LE PIED DIABETIQUE Hervé OLEON, formateur IFSI Saint-Antoine, 2005 Objectifs pédagogiques A la suite de cet enseignement, l’étudiant sera capable de : définir la terminologie de « pied diabétique » énoncer et expliquer les facteurs favorisants, facteurs déclenchants et critères de vulnérabilité nommer les principaux examens concourrant au diagnostic d’une atteinte artérielle et/ou neurologique du pied chez un patient diabétique définir le mal perforant plantaire, en expliquer les mécanismes de formation énoncer et argumenter les conseils de prévention concernant les pieds à donner à un patient diabétique Plan 1. Définition 2. Épidémiologie 3. Physiopathologie 4. Mesures préventives I- Définition Le pied diabétique On regroupe sous cette dénomination les conséquences que peuvent entraîner les complications vasculaires et neurologiques au niveau des pieds. La problématique du pied diabétique concerne tout autant les patients traités par voie orale que ceux traités par insuline. II- Epidémiologie Chez les diabétiques, + de la moitié des interventions chirurgicales = membres inf. Risque de gangrène Dans 5 cas d’amputation /6, patient diabétique 60% des amputations pourraient être évitées par une meilleure information Coût moyen d’une hospitalisation pour traitement du pied diabétique : 11000 Euros Coût moyen d’une hospitalisation pour amputation : 12500 Euros Altération de la qualité de vie, états dépressifs, conséquences sociales et professionnelles… III- Physiopathologie 2 grands facteurs favorisants : Atteinte des artères Atteinte des nerfs L’atteinte des artères (1) Macroangiopathie : atteinte des grosses artères (mécanisme « standard » d’artérite) douleurs musculaires, diminution du périmètre de marche Microangiopathie : atteinte des petites artères directement liée au diabète, touche notamment la rétine, les reins et la peau L’atteinte des artères (2) Au niveau du pied : Apport en O2 et en nutriments amoindri Peau lisse, fine, brillante, sèche, froide Renouvellement inefficace de la peau peau vieillie, plus épaisse, qui s’écaille et se fissure Disparition de la pilosité du dos du pied Amincissement du tissu sous-cutané Temps de recoloration allongé Altération variable des pouls pédieux Pied violacé, froid et douloureux si atteinte importante Quand présence de plaie, celle-ci est + douloureuse que la normale et sèche Diagnostic de l’atteinte artérielle Examen clinique Doppler des membres inférieurs Artériographie des membres inférieurs L’atteinte des nerfs Affecte plusieurs catégories de nerfs : Les nerfs de la sensibilité Les nerfs moteurs Les nerfs vasoconstricteurs et vasodilatateurs Les nerfs contrôlant la sudation La diminution de la sensibilité Diminution de la perception du chaud puis du froid risque +++ de brûlure par contact avec une source de chaleur mal évaluée, risque accru de gangrène si atteinte artérielle sévère Diminution de la sensibilité de contact (surface, objet, frottement) Diminution de la sensibilité profonde (renseigne sur la position du corps dans l’espace, permet d’équilibrer les pressions) mauvaise répartition des pressions sur les pieds callosité Diminution de la sensibilité à la douleur par cause externe L’atteinte des nerfs moteurs L’altération du fonctionnement musculaire du pied a pour conséquences : Des douleurs à type de crampes Une déformation des orteils (« en griffes »…) Un affaissement des arcades plantaires Un report du poids du corps sur les têtes des métatarsiens Une compression excessive de la peau située entre les os du pied et le sol L’atteinte des nerfs vasodilatateurs et vasoconstricteurs Diminution du potentiel de dilatation des artères et capillaires artériels réduction des apports en O2 et en nutriments destinés à la peau, moins bonne évacuation du CO2 et des déchets cellulaires Augmentation des pressions en amont du shunt artérioveineux oedèmes + augmentation du débit sanguin osseux L’atteinte des nerfs assurant la sudation Diminution de la sécrétion sudorale normale des pieds Peau plus sèche, moins souple, qui s’écaille, formation de fissures. Diagnostic de l’atteinte des nerfs Test du chaud/froid (eau) Test du coton Pincement du tendon d’Achille Test du monofilament Différenciation par la plante des pieds d’un objet pointu ou non pointu Comparaison de la perception entre la plante des pieds et la paume des mains Synthèse L’atteinte des artères qui entraîne l’apparition de symptômes (modification de l’aspect du pied et douleurs). L’atteinte des nerfs entraîne, elle, la diminution progressive de la sensibilité et de la perception de la douleur. De fait, le patient diabétique ne consulte que rarement pour la seconde cause. L’infection d’une plaie est une complication secondaire plus importante en présence d’une atteinte des nerfs car celle-ci lui permet de se développer sans douleur. Le mal perforant plantaire (1) Conséquence la plus fréquente de l’atteinte des nerfs, notamment en cas d’atteinte de la sensibilité profonde (phénomène d’hyperpression localisée) Petit cratère dans la peau ne cicatrisant pas de façon spontanée Evolution chronique, non douloureuse Le mal perforant plantaire (2) 1. Hyperpression localisée formation d’une callosité Le mal perforant plantaire (3) 2. 3. Callosité + dure que la normale irritation et décollement du tissu sous-cutané Agrandissement du décollement et fissuration de la callosité introduction de germes destruction des tissus formation de pus Le mal perforant plantaire (4) 4. Creusement de la lésion avec atteinte possible des os et des articulations voisines, toujours indolore, point de départ possible d’une septicémie Le mal perforant plantaire (5) Soins : retrait de la callosité, débridement et nettoyage au niveau de la poche (toujours plus volumineuse que ne le laissait supposer la petite fissure). Lavage chirurgical jusqu’à l’os et à l’articulation parfois nécessaire. Cicatrisation dirigée. Les facteurs déclenchants des plaies Les critères de vulnérabilité Age avancé ou diabète de plus de 15 ans Facteurs physiques ou socio-économiques compromettant les mesures préventives Atteinte artérielle rétinienne et/ou rénale Antécédent de plaie des pieds Symptômes d’atteinte des nerfs ou des artères (sensations décrites par le patient) Signes observables d’une atteinte des nerfs ou des artères IV- Mesures préventives Les principes généraux de prévention La compensation sensorielle, essentielle en cas d’atteinte des nerfs. Exacerber la vue et la sensibilité des mains Le respect de règles d’hygiène de vie visant à limiter les facteurs favorisants et les facteurs déclenchants L’information au diabétique La toilette des pieds Quotidienne Eau à 37° (vérification avec le coude ou un thermomètre de bain) Savon non irritant (Savon de Marseille) Gant de toilette (pas de brosses, gant de crin) Durée du bain de pieds 5 min. maximum Bien rincer Bien sécher, surtout entre les orteils, avec une serviette voire un sèche cheveux réglé sur air froid Pas de spray déodorant ni de talc L’examen des pieds Dessus, dessous, entre les orteils Assis Bon éclairage Si besoin, utiliser un miroir Rechercher les lésions dues à des mycoses ou à la macération, les callosités, les fissures ou les crevasses, les autres plaies éventuelles En présence d’une plaie, examiner immédiatement les chaussures à la recherche d’une cause de plaie Eviter les callosités… Seul instrument autorisé pour réduire les callosités = pierre ponce Instruments pouvant blesser (lames de rasoir, ciseaux, couteaux, râpes, meuleuse électrique…) et pommades coricides = proscrits Pas de bains de pieds prolongés pour ramollir les callosités (macération au fond des fissures) Poncer les callosités une fois par semaine vaut mieux qu’aller chez le pédicure une fois par mois Que faire contre les mycoses Porter des chaussettes en coton, les changer tous les jours, les laver à 60° voire 80° Pour les soins locaux (sur PM), éviter les pommades (macération +++), préférer les aérosols de poudre en application fine Continuer à laver, rincer et sécher soigneusement la peau entre et sous les orteils « Un pli reste sain lorsqu’il est sec » Lutter contre la sécheresse cutanée… Utiliser une crème neutre en application très fine (lanoline, vaseline, cold-cream) Jamais de pommade entre et sous les orteils Jamais de talc ou d’autre poudre L’entretien des ongles Coupés avec des ciseaux à bout rond ou avec un coupe-ongle, en restant à distance de la peau Proscrire les ciseaux pointus, pinces coupantes, lames de rasoir, limes métalliques pouvant blesser Couper le bord « au carré » puis l’arrondir légèrement avec une lime en carton Si besoin, se faire aider Ongles cassants, fiables, épais, signes d’infection consulter le médecin Le choix des chaussures Les acheter plutôt en fin de journée (pieds naturellement plus « gonflés ») Porter des chaussettes adaptées Chaussures en cuir, sauf la semelle qui doit être antidérapante et pas trop épaisse Chaussures souples et légères Le moins de coutures interne possible Pas de chaussures plates mais talon 2,5-5 cm Au début, ne pas porter les chaussures neuves plus de deux heures par jours L’entretien des chaussures En vérifier tous les jours l’intérieur avec la main à la recherche de causes de plaie Les cirer régulièrement pour que le cuir reste souple Surveiller l’usure du talon et les déformations de la chaussure Alterner les paires (aération des chaussures et alternance des points de pression) Consulter le médecin avec les chaussures habituelles « de tous les jours » Le port de semelles Prescrit lors de modifications de la répartition des pressions au niveau du pied Semelles en cuir (plastique et métal proscrits) changées tous les 6 mois Les sortir tous les soirs des chaussures pour les aérer Une fois par mois, appliquer une très légère couche de crème pour le cuir Que faire en cas de transpiration excessive des pieds Porter des chaussettes en coton Laver les pieds plusieurs fois par jour si besoin, modalités habituelles de séchage Au moins une paire de chaussettes par jour Porter une attention particulière aux espaces interdigitaux (recherche de mycose) Éviter tout produit agressif ou allergisant : talc, poudres, spray, déodorants… Placer des semelles anti-transpiration dans les chaussures, sans oublier de les changer régulièrement En cas de pieds froids Porter des chaussettes en laine Veiller à ce que les chaussettes ne serrent pas trop au niveau du mollet (mauvaise circulation du sang) Ne pas marcher pieds nus Ne pas essayer de se réchauffer les pieds devant un radiateur, une cheminée, avec des bouillottes, ou une couverture chauffante Les vacances, « c’est le pied »… Vacances = souvent « pied en danger » Consignes habituelles pour les chaussettes A la plage, ne jamais marcher pieds nus, rincer et sécher fréquemment les pieds (sable et eau de mer = agressifs) Éviter de marcher trop longtemps avec des sandales en plastique ou des « tongs » Lors de randonnées, enfiler 2 paires de chaussettes l’une sur l’autre (une fine, une épaisse) pour éviter le frottement En cas d’ampoule, ne pas la percer Éviter de partir en vacances avec des chaussures neuves Prévoir le matériel pour assurer les soins habituels En cas de plaie… Désinfecter : pas d’antiseptiques colorés, d’alcool, de pommades ou d’antibiotiques locaux (ils risquent d’aggraver ou de masquer la plaie) 2. Protéger : pansement sec, stérile, sparadrap hypoallergénique 3. Consulter : évaluation de la plaie, prescription d’un traitement +/- rappel antitétanique 1. Des questions ? Bibliographie Cours du Dr Paul ROESCH, Centre Hospitalier de Mulhouse, 2002 Site internet www. zoomdiabete. com « Le pied diabétique » Dr Pierre-Yves TRAYNARD et al., laboratoires BectonDickinson, 2001