PRISE EN CHARGE DU TRAUMATISME PSYCHIQUE : PREVENTION SECONDAIRE DES TROUBLES PSYCHOTRAUMATIQUES : ETAT DES LIEUX ET ENJEUX Ducrocq F., Vaiva G. FG-PTSD* * French Group for Prevention in Trauma Studies Design 1 Situation du problème Définition précise du trauma : Parfois complexe Arguments liés : Evénement Réaction / vécu du sujet Nosographie… Retentissement large en terme de souffrance : Psychologique et psychiatrique Social, relationnel, familial, professionnel … Economique 2 1 - Psychosocial : handicap OMS : Handicap souvent « sérieux » (Blanchard, 96 ; Brom, 93 ; Classens, 98 ; Ehler 98 ; Frommberger, 98 ; Harvey 99) 2 - Psychopathologiques : troubles nombreux 20 à 40 % PTSD 30 % dépression 30 % PTSD-MDD comorbides (Mellman, 1992 ; Bleich, 1997 ; Blanchard, 1998; Shalev, 1998 ; McFarlane, 2003) 3 3 - Economique : coût (Chan & McFarlane, 2003) Follow-up cohorte de victimes d’accident de la route sur 1 an 391 sujets / évaluation à 9 mois total : 6 millions $ australiens Impact médico-économique pour sujets présentant PTSD non-traités > PTSD traités 4 Du stress au trauma Stress : Réaction biophysiologique et psychologique d’alarme et de défense face à une agression ou une menace Trauma : déterminé par l’expérience de la mort : Rencontre manquée Caractère irreprésentable de sa propre mort Effroi/effraction Blessure psychique/réparation/cicatrisation 5 Stress normal et adaptatif Réaction de stress : Mobilisation des ressources du sujet Alarme réaction de stress défense Processus physiologique: Libération d’endorphine, de l’immunité Excitation SNC/SNA Hypophyse surrénale : NorA Etat physiologique d’alerte : FC, HTA… 6 Réaction d’urgence utile et adaptative de durée brève Processus psychologique Focalisateur d’attention Mobilisateur d’énergie Incitateur à l’action Centre le sujet sur la situation dangereuse Mobilise les capacités d’éveils Inventaire des moyens de faire face Schémas appris / raisonnement déductif Soustraction au danger Décision 7 Mais : climat de tension psychique exceptionnel : 1. 2. 3. 4. 5. Cognitif : surprise, irréalité, illusion de centralité, doute, troubles fonctions supérieures … Affectif : frayeur, libération émotionnelle, sentiment d’absence de secours… Neurovégétatif : pâleur, sueur, striction laryngée, oppression thoracique, tachycardie, douleur abdominale, céphalée… Volitionnel : sentiment d’impuissance, manque de confiance en soi… Comportemental : ralentissement moteur, tremblement, dysarthrie, difficulté de contrôle… 8 Réaction coûteuse en énergie psychique Finit par état ambigu d’euphorie et d’épuisement Parfois libération différée de la tension émotionnelle Notion de post-stress immédiat : Décharges émotives Décharges neurovégétatives Pleurs, cris, agitation, agressivité Tremblements, vomissements, débâcle urinaire ou intestinale Danger : contribue à l’effondrement de la résistance physique CAT Réconfort/soutien moral Participation au secours ? Expliquer les soins si blessures physiques Danger : sentiment d’abandon à l’évacuation des secours 9 Réaction de stress dépassé, inadaptative Stress trop intense, répété ou prolongé épuisement des réserves énergétiques Dépassement des capacités de contrôles émotionnels Réactions archaïques, stéréotypées, inadaptatives 4 types 10 1 – Sidération « Cataplexie » de Janet Réaction de sidération : Cognitive : stupéfaction Affective : stupeur Motrice : sidération CAT : Besoin de la présence des sauveteurs Mise à l’écart/protection/anxiolyse ? 11 12 2 – Agitation Réaction d’agitation : Incoordonnée et stérile Besoin impérieux d’agir Impulsion irréfléchie Gesticulation désordonnée Incapacité à élaborer une décision adaptée CAT : Mise à l’écart Cadrage Médication ? 13 14 3 – Fuite panique Soustraction brutale au danger Fuite de la zone de la catastrophe, n’importe où et n’importe comment Parfois presque adaptative : fuite du danger Parfois inadaptée voire suicidaire : reprécipitation dans le danger Danger : contagion +++ panique collective CAT : Attitude apaisante Cadrage Médication ? 15 16 4 – Action automatique Séquence de gestes automatiques d’un sujet en état de choc et de désarroi Véritable automate, spontanée ou par mimétisme Échappe à la conscience, état second/bulle hypnotique Pour l’observateur extérieur : semble cohérent et adaptatif CAT : Soutien Réassurance Participation prudente aux secours 17 18 Épidémiologie PTSD Troubles aigus : Hétérogénéité nosographique souffrance psychique Prédictibilité des troubles séquellaires Population générale Stress dépassé ESA, TPB, TA Dissociation péritraumatique Homogénéité clinique Trouble constitué Population exposée : Detroit (Breslau, 1991) : 9.2 % NCS (Kessler, 1995) : 7.8 % ESEMeD (Alonso, 2004) : 1.9 % Attentats : 20 à 40 % (Jehel, 2003) Catastrophes naturelles : 10 à 20 % AVP : 25 à 40 % (Hickling, 2002) Pour l’ESA (J2-S4) : 10 à 35 % Harvey & Bryant, 98, 99 ; Brewin, 2003 ; Vaiva, 2002 « détresse symptomatique » : 72 % (Zatzick, 2002) « attaque de panique » (Galea, 2002) Détresse péritraumatique : 60 à 80 % (Ursano, 1999 ; Candel, 2004) 19 Les conséquences à moyen et long terme : le PTSD 20 L’état de stress post traumatique ou PTSD 1. Le syndrome de répétition 2. Les conduites d’évitement 3. sursaut +++ Les modifications de la personnalité 5. Situations rappelant l’AVP, conduite … L’hypertonie neurovégétative 4. du flash-back diurne au cauchemar illusion de centralité incommunicabilité de l ’expérience Le retentissement et les complications … 21 Stratégies de prévention : la chronologie Primaire (< J0) : éviter l’événement ? Secondaire précoce (J0-S2) : Eviter l’apparition d’un trouble séquellaire en intervenant dans suites immédiates 1. 2. Identifier les sujets à risque Stratégies de soin : fréquence / survenue de troubles séquellaires fréquence / survenue de troubles comorbides conséquences psychosociales accès aux soins … Secondaire tardive (S2-M3) : Éviter les complications et le retentissement de l’ESA Eviter les complications du PTSD aigu > PTSD cq Tertiaire (> M3) : symptômes cliniques / handicap / comorbidité trouble constitué 22 Évolution des psychotrauma… PTSD : 35 à 40% à 1 mois 25 à 30% à 3 mois 15 à 18% à 6 mois 12 à 15% à 1 an 11% à 3 ans Comorbidités +++ Résilience à 1 an = 2/3 Chronicité pour les autres Dépression Alcool Psychotropes TS … 23 Champ de la prévention secondaire Détresse péritraumatique État de stress aigu 3 jours PTSD aigu 1 mois PTSD chronique 3 mois Évènement traumatique PRECOCE TARDIVE PREVENTION TERTIAIRE 24 IDENTIFICATION DES SUJETS A RISQUE I - SUR DES ELEMENTS CLINIQUES 25 Travaux princeps (Shalev, 1996) Travaux prospectifs / FDR recherchés d’emblée Débutés dès SAU Follow-up ++ Définition de corrélations entre réactions immédiates et troubles séquellaires : Indépendamment : âge, sexe Violence et type d’événement Sur : Prévalence PTSD à 6 mois Intensité symptomatique du PTSD → Évènement = condition nécessaire → Vécu de l’évènement = condition à son caractère traumatique 26 Approches méta analytiques Brewin, 2000 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. Age jeune Sexe féminin Niveau socioéconomique bas Faible niveau éducatif Faibles capacités intellectuelles Minorité ethnique Antécédents psychiatriques Antécédents psychiatriques familiaux Evénements négatifs de vie pdt enfance (hors sexuel) Traumas antérieurs Sévices pdt l'enfance Sévérité du trauma Evénements stressants de vie Défaut de support social Ozer, 2003 2. Atcd psy familiaux Niveau d'adaptation antérieur 3. Trauma antérieur 4. 6. Intensité de la menace vitale perçue Intensité émotionnelle péritraumatique Dissociation péritraumatique 7. Support social perçu 1. 5. 27 Au total : FDR cliniques Liés au sujet : sexe féminin antécédents psychiatriques niveau socioéconomique bas Liés à l’événement : proximité événement menace vitale / effroi mort ou blessure grave d’un proche gravité des lésions physiques Facteurs immédiats dissociation / détresse péritraumatique effroi état de stress aigu 28 haut ou prolongé niveau de stress après événement IDENTIFICATION DES SUJETS A RISQUE II - SUR DES ELEMENTS BIOLOGIQUES 29 Corrélations biologicocliniques altérations de l’axe HPA Sensibilisation système noradrénergique : risque de survenue PTSD sévérité PTSD chronicisation PTSD Catécholamines Neuropeptide Y CRF Opiacés GABA 30 IDENTIFICATION DES SUJETS A RISQUE III - SUR DES MARQUEURS PHYSIOLOGIQUES 31 Existe-t-il un marqueur ? de l’activité catécholaminergique de l’activité SNA / SNS de l’intensité de la réaction de stress de la réactivité physiologique 32 Fréquence Cardiaque Shalev, 1998 N=86, GC, SAU PTSD : 38 % M1 23 % M4 Corrélation FC et IES / CAPS / Mississipi Bryant, 2000 → ESA + FC>90 PTSD : FC=95.1 Non PTSD : FC=84.7 N=198, SAU Formule prédictive de PTSD à M6 PTSD (M6) : FC = 82.9 Non PTSD : FC=76.3 Vaiva, 2004 N=168, AVP en traumato 1. 2. 3. 4. PTSD « chronique » : FC=100* PTSD « aigu transitoire » : FC=95* PTSD « différé » : FC=79 Pas de PTSD : FC=79* 33 METTRE EN PLACE DES STRATEGIES DE SOINS I - PSYCHOTHERAPIQUES 36 Les objectifs Favoriser un processus d’abréaction Atténuer le sentiment d’impuissance, d’échec (culpabilité ?) Réduire l’intensité des réactions émotionnelles → Accélérer le rétablissement → Diminue la fréquences des séquelles → Amorcer une stratégie de soin 37 Les moyens Une stratégie de soin Systématique Ciblée chez des sujets confronté à un événement traumatique Mise en œuvre au plus près de l’événement Qui amorce un processus de soin → Interventions Psychothérapeutiques PostImmédiates (dès J0) → Programme cognitivo-comportementaux (> J15 – ESA) 38 APPROCHES PSYCHOLOGIQUES Quel type d’intervention psychothérapique préférer ? En pratique dans le monde → CISD : « Critical Incident Stress Debriefing » « debriefing psychologique à la Mitchell » Dans la littérature → essais randomisés et contrôlés (Ducrocq, 2004) : 1. 2. 3. 4. Atténuation de la détresse psychologique des victimes « à court terme » Ne diminue pas l’incidence du PTSD à long terme (Rose, 2001) Pour certains : davantage de troubles chez sujets non débriefés (Bisson, 97 ; Mayou, 2000) Études reprises dans méta-analyse caractère inefficace d ’une seule séance de débriefing (Van Emmerick, 2002) 39 Synthèse des études Brom, Lee, Conlon et Carlier : inefficace Bisson, Mayou : pathogène Bordrow, De Clercq : efficace Ce sont les seules qui n’utilisent pas le debriefing de Mitchell 40 L’approche méta analytique Van Emmerik (Lancet, 2002) « Single session debriefing » 7 études sélectionnées sur 29 5 : RCTs 6 : debriefing individuel Évaluation pré et post-test → Le CISD ne prévient pas les symptômes psychotraumatiques 41 L’approche méta analytique Rose & Bisson, 2003 Revue Cochrane, 12 études 3 à 5 mois : pas de différence en terme de PTSD OR=1.22 (95% ci 0.60 à 2.46) 1 an : risque de PTSD OR=2.88 (95% ci 1.11 à 7.53) → Le debriefing n’est pas recommandé 42 Conclusions de la Cochrane… (Rose & Bisson, 2003) 1. Single session individual debriefing did not reduce psychological distress nor prevent the onset of PTSD 2. There was also no evidence that debriefing reduced general psychological morbidity, depression or anxiety 3. Compulsory debriefing of victims of trauma should cease 43 mais : ces critiques … …sont critiquables ! Arguments méthodologiques : Petits échantillons Biais méthodologiques et d’évaluation Pas de définition : Compétences de l’intervenant Caractère traumatique de l’événement Délai, type et durée intervention 44 Arguments conceptuels : Interventions trop précoces et uniques Interventions individuelles … → Hétérogénéité : - Événements - Interventions - Intervenants - Participants 45 Les différences culturelles US : CISD France : IPPI Davantage basé sur le stress Notion « trauma » Élaboré par des secouristes et réalisé par des intervenants de différents champs d’appartenance Élaboré et réalisé par des praticiens de santé mentale formés, possédant expérience de psychothérapeute Confusément proposé à « tous » Dédié aux victimes directes 46 METTRE EN PLACE DES STRATEGIES DE SOINS II - PHARMACOLOGIQUES 47 TRAUMA Phénomènes de conditionnement Encodage mnésique Mémoire traumatique Ajustement de la réponse au stress Hypersensibilisation HPA Feedback PEUR Hyperéveil / arousal HPA + Amygdale / hippocampe Hyperadrénergie 48 Le système des opiacés endogènes Antalgiques majeurs trauma PEUR Drogues… Amygdale HPA + Hyperadrénergie GABA Opiacés - Cortisol 49 Le système GABA / Glutamate trauma Alcool Benzodiazépines PEUR Antagonistes glutamatergiques Amygdale HPA + Hyperadrénergie GABA Opiacés - Cortisol 50 Le système noradrénergique trauma PEUR Bloqueurs adrénergiques Amygdale HPA + Hyperadrénergie GABA Opiacés - Cortisol 51 Intervention sur l’encodage trauma PEUR D-Cyclosérine Amygdale HPA + Hyperadrénergie GABA Opiacés - Cortisol 52 Les objectifs Contrôler le climat hyperadrénergique Eviter les phénomènes d’hyper encodage Eviter les phénomènes de conditionnement Eviter l’hypersensibilisation axe HPA Diminuer l’hyperéveil … 53 Les enjeux Immédiat : souffrance psychique anxiolyse sédation Moyen / long terme : prévention des séquelles fréquence PTSD intensité PTSD durée PTSD potentiel et délai de récupération PTSD Amélioration csq psychosociales Amélioration qualité de vie Comorbidité : ? 54 Les moyens Une stratégie thérapeutique médicamenteuse Systématique Ciblée chez des sujets confronté à un événement traumatique Mise De en œuvre au plus près de l’événement courte durée Avec une molécule sûre et bien tolérée 55 Les moyens Catécholaminergiques Propranolol, Clonidine Guanfancine Prazozine Neuropeptide Y Antagonistes CRF Antagonistes corticoïde Antagonistes AVP Opiacés Anticonvulsivants DHEA Antagonistes GABA Picrotoxine Flumazenil 5HT ISRS / IRSNa Nefazodone Mirtazapine Tianéptine Glutamatergiques Hydroxyzine Lamotrigine Topiramate Valproate Gabapentin/prégabalin D-cyclosérine LY354740 Riluzole 56 (Ducrocq & Vaiva, 2004) 57 Les benzodiazépines Contraste : Hétérogénéité de la littérature (ouvert, RCT…) Habitudes de prescription (Ciccone, 1988) Synthèse → consensus : Prescription Adjuvante prudente, ponctuelle et contrôlée ou sur des symptômes spécifiques (nv) ou peu de bénéfices à attendre sur l ’ensemble des composantes du PTSD curatif / préventif Aucun (Ducrocq, 2001; Ballenger, 2004 ; Schoenfeld, 2004) 58 Propranolol Limitation arousal par diminution du climat adrénergique péritraumatique Intérêt théorique évident : Encodage mnésique Sensibilisation axe HPA Mécanismes de feed-back Pratique courante ? 60 Propranolol Famularo, 1988 B-A-B reviviscence, hyperactivité neurovégétative, Mais : Rebond / sevrage ES cardiovasculaires Pitman, 2002 RCT N= 41, 10 j TT propranolol > placebo Vaiva, 2004 Ouvert N=19 120 mg/j X 7j Comparés 8 témoins PTSD groupe non traité (1/11 vs 3/8) Réplication … 61 Sérotoninergiques Peu à attendre (dangerosité ?) dans l’aigu Effet anxiogène Travaux de Burghadt (2004) : phénomènes de conditionnement de la peur par citalopram vs tianéptine Prudence +++ Intérêt : agonistes 5-HT1A Buspirone (Schoenfeld, 2004) : alternative aux BZD ? Antagoniste 5-HT : pas de travaux en aigu Ritansérine, miansérine (Morgan, 2003) Nefazodone (RCT : Davis, 2004) 65 La voie histaminergique Neurones histaminergiques corps cellulaires dans le noyau tubéromamillaire Implication théorique Projections (Schwarz, 2002) : cortex bulbe olfactif noyau accumbens pallidum hippocampe et le complexe amygdalien +++ maintien de la vigilance états d’éveil réponses cognitives au stress phénomènes de conditionnement de la peur (Davis, 2001) 66 L’hydroxyzine p-chlorobenzhydryl piperazine anti-histaminique H1 mais affinité récepteurs Efficacité anxiolytique (préclinique & clinique) : muscariniques 5-HT2 dopaminergique α1-adrénergique cardio, 50 mg/j, HAD (Smulevich, 1999) TAG vs placebo/bromazepam (Llorca, 2002) Activité sur climat adrénergique : FC (Andersen, 1966 ; Kaliner, 1981) 67 Double intérêt 1. Blocage histaminergique hippocampique : évite conditionnement face au stress 2. Contrôle de l’hyperadrénergie au niveau amygdale Prévention PTSD si : - TT initialisé dans les 24 H - Prolongé sur 10 J 68 Conclusion Intérêt de santé publique Axer les interventions sur la prévention secondaire Débat sur le débriefing à éclaircir Poursuivre les travaux : IPPI, propranolol, ATA-PTSD … Pharmacopée grandissante Nombreuses pistes à explorer … 69