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30/07/2007 |
Celtes
La majeure partie du territoire de la Suisse actuelle était occupée par des Celtes durant l'âge du Fer. A la fin
de cette époque, les noms des habitants de ce territoire sont connus et, à l'exception des Rhètes dans
certaines vallées grisonnes, tous -- Helvètes, Allobroges, Rauraques, Lépontiens, Ubères, Sédunes, Véragres,
Nantuates -- appartiennent au grand ensemble des peuples celtiques de l'Europe tempérée, apparentés par la
langue, l'histoire et la culture.
1 - L'histoire et la langue
Les Celtes (Keltoì) sont mentionnés pour la première fois par des auteurs grecs au Ve s. av. J.-C., Hécatée de
Milet, puis surtout Hérodote: "L'Istros [le Danube] prend sa source au pays des Celtes près de la ville de
Pyrènè et traverse l'Europe qu'il coupe en deux". Les Celtes sont ainsi les premiers occupants de l'Europe
protohistorique au nord des Alpes à sortir de l'anonymat. On rencontre par la suite dans des sources grecques
du IIIe s. av. J.-C. des Celtes, appelés Galates, menaçant le sanctuaire d'Apollon à Delphes en 279 av. J.-C.,
avant de s'établir en Asie Mineure. En latin, le terme Galli (les Gaulois) caractérise les habitants d'un territoire
bien précis, la Gaule cisalpine et transalpine, même si le terme Celtae a également cours et recouvre une
signification plus large. On trouve dans les sources antiques plusieurs mentions relatives à des Celtes
(notamment des mercenaires), chez des auteurs grecs, en particulier des historiens comme Polybe,
Posidonios d'Apamée ou Diodore de Sicile, aux IIe et Ier s. av. J.-C. Les auteurs de langue latine, Jules César en
premier lieu avec son ouvrage sur la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), Tite-Live, Tacite ou Claude Ptolémée,
entre le Ier s. av. J.-C. et le IIe s. de notre ère, fournissent des informations capitales sur les Celtes et les
Gaulois, qu'il convient toutefois également de soumettre à la critique, compte tenu des omissions et
déformations qu'elles comportent. De même, la littérature celtique insulaire, médiévale et moderne
(notamment des textes en vieil irlandais rédigés dès le VIIe s. et conservés dans des manuscrits de la fin du
XIe et du début du XIIe s.), malgré un fort décalage dans le temps, apporte des renseignements utiles sur la
société celtique en général.
Les langues celtiques font partie de la famille des langues indo-européennes dont elles constituent une
branche occidentale. Si ces langues sont encore vivantes dans le monde insulaire (îles Britanniques et
Armorique), les différents dialectes continentaux (le gaulois proprement dit, de France, Belgique, Suisse et de
la plaine du Pô; le celtibère sur le plateau de Castille en Espagne; le lépontique dans la région des lacs en
Italie du Nord et au Tessin, en écriture étrusque) ont progressivement disparu au cours des premiers siècles
du premier millénaire de notre ère. Les rares inscriptions qui nous sont parvenues, fréquemment sous la
forme de transcriptions du celtique en grec, en latin ou dans des langues germaniques, postérieures pour la
plupart, fournissent essentiellement des noms de personnes ou de peuples. Dans ce contexte, les légendes
monétaires des deux derniers siècles avant notre ère prennent une place de choix. Des noms de lieux
apportent une contribution appréciable, bien que la datation et la localisation géographique précise de ces
toponymes soient délicates. Leur confrontation aux données archéologiques offre un éclairage
supplémentaire, comme par exemple le suffixe -dunum, -dunon ou -durum, qui signifie en gros forteresse,
enceinte: Eburodunum (Yverdon-les-Bains), Salodurum (Soleure), Vitudurum (Winterthour), etc. Rappelons
que César, après avoir défait les Helvètes près de Bibracte au printemps 58 av. J.-C., a retrouvé dans leur
camp des tablettes sur lesquelles étaient recensés, en caractères grecs, les noms des dizaines de milliers de
participants à l'émigration avortée! Evidemment, de tels documents exceptionnels, sur des supports en
matière périssable, ne se sont pas conservés dans le terrain. Outre les inscriptions mentionnées et quelques
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graffiti sur de la céramique, signalons la célèbre marque Korisios, estampée sur une épée de Port vers 100 av.
J.-C. (nom du forgeron ou du propriétaire?), aussi en caractères grecs. La mention la plus ancienne d'un
Helvète remonte à la fin du IVe s. av. J.-C.: Eluveitie ("j'appartiens à l'Helvète") découverte à Mantoue, mais en
caractères étrusques.
Auteur(e): Gilbert Kaenel
2 - L'archéologie et les Celtes
Si les critères linguistiques de la celtophonie (du moins l'étude de leurs survivances) ou historiques que l'on
vient d'évoquer permettent d'approcher une définition des Celtes, s'il est évident, par ailleurs, que les critères
de l'anthropologie physique sont inopérants, c'est avant tout par le biais de l'archéologie et des témoins de la
"culture matérielle" que l'on peut tenter d'aborder cette notion complexe (qu'il serait dangereux et réducteur
de vouloir simplifier de manière arbitraire) de la "celticité" des populations de l'Europe protohistorique.
2.1 - Les Celtes de l'âge du Fer
En 1871, au cours d'une excursion durant le 5e congrès d'anthropologie et d'archéologie préhistorique de
Bologne, le Français Gabriel de Mortillet identifie des "Gaulois" à Marzabotto (Emilie-Romagne), en mettant en
parallèle les armes et parures de la nécropole (épées, pointes de lances en fer et fibules en bronze) avec le
matériel trouvé en Champagne (F). C'est ainsi qu'il "invente" l'archéologie celtique. Avec lui se trouvaient le
Neuchâtelois Edouard Desor, qui avait publié quelques années auparavant une série de notes sur le site de La
Tène, et le Suédois Hans Hildebrand qui, en 1874, devait proposer une terminologie pour l'âge du Fer en
Europe, encore en vigueur, bien qu'ayant subi depuis lors de nombreuses précisions, notamment d'ordre
chronologique. On s'accorde aujourd'hui sur les équivalences suivantes: premier âge du Fer = période ou
civilisation de Hallstatt, env. 800-480 av. J.-C.; second âge du Fer = période ou civilisation de La Tène, env.
480-30 av. J.-C.
Si, il y a peu, on assimilait concrètement et sans nuances les Celtes aux porteurs de la civilisation (ou culture)
de La Tène (on utilise fréquemment en français le néologisme "laténien"), on a tendance aujourd'hui à
distinguer plus fortement le fait culturel des interprétations d'ordre ethnique. On rencontre aussi dans la
littérature la notion réductrice de "Celtes historiques", utile malgré tout pour qualifier les Celtes dont on peut
suivre l'origine et la diffusion de la culture (celle de La Tène) en Europe, dès le Ve s. av. J.-C.
Auteur(e): Gilbert Kaenel
2.2 - L'origine des Celtes?
Cette question a parfois entraîné des débats aussi passionnés qu'arbitraires, voire dangereux sur le plan
idéologique (pensons aux concepts abusifs de peuple et de nation, pour ne pas parler de celui de race). On
imaginait, selon des modèles diffusionnistes et migrationnistes simplistes, l'installation conquérante des
Celtes à l'âge du Fer, venus de l'Est (on ne sait d'où), en Europe occidentale. La réalité est plus complexe et
diversifiée. Si la civilisation de La Tène est à coup sûr celtique, les habitants de l'Europe hallstattienne doivent
l'être également. A quand remonte non seulement la mise en place du celtique, mais l'émergence de la
conscience d'appartenir à une même entité culturelle nord-alpine? Sans doute à l'âge du Bronze final, qui voit
notamment, dans le secteur occidental de l'Europe qui nous intéresse, se développer à partir du XIIe s. av. J.-
C. le "groupe Rhin-Suisse-France-orientale", et peut-être plus avant dans le courant du 2e millénaire av. J.-C.,
au Bronze moyen, ancien, voire à la fin du Néolithique comme le suggèrent certains: c'est en effet vers le
milieu du 3e millénaire av. J.-C. qu'une rupture majeure intervient dans le continuum culturel; elle se marque
par la diffusion à l'échelle européenne du Campaniforme, sur un substrat cordé d'Europe centrale, qui pourrait
aller de pair avec la mise en place de la celtophonie. On en est réduit à travailler sur la base de telles
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conjectures.
Auteur(e): Gilbert Kaenel
3 - Six siècles d'histoire des Celtes par le biais des sources archéologiques et historiques
Nous nous concentrons ici plus particulièrement sur le territoire de la Suisse actuelle et de ses voisins, à partir
de la fin de la civilisation de Hallstatt, avec le développement du "monde hallstattien occidental"
(Westhallstattkreis, dont le site le plus fameux est la Heuneburg dans le Bade-Wurtemberg) et le modèle des
"résidences et tombes princières" (Fürstensitze, Fürstengräber) en Allemagne du Sud, sur le Plateau suisse
(Châtillon-sur-Glâne et l'Uetliberg) et en France de l'Est. L'emprise du Westhallstattkreis recouvre d'ailleurs en
grande partie le "groupe Rhin-Suisse-France orientale" des XIIe au IXe s. av. J.-C. Des relations avec le monde
méditerranéen, grec ou étrusque, sont attestées (céramique attique, amphores vinaires de Provence,
vaisselle en bronze et récipients exceptionnels, comme le célèbre "vase" de Vix en Bourgogne ou l'hydrie de
Grächwil). Ces produits importés, dits "de luxe", ont été mis au jour sur des sites fortifiés établis le long de
voies de communication naturelles et dans des sépultures sous tumulus (Vix, Hochdorf dans le Bade-
Wurtemberg; pour la Suisse, Payerne, Grächwil, etc.); d'une richesse parfois extrême, elles ont souvent été
violées dans l'Antiquité déjà. La société hallstattienne apparaît donc comme un système fortement
hiérarchisé, aboutissement d'un processus qui s'accélère dès la fin de l'âge du Bronze et se marque par
l'émergence d'une classe privilégiée dont témoignent les sépultures. Ces "princes" entretiennent des contacts
avec le Sud en pratiquant des échanges et ils exercent leur pouvoir sur un territoire vraisemblablement bien
défini. Les artisans maîtrisent parfaitement les techniques métallurgiques du bronze, notamment de la
chaudronnerie, développent celle du fer, en particulier dans les domaines de l'armement et de l'outillage. On
assiste à l'introduction "révolutionnaire" du tour, pour la céramique tout spécialement. Les habitats moins
insignes de la population agricole et leurs sépultures restent encore très peu connus.
3.1 - Origine et expansion de la civilisation de La Tène: du Ve au IIIe siècle av. J.-C.
C'est dans ce contexte d'échanges de produits, de techniques et d'idées, que vont se développer les
premières manifestations laténiennes. Le meilleur révélateur est l'"art celtique", appliqué essentiellement à
des objets d'artisanat de petite taille, en particulier des parures (mais il existe aussi des statues de pierre
d'assez grande taille en Allemagne du Sud et en Bourgogne); il jouera un grand rôle dans les études
consacrées au second âge du Fer: le développement de cet art, ses rapports avec l'art méditerranéen et
oriental (influences, emprunts, adaptations, transformations), selon des règles qui lui sont propres, est l'une
des caractéristiques les plus vigoureuses et originales de la civilisation celtique. Le répertoire ornemental,
associant des motifs géométriques répétitifs, des éléments végétaux, humains, animaux ou abstraits, est
l'expression d'un langage aux lectures souvent multiples, et qui fait référence à une thématique dont
l'ancrage dans le domaine religieux ne fait aucun doute; elle échappe en grande partie à notre
compréhension et ces premières représentations de divinités, avec leurs attributs, restent anonymes. Le cas
prestigieux d'Erstfeld (trésor d'orfèvrerie) est à cet égard emblématique. Au-delà d'une unité apparente, des
groupes géographiques se laissent entrevoir.
Les Celtes des premiers siècles de la période de La Tène sont principalement connus par leurs morts. Après
les tombes "princières" de la Champagne ou du Rhin moyen au Ve s. av. J.-C. (LT A), dans le prolongement des
inhumations aux offrandes fastueuses sous tumulus de l'époque de Hallstatt, les sépultures en tombes plates,
groupées en nécropoles de dimensions variables, constituent l'essentiel de la documentation archéologique à
l'échelle européenne durant la seconde partie de La Tène ancienne et le début de La Tène moyenne (LT B et
C1), soit aux IVe et IIIe s. av. J.-C. La Suisse prend une place de premier plan dans la recherche, grâce aux
nécropoles de Münsingen-Rain, Saint-Sulpice (VD), Vevey ou Andelfingen, toutes fouillées entre la fin du XIXe
et le début du XXe s. Les sépultures, au-delà de l'étude des parures, armes ou offrandes sous l'angle typo-
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chronologique, apportent des renseignements sur l'organisation de la société d'une région à l'autre du monde
celtique, à défaut des habitats ruraux qui restent souvent peu étudiés, quasi inconnus en Suisse. Les artisans
sont au sommet de leur art: les parures en bronze, notamment les fibules, sont ciselées et ornées avec une
finesse consommée, tout comme certaines armes, en particulier des casques aux riches incrustations d'or et
de corail. Le guerrier joue un rôle prépondérant dans la société; dans certaines régions, les sépultures de
chefs militaires reçoivent en plus un char de combat à deux roues. Mais la majeure partie de la population
représentée dans les cimetières (hommes portant l'épée, donc libres, ou femmes dont les parures strictement
réglementées montrent des états de "richesse" variables) ne permet toutefois pas de restituer une
organisation hiérarchisée, comme c'était le cas aux VIe et Ve s. av. J.-C. Les Celtes, durant cette période
d'expansion de leur civilisation, occupent dès lors un vaste territoire en Europe, compris entre la péninsule
Ibérique et les îles Britanniques sur la façade atlantique à l'ouest, les Carpates à l'est, la plaine du nord de
l'Allemagne et de la Pologne, l'Italie du Nord et le bassin danubien jusqu'au défilé des Portes de fer, au sud et
au sud-est. Jamais, toutefois, ils n'ont constitué une véritable unité politique. Dans toutes les régions où des
Celtes vont s'installer, et surtout dans les secteurs périphériques, ils se mélangent à des populations non
celtiques, non celtophones, ce qui se reflète jusqu'à un certain point dans la culture matérielle, avec des
dynamiques d'assimilation réciproque difficiles à évaluer et à suivre d'une génération à l'autre. La Suisse
actuelle, véritable carrefour entre la Celtique occidentale, la Cisalpine et l'Europe centrale, a dû participer
activement à tous ces événements et brassages de populations. Il est possible que l'on retrouve la trace de
Celtes du Plateau suisse en Italie du Nord, grâce aux particularités techniques et stylistiques de certaines
parures. De même, des relations privilégiées entre la partie occidentale du Plateau suisse et la Bohême ou la
Slovaquie suggèrent des mouvements de personnes ou groupes de personnes à la fin du IVe s. av. J.-C.; les
torques à cabochons du nord de la Suisse et du haut Rhin pourraient manifester des déplacements, du moins
de femmes, en direction de la zone hongroise vers 300 av. J.-C. Rappelons ici l'épisode légendaire, difficile à
dater, rapporté par Pline l'Ancien dans le troisième quart du Ier s. av. J.-C.: Hélico, un Helvète (comme par
hasard), aurait rapporté des figues, des raisins secs, de l'huile et du vin d'un séjour en Italie, contribuant ainsi
à pousser les siens à traverser les Alpes et à envahir la péninsule italique. Le graffito Eluveitie, évoqué ci-
dessus, démontre en tout cas la présence d'un Helvète à Mantoue vers 300 av. J.-C.
Certains événements historiques sont bien connus, parce qu'ils ont frappé l'imagination des Anciens; ils
illustrent cette phase d'expansion et d'expéditions guerrières: en Italie du Nord tout d'abord, avec l'invasion
celtique du début du IVe s. qui s'acheva par la prise de Rome vers 390/386 av. J.-C. (épisode des oies du
Capitole). Les responsables seraient des Sénons, qui s'établiront par la suite sur la côte adriatique (rien ne
prouve, par ailleurs, que ce peuple puisse être assimilé aux Sénons que l'on trouvera durant la guerre des
Gaules dans la région de Sens; le même doute existe pour les autres peuples mentionnés en Cisalpine:
Lingons, Boïens, Cénomans ou encore Insubres). D'autres expéditions celtiques ont été dirigées vers l'est,
avec l'invasion des Balkans. Tite-Live, qui situait déjà vers 600 av. J.-C. l'arrivée de Celtes en Italie, fait
remonter ce mouvement au Ve s.; l'archéologie des nécropoles de Slovaquie ou de Hongrie tend à le
confirmer. Mais c'est bel et bien au cours du IVe s. que la pénétration le long de l'axe danubien fut la plus
importante: des Celtes se frottent aux armées hellénistiques d'Alexandre; repoussés, ils s'installent en
Transylvanie (Roumanie). Une armée conduite par Brennos envahit la Macédoine en 281/280 av. J.-C.,
menace Delphes en 279; une partie des troupes, suite à une défaite militaire en 278, est implantée en Asie
Mineure (l'ancienne Galatie, en Turquie); les Scordisques s'installent entre la Save et le Danube (dans
l'ancienne Yougoslavie); d'autres Celtes sont refoulés en Thrace (dans la Bulgarie actuelle) où ils fondent
l'éphémère royaume de Tylis, qui disparaîtra à la fin du IIIe s. av. J.-C. En parallèle, la poussée de Rome en
direction du nord est en marche; les Celtes de Gaule cisalpine vont progressivement être soumis après le
désastre de la bataille de Télamon en Etrurie, en 225 av. J.-C. Une partie des Boïens, défaits en 191 av. J.-C.,
décident de franchir à nouveau les Alpes. L'expansion celtique, au sud comme à l'est, est définitivement
stoppée.
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3.2 - La fin de La Tène et la civilisation des oppida: IIe-Ier siècles av. J.-C.
C'est sur cette trame historique que va se développer dans l'Europe tempérée au nord des Alpes ce qu'il est
convenu d'appeler la "civilisation des oppida" des IIe et Ier s. av. J.-C. (Oppidum). Les Celtes sont soumis à une
pression militaire et économique de Rome qui va en s'accentuant, mais aussi à la poussée de populations
germaniques venant du nord. Rappelons schématiquement les données historiques: en Italie du Nord, après
la défaite des Boïens, la Via Aemilia (de Rimini à Plaisance) ouvre la porte de la Transpadane, qui deviendra
romaine au cours du Ier s. av. J.-C.; l'Espagne est occupée par les Romains; ils conquièrent le Midi de la Gaule
dès 125, y créent une colonie à Narbonne en 118 av. J.-C. et organisent la province transalpine. Cette
provincia narbonensis (Gaule narbonnaise) englobe la vallée du Rhône jusqu'à Genève, territoire des
Allobroges. Venus du nord de l'Europe (du Danemark), les Cimbres, un peuple germanique, ainsi que les
Ambrons, sont en pleine migration vers 115 av. J.-C. On les trouve confrontés aux Celtes (des Boïens) en
Bohême du Sud, en Slovaquie ou en Bavière, puis en Norique (en Styrie) où ils défont les armées de Rome; ils
se dirigent vers la Gaule en entraînant d'autres peuples germaniques ou celtiques dans leur sillage,
notamment les Teutons et les Tigurins (des Helvètes). L'épopée se terminera dans le sang: les Volques
Tectosages (des Celtes de la région de Toulouse) qui les avaient aidés sont battus en 106, les Ambrons et les
Teutons anéantis par Marius près d'Aix-en-Provence en 102, les Cimbres défaits à Verceil en 101 av. J.-C.
Le célèbre épisode de la bataille d'Agen, en 107 av. J.-C., fait apparaître un chef tigurin: Divico. Il s'agit là, en
fait, du premier épisode historique mettant en scène des Helvètes, en l'occurrence des Tigurins, que l'on
considère comme étant installés sur le Plateau suisse et qui avaient échappé à l'issue fatale en se repliant à
temps vers le nord. La documentation archéologique pour la fin du second âge du Fer, aux IIe et Ier s. av. J.-C.
(LT C2-LT D), change radicalement par rapport à la période précédente d'expansion celtique: les grandes
nécropoles sont progressivement abandonnées au cours de La Tène moyenne, les sépultures se font rares,
sont en général pauvrement dotées, et, de plus, l'incinération se répand dès la seconde moitié du IIe s. av. J.-
C. sur le Plateau suisse (le rapport inhumation-incinération évolue différemment d'une région à l'autre du
monde celtique, dans le temps également). Mise à part la nécropole à inhumation de la Gasfabrik à Bâle, le
biritualisme (comme à Berne-Enge ou Lausanne-Vidy) est de mise sur le Plateau suisse, que l'on qualifie
uniformément d'helvète, dès lors sans les réticences dues à la crainte d'anachronisme. Dans les Alpes,
l'inhumation persiste jusqu'à l'époque romaine.
L'essentiel des données archéologiques provient de sites d'habitats, en particulier des oppida: le mobilier
domestique (re)prend en fait le dessus par rapport au mobilier funéraire. Ces oppida, premières "villes"
protohistoriques (si l'on ne tient pas compte de l'éphémère Heuneburg), se développent dans l'ensemble du
monde celtique. On aurait tort de considérer qu'ils manifestent simplement une réaction à la pression de
Rome (et des Germains): le phénomène résulte d'une profonde mutation interne de la société celtique,
amorcée dès le IIIe s. av. J.-C., dans laquelle le modèle urbain que les Celtes avaient appris à connaître et
pratiquer, notamment en Cisalpine, n'est sans doute pas étranger. L'une des mutations économiques les plus
importantes est marquée par l'introduction de la monnaie. Les premières monnaies celtiques imitent des
statères en or de Philippe II de Macédoine (359-336 av. J.-C.). On considère que le mercenariat est à l'origine
de cette adoption. En outre, dès le milieu du IIIe s. av. J.-C., on rencontre quelques monnaies dans des
sépultures celtiques (en majorité de femmes) au nord des Alpes. Le monnayage de Marseille, en argent, est
abondamment imité, notamment en Cisalpine. C'est toutefois dans le courant du IIe s. av. J.-C. que se met en
place une véritable circulation monétaire, qui rapidement se diversifiera avec la frappe de monnaies au nom
des cités. Les oppida ont joué un rôle important en tant que centres du pouvoir émetteur. L'alignement des
trois puissants peuples de la Gaule de l'Est (Lingons, Séquanes, Eduens et peut-être Helvètes) sur l'étalon
fourni par le denier d'argent romain, dès la fin du IIe s. av. J.-C., marque un tournant radical dans ce
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