si inefficacité : augmentation du PC +
diminution du PNC jusqu’à 6 cp / j de PC.
PALIER 3
 Durée: 4 à 6 mois.
 Modalités : prescription du Temgésic 200
3 cp / j soit 600 gamma /j pendant 01 mois.
 Si inefficacité : augmentation d’un cp / j
pendant 01 mois jusqu’à : 6 cp / jour
RELAIS TEMGESIC – MORPHINE
 Durée Totale: 6 mois ,
 1ère dose quotidienne de Morphine =50 fois la
dernière dose quotidienne de Temgésic  : 60mgj
de Morphine = 1.2mg / j = 6cp / j de Temgésic  .
Doses habituelles s’échelonnent de 60 à 240 mg
par jour en fonction de l’intensité de la douleur.
Durée maximale de prescription autorisée en
France: Sulfate de morphine orale=28j,
Chlorhydrate de morphine orale=14j, Morphine
inj.=7j
RELAIS MORPHINE – FENTANYL
PATCH ( Durogésic )
• Equivalent morphine orale: 90mg / j
correspondent à Durogésic  25  / h..
• Adaptation des doses:
 Attendre 72 h après la pose du patch pour
réévaluer la posologie. : Si consommation
d’antalgique inf à 60 mg / j d’équivalent
morphine : poursuite du Durogésic à 25 
, si supérieure : augmentation de 25 .
TRAITEMENTS CO-ANTALGIQUES
- AINS ( profenid )dans les douleurs
inflammatoires;
- Les anti-dépresseurs tri-cycliques
( Clomipramine );
- Relaxation par audio;
- Traitement symptomatique général
( nausées, vomissements, épigastralgies….)
CONCLUSION
• La Douleur est retrouvée chez 50% des patients
cancéreux, dont 60 à 90 % en phase terminale. Le
diagnostic est simple, mais son traitement reste
difficile.
• Notion de la maladie à part entière.
• Nécessite une prise en charge dans une structure
adaptée
avec des moyens médicamenteux
adéquats, ainsi qu’un suivi régulier du patient.
• « Si l’on ne peut plus donner
des jours à la vie, il est
encore possible de donner de
la vie aux jours »
J. Bernard
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