avortement et droits humains

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Dr F. BENZEKRI
Association Marocaine des Droits Humains
(AMDH)
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Introduction
 + de 120 millions de couples n’utilisent aucun
moyen de contraception en dépit de leur volonté
d’espacer les naissances ( le phénomène est plus
important dans les pays
en voie de
développement)
 Chaque année 80 millions de femmes ont une
grossesse non désirée :
 45 millions d’entre elles vont recourir à
l’avortement
 dont 19 millions dans de mauvaises conditions
 le nombre exact de femmes qui en meurt est
inconnu : estimé à 13% environ
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Introduction
 le taux de mortalité par avortement :
 330 / 100 000 avortements dans les
pays où l’IVG est illégale
 0,2 - 1,2 / 100 000 avortements dans
pays où l’IVG est légale
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Introduction
 Pas de statistiques marocaines exactes
 300 à 600 IVG seraient pratiquées par jour dans
les villes marocaines
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 Mon intervention discutera
l’avortement du point de vue droits
humains tels qu’ils sont reconnus
mondialement
 Les autres aspects : éthique, religieux …
ne seront pas abordés.
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 Que dit la loi marocaine en matière d’ avortement?
 Que disent les pactes internationaux des droits de
la femme?
 Qu’en est-il des droits de l’embryon?
 Quelle est la position de l’AMDH?
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TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX :
Code Pénal
 Art. 449 : « quiconque par aliments, breuvage,
médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre
moyen, a provoqué ou a tenté de provoquer
l’avortement d’une femme enceinte, qu’elle y ait
consenti ou non, est puni de l’emprisonnement d’un à
cinq ans et d’une amende de 200 à 500 dh ».
 Art. 450: « Si la mort en est résulté, la peine est la
réclusion de dix à vingt ans . Si l’individu se livre
habituellement à ces actes, les peines sont doublées ».
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TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX :
Code Pénal
 Art. 453 : « l’avortement n’est pas puni quand il vise à
sauvegarder la vie de la mère à condition qu’il y ait
consentement du conjoint. En l’absence de ce
consentement, il faut avoir celui du médecin chef de la
préfecture et en cas d’urgence, il suffit que ce dernier soit
seulement avisé. »
 Art454 : « la femme qui s’est livrée à l’avortement est
punie de six mois à deux ans de prison ».
 Art. 455 : « puni l’avorteur de deux mois à deux ans, même
si l’acte n’a pas abouti. Et des mêmes peines, le vendeur des
produits avortant et les complices d’avortement ».
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits
fondamentaux de la femme.
1. Le droit à la vie :
- DUDH : Art. 3. “Tout individu a droit à la vie…”
- PIRDCP : Art. 6. “Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine …”
- Convention Européenne SDHLF : Art. 2. “Le droit de toute
personne à la vie est protégé”
- Charte Africaine DHP : Art. 4. “Tout être humain a droit au respect
de sa vie”
- Charte Arabe DH Art. 5. “a. Le droit à la vie est un droit inhérent à
toute personne humaine”
- Convention relative aux Droits de l’Enfant Art. 6. “1. Les Etats
parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie”
- Convention relative aux Droits des Handicapés : Art. 10. “…
le droit à la vie est inhérent à la personne humaine …”
- Convention Américaine relative aux DH : Art. 4. “1. Toute
personne a droit au respect de sa vie”
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la femme.
Commentaires:
-L’interdiction de l’avortement n’empêche pas sa pratique dans
l’illégalité.
-Les conditions de la réalisation du geste sont souvent
déplorables augmentant ainsi le risque de décès que ce soit par
hémorragie , par infection , par empoisonnement ou autre.
-L’obligation de poursuivre une grossesse non désirée fait d’elle
une grossesse à risque: non médicalisation aussi bien du suivi que
de l’accouchement
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la
femme.
Commentaires:
-Environ 1 femme par jour au Maroc meurt des
complications de son avortement
-La question à poser n’est pas : est-ce qu’il faut laisser
vivre l’embryon mais plutôt est-ce qu’il faut laisser
mourir la femme?
- Rappelons que la mortalité maternelle au Maroc est
de 228 /100 000 naissances vivantes et se pose la
question si les avortements clandestins n’alimenteraient
pas ce chiffre.
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la
femme.
2. Le droit à la santé :
- PIRDESC : Art. 12 . « … reconnaissent le droit qu'a toute personne de
jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable
d'atteindre »
-DUDH : Art. 25 . « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant
pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour
l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que
pour les services sociaux nécessaires… »
- CEDAW : Art. 12 «1. Les Etats parties prennent toutes les mesures
appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le
domaine des soins de santé en vue de leur assurer, sur la base de l’égalité de
l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux, y
compris ceux qui concernent la planification de la famille. »
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la femme.
Commentaires
Santé physique
-Le risque lié à une grossesse et à un accouchement est
toujours plus grand que celui lié à une interruption de
grossesse effectuée selon les règles de l'art.
Ce risque accru ne doit être imposé à aucune femme.
-Les principaux risques liés à un avortement clandestin sont:
l’hémorragie génitale, les infections, la stérilité, les
perforations gynécologiques et digestives voire la mort.
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la femme.
Commentaires
Santé mentale
-La santé mentale est également
très compromise :
dépression, tentative de suicide...
-Exemple de la grossesse après viol ou inceste où la femme
devrait gérer le stress d’une agression, le stress d’une
grossesse non désirée et mal vue par la société et surtout
l’accouchement d’un bébé fruit d’une honte, d’une blessure,
ou d’un traumatisme…
-Une femme qui est prête a renoncé à sa vie, et accepte même
l’ éventualité qu’elle soit damnée est une femme qui souffre; il
faut savoir l’ écouter .
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la femme.
Selon le Comité de l’ONU pour l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW)
l’interdiction de l’avortement signifie une
discrimination des femmes et une violation de leur
droit à la vie et à la santé ainsi qu’une violation de
l’article 12 (concernant la santé) de la Convention sur
l'élimination de toutes formes de discrimination à
l'égard des femmes.
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la femme.
3. Le libre choix de la maternité : un droit fondamental
-CEDAW : Art. 16 : les femmes et les couples ont le droit de « décider
librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des
naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens
nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits »
- Programme d'action de la Conférence mondiale des
Nations Unies sur les femmes à Pékin (1995)
-Paragraphe 97 : « La possibilité pour les femmes d'être maîtresses de leur
fécondité est une base importante pour la jouissance d'autres droits ».
-Paragraphe 223 : le « droit qu'a chacun de jouir du meilleur état de santé
possible en matière de sexualité et de reproduction, et de prendre des
décisions en matière de reproduction sans faire l'objet de discrimination, de
contrainte ou de violence... ».
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LES DROITS DE LA FEMME
L' interdiction de l'avortement viole toute une série de droits fondamentaux de la
femme.
Commentaire
« Une femme peut oublier tous ses autres droits si elle
n'a pas celui de planifier les naissances ».
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LE STATUT DE L’EMBRYON
le statut de l’embryon ne fait pas l’objet d’un consensus…
- DUDH : Art. premier .«Tous les êtres humains naissent libres et égaux
en dignité et en droits.»
- DUDH : Art. 3 . « Tout individu a droit à la vie... »
Est donc considéré comme individu celui qui est né.
Lors de la préparation de la Déclaration, les propositions de protéger le
droit à la vie dès la conception ont été rejetées (Cook, 1992).
- Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant :
- Préambule : « ... l'enfant ... a besoin ... d'une protection juridique
appropriée, avant comme après la naissance ».
- Art. 6 : « ... tout enfant a un droit inhérent à la vie ».
La Convention garantit le droit à la vie dès la naissance. Il n'est pas
précisé, à partir de quel moment avant la naissance devrait commencer
la "protection juridique appropriée" ni quelle forme celle-ci devrait
prendre.
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LE STATUT DE L’EMBRYON
le statut de l’embryon ne fait pas l’objet d’un consensus…
-Convention européenne des droits de l'Homme : Art. 2 : « Le droit
de toute personne à la vie est protégé par la loi. »
La Commission européenne des droits de l'Homme a précisé que
l'expression "toute personne" ne "s'applique pas à l'enfant à naître".
-La Cour européenne des droits de l'Homme a refusé d'attribuer au
fœtus le statut de "personne". En constatant l'absence de consensus en
la matière, elle a conclu qu'il relevait de la marge d'appréciation des
Etats de définir le point de départ du droit à la vie (VO 2004)
-Convention américaine relative aux DH : Art. 4. « Toute personne a
droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en
général à partir de la conception »
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DROIT DU PARTENAIRE
-La Commission européenne des droits de l'Homme
ainsi que les tribunaux de plusieurs pays ont refusé
toutes les plaintes émanant de "pères" potentiels qui
voulaient forcer la femme à avorter ou au contraire à mener
à terme sa grossesse.
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REFLEXION
"Il faut se poser la question si tout d'un coup le droit de
l’embryon prend plus d’importance que le droit, les intérêts,
la vie ou tout le contexte de la vie de la femme ou du couple.
Il faut peser la balance." (Christine Magistretti)
L'interdiction de l'avortement constitue la pire des mesures pour
assurer la protection de la vie. Là où cette mesure est strictement
appliquée, les femmes sont poussées dans l'illégalité et leur vie
même est mise en danger.
La protection de la vie - y compris de la vie embryonnaire - est un
désir de notre société. Elle inclut la protection de la dignité de la
femme et de la qualité de vie, c.à.d. du bien-être physique, mental
et social de toute personne.
Les femmes ont droit à LEUR vie et à l'épanouissement de leur
personnalité. Elles n'ont pas l'obligation de se sacrifier. Les enfants
ont le droit de naître dans les meilleures conditions possibles. 21
REFLEXION
La seule issue honnête du dilemme est le respect de la
décision consciente et responsable prise par la femme
concernée.
Une véritable protection de la vie ne peut pas être réalisée
contre les femmes, elle doit être réalisée avec elles.
Protéger la vie ne peut pas signifier l'obligation pour les
femmes d'enfanter sous la menace d'une sanction pénale.
L'obligation d'enfanter détruit les perspectives de vie des
femmes et des enfants
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REFLEXION
« Légaliser l’avortement n’oblige personne à avorter. Une
femme estimant que l’avortement est une
abomination(ce qui est son droit le plus strict), aura
toujours le choix d’avoir son bébé. »
(Calixto)
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CONCLUSION
 Tous les référentiels internationaux relatifs aux Droits
Humains s’accordent à protéger les droits
fondamentaux de la femme : droits à la vie, à la santé et
au libre choix de la maternité.
L' interdiction de l'avortement viole ces droits
fondamentaux.
 Le
gouvernement marocain a ratifié plusieurs
conventions et pactes internationaux relatifs aux droits
humains; il est tenu donc d’appliquer l’esprit des
recommandations qui en émanent et ce notamment en
matière d’avortement.
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CONCLUSION
Réviser immédiatement la loi qui interdit l'avortement.
Garantir des services d'avortement sûrs et accessibles.
Offrir aux femmes et aux jeunes filles concernées tout
le soutien dont elles ont besoin.
Dans le cadre du respect de l'égalité entre l'homme et la
femme, il faut supprimer toute forme de tutelle qui
obligerait la femme à garder ou non sa grossesse.
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