C’est pour les élites que les avantages de l’urbanisation sont les plus évidents
sur le plan de l’existence sociale, comme ils le sont sur le plan économique : ne
disposent-elles pas de la richesse et de la puissance? Ne mènent-elles pas une
existence plus large et plus raffinée? Pour les populations de niveau modeste, la
situation est moins avantageuse et le bilan des aspects positifs et négatifs de la
vie urbaine plus nuancé. Au plan professionnel, la spécialisation plus poussée,
pour les artisans en particulier, apparaît intéressante, car elle permet de mieux
mettre en valeur les aptitudes personnelles; au plan social, les conditions
générales de la vie de relation sont trop voisines de celles de la campagne pour
que l’on ait le sentiment d’une rupture. La possibilité de participer à une vie
culturelle plus riche est cependant ressentie comme un avantage. Dans le
monde musulman, le citadin a seul le possibilité de faire la prière en commun le
vendredi, ce qui valorise son genre de vie par rapport à ceux des ruraux ou des
nomades. Au Moyen Age, la foi s’approfondit dans les milieux urbains; elle y
devient réellement populaire; elle conduit à un élargissement de l’expérience
personnelle de la religion. Le culte est moins chargé de connotations
naturalistes et animistes que dans les milieux où le rythme cosmique de la vie est
plus perceptible; la médiation sur le bien et le mal et sur les mystères de
l’existence individuelle tient plus de place. (Claval, 1991, p. 33.)