En cas de citation, merci d’indiquer la source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad
4
Quelle différence y a-t-il — se demande par exemple Boncinelli — entre les êtres inanimés et ceux
vivants ? Que les premiers — répond-il — sont mûs, alors que les seconds se meuvent. Ce qui devrait
impliquer au moins que, pour comprendre la nature intrinsèque de la vie, (du temps et de l’énergie), il
faudrait comprendre la nature intrinsèque du mouvement. Boncinelli dit cependant : « Deux choses
sautent aux yeux : les êtres vivants ont, à la différence de la matière inanimée, d’une part une activité
autonome soutenue dans le temps et, de l’autre, une certaine réactivité ». Et il ajoute : fait de toute
manière défaut « au jour d’aujourd’hui, une définition rigoureuse du vivant ». Une telle admission,
toutefois, ne l’empêche pas d’affirmer ce qui suit : « On sait aujourd’hui que les êtres vivants sont
essentiellement des moteurs — mécaniques, thermiques, chimiques ou électrochimiques — qui
prennent à leur environnement une énergie de bonne qualité et le lui restituent dégradée. Le solde actif
de cette transformation est utilisé pour soutenir leur activité incessante, le gros duquel est finalisé pour
se maintenir en vie, une certaine portion pour se multiplier et une autre portion pour transformer, plus
ou moins sensiblement, leur environnement »
10
.
Mais si l’on admet — comme nous avons vu — « qu’au jour d’aujourd’hui fait défaut une définition
rigoureuse de la vie et du vivant », comme fait-on alors pour affirmer que les « être vivants sont
essentiellement des moteurs » ? [
Par absence de logique, les scientifiques modernes n’ayant pas été appris à « penser
correctement », ndt
] Il faut espérer, cependant, que Boncinelli n’ait pas eu l’intention d’affirmer, avec
ceci, que le « gros » d’un tel « solde actif » soit consommé par tous les êtres vivants de la même façon :
à savoir qu’il n’ait pas eu l’intention d’affirmer qu’aussi l’activité des « moteurs humains »
s’exaucerait dans le manger ( dans le « se maintenir en vie »), dans le se reproduire (dans le « se
multiplier ») et dans le travail (dans le « transformer plus ou moins sensiblement, le milieu
environnemental » ). Dans le cas où son docte travail ne fut pas ainsi, il ne ferait rien d’autre, en effet,
qu’aboutir à la même conclusion à laquelle était déjà parvenu cet inconnu rimailleur qui — en réponse
à l’interrogation autour du sens de la vie — nous a transmis les vers suivants et sublimes : Si lavora e si
fatica / Per il pane e per la f…[On travaille et on se donne la peine / pour le pain et pour la b…] Il faut
dire de toute manière, plaisanterie à part, que la manière dont Boncinelli traite les êtres vivants est en
tout cas meilleure que celle dont les traite Jacques Monod. Que fait en effet, ce dernier ? Il affirme
d’abord que la géométrie caractéristique des cristaux « reflète les interactions microscopiques internes
à l’objet lui-même » et il invite ensuite le lecteur à se demander « si les forces internes, qui confèrent
aux êtres vivants leur structure macroscopique, n’ont pas par hasard la même nature des interactions
microscopiques des morphologies cristallines »
11
. L’interrogation est sans doute conséquente, mais
c’est la prémisse qui pourrait être erronée. Qui a dit, en effet que les forces qui confèrent leur
caractéristique géométrique aux cristaux soient internes, et non pas externes ? Que l’on pense, par
exemple, aux empreintes laissées sur le sable par les pieds. Sont-elles « internes » aux empreintes, les
forces qui en engendrent et en détermine la forme ? Mais ceci, n’intéresse pas grandement Monod. Ce
qui le presse, c’est en effet, de pouvoir utiliser une telle prémisse pour parler ensuite des êtres vivants
comme de simples « machines qui se reproduisent »
12
.
Boncinelli écrit : « Ce que cela signifie se maintenir en vie, n’est pas encore clair du tout. Font défaut,
au jour d’aujourd’hui une définition rigoureuse de la vie et du vivant, mais il est assez évident qu’elle
devra inclure au moins la notion de masse de matière organique physiquement séparée du reste du
10
E. Boncinelli : Le cerveau…, p.9.
11
J. Monod : Le hasard et la nécessité — Mondadori, Milan 1997, p.15. [
J. Monod (1910-1976) est l’un des trois chercheurs (avec F.
Jacob & A. Lwoff) ayant reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1965, pour leur découverte de la régulation génétique cellulaire et de l’ARN
messager. ndt
]
12
Ibid., p.17. [
Hors du prix Nobel, qui sanctionne ses travaux biochimiques magnifiques en soi, la compétence de jugement philosophique s’amenuise
fortement sur les autres domaines chez des chercheurs qui n’ont fait que de la biochimie pendant toute leur carrière, car ils se mettent alors à regarder le
monde sous le filtre réductionniste de leurs résultats scientifiques. ndt
]
En cas de citation, merci d’indiquer la source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad