Effets paracrines de la leptine produite par l`estomac - iPubli

MEDECINE/SCIENCES 2004; 20: 183-8
REVUES
SYNTHÈSE
M/S 2, vol. 20, février 2004
Effets paracrines
de la leptine
produite
par l’estomac
Marion Buyse, Thomas Aparicio, Sandra Guilmeau,
Hélène Goïot, Iradj Sobhani, André Bado
furent ensuite identi-
fiés comme des lieux
de synthèse et de sécrétion de la leptine, suggérant de
nouvelles cibles pour cette hormone. La mise en évi-
dence de la leptine gastrique et de ses récepteurs dans
l’estomac, l’intestin, le pancréas, le foie, et le fait que
le tractus gastro-intestinal soit la première interface
rencontrée par les aliments après leur ingestion, suggè-
rent fortement que la leptine est une hormone du trac-
tus gastro-intestinal.
L’estomac synthétise et sécrète la leptine
L’estomac joue un rôle essentiel dans le stockage et le
broyage des aliments, préparant ainsi les nutriments à la
digestion et à l’absorption intestinale. La muqueuse fun-
dique de l’estomac est formée d’une monocouche de cel-
lules présentant de nombreuses invaginations au fond
desquelles s’ouvrent des glandes constituées par des
cellules à mucus, des cellules pariétales, des cellules
principales et des cellules endocrines (Figure 1). Cet épi-
thélium fundique de l’estomac synthétise et sécrète la
leptine chez le rat [8] et chez l’homme [9]. Les cellules
produisant la leptine correspondent aux cellules princi-
pales sécrétant également le pepsinogène (Figure 1). La
sécrétion de la leptine gastrique est contrôlée par des
La leptine est une protéine de 16 kDa qui a été largement
décrite pour son rôle majeur dans la régulation de
l’équilibre énergétique [1]. Ainsi, chez les souris ob/ob
déficientes en leptine biologiquement active, l’adminis-
tration de leptine recombinante provoque une réduction
de la prise alimentaire et une augmentation des
dépenses énergétiques[2]. La résultante de ces effets
est une réduction de leur obésité. Cette action «anti-
obésité» de la leptine met en jeu une modulation de
l’expression et de la sécrétion de peptides orexigènes et
anorexigènes via l’activation de récepteurs de la leptine
au niveau de l’hypothalamus [3, 4]. En effet, le gène db
codant pour le récepteur de la leptine a été identifié [4]
un an après le gène ob [1]. Ce récepteur possède un seul
domaine transmembranaire et appartient à la famille
des récepteurs de cytokines de classe I. Sept isoformes
résultant d’un épissage alternatif de l’ARN primaire db
ont été décrites [5]. Elles se distinguent entre elles par
la longueur de leur domaine intracellulaire.
Le tissu adipeux a été initialement considéré comme
l’unique source de production de la leptine. Le placenta
[6], les muscles squelettiques [7] et l’estomac [8]
Inserm U.410,
IFR02 Claude Bernard,
UFR Xavier Bichat,
16, rue Henri Huchard, BP 416,
75870 Paris Cedex 18, France.
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> La leptine, produit du gène ob, est une protéine
de 16 kDa qui agit par des mécanismes centraux
pour contrôler l’équilibre énergétique. Outre le
tissu adipeux, d’autres organes dont l’estomac
produisent également la leptine. Les récepteurs
de la leptine ont été identifiés dans le tractus
digestif, notamment dans l’estomac, l’intestin,
le foie, le pancréas. Les études récentes suggè-
rent que la leptine gastrique puisse agir locale-
ment sur de nouvelles cibles pour contrôler les
fonctions intestinales d’absorption, de sécrétion
et de développement. De plus, elle pourrait jouer
un rôle dans la physiopathologie intestinale. Cet
article résume les données expérimentales sug-
gérant que la leptine soit une nouvelle hormone
du tractus gastro-intestinal. <
Article disponible sur le site http://www.medecinesciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/medsci/2004202183
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facteurs nerveux [10] et hormonaux activés par le repas
[8, 9]. Son expression est augmentée dans la gastrite à
Helicobacter pylori et dans les ulcères expérimentaux,
suggérant un rôle physiopathologique.
La leptine produite par l’estomac se distingue de la lep-
tine adipocytaire par sa mobilisation rapide au cours du
repas [11] et sa sécrétion principalement exocrine [8].
Ce pool gastrique de leptine, qui n’est pas totalement
dégradé dans le suc gastrique (même à pH 2), transite
par le duodénum sous forme libre et liée à des macro-
molécules de haut poids moléculaire [12] et atteint le
côlon sous forme biologiquement active. La différence
dans la cinétique de sécrétion postprandiale implique
des systèmes de régulation et des fonctions différentes
pour ces deux pools de leptine. La sécrétion rapide, à
partir du pool gastrique, servirait à la gestion efficace
de l’absorption intestinale des nutriments et la sécrétion tardive, à
partir du pool adipocytaire, à celle du stockage et de l’utilisation des
réserves énergétiques.
La présence des récepteurs de la leptine le long de l’intestin et leur
localisation à l’apex des entérocytes [13, 14] indiquent qu’ils sont des
cibles privilégiées de la leptine circulant dans la lumière intestinale.
Nous avons énoncé trois hypothèses
d’action dont deux impliquent des méca-
nismes paracrines: (1) la leptine gas-
trique passe dans la circulation porte,
est véhiculée jusqu’au foie elle
contrôle le métabolisme hépatique; (2)
la leptine gastrique agit localement dans
l’estomac en activant les afférences
vagales viscéro-sensitives pour produire
des signaux de satiété qui sont intégrés
et traités dans le système nerveux cen-
tral (SNC); (3) la leptine gastrique gagne
l’intestin elle interagit avec ses
récepteurs pour contrôler les fonctions
d’absorption, de sécrétion et de déve-
loppement de l’épithélium intestinal. La
suite de cet article détaillera particuliè-
rement les principaux résultats en faveur
des deux dernières hypothèses.
La leptine gastrique:
facteur de satiété
via une action neurocrine locale
Dès 1997, il avait été rapporté que la co-
administration périphérique de leptine et
de cholécystokinine (CCK), à des doses
qui n’ont pas d’effet sur la prise alimen-
taire, induisait une satiété précoce chez
la souris [15]. Cette action synergique
était dépendante de l’intégrité des fibres viscéro-sen-
sitives du nerf vague. L’identification de deux types de
fibres vagales sensibles à la leptine, dont le type 2
nécessitant pour son activation une sensibilisation
préalable à la CCK-8, renforçait l’idée selon laquelle le
nerf vague était le site d’action de cette interaction.
C’est ainsi que l’expression des récepteurs de la leptine
a été mise en évidence dans le ganglion plexiforme
contenant les corps cellulaires des neurones afférents
viscéro-sensitifs du nerf vague chez le rat [16] et chez
l’homme [17]. Ces récepteurs sont colocalisés avec le
facteur de transcription STAT3 (signal transducer and
activator of transcription 3), élément majeur de la
signalisation intracellulaire de la leptine. Il était alors
tentant de proposer un modèle d’action (Figure 2) dans
lequel la leptine gastrique libérée par le repas active
localement ses récepteurs situés dans les terminaisons
nerveuses pour induire des signaux de satiété transmis
au SNC par les afférences vagales. Ce modèle est en
accord avec les données montrant que l’administration
de leptine dans l’estomac augmente l’activité élec-
trique des neurones du faisceau du tractus solitaire
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Figure 1. Anatomie de l’estomac et immunohistochimie de la leptine gastrique. L’immunoréacti-
vité de la leptine est localisée dans la muqueuse fundique chez le rat et chez l’homme. A. Réac-
tion immunohistochimique dans la muqueuse fundique de rat avec un anticorps polyclonal anti-
leptine de souris (coupe fixée au paraformaldéhyde 4%). L’immunoréactivité de la leptine est
visible dans l’épithélium glandulaire, exclusivement dans le fond des glandes fundiques. Une
telle localisation correspond essentiellement à la distribution des cellules principales qui syn-
thétisent et sécrètent également le pepsinogène. B. Réaction immunohistochimique dans la
muqueuse fundique humaine (faible grossissement) avec un anticorps polyclonal anti-leptine
humaine (coupe fixée au paraformaldéhyde 4%). L’immunoréactivité de la leptine est visible
dans l’épithélium glandulaire, localisation similaire à celle observée chez le rat. C. Fort grossis-
sement de Bmontrant des cellules principales fortement immunoréactives à la leptine.
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(NTS) (principal site bulbaire de projection des affé-
rences vagales) et l’expression de la protéine c-Fos
(marqueur d’activité neuronale) dans le noyau paraven-
triculaire de l’hypothalamus [18]. Cette action locale de
la leptine gastrique amplifierait l’action des récepteurs
de la cholécystokinine CCK-1 précédemment décrits
dans le nerf vague, expliquant ainsi l’effet synergique de
la CCK et de la leptine sur l’activité neuronale du NTS et
sur l’induction précoce de la satiété.Cette action syner-
gique est renforcée par la capacité de la leptine d’aug-
menter les concentrations circulantes de CCK en acti-
vant sa sécrétion à partir des cellules endocrines I duo-
dénales [12]. Ainsi, dans les conditions physiologiques,
la leptine gastrique pourrait «autopotentialiser» sa
propre action sur la prise alimentaire en libérant la CCK,
un puissant peptide anorexigène.
L’expression de récepteurs de la leptine dans les neurones du nerf
vague pourrait avoir une signification physiologique importante. En
effet, une réduction du tonus vagal et sympathique et une altération
de l’expression de protéines gliales et neuronales comme la syn-
taxine-1 et la SNAP-25 (synaptosomal-associated protein of 25 kDa)
sont souvent décrites dans les modèles animaux d’obésité génétique,
déficients en système leptinique fonc-
tionnel. Ces protéines jouent un rôle
essentiel dans l’exocytose des neuro-
transmetteurs qui se fait par la fusion
de vésicules synaptiques à la membrane
présynaptique et donc dans leur libéra-
tion par les terminaisons présynap-
tiques. Bien que des travaux soient
encore nécessaires, il est raisonnable de
penser que ces altérations de l’activité
nerveuse sont liées à une diminution
et/ou à un blocage de la libération de
neurotransmetteurs dans la fente
synaptique, du fait de l’absence de sys-
tème leptinique fonctionnel.
La leptine digestive contrôle
l’absorption des nutriments
L’intestin est le site principal de l’ab-
sorption des nutriments. Dans l’intestin,
le chyme subit l’action du suc pancréa-
tique, de la bile, poursuivant les proces-
sus de digestion entamés par le suc gas-
trique. Les aliments ainsi dégradés en
éléments plus petits par les enzymes
pancréatiques et intestinales franchis-
sent la barrière intestinale soit par un
transport actif, soit par une diffusion
passive, soit par une diffusion facilitée
qui nécessite également des protéines de
transfert. Quelques données impliquent
la leptine circulante (reflet de la leptine
adipocytaire) dans la réduction de l’ab-
sorption intestinale des lipides [19, 20]
et des sucres [21]. À l’heure actuelle, la
leptine digestive n’a été impliquée que
dans le contrôle de l’absorption des pro-
téines [12].
L’absorption des résidus protéiques est
assurée par un transporteur dépendant
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SYNTHÈSE
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Figure 2. Modèle hypothétique d’action de la leptine gastrique. La leptine gastrique induit la
satiété postprandiale par deux voies d’action: une action neurocrine via l’activation de ses
récepteurs localisés dans les afférences viscéro-sensitives vagales et une action paracrine via
une augmentation de l’absorption intestinale des protéines par l’intermédiaire du transporteur
intestinal PepT-1. La leptine gastrique libérée par le repas (petits cercles roses) active locale-
ment ses récepteurs R-ob (cercles verts) situés dans les terminaisons nerveuses pour produire
des signaux de satiété transmis au système nerveux central par les afférences vagales. Les
signaux déclenchés par l’activation des fibres vagales sont intégrés dans le faisceau du tractus
solitaire (NTS). Cette action locale de la leptine gastrique amplifierait l’action des récepteurs
de la cholécystokinine (RCCK-1) expliquant ainsi l’effet synergique de la cholécystokinine (CCK,
petits cercles bleus) et de la leptine sur l’activité neuronale du NTS et sur l’induction précoce de
la satiété (la cholécystokinine est un facteur de satiété produit par les cellules endocrines
intestinales). À partir du NTS, les signaux se projetteraient dans le noyau moteur dorsal du nerf
vague (DMNX, siège des corps cellulaires des neurones moteurs) pour assurer un contrôle para-
sympathique des fonctions viscérales par un réflexe vago-vagal. Alternativement, ces signaux
pourraient se projeter dans le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (PVN) pour contrôler
la prise alimentaire. GP: ganglion plexiforme. CCK-8: extrémité carboxy-terminale biologique-
ment active de la cholécystokinine. La leptine présente dans la lumière jéjunale augmente l’ab-
sorption des di- et des tripeptides via le transporteur intestinal dépendant des protons, PepT-
1. Selon la théorie aminostatique [27], des changements dans la concentration plasmatique
des acides aminés sont détectés par le cerveau et influencent la prise alimentaire.
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des protons, PepT-1, qui transfère les di- et tripeptides
de la zone de faible activité dipeptidasique (lumière
intestinale) vers la zone de forte activité (cytoplasme
des entérocytes). PepT-1, dont le gène a été cloné en
1994, est une protéine de 80 kDa possédant
12domaines transmembranaires, dont une large boucle
hydrophile extracellulaire entre les domaines trans-
membranaire 9 et 10 [22]. PepT-1 est exprimé dans le
duodénum, le jéjunum et l’iléon. Il est absent de l’œsophage, de l’es-
tomac, du côlon et du rectum. Dans le jéjunum, il est le plus forte-
ment exprimé, PepT-1 est localisé dans la bordure en brosse avec un
gradient d’expression croissant suivant l’axe crypto-villositaire.
Chez le rat in vivo, l’administration de leptine dans la lumière jéjunale
augmente l’absorption des di- et des tripeptides via PepT-1 [13]. Ces
résultats ont été étayés in vitro sur les cellules Caco2 qui
se différencient spontanément en entérocytes et qui
expriment les différentes formes du récepteur de la lep-
tine. Cette action à court terme de la leptine résulte
essentiellement de la mobilisation du pool intracellu-
laire de PepT-1 à la membrane plasmique (Figure 3).
Dans les conditions physiologiques, cette action de la
leptine gastrique constituerait un nouveau mécanisme
par lequel la leptine contrôlerait les réserves énergé-
tiques. Dans les conditions physiologiques, elle favori-
serait notamment l’absorption intestinale des protéines
au détriment de celle des lipides. Le dérèglement de ce
mécanisme pourrait participer à la mise en échec du
système de régulation des réserves énergétiques et
conduire à l’obésité.
PepT-1 est également impliqué dans l’absorption intes-
tinale de médicaments à structure peptidomimétique
(inhibiteur de l’enzyme de conversion, antibiotiques de
la famille des β-lactames et certaines anti-protéases).
L’augmentation de son activité par la leptine intesti-
nale pourrait donner lieu à des développements tou-
chant à l’amélioration de la biodisponibilité des médi-
caments.
Rôle de la leptine dans les maladies
inflammatoires de l’intestin
Un des rôles émergents de la leptine est celui qu’elle
pourrait jouer dans la régulation de l’inflammation
intestinale [23]. En effet, les souris ob/ob déficientes
en leptine fonctionnelle sont résistantes à l’induction
d’une colite expérimentale. Cela est en parfait accord
avec l’altération des réponses immunitaires et inflam-
matoires observée chez ces animaux. Bien que l’admi-
nistration de la leptine convertit la résistance de ces
souris en susceptibilité, le caractère pro- ou anti-
inflammatoire de la leptine reste toujours discuté.
Une des caractéristiques des maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin (MICI) est la perturbation de
l’équilibre entre les cytokines pro- et anti-inflamma-
toires souvent associée à un important infiltrat inflam-
matoire et à une altération de la muqueuse colique. Or,
chez des sujets atteints de rectocolite hémorragique, la
leptine est détectée dans les lavages coliques à des
concentrations supérieures à celles retrouvées chez les
sujets sains [24]. Cette augmentation de la leptine
colique est associée à l’apparition d’un immunomar-
quage leptin-like dans les colonocytes. Un tel résultat
peut être rapproché de la capacité des cellules épithé-
liales à produire et à sécréter des cytokines participant
ainsi directement au développement de l’inflammation
intestinale. La présence des récepteurs de la leptine à
186
Figure 3. Mécanisme général du transport par le transporteur intestinal PepT-1 et
son contrôle par la leptine. Les di- et les tripeptides de même que les médica-
ments peptidomimétiques sont absorbés au pôle apical de l’entérocyte par un
cotransport avec un ion H+. Le gradient de protons est produit et maintenu par
un antiport Na+/H+dans la membrane de la bordure en brosse, grâce à un gra-
dient entrant de Na+. La Na+,K+-ATPase de la membrane basolatérale permet la
sortie active de Na+, ce qui réduit la concentration intracellulaire et permet
l’établissement d’un gradient entrant de Na+. La leptine gastrique atteignant la
lumière intestinale active les récepteurs de la leptine (R-ob) situés à l’apex des
entérocytes et stimule l’absorption intestinale des résidus protéiques via une
mobilisation du pool cytoplasmique du transporteur PepT-1 à la membrane. AA:
acides aminés.
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l’apex des colonocytes, et l’activation du facteur de
transcription NF-κB par la leptine dans les cellules
intestinales Caco-2, suggèrent que la leptine soit impli-
quée dans la physiopathologie des MICI. De plus, la lep-
tine contrôle l’absorption colique du butyrate, source
majeure d’énergie pour le colonocyte via la voie de la
β-oxydation.
Dans la lumière du côlon, les sucres complexes conte-
nus dans les fibres alimentaires sont dégradés par fer-
mentation bactérienne en acides gras à chaîne courte,
principalement en butyrate, en propionate et en acé-
tate. Dans les MICI, en particulier dans la rectocolite
hémorragique, la consommation de butyrate est dimi-
nuée de moitié, sans doute en raison d’une altération
de la capacité des colonocytes à absorber cet acide
gras. Le transport actif du butyrate est assuré par le
transporteur de monocarboxylates de type 1 (MCT-1).
Il a été montré que la leptine, appliquée au pôle apical
des cellules intestinales Caco-2, est capable d’aug-
menter l’absorption du butyrate via MCT-1 par des
mécanismes mettant en jeu une augmentation du pool
intracellulaire de MCT-1 et la translocation du com-
plexe MCT-1/CD147 à la membrane apicale des colono-
cytes [25]. Notons que l’interaction de MCT-1 avec
CD147 (appartenant à la superfamille des immunoglo-
bulines) est indispensable au ciblage de MCT-1 à la
membrane plasmique [26]. L’augmentation de l’ab-
sorption du butyrate par l’intermédiaire du complexe
MCT-1/CD147 est une donnée importante, car le buty-
rate a été impliqué dans la prolifération, la différen-
ciation et la mort cellulaires. Plus récemment, nous
avons démontré que la leptine empêchait la mort cel-
lulaire des cellules épithéliales intestinales induite par
le butyrate. Il est donc possible que l’altération du
contrôle de l’expression du complexe MCT-1/CD147 par
la leptine, dans les muqueuses inflammatoires, affecte
les événements intracellulaires contrôlant la proliféra-
tion et l’apoptose des cellules épithéliales coliques.
Une meilleure connaissance du rôle de la leptine
colique dans les MICI devrait permettre d’élaborer des
stratégies de thérapie pharmacologique utilisant la
production locale de leptine ou le blocage de son
action dans l’intestin par des probiotiques (bactérie
lactique ou flore intestinale modifiée, Lactobacillus...)
produisant des substances agonistes ou antagonistes
de la leptine.
Conclusions
Le rôle physiologique de la leptine produite par l’esto-
mac n’est pas encore totalement élucidé. Cependant, il
apparaît de plus en plus clairement que son rôle ne se
limite pas au déclenchement de la satiété postpran-
diale, mais concerne également le maintien de l’ho-
méostasie de l’épithélium gastro-intestinal en contrô-
lant ses fonctions de réparation-protection, de
développement, de sécrétion et d’absorption. À n’en
pas douter, une meilleure connaissance du rôle physio-
logique de la leptine digestive, de son statut dans
l’obésité et dans les maladies gastro-intestinales
devraient permettre d’engager des stratégies de déve-
loppement de molécules actives dans le traitement de
ces maladies.
SUMMARY
Paracrine actions of the stomach-derived leptin
Leptin, a 16 kilodalton protein-encoded by the ob gene,
is involved in the regulation of food intake, body com-
position, and energy expenditure through a central
feedback mechanism. Initially thought to be adipo-
cyte-specific, the ob gene, as well as the leptin recep-
tor, has been found in a variety of other tissues.
Relevant to this review, the leptin gene and its receptor
have been identified in the stomach, intestine, liver, and
pancreas. Recent data also suggest that gut leptin may
act locally within the gastrointestinal tract to influence
intestinal functions such as nutrient absorption and may
have a physiopathological implication. This review
emphasises the concept that leptin may be a new gas-
trointestinal hormone.
REMERCIEMENTS
Les travaux provenant de notre laboratoire ont été soutenus par
l’Inserm, l’APEX99 4X006E (A. Bado), Nestlé France SA,
l’Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC) et la Ligue
Nationale contre le Cancer, subvention 75/01-EDT/06. Les
auteurs expriment leurs remerciements à Jean-Pierre Laigneau
pour son aide précieuse dans la réalisation des illustrations.
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SYNTHÈSE
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M. Buyse
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