Exclusion des anévrysmes des artères viscérales (AAVs) par stent-couvert : une alternative à l’embolisation O. PLANCHE, N. DAHBI, R. BOUTEKADJIRT, D. TOLEDANO, R. ABDALLAH, R. IZZILLO, M. AUGUSTE, P. CLUZEL PARIS - FRANCE Anévrysmes des artères viscérales • Relativement peu fréquents. – De plus en plus souvent (40-80% des cas) découverts de façon fortuite lors d’examens d’imagerie. • Localisation : artère splénique (60%), hépatique (20%), mésentérique supérieure (5%) et le tronc coeliaque (4%). – Autres sites (artère gastroduodenale, rénale, iléo-colique ou mésentérique inférieure) beaucoup plus rares. • Rupture = Manifestation inaugurale dans 30-40% des cas : • douleur, saignement, hypotension ; • parfois précédée de douleurs pré-fissuration. Etiologies des AAVs • Anévrysmes : – le plus souvent liés à l’artériosclérose ; – mais aussi aux dysplasies fibro-musculaires ou aux anomalies du tissu conjonctif ; – également favorisés par : • les modifications hormonales et l’augmentation du flux sanguin liées à la grossesse ; • l’hypertension portale. • Pseudo anévrysmes : – moins fréquents que les anévrysmes ; – plus souvent symptomatiques ; – d’origine traumatique, mycotique, ou post pancréatite. Rupture des AAVs • Engage le pronostic vital. – Inaugural dans 30-40% des cas ; – avec décès dans 25 à 70% des cas selon la localisation. – Indication à un traitement préventif en fonction du risque de rupture. • Risque de rupture : – cumulé évalué entre 2-10% pour l’artère splénique. • Plus élevé si hypertension portale. – Elevé (et nécessitant donc un traitement rapide) si : • • • • • > 2cm ou si modification de taille ; pseudo anévrysme ; Symptomatique ; contexte d’hypertension portale ; femme enceinte (et par extension femme jeune susceptible de le devenir) ; – car mortalités fœtale et maternelle en cas de rupture respectivement estimées à 70 et 90 %. Traitements classiques : chirurgie • Ouverte ou laparoscopie. • Longtemps traitement de référence. • Possibilités : – résection ou clip sur l’anévrysme ; – ligature artérielle d’amont et d’aval si possibilité de reprise en charge du flux d’aval par l’existence de collatérales ; • Ex.: ligature de l’a. splénique avec reprise en charge via l’a. gastro épiploïque – by-pass prothétique ; – résection emportant l’organe en aval (splénectomie). • Inconvénients : – approche complexe, invasive ; – mortalité et morbidité opératoires élevées (1-2% et 10% respectivement lors d’une chirurgie réglée et beaucoup plus en urgence) ; – parfois impossible chez des patients avec des comorbidités sévères ; – difficile en cas d’anévrysmes intra-parenchymateux. Traitements endo-vasculaires: embolisation • Principaux avantages – simplicité relative – Efficacité avec un bon recul • 2 techniques : – remplissage de l’anévrysme par des coils (avec ou sans occlusion de l’artère d’amont) après cathétérisme du collet ; – exclusion de l’artère atteinte en amont et le plus souvent en aval. Embolisation Packing de l’anévrysme par coils après cathétérisme du collet • Surtout indiqué en cas d’anévrysme sacciforme. • Avec ou sans occlusion de l’artère d’amont. • Complication = migration de coils si collet large. – Possibilité de s’aider si nécessaire d’un stent nu dans l’artère pour prévenir la migration des coils. • Principales critiques : – une embolisation même parfaite n'empêche pas la transmission des pressions et donc la possibilité d’expansion voir de rupture secondaire de l’anévrysme ; – recanalisation ou thrombose incomplète de l’anévrysme dans 10-20% des cas ; – donc nécessité d’une surveillance prolongée ; – surveillance difficile en IRM (susceptibilité magnétique) ou en TDM (artéfact de durcissement). Embolisation Exclusion de l’artère en amont +/- en aval • Préférable en cas d’anévrysme fusiforme (ou à collet large). • Nécessité d'exclure tous les flux sortants ou entrants pour minimiser le risque de reperfusion : ⇒ sacrifice de l’artère intéressée • Nécessite de choisir précisément le niveau d’occlusion : – permettre la reprise en charge de la perfusion distale par un réseau de collatérales afin de prévenir un infarctus, les syndromes post emboliques ou la formation d’abcès. • Ex : rôle de l’arcade gastro epiploique dans les anévrysmes de l’artères splénique – Préciser par une imagerie pré-procédure la qualité du réseau de suppléance. Utilisation des stents-couverts • Bien documenté dans le traitement des anévrysmes aortiques et des artères périphériques. • Plus difficile pour les AAVs car : – diamètre plus faible ; – vaisseaux tortueux pouvant gêner la progression des stents et rendant parfois imparfaite la congruence entre le stent et la paroi de l’artère. • Autrefois considéré comme difficile et réservé aux cas anatomiquement favorables. • Quelques courtes séries (<4 cas) ou case-reports publiés. • Progrès techniques avec des stents plus souples et des systèmes de portage de plus faible calibre permettant d’étendre les indications à une beaucoup plus vaste catégorie de la population. • Risque de thrombose endo-stent limitant leur utilisation aux artères > 3.0-3.5 mm de diamètre. Matériel et méthodes (1) • 9 patients sur 5 ans (2003-2008) dont 7 dans les 18 derniers mois : – 3 femmes et 6 hommes ; – âge moyen 62,2 ans (min-max = 33-84 ans). • Stents couvert toujours utilisés en première intention. • Localisation : – – – – 6 sur l’artère splénique (2 au 1/3 moyen de l’artère et 4 au niveau du hile) ; 1 pseudo-anévrysme sur l’artère hépatique (antécédent d'hépatectomie gauche) ; 1 anévrysme sur la branche de division postérieure de l’artère rénale droite ; 1 pseudo-anévrysme sur le moignon de l’artère gastro-duodénale chez un patient avec antécédent de duodenopancréatectomie céphalique. • 8 anévrysmes de découverte fortuite et un au décours d’un saignement digestif. • Diamètre moyen = 25 mm; Min-Max = 17-48 mm. • Toutes les procédures réalisées sous anesthésie locale avec bilan pré-procédure réalisé au TDM. Matériel et méthodes (2) • Abord choisi après analyse du TDM pré-procédure : – fémoral dans 7 cas – huméral dans 4 cas soit en raison d’un ligament arqué serré (Cas N°4 et N°5) soit pour permettre un abord plus rectiligne (Cas N°2 et N°3) • • Cathétérisme à l’aide d’un guide Térumo puis échange pour un guide Rosen 0,035 et montée d’un introducteur long (de 6F à 9F). Plusieurs modèles de Stent-grafts ont été utilisés : – Jostent (Jomed) utilisés au cours des premières procédures ; non pré-montés ; • ne sont plus disponibles actuellement. – Advanta V12 (Atrium), PTFE; pré-montés, • plutôt pour les artères de gros calibre et les anévrysmes proximaux ; • pouvant progresser sur un guide 0.035 ; • existe en diamètre de 5, 6, 7, 8, 9 et 10 mm et en longueur de 16, 22, 38 et 59 mm (16 et 22 mm non disponibles dans les 3 plus grands diamètres) ; • nécessite un desilet 7F (voir 6 F pour les plus petites tailles). – Jostent GraftMaster (Abbott) PTFE ; pré-montés, • plutôt pour les artères de faible calibre et les anévrysmes distaux ; • nécessitant l’utilisation d’un guide 0.014. • En cas de difficulté pour faire progresser le stent-couvert dans une artère tortueuse, possibilité d’utiliser un microcatheter de type Progreat (Terumo) et d’échanger le guide 0.014 pour un guide à torque élevé comme un guide Spartacore 14 guidewire (Abbott). Exemples de procédures (1) Patient N°3 • Anévrysme de 30 mm développé sur le moignon de l’artère gastroduodénale. • Exclusion parfaite de l’anévrysme après mise en place du stent-couvert. • Reperfusion sur le contrôle à un mois, attribuée à une expansion insuffisante du stent-couvert. • Contrôle après mise en place d’un stent Herculink (volontairement déployé de manière asymétrique) permettant de linéariser l’artère et de supprimer l’endofuite. Exemples de procédures (2) Patient N°6 • Anévrysme sacculaire de 17 mm localisé au niveau du hile de l’artère splénique ; Deuxième anévrysme de plus petite taille (6 mm) intra-parenchymateux. • Exclusion parfaite de l’anévrysme après mise en place du stentcouvert. • Embolisation du 2ème anévrysme à l’aide de coils Tornado. • Résultat final. Exemples de procédures (3) Patient N°7 • Anévrysme de 18 mm localisé au 1/3 distal de l’artère splénique avec une banche artérielle latérale naissant de l’anévrysme (flèche). • Embolisation de cette branche artérielle par des coils (conduisant à un défect de perfusion splénique limité). • Angiogramme après déploiement d’un premier stent couvert (Advanta V12) montrant la persistance d’une endo-fuite proximale (flèche). • Mise en place d’un deuxième stent couvert (Jostent GraftMaster) pour compléter l’exclusion avec un excellent résultat final. Exemples de procédures (4) Patient N°8 • Pseudo anévrysme de 15 mm de diamètre sur l’artère hépatique propre très sinueuse chez un patient avec antécédent d’hépatectomie gauche. • Résultat final après positionnement d’un stent Jostent GraftMaster de 3,5 mm de diamètre. Exemples de procédures (5) Patient N°9 • Anévrysme sacciforme de 25 mm à large collet du 1/3 distal de l’artère splénique, avec une branche latérale (flèche) naissant de l’anévrysme et une artère splénique en aval ectasique. • Résultat final après embolisation de la branche latérale par des coils, mise en place d’un stent couvert Advanta V12 de 7 mm de diamètre pour exclure l’anévrysme et d’un stent nu de type Absolut pour redresser l’artère splénique. Un échec technique Patient N°5 • Anévrysme de 25 mm localisé au 1/3 moyen de l’artère splénique, très sinueuse et irrégulière. • Association à un ligament arqué serré (boucle en épingle à cheveux; flèche) empêchant la progression du stentcouvert jusqu’à l’anévrysme. Résultats • Résumé sur le tableau suivant. • 8 patients sur 9 ont été traité avec succès (8/9 = 89%) : – exclusion complète de l’anévrysme avec préservation de la perméabilité artérielle (en fin de procédure et sur les contrôles angiographique ou scannographiques) • 2 patients ont bénéficié de 2 procédures : – soit en raison d’un échec technique (cas N° 5) ; – soit en raison de la découverte sur un TDM de contrôle d’une reperméabilisation de l’anévrysme à un mois de la procédure initiale (cas N° 3). • Un échec technique en dépit de 2 tentatives (abord fémoral et huméral) : – dû à l’association d’une artère splénique très tortueuse et d’un ligament arqué serré empêchant la progression du système de portage. • 2 complications mineures gérées avec succès : – une thrombose aigue intra-stent, corrigée par l’administration intra-artérielle de 10 mg d’Actilyse avec restauration du flux (patient N°9) ; – une dissection focale de faible importance a été observée et traitée de manière conservatrice, sans conséquence sur la perméabilité artérielle (patient N°3). Tableau des cas traités Cas 2 64 M 2003 19 Rénale Huméral 8F 0.018 Stent graft utilisé Jomed (17mm) Jomed (38mm) Jomed (17mm) 3 53 M 2007 30 GastroHuméral 7F duodenale Fémoral 7F 0.014 Advanta V12 (16x5 mm) 1 Age Date Taille Sexe mm 84 F 2003 48 2007 Artère Splénique Accès ; Désilet Fémoral Guide 9F 0.018 + Herculink (stent nu; 18x6 mm) for redresser l’artère 4 84 M 2007 35 Splénique Huméral 9F 0.018 5 54 Splénique Splénique Fémoral 7F Huméral 7F Fémoral 6F Variés Variés 0.014 6 33 M 2007 25 2007 F 2008 17 7 57 F 2008 18 Splénique Fémoral 7F 0,014 8 61 M 2008 15 Hépatique Fémoral 7F 0,014 9 70 M 2008 25 Splénique 8F 0,014 Fémoral Remarques Résultat Suivi Migration d’un premier stent couvert dans l’anévrysme Impossibilité de redresser l’accès à l’artère retropyélique; Décision de positionner le stent couvert dans l’artère rénale en excluant l’artère rétro-pyélique Succès 2 jours Succès 8 mois Succès 1 mois Dissection limitée du tronc coeliaque sans retentissement sur la perméabilité Advanta V12 (38x9 mm) Advanta V12 (22x8 mm) Jostent GraftMaster (16x4mm) Advanta V12 (22x7 mm) Jostent GraftMaster (16x4 mm) Jostent GraftMaster (16x3,5 mm) Advanta V12 (38x7 mm) + Absolute (stent nu ; 60x8 mm) pour redresser l’artère Embolisation d’un second anévrysme intra splénique de 6 mm Branche latérale artérielle embolisée à l’aide de coils Thrombose intra stent per procédure traitée par fibrinolytique Branche latérale artérielle embolisée à l’aide de coils Succès Succès NA Échec Échec Succès 24 jours Succès NA Succès NA Succès 7 jours Résultats (2): Points techniques spécifiques à quelques procédures • Patient N°1 : – tentative de contrôle d’une fuite en distalité du stent-couvert en le gonflant à forte pression pour l’impacter, entraînant une bascule de ce dernier dans l’anévrysme ; – déploiement d’un deuxième stent, plus long, avec un excellent résultat final. • Patient N°2 : – choix de positionner le stent couvert dans l’artère rénale en excluant l’artère rétro-pyélique, entraînant une devascularisation du 1/3 inférieur de la valve postérieure (15% du rein). • Patient N°6 : – 2ème anévrysme de petit diamètre au sein du parenchyme splénique embolisé par coil. • Patients N°7 et N°9 : – branche artérielle efférente naissant de l’anévrysme, embolisée à l’aide de coils, avant mise en place du stent couvert pour prévenir une reperfusion rétrograde. • Patients N°5 et N°9 : – mise en place d’un stent non couvert dans le stent couvert déployé pour diminuer la sinuosité et sécuriser l'exclusion de l’anévrysme. • Patient N°7 : – mise en place d’un 2ème stent couvert en raison d’une fuite proximale persistante après déploiement du premier stent. Conclusion • Les stents couverts semblent donc offrir une alternative efficace et prometteuse à l’embolisation. • Les progrès techniques (stents plus flexibles et systèmes de portage de plus faible calibre) permettent d’élargir les indications. • Même si la technique paraît sure et efficace, sa pérennité n’est pas encore démontrée : – nécessité d’un suivi prolongé. – Si ces résultats sont confirmés avec un recul à plus long terme, elle pourrait devenir la méthode de référence.