GuyaneSante_sexuelle_et_education_therapeutique_DF

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Santé sexuelle, séropositivité
et éducation thérapeutique
Catherine Tourette-Turgis
David Friboulet
Qu’entend-on par santé sexuelle ?
 OMS 1975 :
 « La santé sexuelle est l’intégration des aspects somatiques, affectifs,
intellectuels et sociaux de l’être sexué, réalisée selon des modalités
épanouissantes qui valorisent la personnalité, la communication et
l’amour. »
 « La santé sexuelle doit permettre d’accéder à une sexualité basée sur
les 3 points suivants :
 Une capacité de jouir et de contrôler le comportement sexuel et reproductif en
accord avec l'éthique personnelle et sociale.
 Une délivrance de la peur, de la honte, de la culpabilisation, des fausses
croyances et des autres facteurs psychologiques pouvant inhiber la réponse
sexuelle et interférer sur les relations sexuelles.
 Une absence de troubles, de dysfonctions organiques, de maladies ou
d'insuffisances susceptibles d'interférer avec la fonction sexuelle et reproductive. »
 la notion de santé sexuelle implique une approche positive de la
sexualité humaine, ce qui signifie que les soins de santé sexuelle
doivent viser à enrichir l’existence et les relations interpersonnelles et ne
pas se ramener à la prestation de conseils et de traitements en matière
de procréation ou des infections à transmission sexuelle.
En quoi la séropositivité affecte la vie
sexuelle ? (1/4)
 La sexualité des personnes séropositives n’a reçu aucune
attention pendant une longue période de l’épidémie et ce pour
de multiples raisons sachant qu’une des raisons principales était
la haute mortalité rencontrée chez les personnes malades du
SIDA.
 Il a fallu attendre l’arrivée des trithérapies et un certain retour
à la santé des personnes séropositives pour que la question
de la sexualité des personnes séropositives surgisse dans les
thèmes de recherches en sciences sociales et
comportementales.
Shiltz MA.(1999) Séropositivité, sexualité et risques, In: Séropositivité, vie sexuelle et risque
de transmission du VIH, ANRS, collection Sciences sociales et sida, pp. 13-29.
En quoi la séropositivité affecte la vie
sexuelle ? (2/4)
 Dès l’année 2000, les résultats des études* sur les difficultés et
les besoins en prévention des personnes séropositives conduites
sur ce thème montrent deux carences:
 la prévention de la transmission,
 l’absence de diagnostic et de traitement appropriés des infections
sexuellement transmissibles.
 Les études ou documents publiés sur la sexualité et la
séropositivité montrent que :
 la séropositivité affecte la vie affective et sexuelle des
personnes séropositives,
 les difficultés rencontrées par les personnes séropositives
lorsqu’elles veulent notifier leur statut sérologique à leurs
partenaires.
*Erbleding E.J., Stanton D., Quinn T.C., Rompalo A.(2000).Behavioral and biologic
evidence of persistent high-risk behavior in an HIV primary care population. AIDS,
14 (3): 297-301
En quoi la séropositivité affecte la vie
sexuelle ? (3/4)
 Dans l’enquête Vespa* conduite en France et dans les
départements d’outre mer :
 35 à 44% personnes séropositives en traitement déclarent avoir des troubles
de la sexualité (perte de libido, troubles de l’érection, difficultés lors de
l’orgasme), tant chez les hommes que chez les femmes, et quelle que soit
l’orientation sexuelle.
 60% des personnes séropositives déclarent avoir des relations sexuelles avec
un partenaire ou une partenaire stable, parmi lesquelles 32 à 45% disent avoir
eu des ruptures dans leur prévention (16% chez les couples homosexuels et
29% chez les couples hétérosexuels).
 Le traitement post exposition, qui pourrait être utile pour un(e) éventuel(e)
partenaire sérodifférent(e), restait méconnu par un tiers des patients
* Lert F., Obadia Y., et l'équipe de l'enquête VESPA. (2004).Comment vit-on en France
avec le VIH/sida ? Population & Sociétés, Novembre 2004, n°406.
En quoi la séropositivité affecte la vie
sexuelle ? (3/3)
 Une étude anglaise auprès de 21 femmes séropositives démontre
l’impact négatif de la séropositivité:
 sur la qualité de leur vie sexuelle (baisse de libido, réduction du
plaisir sexuel difficultés à trouver des partenaires,
 sur la prévention (difficultés à négocier l’usage du préservatif, peur du
rejet si elles informent leurs partenaires de leur statut sérologique).
 Cette étude définit les stratégies compensatrices utilisées :
 usage de drogue pour endormir les besoins sexuels,
 choix des partenaires occasionnels pour pratiquer le safer sex sans
avoir à s’exprimer sur leur séropositivité.
Keegan A, Lambert S, Petrk J. (2005). Sex and Relationships for HIVPositive Women Since HAART: A Qualitative Study. ,AIDS PATIENT
CARE and STDs, Vol.19 (10):645-54.
Quel lien entre santé sexuelle, séropositivité
et éducation thérapeutique ? (1/2)
 Une des recommandations du rapport 2009 sur les nouveaux outils de
réduction des risques insiste sur une nouvelle approche en direction des
personnes séropositives au travers d’un concept de prévention positive :
 « Les personnes vivant avec le VIH ont des besoins de prévention spécifiques.
Ces besoins justifient un programme de santé sexuelle … qui recouvre
dans sa dimension médicale la prévention de la transmission du VIH, le
dépistage et le traitement des IST, la prise en charge des troubles
sexuels, la contraception, les projets parentaux et la grossesse.
 Ces actions doivent être intégrées à la prise en charge de l’infection VIH dans
les services spécialisés, notamment dans la décision de traitement, le suivi
médical et l’éducation thérapeutique.
 Ce programme a pour corollaire une forte implication associative et
communautaire. La remobilisation des soignants dans la « prévention positive
» est un élément clé de l’application des présentes recommandations. ».
Lert/Pialoux (2009) Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis-à-vis du
VIH et des IST –http://www.vih.org/sites/default/files/RDRS%20rapport.pdf
Quel lien entre santé sexuelle, séropositivité
et éducation thérapeutique ? (2/2)
 Le rapport Yéni 2010* rappelle que :
 « Depuis 2007, plusieurs textes ayant trait à l’infection par le VIH
et à sa prise en charge ont paru en France comme la circulaire
relative aux missions des établissements de santé en matière
d’éducation thérapeutique et de prévention dans le champ de la
sexualité des personnes infectées par le VIH…Ces textes
soulignent l’importance de la prise en compte de la sexualité,
de la prévention combinée et de l’éducation thérapeutique
dans la prise en charge »
 et précise que la santé sexuelle des personnes
séropositives inclue également le dépistage des IST:
 « Prendre en compte la sexualité et la prévention des personnes
séropositives pour le VIH demande également d’intégrer, de manière
systématique, la prévention, le diagnostic, le traitement des autres IST»
•
Rapport Yéni 2010 - Prise en charge Médicale des Personnes Infectées par le VIH - version
préléminaire - http://www.corevih-auvergne-loire.org/wpcontent/uploads/2010/08/Prise_en_charge_medicale_des_personnes_infectees_par_le_VIH-2010.pdf
Quand parler sexualité ? (extraits Yéni 2010)
 Le même rapport précise quand aborder la sexualité :
la prévention doit être abordée de manière
systématique en plusieurs occasions :
 lors de la découverte de l’infection par le VIH afin d’évaluer
avec le patient ses connaissances sur les modes de
transmission du VIH et des IST, en identifiant des facteurs de
risque à l’origine de sa contamination. Au cours des premières
consultations, la question du dépistage des partenaires doit
être abordée. Il est du rôle du soignant d’aider le patient, s’il le
souhaite, à informer ses partenaires et, en tout cas, de réfléchir
avec lui aux attitudes à adopter avec eux en matière de
prévention ;
 lors de la mise en place d’un traitement, en raison des
implications éventuelles sur la sexualité (trouble de la libido ou
de la fonction érectile, transmissibilité du virus) ;
Quand parler sexualité ? (extraits Yéni 2010)
 Le même rapport précise quand aborder la sexualité :
la prévention doit être abordée de manière
systématique en plusieurs occasions :
 lors de la suspension éventuelle du traitement, qui
augmente le risque de transmission avec la reprise de la
réplication virale. De même, la recherche d’une éventuelle
surinfection doit être envisagée en cas d’augmentation
inexpliquée de la charge virale ;
 avec les couples sérodifférents, en raison de la fréquence
des rapports sexuels non protégés ;
 lorsque le thème de la contraception ou celui du désir
d’enfant est évoqué pendant la consultation ;
 lors d’une consultation pour une IST ou une hépatite virale
(VHC, VHB, VHA).
Comment parler sexualité ? (1/4)
(extraits Yéni 2010)
 L’intervention doit se fonder sur l’écoute, le respect et
l’absence de jugement.
 Le droit des personnes séropositives à bénéficier d’une
qualité de vie affective et sexuelle doit être reconnu.
 Le simple fait de « pouvoir en parler » aide souvent les
patients à se sentir mieux et permet d’aborder dans de
meilleures conditions les questions de prévention.
 La consultation du couple, ou du partenaire, doit être
envisagée comme faisant partie de la prise en charge, sans
méconnaître les possibles rapports de force au sein des
couples et en respectant de façon absolue le secret médical
Comment parler sexualité ?
(extraits Yéni 2010)
 L’entretien de sexualité et de prévention doit permettre de
préciser :
 les orientations sexuelles ;
 la connaissance par le(s) partenaire(s) de l’infection et les
difficultés à dire son statut sérologique à un partenaire stable ;
 le niveau d’information sur les modes de transmission du VIH, des
hépatites virales et des IST, avec proposition de vaccination contre
le VHB si besoin ;
 les difficultés éventuelles dans l’usage des préservatifs et des
autres moyens de prévention;
 l’information sur l’efficacité préventive du traitement, ses
conditions et ses limites qui constituent une donnée nouvelle
majeure pour les personnes atteintes confrontées jusque là à des
messages confus
Comment parler sexualité ?
(extraits Yéni 2010)
 L’entretien de sexualité et de prévention doit permettre de
préciser :
 le soutien à l’information du partenaire et au dévoilement de la
séropositivité. Le dévoilement de la séropositivité est un moment
compliqué, qu’il s'agisse des suites immédiates du diagnostic, de
l’information d’un partenaire de rencontre ou dans une relation qui
se transforme, ou encore lorsque cette annonce se fait bien après le
diagnostic dans une relation de longue durée;
 les recours possibles au traitement post-exposition;
 les facteurs favorisant les prises de risque tels que la
consommation d’alcool et de drogues, la dépression ;
 l’appréciation par le (la) patient(e) de la qualité de ses rapports
sexuels et la présence éventuelle de troubles organiques ou
psychosomatiques.
Comment parler sexualité ?
(extraits Yéni 2010)
 La préférence d’une partie des personnes infectées par le VIH
pour des relations sexuelles avec des personnes également
infectées, ou la formation d’un couple avec une personne
infectée, ne doit pas être stigmatisée. Le risque probablement
faible de surinfection doit être communiqué.
 Dans les relations stables, entre personnes séro-differentes ou
séro-concordantes, le contrôle de la charge virale doit être
considéré comme une méthode supplémentaire et efficace de
réduction des risques lorsque le préservatif n’est pas utilisé.
 Les personnes en couple séro-concordants ou viroconcordants, doivent être encouragées à utiliser le préservatif
dans les rapports en dehors du couple, et à se protéger dans le
couple en cas d’échappement virologique d’un des
partenaires.
Comment parler sexualité ?

Pour favoriser le dialogue, différentes questions (dont
certaines ouvertes) peuvent être posées, comme :

Rencontrez- vous des difficultés dans votre vie sexuelle ?

Êtes-vous satisfait de votre vie sexuelle et affective ?

Quels genres d’informations auriez-vous besoin pour
améliorer/gèrer votre vie affective et sexuelle ?

Qu’est ce qui pourrait vous aider dans votre vie affective
et sexuelle ?

Pensez vous que vous auriez des besoins en matière de
prévention ?

Qu’est-ce qui est le plus difficile en prévention ?

Pourriez-vous me raconter une situation dans laquelle
vous vous êtes senti(e) sans solution et qui vous a posé
problème ?
Comment parler sexualité ?

Pour favoriser le dialogue, différentes questions
(certaines ouvertes) peuvent être posées, comme :

Dans quelle situation vous sentez-vous le plus à l’aise pour parler
avec un partenaire sexuel de votre séropositivité ?

Qu'est-ce qui est le plus difficile en prévention avec vos partenaires
selon qu'ils sont séropositif(ve)s ou séronégatif(ve)s ?



Qu'est-ce que vous aimez dans l'utilisation des préservatifs ?

Savez-vous quoi faire en cas de rupture de préservatif ?

Qu'est-ce que vous savez sur la syphilis ?



Avez-vous besoin d'informations sur les IST ?
Qu'est-ce que vous n'aimez pas dans l'utilisation des préservatifs ?
Avez-vous besoin d'informations sur les interactions entre votre
traitement et certaines drogues récréatives ?
Paroles de soignés …
 Extraites d’une étude qualitative sur l’opportunité
d’une consultation en éducation thérapeutique
centrée sur la vie affective et sexuelle, menée
auprès d’une dizaine de patients séropositifs de
l’Institut Alfred Fournier, centre de santé de
secteur dans le 14ème à Paris en mai 2010
Paroles de soignés …
 Le taire pour éviter la honte et le rejet
 J'en ai parlé à personne, seul mon frère qui est pharmacien en
France connaît mon état car à l'époque j'étais abattu et dépressif et
j'avais besoin de parler. Mon frère m'a juste dit il faut avoir des
rapports protégés... J'ai consulté un médecin en XXXX, il
m'observait, il me soupçonnait ("je te vois te gratter"), je lui ai dit
mais on en a jamais reparlé. Dans mon pays, les mentalités sont
peu évoluées si je le disais à ma mère aujourd'hui, peut être qu'elle
en mourrait de honte. C'est un secret qui est lourd, on a besoin de
se libérer, mais à qui ? J'imagine que beaucoup de séropositifs sont
dans la même situation que moi, comment faire partager son statut
sans être rejeté, sans être brisé par la rupture d'une relation
affective. En Afrique tout le monde se connaît, il y a le problème du
secret médical, il est impossible de solliciter une assoc locale.
Paroles de soignés …
 Le dire et vivre avec le rejet qui s’enracine
 on dit pas qu’on est séropo…on utilise le préservatif …si les choses
vont…on va le dire ouvertement et y’a pas de souci ; mais j’ai eu
deux mésaventures, qui m’ont un peu refroidi … le préservatif s’est
déchiré…et j’ai préféré jouer la carte honnête et dire que j’étais
séropo et qu’il valait mieux qu’il aille à l’hôpital faire un traitement
d’urgence au cas où et puis…cela s’est plutôt mal passé dans la
mesure où la personne ne l’a pas très bien pris …alors…il aurait
voulu que je lui dise d’emblée que j’étais séropo même si j’avais
utilisé le préservatif. Donc ça m’a un petit peu refroidi et puis
quelque temps après j’ai eu la même chose ; alors je ne sais pas si
c’est psycho somatique mais après dès que j’avais l’impression que
j’utilisais un préservatif, j’avais peur que le préservatif se déchire et
puis c’était dans ma tête systématiquement, donc j’étais pas à l’aise
avec ma sexualité parce que dès que je pénétrais la personne
Paroles de soignés …
 Faire l’amour avec le virus et protéger l’autre
 Au début, pendant longtemps, j'avais l'impression qu'on faisait
l'amour à 3, lui, moi et le virus. Après c'est passé, on a réussi à avoir
des rapports, on faisait toujours attention, moi plus que lui. Je pense
qu'il aurait pu déborder dans la précipitation car on s'aime. S’il
apprend demain qu'il est séropo, ça ne le gênerait pas, ce serait
terrible pour moi. Mais en 10 ans, mes rapports avec mon sperme
se sont détériorés, ça me dégoûte. Dans nos rapports, j'essaie de
ne pas aller jusqu'à l'éjaculation et ça ne me frustre pas. On en parle
pas beaucoup, mais on n'a pas besoin d'en parler, il me dit "je sais
pourquoi". Je n’ai pas envie de l'encombrer avec cela. Je le ménage
à tout point de vue…
 Souffrir de troubles sans le dire dans son couple
 J'ai des troubles de l'érection et je prends du cialis sans que mon
ami le sache. Je pense qu'on ne parle pas assez de notre sexualité
entre nous
Paroles de soignés …
 Une peur d’être quitté qui plonge dans le silence et la
culpabilité
 J'ai vécu longtemps une vie sexuelle très lourde sans
communication de ma séropositivité à ma partenaire… J'ai
rencontré il y a 6 ans ma partenaire actuelle, nous nous
sommes protégés au début puis elle m'a forcé à avoir des
rapports non protégés car elle voulait un enfant. J'essayais de
repousser l'échéance mais je n'ai pas pu et j'ai été dans
l'incapacité de lui dire [mon statut]. Pendant 6 ans, j'ai vécu
dans la culpabilité, c'était lourd, je ne pouvais pas atteindre
l'épanouissement de la relation mais j'avais peur qu'elle me
quitte. J'ai pris ma retraite récemment et j'ai ressenti un
ressort intérieur et je lui ai dit, elle a beaucoup pleuré mais
m'a remercié de lui avoir dit. Elle a fait un test, elle est
négative, j'ai parlé de tout cela pour la première fois hier au
docteur. C'était un lourd secret que je ne pouvais partager
avant je venais juste consulter pour la santé.
Paroles de soignés …
 20 ans de séropositivité sans parler de sexualité et
finalement un bébé !
 En 20 ans, on ne m’a jamais parlé de sexualité, juste de
transmission, même ma gynéco m’avait demandé si je
prenais la pilule alors que je lui avais dit que je me
protégeais à cause de mon statut. Mais plus que moi,
c’est sans doute mari qui aurait besoin d’en parler après
20 ans de préservatif, il n’en a jamais parlé à personne
en fait. Quand nous avons conçu l’enfant, au début nous
avons essayé avec une seringue, et je me suis effondrée
en larmes à l’idée de concevoir un enfant comme cela.
On a préféré dévider le préservatif en période d’ovulation
après
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