Formation de verglas sur la neige

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International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont-Blanc - 2013
Formation de verglas sur la neige
Dominique Vrécourt
Meteo-France, Tarbes, France
RESUME : en janvier 2012, 2 à 5cm de glace vive se sont formés sur la surface de la neige sur
l’ensemble du versant nord des Pyrénées entre 2000 et 2800m. Cette glace est restée en place pendant deux semaines et a causé la mort de 9 personnes côté français. Ce phénomène dont les conséquences ont été dramatiques en 2012 semble se reproduire avec une fréquence au moins annuelle.
Pouvoir comprendre et savoir reconnaître ce phénomène permettrait d’expliquer certaines cas où la
neige prévue n’est pas mesurée par les stations automatiques. De leur côté, les modèles de prévision
météorologique actuels semblent permettre d’identifier le phénomène.
MOTS-CLEF : glace, verglas.
ABSTRACT: during January 2012, 2 to 5cm of ice appeared on the top of snow layer of the Pyrénées
between 2000 to 2800m. That ice took place during two weeks and caused 9 fatal accidents. This
phenomenon, whose consequences were dramatics in 2012 seems to appears with a frequence of at
least one time a year in the Pyrénées. Being able to understand and forecast this phenomenon would
allow to explain some cases of expected snow never detected. Meteorological models seem to be
able to detect the formation of ice on snow.
KEYWORDS: ice
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la montagne, skieurs, marcheurs, à pieds ou en
raquettes, débutants ou aguerris ont tous été
surpris. De nombreux accidents parfois très graves se sont produits pendant les deux semaines
de beau temps qui ont suivi l’apparition de la
glace et ont entraîné la mort de 9 personnes.
INTRODUCTION
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RECHERCHES D’EXPLICATIONS
Le schéma utilisé pour les précipitations en
montagne est celui d'une chute de neige audessus de l’isotherme 0 degré et une chute de
pluie progressivement sous l’isotherme 0 degré.
A l’aide de ce schéma, une chute de neige de
25cm était prévue au-dessus de 2000m pendant
la nuit du 5 au 6 janvier. Or, les stations de mesure automatiques de la neige en altitude n’ont
mesuré une augmentation de la hauteur de
neige que de 5cm. Le premier réflexe, dans ce
cas a été de penser que le vent a emporté la
neige qui ne s’est pas déposé sous le capteur
de mesure.
Lorsqu’il s’est avéré que les précipitations à
température négative avaient formé de la glace,
la première recherche d’explication a ensuite été
celle de la pluie verglaçante, comme en plaine.
Mais il a été impossible de trouver des couches
d’air chaud en altitude où la neige aurait fondu
et se serait congelée en touchant la neige à
température négative.
En une nuit, entre le 5 et 6 janvier 2012, des
précipitations de 25mm ont couvert le versant
nord des Pyrénées d’une couche de glace dure
de 2 à 5cm entre 2000 et 2800m. L’ampleur du
phénmène n’a été perçue qu’après quelques
jours lorsque les premiers accidents se sont
produits et quand les témoignages sont apparus
sur internet. En d’autres occasions, la neige parait brillante depuis la plaine après la pluie ou
après quelques jours chauds. Cette fois, la
glace qui recouvrait la neige, dure et lisse, formait une véritable patinoire. Les pratiquants de
______________________
Adresse de l’auteur correspondant : Dominique
VRECOURT, Meteo-France, 10 rue amiral
Courbet, 65 000 Tarbes, France
tel: +00 33 5 81 72 15 06
email: [email protected]
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Si le vent est fort, les précipitations et le diamètre des gouttes sont augmentées par les ascendances au vent du relief
LE GIVRE BLANC
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LA DETECTION PAR LES MODELES
NUMERIQUES DE L’ATMOSPHERE
5.1 Le cas de janvier 2012
Les modèles numériques qui permettent de
prévoir les conditions météorologiques à plusieurs jours d’échéance, s’ils sont suffisamment
fins, estiment la quantité d’eau contenue par les
gouttelettes nuageuses. Ainsi, dans la nuit du 5
au 6 janvier le modèle à mailles fines Arome a
détecté que l’eau nuageuse atteignait jusque
0,65 g/kg d’air, ce qui est extrêmement important.
Pendant chaque chute de neige, les nuages
poussés par des vents forts laissent sur les sapins, les filets, les câbles, une pellicule parfois
très épaisse de glace blanche. Cette glace est
fragile, elle est faire des minuscules gouttelettes
de nuages, qui à température négative glacent
instantanément dés qu’elles touchent quelques
choses, des cheveux, un bonnet … et emprisonnent autant de bulles d’air. Ce givre très courant n’est pas non plus celui qui s’est produit ce
5 janvier.
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5.2 Pendant l’hiver 2012/2013
Pendant les nombreuses chutes de neige,
souvent importantes, de cet hiver, la quantité
d’eau nuageuse prévue par le modèle Arôme a
presque toujours été inférieure à 0.1 g/kg. Une
seule fois, le 26 janvier 2013, cette valeur a dépassé 0,1g/kg. Et en effet, de la glace a été observée sur la neige, le même jour entre 1700 et
1900m.
Ainsi un modèle à maille fine semble percevoir les risques de formation de bruine verglaçante en montagne.
UNE BRUINE VERGLACANTE
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4.1 La formation et la croissance des flocons de
neige
SITUATIONS METEOROLOGIQUES TYPE
A partir de 6 cas observés depuis 2003, les
situations météorologiques type provoquant la
neige verglacée sont : des vents forts de nordouest de 80 à 100 km/h en crête à 3000m et un
front, souvent un front chaud, parallèle au vent.
Le sommet de la couche nuageuse est compris
Les cristaux de glace apparaissent dans le
nuage non pas dés 0 degré mais plus fréquemment à des températures de –5 et plutôt –10 ou
–15°C. Ainsi, les cristaux de glace naissent plutôt au sommet du nuage et grossissent en tombant à l’intérieur du nuage.
4.2 La formation d’une bruine verglaçante
Si le sommet du nuage n’est pas assez
froid, pas moins de –5 ou –8°C, les cristaux de
glace se forment peu. Les gouttelettes d’eau
nuageuse grossissent alors par des chocs entre
elles et restent toujours liquides. Elles finissent
par être assez grosses pour tomber sous la
forme d’une bruine à température négative.
Cette bruine forme une glace transparente car
les gouttes sont bien plus grosses que les minuscules gouttelettes nuageuses et emprisonnent donc beaucoup moins de bulles d’air. C’est
précisément ce qui s’est passé dans la nuit du 5
au 6 janvier, le sommet du nuage était en effet
au plus bas à –8°C.
entre –5 et –10°C.
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RELIEF CONCERNE EN FRANCE
Le phénomène se produit régulièrement sur
les Pyrénées ( une fois par an ), moins souvent
sur les alpes, très rarement sur les alpes du sud
et occasionnellement en Corse. Par contre il
semble se produire plus souvent sur les Vosges
que sur les Alpes.
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Le phénomène pour se produire a besoin de
vent fort qui soulève la masse d’air nuageuse
qui n’est pas beaucoup plus élevée que le relief.
Les bruines verglaçantes se produisent alors sur
les premières montagnes exposées au vent :
toutes les Pyrénées par vent de nord-ouest, toutes les Vosges par vent d’ouest et uniquement
le piémont des alpes du nord par vent de nordouest. Si le phénomène se produit entre 4 et
5000m, le Mont Blanc seul exposé à des vents
forts dans cette tranche d’altitude peut être touché.
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ORIGINE DES COUCHES DE GLACE
TRANSPARENTE DANS LE MANTEAU
NEIGEUX
A l’intérieur du manteau neigeux, des couches de glace vive peu épaisses peuvent être le
résultat de ces bruines verglaçante à l’opposé
des couches épaisses de grains ronds qui peuvent être le résultat de la pluie. Ces couches de
glace vive, même de faible épaisseur doivent
certainement augmenter la stabilité du manteau
neigeux.
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CONCLUSIONS
Les bruines verglaçantes sur le relief sont
certainement plus fréquentes que nous le pensions. Certaines situations météorologiques type
peuvent permettre d’être alerté et les modèles à
maille fine de l’atmosphère pourraient permettre
de prévoir ces phénomènes avec un bon degré
de confiance. Pouvoir discerner ces chutes de
bruine verglaçante pourrait permettre ensuite de
corriger certaines prévisions de neige et de risques d’avalanches.
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