7 Decembre 2012 Offre d’obligations privées Investment Grade en euros : évolution et perspectives Introduction Après dix ans de croissance soutenue, le marché des obligations privées Investment Grade (IG) en euros n'a pas tenu le rythme ces deux dernières années. L'encours du marché est passé de 200 Mds € en 1999 à 1 400 Mds € en 2009, comblant pratiquement l'écart par rapport au crédit américain, plus volumineux et plus ancien. Toutefois, la tendance s'est interrompue en 2010 et 2011, et la taille du marché a diminué pour la première fois en 2012, principalement en raison des émissions nettes négatives des sociétés financières. De nombreux facteurs récents expliquent non seulement l'arrêt de la croissance du marché du crédit depuis deux ans, mais aussi l'évolution rapide et remarquable du profil qualitatif de la classe d'actifs. Directement et indirectement (via les autorités de tutelle et de réglementation), les crises systémiques (aux USA d'abord, puis dans la zone euro) ont radicalement transformé la composition, le profil de risque et la qualité du crédit en euros. Selon nous, ces nouvelles tendances vont probablement continuer à régner sur le marché du crédit dans les prochains trimestres. La demande en produits de spread s'est accélérée en 2012 compte tenu du regain d'intérêt des investisseurs pour le rendement dans un environnement de taux et de croissance faibles. Cependant, le volume d’émission a diminué au deuxième trimestre à cause de la crise souveraine. À ce stade, les perspectives des nouvelles émissions redeviennent importantes pour rééquilibrer l'équation technique offre/demande. Notre étude offre donc un aperçu des tendances actuelles et futures en matière de nouvelles émissions de crédit privé, en commençant par une courte présentation de leur évolution dans l'histoire. L'offre est analysée dans l'univers des émetteurs financiers, puis industriels, en portant une attention particulière aux facteurs de croissance de son évolution future. 1 Évolution dans l'histoire et profil actuel des obligations privées IG en euros Ce marché est toujours relativement jeune par rapport à son homologue américain ; toutefois, comme le montre le premier graphique page suivante, sa taille est passée d'à peine 200 Mds à 1 400 Mds € en dix ans, en plusieurs étapes successives. Les volumes se sont stabilisés en 2010 et 2011, sous l'effet de nombreux facteurs qui sont encore à l'œuvre et empêchent l'offre de progresser aussi vite que par le passé. 1.1. Le rôle des émetteurs industriels Le principal moteur du d'entreprise a été développement d'un dette privée, celui financiers. marché des obligations la création, puis le nouveau segment de des émetteurs non “ Après 10 ans de croissance soutenue, le marché des obligations privées IG en euros n’a pas tenu le rythme ces deux dernières années, et voit sa taille diminuer pour la première fois en 2012. Directement et indirectement, les différentes crises systémiques (aux USA d'abord, puis dans la zone euro) ont radicalement transformé la composition, le profil de risque et la qualité du crédit en euros. Plus précisément, on constate que que les industrielles affichent des caractéristiques plus défensives en matière d'exposition au cycle économique. Le deleveraging des banques, les effets retardés de la crise souveraine, les changements réglementaires, et enfin les mesures extraordinaires de la BCE auront tous pour conséquence une baisse de l'offre de la part des émetteurs financiers. Les émetteurs industriels devraient par contre continuer à profiter du marché primaire : ainsi, la désintermédiation des prêts bancaires et la nécessité de préfinancer les remboursements considérables de 2013 vont probablement se traduire par des émissions nettes positives sur le marché des obligations IG non financières. Ces tendances se sont déjà confirmées en 2012, à la fois en termes d'émissions brutes et nettes des sociétés financières et industrielles. Dans un environnement de hausse de la demande en produits de spread, la baisse de l'offre d'obligations d'entreprise constitue un facteur technique favorable. Un marché toujours jeune par rapport à son homologue américain ” Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 7 Decembre 2012 1.2. Le rôle des émetteurs financiers Contrairement aux industrielles, c'est avant la crise des subprimes que les financières ont connu la plus forte croissance de leur encours de dette. De 2006 à 2008, les sociétés financières ont émis en moyenne 100 Mds € de dette supplémentaire par an. À noter qu'avant 2008, cette croissance était principalement due à des émissions d'obligations subordonnées de toutes formes, principalement de la dette subordonnée senior (lower Tier 2) et subordonnée junior (upper Tier 2 et Tier 1), comme le montre le graphique 3. La crise des subprimes et ses conséquences ont mis un terme à cette tendance, et la dette senior a retrouvé ses lettres de noblesse, au même titre que les obligations sécurisées et qu'un nouveau moyen de financement, la dette assortie de garanties publiques. La croissance du marché IG (encours de dette en Mds €) 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 On voit sur le premier graphique qu'en 1999, les émetteurs étaient pour la plupart des banques (le marché étant alors de taille relativement réduite). En partie grâce à la croissance rapide de l'endettement des entreprises de télécommunications, les années 2000-2003 ont donné naissance à une nouvelle sous-classe d'actifs (graphiques 1 et 2). Le poids des télécoms est passé ainsi de 16 à 30% dans l'indice des émetteurs non financiers entre 2000 et 2002. Cette première vague d'émissions d'entreprises industrielles a créé près de 300 Mds € de dette supplémentaire en à peine quelques années, grâce également à la participation croissante des émetteurs automobiles américains sur le marché du crédit européen. Ces derniers étant tombés dans la catégorie des "anges déchus" en 2005, les encours de titres se sont légèrement contractés avant d'afficher une croissance très modeste jusqu'en 2008, freinés également par le désendettement nécessaire de nombreuses sociétés industrielles. La deuxième vague d'émissions est survenue en 2009 : les banques ayant nettement durci leurs conditions de prêt après la crise Lehman, les sociétés ont été contraintes à une nouvelle étape de désintermédiation. L'intérêt des investisseurs pour le rendement a soutenu la demande en obligations d'entreprise, permettant aux émetteurs d'accéder massivement à ce canal de financement. En à peine un an (graphique 2), le segment des émetteurs non financiers s'est développé dans des proportions record, avec 175 Mds € d'émissions nettes. En 2009, les utilities ont joué un rôle important pour finaliser le financement de leurs dernières opérations de fusions et acquisitions, mais les autres secteurs ont aussi été relativement actifs sur les marchés primaires. Grâce à ce développement, les émetteurs industriels ont presque rattrapé les financiers en termes de poids sur le marché. Financières Non-Financières So urce : Stratégie A mundi Changement annuel dans les montants de dette IG (en Mds €) 200 150 100 50 0 -50 Financières 2011 2012-H1 2010 2008 2009 2007 2006 2005 2003 2004 2002 -100 2001 Comme le montrent les graphiques, le marché du crédit IG en euros ne s'est pas développé ces deux dernières années, une évolution sans surprise au regard du désendettement indispensable des émetteurs industriels, puis des banques, d'où un rétrécissement des émissions nettes jusqu'à des niveaux neutres, voire négatifs. Toutefois, outre cette tendance purement quantitative, les crises récurrentes ont donné lieu à des transformations remarquables et rapides dans la composition, la qualité et le profil de risque des obligations d'entreprise offertes aux investisseurs. Par exemple, dans le secteur financier, on voit sur le graphique 3 que la dette senior, la plus défensive et à plus faible bêta financier, occupe à nouveau depuis peu une place prépondérante aux dépens des obligations subordonnées. Les crises américaines (subprimes et Lehman) et les crises souveraines dans la zone euro ont contraint les régulateurs à renforcer leurs exigences de qualité des fonds propres durs. Par conséquent, le segment des titres subordonnés a commencé à se réduire sous l'effet de rachats, d'adjudications, de l'exercice d'options d'achat, de l'absence de nouvelles émissions, et enfin de nombreuses dégradations de notes de crédit qui ont plus pesé sur les subordonnées que sur la dette senior. 2000 1.3. Profil actuel du marché des émetteurs financiers privés Non-Financières So urce : Stratégie A mundi En effet, une proportion remarquable du marché High Yield (HY) européen est désormais constituée «d‘anges déchus» Tier 1 et lower Tier 2 (voir encadré à la fin de cette étude). La deuxième tendance qui se dégage parmi les financières concerne le poids réduit des banques de pays périphériques : celles-ci représentent tout juste 11% du marché de la dette financière IG, contre 18% au moment de la crise Lehman. Pour conclure, l'univers actuel des obligations financières accessible aux investisseurs est beaucoup plus défensif qu'il y a quelques années, notamment en raison des changements réglementaires et des baisses de notes de crédit. Le poids des émissions subordonnées à bêta fort a nettement diminué, tout comme la part des émetteurs périphériques Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 2 7 Decembre 2012 Deux importantes tendances récentes méritent d’être prises en considération. 1) La présence croissante des secteurs défensifs dans l'univers IG. Les secteurs des services aux collectivités et des télécoms sont les plus représentés en termes d'encours de dette, avec respectivement 24% et 16% du marché total. Le poids de ces secteurs combiné à ceux de l'énergie, de la santé et de la consommation non cyclique atteint le niveau record de 62%, contre à peine 55% en 2008. 2) Contrairement à ce qui se passe dans le secteur financier, les émetteurs appartenant aux pays périphériques européens sont plus présents qu'avant la faillite de Lehman. Ils représentent ainsi 16% de l'encours actuel de dette, contre 14% en septembre 2009. Le nombre d'émissions de ces acteurs a également progressé, passant de 13 à 16% du volume total. Parallèlement, les émetteurs périphériques proviennent maintenant presque tous de secteurs défensifs, où leur proportion est toujours impressionnante : ainsi les sociétés espagnoles et italiennes représentent 23%, 25% et 26% des secteurs des télécoms, des services aux collectivités et de l'énergie. En revanche, elles sont pratiquement absentes des secteurs cycliques comme l'automobile, les industries de base, les biens d'équipement et la consommation cyclique. A noter que le secteur automobile est monopolisé par des émetteurs allemands (69%) et français (21%) : c'est la raison pour laquelle ce domaine pourtant très cyclique offre un des spreads les plus faibles par rapport aux emprunts d'État. C'est aussi le cas dans d'autres secteurs comme les biens d'équipement et la consommation cyclique. En d'autres termes, les secteurs cycliques, autrefois assortis d'une prime par rapport aux secteurs défensifs, tendent maintenant à afficher des spreads plus faibles car le poids des émetteurs périphériques n'y est plus le même. Au vu de ces constatations, on peut conclure qu’également dans le cas des émetteurs industriels, le profil de référence devient globalement plus défensif que par le passé. D'un côté, les émetteurs défensifs représentent presque deux tiers du marché total, et de l'autre, le poids des sociétés d'Europe périphérique reste limité (et surtout presque exclusivement confiné aux secteurs défensifs et non cycliques). La dette bancaire subordonée a contribué à la croissance de la dette entre 2003 et 2008 100% 80% 60% 40% Tier 1 Upper Tier 2 Low er Tier 2 Senior 20% 0% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1.4. Profil actuel du marché des émetteurs industriels privés So urce : Stratégie Amundi Les secteurs défensifs sont majoritaires dans l'indice Eur IG non-financier 24% 39% 16% 21% 2 Les moteurs de l'offre privée en 2012 La plupart des facteurs qui expliquent les tendances récentes de l’offre de crédit seront toujours à l'œuvre dans les prochains trimestres. Parmi ceux déterminants pour l'évolution future des marchés primaires, nous avons retenu les six facteurs suivants et leurs conséquences potentielles sur les différents secteurs. Utilities Telecom Autres secteurs défensifs Secteurs cycliques So urce : Stratégie A mundi 2.1. Le deleveraging actuel des banques va peser sur l'offre des émetteurs financiers La crise des subprimes et la faillite de Lehman ont enclenché un grand processus de désendettement du système financier, devenu par la suite une tendance structurelle mondiale : amorcé par les banques américaines, le phénomène s'est rapidement propagé de l'autre côté de l'Atlantique (indicateurs du graphique page suivante). Cependant, les banques européennes n'en sont pas au même stade, car les entreprises dépendent beaucoup plus des prêts bancaires que du financement des marchés. 2.2. La désintermédiation du crédit bancaire va soutenir l'offre des émetteurs industriels Le deleveraging des banques va se traduire par une baisse des émissions financières, tout en contraignant les entreprises à s'appuyer davantage sur le financement des marchés : c'est ce qui s'est déjà passé en Europe et aux USA quand les banques ont durci leurs conditions de prêt en 2009. 2.3. La crise de la dette souveraine en Europe réduit le potentiel d'émissions financières Au 2ème semestre 2011, le marché s'est presque complètement fermé à la fois pour les émetteurs de la périphérie européenne mais aussi pour les banques des pays du noyau dur de la zone euro. L'explication est désormais bien connue et s'est manifestée par un pic du risque systémique. Au 1er trimestre 2012, ce risque a nettement diminué grâce aux opérations de refinancement de la BCE et aux nombreuses mesures positives prises par les autorités européennes et les gouvernements nationaux en matière budgétaire. Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 3 7 Decembre 2012 Le marché primaire des émissions financières s'est donc rouvert, avec le placement de 60 Mds € de dette senior. La crise de la dette souveraine continuera néanmoins à freiner les volumes émis par les banques de la périphérie européenne qui, au cours des trimestres à venir, ne devraient pas retrouver les niveaux de financement de marché d'avant crise. Premièrement, les banques grecques, irlandaises et portugaises n'appartiennent plus à la catégorie IG. Deuxièmement, seuls les grands établissements italiens et espagnols ou les banques leaders sur leur marché domestique ont pu récemment émettre des volumes importants de nouveaux titres. Enfin et surtout, le financement de marché est plus sensible aux notations que le financement par les dépôts : certaines restrictions, telles que les seuils minimum de notation, réduisent par exemple la capacité de certains investisseurs institutionnels à acheter des obligations d'entreprise. Bien souvent, le fait d'être rétrogradé en deçà de la catégorie de notation A peut considérablement réduire le potentiel de demande en titres nouveaux Les émetteurs périphériques sont minoritaires dans l'indice Eur IG nonfinancier 11% 16% 19% 6% 2.4. Le durcissement de la réglementation dissuadera les banques d'émettre de la dette subordonnée Le durcissement de la réglementation concernant les ratios de fonds propres (notamment en faveur des titres de meilleure qualité), a entraîné d'abord un ralentissement, puis un arrêt total des émissions de titres subordonnés : en rehaussant le ratio core Tier 1 et en excluant les instruments hybrides de la base de calcul des nouveaux ratios, les régulateurs ont contraint les banques à réduire l'offre de dette subordonnée. Parallèlement, les crises récentes ayant entraîné une baisse des prix de la dette subordonnée, les banques ont choisi de les racheter, ce qui a réduit leurs besoins de financement et amélioré leur ratio de fonds propres. Ce sujet est traité en détail dans le premier encadré. 27% 10% 11% France Autre pays zone cœur Pays périphériques Hors Europe Allemagne Pays nordiques Europe hors EM So urce : Stratégie A mundi Les émetteurs périphériques sont principalement des émetteurs défensifs 30 2.5. Les deux LTRO et la baisse des réserves obligatoires vont nettement peser sur l'offre de dettes des banques européennes, en particulier pour les émetteurs de la périphérie. 25 Les mesures extraordinaires de la BCE ont indirectement contribué à la réouverture du marché primaire des émissions bancaires européennes au premier trimestre 2012. Toutefois, au cours des prochains trimestres, les banques n'auront pas à renouveler leur financement de marché venant à expiration. C'est d'autant plus vrai pour les banques italiennes et espagnoles : en effet, celles-ci vont probablement continuer à émettre de la dette retail venant à échéance, tout en exploitant pleinement les faibles coûts de financement avec la BCE afin d'accroître leurs marges d'intérêt nettes. Les trimestres à venir pourraient s'annoncer difficiles pour les établissements financiers en matière de remboursement de dette. 15 2.6. Les volumes élevés de remboursement de dette en 2013 et en 2014 contraignent les émetteurs industriels à émettre davantage de titres tout au long de l ’année à des fins de préfinancement. 20 10 5 Italie Energie Utilities Telecom Bien d'équipement Industrie de base Auto 0 Espagne So urce : Stratégie A mundi Les entreprises non financières doivent faire face à des échéances importantes en 2013 et 2014. Les banques étant dans une perspective de désendettement, les entreprises industrielles ont exploité pleinement leur accès aux marchés obligataires au deuxième semestre. Les nouvelles émissions ont déjà augmenté lors des trois premiers trimestres et la Toutes les dynamiques dynamique persistante de la demande devrait contribuer à l'accélération de cette tendance. actuelles laissent Dans l'ensemble, les coûts de financement supposer un volume net restent attractifs grâce au bas niveau des d'émission négatif pour rendements des "valeurs refuges" et au les sociétés financières resserrement des spreads de crédit. En conclusion, toutes les dynamiques actuelles de et un volume net positif l'offre de titres obligataires laissent supposer pour les entreprises une légère baisse de l’activité des émetteurs industrielles financiers, et au contraire une augmentation des émissions des émetteurs industriels. “ ” La combinaison de plusieurs facteurs (durcissement des conditions de prêts des banques, l'assainissement global du secteur financier, et les volumes élevés de remboursements) va probablement inciter les émetteurs non financiers à une désintermédiation plus poussée, de la même manière qu'en 2009. Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 4 7 Decembre 2012 1.1 1 0.9 2011 2008 2005 2002 1999 1996 1993 0.8 par rapport So urce: , APrêt mundi Strategy aux dépôts (US banques commerciales) Prêt par rapport aux dépôts (US banques commerciales et courtiers) So urce : Strategie A mundi Les entreprises non-financières ont des besoins de refinancement élevés en 2013 et 2014 140 120 100 80 60 40 20 2021 2020 2019 2018 2017 0 2016 Conjugués à des volumes d'émissions insuffisants, tous ces facteurs vont inévitablement entraîner une nouvelle baisse progressive de la taille de ce segment au cours des prochains mois et trimestres. 1.2 2015 En 2011, la dette Tier I a subi de plein fouet la crise de la dette souveraine, avec une forte baisse des prix et une contraction marquée de la liquidité. Ce qui a déclenché une seconde vague de rachats ou "d'exercices de gestion du passif". En outre, les régulateurs ont joué un rôle bien plus important et ont même contribué à "déclencher" ces opérations de rachat. L‘ABE a récemment fait remarquer que dans 22 % des cas, les mesures proposées par les banques pour renforcer leurs ratios de fonds propres portaient sur des conversions d'instruments hybrides en actions. Depuis novembre 2011, une quarantaine d’ établissements bancaires européens ont procédé à quarantehuit exercices de gestion du passif. Les banques ont proposé de racheter ou d'échanger l'équivalent de 108 Mds € de dette subordonnée contre des titres senior, lower Tier 2 et des actions ordinaires. Sur l'ensemble des offres de remboursement ou de conversion de dette subordonnée en divers instruments avec une prime par rapport à leur valeur de marché, 47 Mds € ont été acceptés par les investisseurs. La prime moyenne payée par les banques par rapport aux prix de marché pour la dette Tier I est ressortie à environ 10 points, avec un taux de participation des investisseurs allant de 35 % à 60 %, en fonction des modalités des exercices de gestion du passif (échanges contre des titres senior, contre des titres LT2, rachats, etc). Parfois, la diminution de la taille de l'encours d'un titre à la suite d'un exercice de gestion du passif peut entraîner une sortie automatique du titre de son indice ; de fait, la taille de l'encours n'est plus suffisante pour prétendre rester dans l'indice. En juin, les banques ont annoncé de nouvelles opérations de rachat de dette qui vont mécaniquement diminuer le volume de dette financière subordonnée IG. 1.3 2014 Aujourd'hui, seules 17 émissions appartiennent à la dette Tier I dans l'univers financier investment-grade (IG), soit une valeur nominale proche de 12 Mds € (1,5 % de la dette financière globale). Ce segment avait atteint un pic avant la faillite de Lehman : à cette époque, 116 émissions représentaient 13,4 % du total de la dette financière. L'effondrement des prix et la contraction de la liquidité qui ont suivi l'affaire Lehman ont entraîné une première vague de rachats par les émetteurs. Plusieurs raisons à cela : 1) l'amélioration de la qualité du capital (via une augmentation des fonds propres durs, l'une des exigences des régulateurs et de l‘Autorité Bancaire Européenne (ABE), 2) l'accroissement de la capacité d'absorption des pertes, 3) une preuve de solidité, puisque ces opérations nécessitent des montants considérables de liquidités et 4) exploiter l'écart important de valorisation entre la dette senior et hybride. Cette vague de rachats et les nombreuses dégradations de titres dans la catégorie HY se sont donc traduites par une contraction brutale de l'encours de titres de dette subordonnée. 1.4 1990 En cas de liquidation d'une banque, les créanciers senior et les déposants ordinaires sont prioritaires sur les porteurs de dette subordonnée bancaire. Le risque inhérent à tous ces titres, mais aussi leur rémunération, augmente graduellement, des émissions senior jusqu'aux actions. Au sein de la catégorie Tier I, la dette hybride Tier I est la plus subordonnée. La dette hybride Tier I est donc la catégorie de dette la plus risquée au sein de la structure de capital d'une banque. Les banques américaines sont déjà dans un processus de désendettement 2013 Encadré 1 : Dette financière subordonnée Tier I (IG) une espèce en voie de disparition Eur IG non financières remboursement So urce : Stratégie A mundi Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 5 7 Decembre 2012 3 Les toutes dernières tendances Besoin de refinancement pour les émetteurs financiers 350 Les actions de politiques monétaires (LTROs, programme OMT) ont permis de ré-ouvrir le marché primaire au premier trimestre et au troisième trimestre. Entre ces deux phases, le volume de nouvelles émissions a été très faible et les émetteurs périphériques quasi absents. 300 250 200 100 50 Senior Garantie T4-12 Sécurisée So urce : Stratégie A mundi En septembre 2012, le marché primaire a atteint des volumes records. Les émetteurs périphériques étaient de retour. Le volume de nouvelles émissions a baissé depuis. Encadré 2 : le revers de la médaille - augmentation probable des volumes de dette financière à haut rendement T3-12 0 T2-12 Au T1, les émetteurs financiers ont profité de l'embellie du contexte global (dans le sillage des opérations de la BCE) pour revenir sur le marché primaire et émettre un montant brut proche de 100 Mds €. Toutefois, ce chiffre honorable intervient après le volume semestriel le plus faible de l'histoire du S2-2011, et est dû essentiellement à des opérations d'établissements bancaires bien notés des pays du cœur de la région. 150 T1-12 Grâce aux deux LTROs, les entreprises industrielles ont émis un montant brut record au T1 2012. Avec un volume total de 60 Mds €, ce trimestre a enregistré le deuxième meilleur total après les deux premiers trimestres de 2009, année record en termes de désintermédiation. Affectés par une remontée de l’aversion au risque, les volumes d’émissions ont baissé au deuxième trimestre. Dette financière subordonnée T1 140 80 120 70 100 60 50 80 Sur les 114 émissions constituant actuellement le segment des émissions financières HY, 48 concernent des pays de la périphérie européenne, pour une valeur nominale de 22 Mds EUR (soit 40 % du total). Le Portugal représente près de 10 % du total, l'Italie près de 17 %, suivie de l'Irlande et de l'Espagne avec respectivement 9% et 2%. 40 60 30 40 20 2012 2011 2010 0 2009 10 0 2008 20 2007 A fin décembre 2006, la valeur nominale des émissions financières High Yield en euros était de 2,6Mds €, soit seulement 3,5 % du marché global HY en euro, selon les indices BoA ML. A fin juin 2012, la valeur nominale de ce segment était de 57 Mds €, soit plus 25 % de l'indice HY large. Près de 95 % de la valeur nominale concerne des anges déchus contre 42 % en 2006. Les anges déchus ont donc été les principaux catalyseurs de la croissance soutenue du segment HY. Les dégradations de notes ont eu lieu pour l'essentiel en deux phases que nous avons décrites dans l'encadré précédent : la première phase à la suite de la faillite de Lehman (S1-2009) et la seconde au S2 2011 et dans les derniers mois. Montant dette (valeur faciale en Mds €, Ech.D.) Nbr d'émissions (Ech.G.) So urce : Stratégie A mundi La part la plus importante de la dette financière rétrogradée dans la catégorie HY est constituée d'émissions subordonnées : selon la composition de l'indice BoA ML, 50 obligations Tier I, 6 Upper Tier 2, 27 Lower Tier 2, 4 émissions junior d'assurances, 2 subordonnées d'assurances et 24 titres senior. Ainsi, la plus grande partie de ces émissions correspondent à la dette la plus risquée de la structure de capital, proche des actions. Avec les récentes dégradations de rating, l’univers d’investissement du haut rendement a augmenté de 43 Mds € à 57 Mds €. Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 6 7 Decembre 2012 Conclusion 2012 est la première année de contraction de la taille du marché du crédit IG en euros. Selon nous, les perspectives d'évolution de l'encours total sont plutôt baissières que haussières pour les prochains trimestres : la désintermédiation mise en place par les émetteurs industriels n'atteindra probablement pas le pic de 2009 mais, parallèlement, les banques sont désormais contraintes d'assainir leur situation financière et de réduire leur financement de marché. Emetteurs non-financiers 140 120 100 80 60 En 2013, le marché du crédit IG devrait continuer de voir son profil de risque devenir plus défensif en termes d'exposition directe aux risques souverain et cyclique, comme ce fut le cas en 2012. Les dettes périphériques et subordonnées sont moins représentées dans les grands indices car, pour la plupart, elles ont été rétrogradées dans les segments spéculatifs. Dans un environnement de hausse de la demande en produits de spread, la baisse de l'offre d'obligations d'entreprise reste un facteur technique favorable. Ces perspectives devraient selon nous être positives, tout comme la baisse régulière de la proportion des titres à bêta et à spreads élevés dans l'univers IG. Les émissions périphériques vont donc se raréfier de plus en plus . 40 20 So urce : , Stratégie A munditrimestriel (en Volume d'émission 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 0 2005 260 Mds € (valeur nominale) de dette, soit 18 % du marché IG global, arriveront à échéance en 2013. Puisque la durée de vie résiduelle de ces titres sera inférieure à un an en 2012, ils seront progressivement sortis de leur indice respectif. Sur ce total, les émissions financières représentent environ 60 % (160 Mds €), le reste revenant aux émissions non financières (100 Mds €). Nous prévoyons donc une baisse sensible de l'encours global en 2012, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Mds €) So urce : Stratégie A mundi Emetteurs financiers 250 200 150 100 50 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 0 Volume d'émission trimestriel (en Mds €) So urce : Stratégie A mundi Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur financier 7 7 Decembre 2012 Correspondants Rédacteur en chef Philippe Ithurbide - Directeur Recherche, Stratégie et Analyse - Paris +33 1 76 33 46 57 Contributeurs Sergio Bertoncini – Stratégie Economique – Milan Valentine Ainouz – Stratégie Economique – Paris & Recherche & Recherche Support Pia Berger – Recherche, Stratégie et Analyse – Paris AVERTISSEMENT Directeur de la publication : Pascal Blanqué Rédacteur en chef : Philippe Ithurbide Les destinataires de ce document sont en ce qui concerne l’Union Européenne, les investisseurs « Professionnels » au sens de la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 «MIF», les prestataires de services d’investissements et professionnels du secteur financier, le cas échéant au sens de chaque réglementation locale et, dans la mesure où l’offre en Suisse est concernée, les « investisseurs qualifiés » au sens des dispositions de la Loi fédérale sur les placements collectifs (LPCC), de l’Ordonnance sur les placements collectifs du 22 Novembre 2006 (OPCC) et de la Circulaire FINMA 08/8 au sens de la législation sur les placements collectifs du 20 Novembre 2008. 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